Du petit personnel s’activait depuis quelques heures dans la villa du manchot. Il ne recevait plus très souvent et quand il le faisait, il insistait pour mettre les petits plats dans les grands. En ce douce soirée, il accueillerait Shirokuma, l’un des membres du triumvirat Akayuki. Il connaissait le jônin depuis son plus jeune âge, quand il n’était pas encore membre du clan et que Soren avait décidé de l’adopter. S’il était une chose certaine, c’était bien que l’enfant avait énormément grandi. Aujourd’hui, il avait la même place qu’Ogawa et il était certainement plus puissant que lui. Contrairement au rouquin, Shirokuma était naturellement doué, bien plus que son ainé. Pour cette raison, le quadragénaire avait tant de l’admiration que de la jalousie le concernant. Ensemble ils travaillaient de concert dans l’intérêt du clan. Leur relation était quasiment celle d’un oncle et d’un neveu. En effet, le manchot ayant toujours vu Soren comme un frère, il était normal qu’il voit en son fils son propre neveu. Bien qu’il soit au fait de certains des actes les plus répréhensibles de l’ivrogne, il ne semblait pas lui en tenir rigueur ni le priver de son affection et pour cela, Ogawa l’en remerciait chaleureusement. Contrairement à ses enfants, Shirokuma ne lui avait pas tourné le dos à cause de ses fautes.
Un grand cuisinier du village s’était affairé à préparer un repas digne de véritables seigneurs et le meilleur sommelier avait été embauché. Quelques jolies femmes s’étaient ajoutées au tout pour le service. Comme souvent, Ogawa n’avait pas été regardant concernant ses dépenses. Pourquoi le serait-il après tout ? Cela faisait bien longtemps qu’il baignait dans l’argent sans en avoir de réelle utilité. Les affaires étaient prospères et ses dépenses mensuelles étaient dérisoires. Que ferait-il de son pactole une fois dans la tombe ? Ses enfants s’emblaient se moquer de ses ryos alors autant les dépenser.
Chose assez rare pour être soulignée, le triumvir enfila un kimono en soie noir et rouge pour recevoir son homologue. Il laissa dans sa chambre son célèbre chapeau de paille et coiffa sa longue tignasse rousse. Il voulait faire bonne impression, ce qu’il faisait finalement assez rarement. Il avait constaté que de sembler normal, plus proche du peuple et de ne pas montrer sa fortune de manière exubérante était bien meilleur pour les affaires. Du moins avec une majorité de personnes, la règle était bien sûr loin d’être absolue. Lorsque l’on annonça l’arrivée de l’Akayuki à Ogawa, il se rendit avec hâte à sa rencontre.
« Shirokuma ! Ravi de te voir mon garçon, entre donc. »
S’avançant au niveau du jônin, le triumvir le prit dans son bras et l’enserra dans une étreinte puissante. Lorsqu’il s’écarta, Ogawa porta sa main sur l’épaule la plus proche du shinobi et le guida à l’intérieur comme si c’était la première fois qu’il venait. Sur leur chemin, plusieurs servantes s’inclinèrent avec respect devant Shirokuma. Le père de famille mena son neveu dans le salon où il désigna de l’index un sofa confortable. Pour sa part, il alla s’installer dans son fauteuil fétiche.
« Un whisky s’il vous plaît, demanda-t-il au sommelier qui acquiesça sobrement. Qu’est-ce que je peux t’offrir ? »
Pour un alcoolique et un homme d’affaires tel qu’Ogawa, une bonne discussion ne pouvait que commencer auprès d’un bon verre. Il aurait été impoli de refuser mais il doutait que Shirokuma le fasse. Après tout, qui n’aimait pas le bon vin et la bonne chair. Certes, dans le cas présent il s’agirait d’un spiritueux des plaines fertiles de vingt ans d’âge, mais l’idée restait la même au fond. Droit comme un « i », le sommelier attendit avec attention la commande du triumvir.
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Akayuki Shirokuma
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Durant de longues minutes, Shirokuma était resté assis, sur une rambarde, en haut d'un toit, non loin de la demeure de son oncle. S'il y avait assez rarement de véritable lien du sang, dans le clan des Akayuki, ses membres n'en étaient pas moins fortement liés les uns aux autres, ce qui était d'autant plus vrai pour le plus jeune des Triumvir. Celui-ci avait une corde sensible, pour chacun de ses confrères, ce qui pouvait parfois le mettre dans de délicates positions. S'il les considérait tous comme ses cousins, soeurs et tantes, il y avait tout dem ême certaines personnes avec qui ce lien était plus prononcé que les autres et, aujourd'hui, il avait un rendez-vous tout ce qu'il avait de plus officiel, avec l'un d'entre eux : Akayuki Ogawa, que l'Ours avait toujours considéré comme son oncle, en raison de la relation que l'alcoolique entretenait avec Soren. Ce n'était pas un homme mauvais, mais ce n'était pas non plus quelqu'un de bon. Ogawa était torturé, en proie à des démons, à qui il laissait mener la danse, depuis de longues années. Les rumeurs qui avaient circulé, par rapport à la maltraitance dont il avait pu faire preuve à l'encontre de sa défunte femme et de leurs enfants, avaient fait enrager Kuma lorsqu'elles étaient parvenues à ses oreilles mais, malgré tout, il ne pouvait se résoudre à haïr le vieil homme.
Il avait toujours été très correct avec son neveu, malgré toutes les médisances. Tout au long de la descente aux Enfers de Soren, Ogawa avait été une épaule sur laquelle il avait pu se reposer, là où les jugements de ses pairs s'étaient faits incisifs, il n'avait pu voir que le respect et la tendresse d'un homme bourru et maladroit, ce qui avait touché son jeune coeur. Si le scandale dont il avait été le sujet était loin de laisser le martialiste de marbre, il s'était refusé à antagoniser son oncle, en ayant qu'une seule partie de l'affaire. Qu'il s'agisse de loyauté, du remboursement d'une dette ou de déni n'était, selon lui, pas important. Sans soutien, quelqu'un d'aussi torturé ne pouvait que s'enfoncer davantage dans les ténèbres, sans aucun espoir de pouvoir un jour revoir la lumière. Il n'excusait en aucun cas ses actions, mais s'il pouvait servir de torche, pour le tirer des sombres tunnels de sa dépression, il ne pouvait pas décemment l'abandonner. Malgré son âge avancé, le marchand lui rappelait la jeune Kalida sur bien des points et le plus récent du trio de chef faisait de son mieux, pour les aider à réaliser leur potentiel, plutôt que de les laisser s'adonner à leur auto-destruction.
Aujourd'hui, comme chaque mois, son aîné l'avait invité à une réunion de courtoisie entre dirigeants Akayuki. Comme chaque mois, Kuma y allait à reculons, en proie à ses habituels conflits internes. Ogawa était un véritable produit authentique de Suna. Rongé par l'horreur de guerres incessantes et l'histoire sanglante de leur sombre monde. Malgré tous les torts de son parent, l'ourson y voyait, de manière totalement inconsciente, une âme à sauver, un symbole autant pour Soren que Suna dans son intégralité. Un moyen de le conforter dans ses espoirs. Comme si réussir à sortir Ogawa de sa spirale destructrice signifiait qu'il n'y avait pas de cause perdue. Une preuve que même des vestiges meurtris, par une époque dépassée, pouvaient encore s'engager dans le futur. Cesser de s'accrocher aux erreurs du passé.
L'heure du rendez-vous approchait et Shirokuma finit par descendre de son perchoir, pour s'engager sur la propriété luxueuse. Même si leur statut était équivalent, leur train de vie n'avait rien à voir. L'opulence dans laquelle vivait son aîné représentait les excès dans lesquels certains se lançaient, pour camoufler leur mal-être. Le trentenaire n'était pas dupe. Ce ne devait pas non plus être le cas pour Ogawa, malgré les facades qu'il pouvait monter. Une fois annoncé au personnel, il les suivit jusqu'au maître des lieux, les mains croisées respectueusement dans le dos.
« Bonsoir, Oji-san. » Répondit-il, avec un sourire en demi-lune. « Comme d'habitude, je ne suis pas habillé à la hauteur de l'occasion. »
Il portait une tenue souple et ample, de bonne qualité, entièrement noire à l'exception de quelques brodures et cordes tressées dorées. Un bon compromis entre confortable et protocolaire, pour ce genre d'entretien. Shirokuma se laissa étreindre et y répondit même d'une tape tendre dans le dos de son homologue. Ces actes de douceur l'avaient toujours étonné depuis son plus jeune âge, venant de quelqu'un qui paraissait si patibulaire, malgré ses pitreries de scène, mais c'était aussi un signe qu'il n'était pas foncièrement mauvais. Se laissant guider à l'intérieur, jusqu'au salon, l'Akayuki remarqua que, comme d'habitude, tonton avait fait dans la démesure. Kuma restait tout de même imperturbable, au moins en surface et se contenta d'aller s'installer sur le sofa qui lui avait été désigné, en se mettant à l'aise, repliant sa jambe gauche pour la poser sur son genou droit. Comme toujours, il fallait jouer le jeu, dans la mesure du raisonnable et donner le change, pour maintenir une entente cordiale. Toutefois, comme à chaque fois qu'ils se retrouvaient autour d'une table, le bon vivant ne tarda pas à demander un verre et à proposer la même chose à son neveu. Il n'avait pas touché à la moindre goutte d'alcool depuis ses dix-huit ans, mais à chaque fois, tout souvenir semblait s'évaporer de l'esprit du roux.
« Avec plaisir. » Acquiesca le jonin, en se penchant vers l'avant. « Un lait de chèvre serait parfait. » Précisa-t-il, à l'attention du sommelier qui devait être habitué à ses extravagances.
Lui qui cultivait un esprit sain dans un corps sain, s'amusait de l'affection qu'il portait à son extrême opposé. Il chercha à capter son attention, plantant son regard dans le sien, dépliant les jambes pour se rapprocher sur le bord de son siège.
« Je vois que les affaires marchent toujours aussi bien... » Souligna l'ourson, avec un léger haussement d'épaule. « On va en avoir bien besoin. Les choses vont commencer à bouger, d'ici peu. »
Il savait avoir affaire à un patriote, qui avait maintes fois montré qu'il pouvait tout faire pour le bien du village. Toutefois, il ignorait encore où se trouvait réellement son allégeance et ses convictions politiques. L'aspect militaire était encore profondémment chéri par nombre d'anciens guerriers, hauts dignitaires ou chefs de clan. L'armée était encore la valeur sûre aux yeux de beaucoup, la seule à prendre en compte, pour juger de la puissance d'un village ou d'une nation. Il pensait bien son oncle plus sage que la moyenne du Sunajin, mais c'était un sujet qu'il avait jusqu'à présent religieusement évité, préférant se focaliser sur le commerce à l'état pur. Plus les choses avançaient, cependant, plus il devenait important de s'assurer d'avoir bien placé ses pions, pour pouvoir suivre.
« De quoi relancer le village et le clan sur les chapeaux de roues, à mon humble avis. » Ajouta Kuma, avant de reprendre une posture plus confortable, avant de chambrer doucement son interlocuteur. « Mais regarde-moi, je digresse déjà ! Tu dois avoir beaucoup de choses à me dire, pour commencer directement avec tes bonnes bouteilles ! »
Tous les mois, absolument à chaque fois que Shirokuma rendait visite à son oncle adoptif, ce dernier oubliait qu’il ne buvait pas d’alcool. Malgré tout, il lui proposait toujours de prendre un verre. Pourtant, Ogawa avait bonne mémoire et il ne cherchait ni à se moquer de son neveu ni de l’inciter à se saouler. Il n’arrivait tout bonnement pas à assimiler cette information, aussi étrange que cela puisse être.
« Ah oui, c’est vrai. » répondit-il presque pour lui-même.
Commander un lait de chèvre, franchement, ça n’était pas digne d’un triumvir. Heureusement que c’était le manchot et non son jeune homologue qui s’occupait du commerce au sein du clan. Comment aurait-il pu espérer conclure une vente sans que l’alcool ne coule à flots ? Tel était le monde des affaires et ce n’était pas du fait de l’ivrogne roux. Ce qu’il ne voyait pas, c’était que l’hygiène de vie parfaite de Shirokuma le rendait bien plu apte à gérer la section shinobi du clan. Tout était donc à sa place et personne n’avait à se plaindre. Hormis bien sûr de ce cher Shiro, héros du clan relégué à la gestion de l’éducation et qui n’avait de cesse de lorgner sur la position du fils de Soren. Comme quoi, même au sein des Akayuki il pouvait y avoir quelques tensions.
Ogawa leva son verre à la santé des siens en jetant un regard sympathique au jônin. L’instant d’après, il commençait la dégustation de son spiritueux. Ses paupières se fermèrent de plaisir tandis qu’il appréciait les saveurs puissantes de ce whisky hors de prix. Les rouvrant, il prêta attention aux paroles de Shirokuma et y répondit d’un léger ricanement.
« Comme toujours mon garçon, comme toujours. »
Un détail intrigua cependant le manchot. Que voulait-il dire par le fait que les choses ne tarderaient pas à bouger ? Tel était pourtant déjà le cas. La conquête en cours était un bel indicateur de cela. Même s’il resta assez impassible face à cette remarque, le triumvir ne la manqua pas et la rangea soigneusement dans un coin de son esprit. Shirokuma voulait lui parler de quelque chose, il le connaissait assez pour en être sûr. Bien sûr, étant coutumier de ce genre de discussions, Ogawa le laisserait venir doucement à lui, rien ne le forçait à le brusquer. Le rouquin se contenta de hocher la tête.
« Je doute que la formulation soit bien adaptée, le clan se porte déjà merveilleusement bien. Nous avons conclu récemment une entente avec les nobles Musashi de l’oasis situé à Nunakita. J’y avais d’ailleurs fais la rencontre d’un jeune jônin particulièrement prometteur. Enfin, pour le coup c’est moi qui m’égare à présent. »
Le quadragénaire rigola quelques secondes. Son verre toujours bien en main, il en prit une petite gorgée. Hors de question qu’il se mette la tête à l’envers en compagnie de son neveu. Ce soir, il allait boire en quantité mais avec la plus grande parcimonie. S’il était admis que le jônin était un véritable ivrogne, ce n’était plus pour autant un enfant et il savait en partie se contrôler, du moins temporairement.
« Pour tout te dire Kuma, je suis sur un nouveau gros projet. Bien plus ambitieux que les précédents. J’ai affrété un navire dans la région voisine et la caravane sera prête à partir d’ici quelques jours. La chose n’est pas officielle et elle ne doit pas sortir du clan, raison pour laquelle je n’en fais part qu’à toi, en dehors bien sûr des hommes qui m’accompagneront. Nous partons pour l’Isthme du gel, si tu vois ce que je veux dire. »
Un large sourire aux lèvres, l’ivrogne s’installa plus confortablement dans son fauteuil préféré. Il aimait parfois faire un peu de spectacle lors de simples conversations et estimait que laisser deviner le tout à son neveu était bien plus amusant. Shirokuma était loin d’être un idiot. Il aurait tôt fait de faire le rapprochement entre ladite région et le célèbre clan Chinoike, autrefois massacré par les terribles Uchihas. Ogawa espérait que son jeune compère saurait voir tout l’intérêt de cette tentative de rapprochement entre Suna et ce clan au destin tragique.
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Akayuki Shirokuma
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Même avant qu'il ne banisse toute substance récréative, Kuma n'avait jamais réellement compris l'intérêt de relier l'alcool et les affaires. Cette contrainte sociale lui avait toujours semblé être contre-productive, lui qui préférait avoir l'esprit clair, pour parler affaire. Fort heureusement, il avait traité avec des partenaires commerciaux relativement compréhensif, dans la plupart des cas, même si certains insistaient pour le servir malgré tout, qu'il touche ou non à sa coupe, pour respecter leur code archaïque. Certaines portes s'étaient également fermées à lui, indubitablement, mais il savait généralement bien plaider sa cause et valorisait avant tout une certaine ouverture d'esprit, lorsqu'il cherchait à marchander. Après tout, pour les gros bonnets les plus anciens, ceux de la vieille école, il y avait un autre représentant du clan, qui était là pour s'en charger, ce qui était loin de déplaire au benjamin du Triumvirat.
L'Ours haussa négligemment les épaules, face à l'étourderie de son oncle, lui laissant tenir un moment la conversation, en attendant son verre. Une fois celui-ci arrivé, il le sirota en suivant la conversation, qu'il ponctuait de généreux hochements de tête. Ogawa avait beau posséder sa part de défauts et autres lacunes, il restait un leader relativement responsable et fiable, pour gérer les domaines dont il avait la charge. Il apportait une bonne balance au trio bien disparate des deux Shiro, tout en restant un soutien sur lequel pouvait se reposer son neveu. Même si leur façon d'aborder les choses n'étaient pas toujours si différente, leur façon de l'interpréter et de l'exprimer générait souvent des quiproquos, entre leurs générations.
Kuma avait suivi les avancées du quadragénaire avec attention, même s'il était loin de connaitre toutes les subtilités de ses négociations... Très honnêtement, il n'avait pas vraiment envie de s'en mêler. S'ils pouvaient parfois bien se compléter, il pouvait aussi leur arriver de se mettre des bâtons dans les roues. Dernièrement, le jeune homme avait été bien occupé, entre ses différentes responsabilités envers le village, qu'il se devait de remplir de son mieux. Reposant son lait sur la table, il esquissa un sourire, en acquiescant docilement, avant de réagir.
« Ah oui ? Il ne chercherait pas une équipe, par hasard ? » Relança-t-il, avant de se recentrer sur le sujet des Musashi. « J'en ai vaguement entendu parler, mais j'attendais ta version des choses. »
Sans détourner le regard, Kuma remarquait tout de même l'allure à laquelle son aîné attaquait son verre. Raisonnable. Il y avait beaucoup de rumeurs, beaucoup de préjugés parfois, en raison du passé tumultueux d'Ogawa. Malgré tout, en présence de son neveu, il avait toujours été plus que respectueux et, en dehors de son humour parfois douteux, restait un bon exemple à suivre, sur bien des aspects. Même s'il avait toujours eu un point de vue très tranché sur la plupart des vices de son oncle, il avait toujours su respecter le fait que celui-ci connaissait ses travers, ses faiblesses et dans la majorité des cas, il ne se laissait pas encombrer par ces derniers. Ca, ou bien il s'agissait tout simplement de ce qu'il voulait bien laisser paraitre à son entourage.
Shirokuma n'avait jamais eu l'occasion de vraiment connaitre sa tante et ses cousins plus que ça. Il regrettait amèrement de ne pas avoir été plus présent dans leur vie, comme s'il avait pu réparer les pots cassés, avant qu'il ne soit trop tard. Une part de lui, enfantine, nourrissait une certaine rancoeur, envers les enfants qui avaient choisi de se détourner de leur père. Pour l'ourson, qui n'avait pas eu le choix que de se retrouver séparé du sien, par un sinistre coup du destin, il était difficile de rester objectif, à propos de toute l'affaire... Une autre part du shinobi se doutait pertinnement qu'il y avait anguille sous roche, que l'histoire de cette branche de la famille possédait ses parts d'ombres et de trauma, sur lesquels il n'était pas certain d'avoir le courage de s'attarder. Avec davantage de support, davantage de soutien, les choses auraient-elles pu tourner autrement..?
Le flot des mauvaises habitudes pouvait parfois être un véritable torrent, dont il semblait être impossible de se dégager, jusqu'à se retrouver emporté dans une interminable dérive... Mais avec une corde solide, une bouée salvatrice... Non, ressasser le passé était inutile. Les erreurs déjà commises ne pouvaient être annulés, mais il pouvait s'échiner à les réparer, les colmater de son mieux. Bien que perdu dans ses pensées, il n'en restait pas moins attentif aux nouvelles que lui apportait l'aïeul, finissant même par lever un sourcil interrogateur, par rapport à ce gros projet. Une fois les Yuki écartés, pour une raison évidente, L'isthme du gel lui fit immédiatement penser aux Chinoike, auxquels il s'était longuement intéressé dans l'idée de les attirer à Suna, mais avait dû se résigner, incapable de trouver une approche efficace. La possibilité d'un tel accord n'était pas rien et le jeune homme poussa un sifflement admiratif, avant qu'il ne porte à ses lèvres le bout de son index et de son majeur, collés l'un à l'autre, pour mimer une fermeture éclair.
« Le climat va bien te changer ! Ca ne sortira pas de cette maison, tu me connais. » Assura-t-il, en appuyant ses propos d'un mouvement de tête. « Tu penses pouvoir négocier avec des Chinoike ? C'est sûr qu'ils pourraient nous apporter beaucoup, mais qu'est-ce que tu vises, plus précisément ? Un accord commercial..? »
Pour quelqu'un de versé dans la médecine, tel que lui, un rapprochement avec un tel clan était une opportunité qu'il accueillait avec plaisir. Il était loin de connaitre toutes les subtilités de leur Kekkai mais savait que celui-ci reposait sur la manipulation du sang. Les opportunités que cela pouvait ouvrir suffisaient, à elles seules, à rendre l'affaire intéressante. Reprenant quelques gorgées de lait, il garda son verre en main, en plissant les yeux, avec un air taquin.
« Tu ne t'es pas moqué de moi, avec ton "gros projet". Attends, ce n'est pas juste un moyen d'esquiver mes sparrings à répétition, j'espère ? Il ne suffira pas de s'échanger des canons, pour passer un accord avec eux. » Ironisa le jeune homme, avant de reprendre un air plus sérieux. « Ca reste un sacré périple, dans tous les cas, j'espère que tu as prévu une bonne équipe... Je regretterais qu'il t'arrive quelque chose, à toi aussi. »
Son ton s'était fait plus morose et sérieux qu'il ne l'aurait souhaité. Le trajet était long et pouvait s'avérer périlleux, aussi loin de leur zone de confort. Il admirait les initiatives de son oncle, qui ne cessaient de démontrer l'habileté qui venait avec son expérience. Malgré tout, il ne pouvait s'empêcher de s'attendre à toutes les éventualités... Se retrouver à gérer les décisions claniques avec le dernier du trio ne l'enchantait pas plus que ça non plus.
« Ca va te prendre combien de temps, pour l'aller-retour ? » Essaya Kuma, en s'efforçant de redevenir le plus neutre possible.
Toujours merveilleusement bien installé, le manchot prit une autre petite gorgée de whisky et posa lentement son verre sur la table basse proche tandis qu’il écoutait son neveu. Sa première question laissa l’ainé interrogateur. De ce qu’il savait, les deux Nozomo formaient déjà une équipe. Quelle était son nom déjà ? Il n’arrivait plus à s’en souvenir. Quelque chose en rapport avec un animal légendaire peut-être ? Mais oui bien sûr, c’était ça !
« Il est membre de la team Tanuki. Pour ce que j’en sais, ils sont au complet. »
Comme cela était à prévoir, l’évocation de la prochaine destination du vieux triumvir ne laissa pas son homologue indifférent. Il n’eut guère de mal à comprendre que le clan Chinoike était le véritable objectif d’Ogawa, ce à quoi il lui répondit avec un léger clin d’œil. Ses questions et ses doutes étaient légitimes mais le rouquin était confiant et il ne partait pas en touriste.
« Je pense être parti au moins deux ou trois bonnes semaines. Le temps du voyage et des négociations, cela prendra un peu de temps c’est certain. »
Mieux valait prévoir large histoire de ne pas dire de bêtises. L’isthme du gel était littéralement à l’autre bout du monde pour les sunajins. Jamais Ogawa n’avait fait un tel trajet et il n’était pas habitué aux voyages en mer mais il estimait ses estimations bonnes.
« Je ne serai pas seul, sois rassuré. Quelques autres shinobis du clan m’accompagneront, moi et les caravaniers qui seront du voyage. »
Ogawa se garda bien de lui dire qu’il était de toute façon suffisamment confiant en ses propre capacité et sa puissance pour pouvoir revenir en vie si les choses venaient à se compliquer. De toute façon, rien ne présageait qu’une telle chose pouvait arriver. Les Chinoike n’avaient pas la moindre raison de vouloir tuer un envoyé de Suna, cela aurait été une absurdité sans nom.
« Quant à ce que je désire de ce clan, ce n’est évidemment pas un accorde commercial. L’isthme est une région pauvre et en dehors de ses fourrures, que l’on peut trouver moins loin et d’aussi bonne qualité, il n’y a pas grand-chose d’intéressant. Non, je ne veux pas commercer avec eux, ce que je cherche à créer, c’est une relation de confiance et d’amitié. Mon but est de faire de Suna et du clan Chinoike des alliés. Tu n’es pas sans savoir que Konoha et Uzushio se sont déjà rapprochés. Si l’on rajoute cela au climat difficile de la géopolitique actuelle, nous sommes en danger, seuls contre tous. Si nous obtenons le soutien des habitants du gel, nous prendrons littéralement nos ennemis potentiels en tenaille. »
L’air grave, Ogawa reprit son verre, qu’il vida cette fois d’une traite. Toussant légèrement il le fit ensuite tourner entre ses doigts, son regard profondément plongé dans celui de son neveu adoptif.
« Nous devons devenir plus puissants, non pas pour la guerre, mais pour l’empêcher. Cette alliance représenterait une formidable dissuasion. Même si nous sommes actuellement isolés, notre armée est grande est réputée. Conjuguée à des forces étrangères, elle deviendrait une force terrifiante. Voilà ce que je cherche à faire là-bas, obtenir l’amitié et la confiance de ces gens dans le but de signer à terme un traité de protection mutuel. Senshi n’aura jamais de ma part le moindre outil pour déclarer un conflit armé, mais je suis disposé à l’aider à nous tenir loin de ces absurdités. La guerre est néfaste pour le commerce et terriblement coûteuse en vies humaines, il n’y a rien de pire et nous sommes tous les deux bien placés pour le savoir. »
Pour conclure sa phrase, le triumvir jeta un regard ostensible au moignon de son bras gauche dorénavant absent. Il avait perdu un membre à la guerre, et les traumatismes que le conflit avait laissé chez lui l’avaient conduit plus tard à tuer sa femme et détruire les liens qu’il entretenait avec ses enfants. Quant à Shirokuma, il avait perdu son père des suites du conflit en question. Qui mieux que lui pourrait comprendre la démarche d’Ogawa ? Fort de peu des sunajins seraient en accords avec le rouquin, mais il s’en moquait, et c’était bien la raison pour laquelle il faisait cavalier seul sur ce coup là. Qui plus est, il doutait que les Chinoike aient envie de se lancer dans des guerres futiles et meurtrières. Ils avaient déjà lourdement payé le prix du sang, bien plus que quiconque. Une alliance défensive était certes envisageable, mais guère plus.
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Akayuki Shirokuma
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Lorsqu'il entendit le nom de la team Tanuki, Kuma ne mit pas longtemps à faire le lien avec les Nozomo, sur qui il s'était déjà renseigné autant que faire se pouvait, espérant grandement se mettre dans leurs bonnes grâces, depuis leur retour de leur rencontre, avec la délégation de Konoha. Les deux frères étaient prometteurs et l'Ours supposait qu'ils n'avaient pas fini de faire parler d'eux, au sein de leur beau village, voire même bien au-delà. Avec un rire décontracté, le ninja se frappa, à deux reprises, la paume gauche contre son genou, avant de claquer des doigts, pour symboliser sa déception.
]« Aaaaah, la team Tanuki ! C'est quelque chose, cette paire de Nozomo, effectivement. Je suis loin d'être au niveau pour les recruter, de toute façon. » Avoua-t-il, avec un haussement des épaules. ]« L'avenir leur réserve de grandes choses ! »
Les éléments brillants, dans le village, il y en avait un certain nombres. Dans la mesure du possible, l'Akayuki avait toujours fait en sorte d'apprendre à les connaitre, les aborder, pour voir ce qu'ils valaient, leur façon de voir leur profession et l'avenir de leur village. Il cherchait les éléments qui brillaient, au milieu même des pierres précieuses. Ceux qui avaient le potentiel de dépasser les attentes que l'on pouvait leur placer dessus, autant d'un point de vue militaire que politique. A bien des égards, Yukio et Hayato étaient un parfait duo, pour prétendre à une telle position. Le moment venu, l'Ours espérait simplement qu'il les aurait de son côté, car se les mettre à dos pouvait risquer de mettre un sérieux frein à ses projets, s'ils venaient à s'y opposer.
La discussion retourna rapidement sur le départ imminent de son oncle, pour qui il avait peut-être trop souvent tendance à s'inquiéter. Il savait bien que, sous ses airs de ne pas y toucher et malgré son bras fantôme, le vieil homme était un vétéran d'élite, qui n'avait jamais eu à rougir sur le terrain. Toutefois, si l'équilibre de Suna venait à tanguer, Kuma aurait été rassuré de le savoir disponible, au cas où. Si les prévisions de son aîné étaient correctes, son absence n'allait pas s'étendre sur une trop longue durée... A condition qu'il n'y ait pas d'imprévu. En dehors (ou en plus) des Chinoike, Kuma craignait davantage la présence de quelques organisations crapuleuses ou bandits de grands chemins suffisamment entrainés ou nombreux, pour poser une réelle menace. Kuma leva sa main libre en avant, en sirotant timidement sa boisson.
]« Je ne me fais pas de souci, va. C'est juste qu'on ne peut jamais vraiment anticiper ce qui peut se passer, au cours d'un tel voyage. » Songea le neveu à voix haute.
En entendant la suite du programme, de la bouche même d'Ogawa, le jeune homme arqua un sourcil intéressé, alors que ses lèvres s'étiraient avec ravissement. Il hocha docilement la tête, en entendant les noms des autres autres villages cachés, avant de s'appuyer contre le dossier de son siège. Même si les détails différaient, les grandes lignes, entre les projets des deux parents d'adoption, restaient grossièrement les mêmes. Kuma avait également pensé à renforcer la puissance militaire de leur village, pour en faire une force de dissuasion, capable de forcer l'arrêt des conflits ou au moins, de les limiter, mais la plupart de ses tentatives étaient tombées à l'eau, avant qu'il ne se tourne vers un autre aspect tactique.
Là où il avait échoué, c'était donc son oncle, qui reprenait le flambeau, sans même le savoir et avec brio. Le poids de l'expérience et sans doute des connexions, qu'il devait avoir accumulé au long de sa vie. C'était peut-être ça, finalement, qui manquait à l'Ours Blanc, même s'il ne pouvait rien y faire, à part continuer sur son chemin, pour se parfaire au mieux de ses capacités. S'ils parvenaient à jouer finement, il n'était pas impossible qu'un grand pas vers la paix puisse être amené, de manière décisive, sur le Sekai. Le rêve de Kuma se rapprochait, doucement, mais sûrement, d'une réalité qui se faisait de plus en plus tangible.
]« C'est une très bonne idée. Je les ai toujours cru assez caractériels, mais s'il y a bien quelqu'un qui peut réussir un accord comme celui-ci, c'est bien toi. » Affirma le shinobi, en opinant du chef. ]« Si tout se passe bien et que le vieil homme ne change pas subitement d'avis, il est possible qu'on n'arrive à calmer les choses, par rapport à Konoha... Si notre relation s'améliore, Uzushio ne sera plus un problème... Enfin, on est encore loin d'y être ! » Résuma-t-il, avec un sourire de fausset. ]« C'est peut-être toi, qui va nous apporter de quoi avoir plus de poids, sur la balance. »
En même temps qu'Ogawa, comme par mimétisme, Shirokuma vida lui aussi le fond de son verre, avant de se surprendre à capter le regard intense du rouquin. Effectivement, leurs pensées s'alignaient relativement bien. La pomme proverbiale, même adoptée, n'était pas tombée bien loin de l'arbre, manifestement. Le jeune Triumvir déposa son verre sur la table, avant de croiser les bras. Il n'avait aucune objection à apporter, même s'il craignait, quelque part, qu'amasser les outils militaires pouvaient soit être pris comme une menace par leurs ennemis, soit comme une raison supplémentaire de chercher à exacerber les conflits, pour leur bien-aimé conseil du désert. La guerre était un cancer, pour tout le Sekai, qui avait certes ses bienfaits pour les vainqueurs, mais dont les ramifications étaient bien pire que tout ce que l'on pouvait espérer en retirer. Le monde ne les avait pas attendu pour bouger et, si elle s'entêtait à rester inerte, Suna finirait immanquablement par devenir de vieilles ruines, endormies, sous des dunes de sable brulant. Il préférait ne pas s'attarder, sur le sujet de ce qu'ils avaient perdu. La liste n'en finissait pas et la retracer
]« Je ne te le fais pas dire. Si un accord avec Tetsu était envisageable, on aurait sans doute pu accomplir de grandes choses, mais c'est eux, qui vont posent le plus de problème, finalement. J'aurais bien aimé unifier tout le désert, pour renforcer notre territoire, avant d'aller plus loin, mais j'ai l'impression que pour l'instant, on est à une impasse, par rapport à ça. Peut-être que Shiro s'en occupera, pour une fois ! » Railla-t-il, avec un air taquin, avant de prendre son menton dans une coupelle, faite de son index et son pouce. ]« Ou peut-être les Tanukis, qui sait... »
Après tout, il n'avait pas prévu que son homologue n'en vienne à emprunter les mêmes voies que lui, avec davantage d'adresse, mais cela restait une agréable surprise. C'était ce genre d'intéraction, qui continuaient de l'impressionner, par rapport au manchot, malgré ses tares et les démons qui pouvaient le poursuivre. Il n'en restait pas moins quelqu'un de remarquable, qui gardait l'intérêt des siens et de sa patrie, avant les siens propres, malgré ses goûts luxueux.
]« Pendant ton absence, je ferais de mon mieux, pour continuer à converser avec Konoha... Même si j'ai bien peur que ça dépasse légèrement mes compétences, j'ai encore quelques atouts dans la manche. » Annonça-t-il, confiant. ]« Tu n'aurais pas de conseil à me donner, pour traiter avec eux, si j'en ai l'occasion ? »
Avoir un point de vue extérieur pouvait peut-être lui apporter une réponse qu'il n'aurait même pas envisagé, même s'il avait posé sa question sur un ton plutôt rhétorique, imaginant que son oncle n'aurait pas de grand conseil à lui prodiguer, vu l'angle peu orthodoxe qu'il avait décidé de pratiquer, pour tisser des liens avec le village caché de la feuille. Kuma regarda à droite, puis à gauche, comme s'il cherchait quelque chose, avant de finalement lever les mains vers le plafond, en ouvrant les bras.
]« Je ne vais pas pouvoir t'importuner pendant un moment, pour une petite session d'entraînement. » Estima l'Akayuki, avec un soupir las, les yeux fermés. Il rouvrit le droit, malicieux, qu'il pointa ardemment sur son oncle. ]« Tu es sûr de ne pas trop rouiller, mon oncle ? »
La discussion avait prit une tournure assez sérieuse et, de temps en temps, il pouvait être bon de l'apaiser de quelques généreuses boutades, surtout au sein de leur belle famille. Même si Kuma avait fait bien des progrès, depuis son jeune âge, il avait encore beaucoup à apprendre du roux. Il y avait relativement peu de partenaire adéquat, pour de bons sparrings et fréquenter le dernier membre de leur trio ne l'enchantait guère.
Il était bon de voir que le jeune triumvir était en accord avec les plans de son oncle et ainé. Les plans pacifiques d’Ogawa trouvaient en Shirokuma une oreille attentive. Rien n’était joué pour autant, le voyage à venir n’étant finalement rien de plus qu’une première prise de température. Ce genre de choses prenait du temps, beaucoup de temps, d’efforts et de patience. Son verre vide, le manchot continua d’écouter les dires de son neveu.
« J’ai entendu des rumeurs allant dans ce sens, mais j’attendrai de les rencontrer avant de rendre mon jugement. M’est avis que comme nous, ils ont un peu de tout dans leurs rangs. »
Fallait-il leur en vouloir ? bien sûr que non, cela les rendrait simplement humains et normaux. Quand bien même y aurait-il quelques dégénérés notoires, tant que les autres valaient le coup il serait idiot de jeter le bébé avec l’eau du bain. Pragmatique comme il était, Ogawa avait mettre de l’eau dans son vin, aussi ironique que cela puisse être pour un alcoolique tel que lui.
« Unifier les peuples du désert et améliorer nos relations avec Konoha. Voilà un programme ambitieux. Cela risque de faire beaucoup pour un seul homme. Plus sérieusement, de mon point de vue, il faut se montrer intransigeant avec le village de la feuille. Notre force et notre réputation sont nos armes les plus puissantes. Dans notre propre intérêt, il est primordial qu’ils continuent de nous voir comme un village puissant. S’ils voient de la faiblesse en nous, je suis sûr qu’ils n’hésiteront pas éternellement à prendre l’ascendant sur Suna, ce qui est inacceptable. Konoha a beau prôner de belles valeurs, au fond d’eux, ils sont sans pitié. Ne te montre jamais faible avec eux, voilà mon conseil. »
De son unique main valide, le jônin fit rouler son verre vide entre ses doigts. Cela l’occupait pendant cette petite discussion. Après s’être étiré, l’ourson crut bon d’envoyer une petite pique à son ainé. Ce dernier l’accueillit d’un rire franc.
« Trop rouillé ? Ma foi, il est vrai que je ne suis plus de première jeunesse, mais je m’en sors encore pas trop mal. Certainement assez pour pouvoir corriger un ourson malicieux comme toi hahaha ! Plus sérieusement, ne t’en fais pas pour moi, c’est aux vieux de veiller sur les jeunes, pas l’inverse. Et quant à ta proposition sous-jacente, je vais être au regret de décliner. Non seulement je me suis bien habillé pour te recevoir mais qui plus est j’escompte rester en forme pour mon départ. Pourquoi pas à mon retour ? »
Voyant que les apéritifs étaient terminés, Katsumoto, le majordome d’Ogawa, prit sur lui d’apporter la suite. Plusieurs serveurs vinrent déposer sur la table basse du salon de quoi se remplir le ventre. On trouvait des verrines, quelques brochettes, des salades en ramequin et quelques encas salés croustillants.
« Je sais que tu ne t’entends pas particulièrement bien avec Shiro, mais tu devrais essayer de mettre cela de côté, il pourrait t’apporter beaucoup tu sais. Rassure-toi, je n’ai aucun doute sur tes capacités, je sais que tu vas t’en sortir durant les semaines à venir, mais essaie d’y penser, ne serait-ce que pour me faire plaisir. »
Le manchot n’était pas lui-même un fervent défenseur du dernier triumvir, mais il reconnaissait son talent et sa grande expérience. Il gérait l’éducation des Akayuki depuis de longues années et personne n’avait de raison de remettre en cause ni ses capacités ni ses décisions. Tout comme Ogawa, il faisait office de parangon de la vieille génération mais les gens avaient confiance en lui. Son caractère bien trempé pouvait malgré tout en rebuter plus d’un, comme c’était d’ailleurs le cas pour Shirokuma. Dans l’intérêt du clan et du triumvirat, le rouquin estimait qu’il était de son devoir de les aider à se rapprocher l’un de l’autre. Même si, à bien y penser, la tâche était peut-être plus difficile encore que les négociations à venir avec les Chinoike.
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Akayuki Shirokuma
Kazekage
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Fiche du Ninja Grade & Rang: Kazekage - RANG A Ryos: 1385 Expérience: (733/2000)
Kuma, comme par déformation professionnelle, ne pouvait s’empêcher de jauger son oncle, au cours de leur conversation. Plus il vieillissait et se retrouvait aux horreurs de leur monde, plus l’ourson se faisait calculateur et sceptique. Il s’efforçait, autant que possible, de regarder son entourage avec pragmatisme, sans se reposer sur le prisme biaisé de sa subjectivité. L’exercice était bien plus facile dans la théorie que la pratique, surtout lorsque cela impliquait ses proches, avec qui il lui était compliqué d’appliquer la même intransigeance qu’à la plupart des gens. Il n’était pas venu pour tester Ogawa, mais s’était rapidement pris au jeu, lorsque la politique était entrée sur le tapis, sujet qu’ils avaient souvent abordé, sans vraiment entrer dans les détails idéologiques. Avant tout, ils parlaient commerce, en bons représentants du principal clan marchand de Suna. Toutefois, il ne pouvait s’autoriser à rater l’occasion de vérifier le fond de la pensée du roux. Avec un sourire amusé, l’Akayuki plia les coudes et leva les paumes au plafond, tout en secouant la tête. En dépit de son âge avancé, le manchot restait manifestement ouvert et ne semblait ni craindre ni mépriser l’inconnu, ce qui n’était pas le cas de tout le monde, dans la contrée désertique.
« Un peu de tout ? Oh, je ne sais pas. Je nous ai toujours cru assez caractériels, nous aussi. » Commença-t-il à railler doucement. « Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, sans sombrer dans les excès. »
Une fois sa légère plaisanterie, qui ne l’était qu’à moitié, terminée, l’Ours Blanc retint sa surprise, suite à la suite des propos de son interlocuteur. Il aurait été trop beau, qu’ils s’accordent sur tout, aussi facilement. Qu’il s’agisse d’un blocage générationnel ou d’une simple divergence d’opinion, il avait soudainement l’impression d’entendre les dires de n’importe quel autre ancêtre Sunajin, enlisé dans les sables mouvants du passé. Bien évidemment, paraître faible n’était guère envisageable, que l’on se trouve face à de potentiels alliés ou ennemis, mais la force pouvait revêtir un grand nombre de formes différentes, que ses congénères belliqueux étaient, sans doute, incapables de concevoir. Kuma les convoitait toutes.
Entreprendre un tel projet, avec les rancunes accumulées par les années et les batailles incessantes, ne serait évidemment pas une mince affaire et il avait mis du temps, de la sueur et du sang, pour déposer ses pièces sur l’échiquier politique. Leur voyage à Konoha avait représenté une véritable aubaine, pour accélérer ses projets, le doyen du village l’ayant surpris, à lui couper l’herbe sous le pied, sur un terrain qu’il ne pensait pas un jour le voir pratiquer. Bien évidemment, l’exécution avait été plutôt maladroite, mais il fallait s’y attendre. C’était la première fois qu’il faisait preuve d’une telle approche et, pour quelqu’un qui avait toujours régné par la peur et la puissance, il fallait bien s’attendre à quelques cafouillages, pour quelque chose d’aussi délicat. Kuma n’allait pas s’en plaindre, car cela lui avait permis de se mettre plus en avant, pour compenser le manque de légitimité officielle auquel il pouvait prétendre, dans les hautes sphères. Après avoir soupesé le conseil, il se pencha légèrement en avant, pour planter ses iris ambrées, directement sur Ogawa.
« Je ne suis pas tout seul sur le coup. Si on ne cherche pas à suivre le cours du temps, combien de temps penses-tu vraiment qu’on pourra continuer à faire front, seuls contre tous ? Les autres pays et villages se développent de plus en plus, il faut qu’on commence à penser sur le long terme. Tant que notre force a encore le dessus, il faut s’en servir pour nouer des liens, si on ne veut pas devenir des vestiges du passé. Je parle d’équité et de respect, pas de courber l’échine ou de laisser qui que ce soit piétiner Suna. »
Joignant ses mains au niveau de son menton, afin de cacher l’expression de ses lèvres, il laissa le temps à un léger silence de s’installer, avant de reprendre. La pupille acérée, froide et assurée, comme un scalpel entre des mains expertes.
« Ai-je déjà fait preuve de faiblesse, mon oncle ? » Demanda-t-il rhétoriquement, avec amusement.
Il y avait sans doute bien des choses, dans son comportement et ses actions, que ses compatriotes pouvaient méprendre pour des tares. L’Akayuki avait bien l’intention de montrer qu’il y avait bien des façons, de gagner la guerre, au sens large. Pour vraiment l’emporter, il fallait pouvoir y mettre un terme. C’était un travail de longue haleine, pour lequel il lui fallait du soutien et des ressources. Autant que possible. Il ne pourrait en avoir trop, pour mener à terme une telle entreprise.
Kuma laissa la discussion s’alléger à nouveau, accueillant gaiement le rire de son oncle, en réponse à la provocation qu’il lui avait soumise. Reprenant une posture plus avenante, en décroisant les bras, le martialiste pouffa à son tour, à mesure que les plats commençaient à arriver. Ils ne risquaient pas de mourir de faim et il y avait fort à parier que ce n’était encore que le début des festivités. Agrippant un petit encas, de pâte frite fourrée à une farce délicieuse, qu’il n’arrivait à trouver que lors de ses collations avec son aîné, l’ourson rebondit sur la contre-proposition qui lui était proposée, sans hésiter un instant.
« C’est noté ! Je t’accueillerais comme il se doit, pour te féliciter d’un accord rondement mené, dans ce cas ! » S’amusa le Triumvir, qui dévora ce qu’il avait en main, en deux bouchées. « Hum hum hum, tu féliciteras tes chefs, comme d’habitude. C’est fameux. »
En entendant les conseils par rapport au dernier membre de leur trio, Kuma attrapa cette fois-ci une brochette, qu’il fit tourner entre ses doigts, avec un air pensif. De sa main libre, il se gratta l’arrière du crâne et le haut de la nuque, détournant le regard, comme un enfant qu’on avait pris la main dans le sac. Qu’il le veuille ou non, il était bien obligé de reconnaître que Shiro était loin d’être un usurpateur ou de ne pas mériter sa position. Il avait même eu recours à ses services, à plusieurs reprises, pour parfaire sa maîtrise martiale.
« Ne t’en fais pas pour ça, même moi, je ne suis pas assez buté, pour ignorer son talent et ce qu’il a à m’apporter. » Le rassura le ninja, avant de redresser le visage. « Grâce à ses conseils, j’ai encore réussi à dépasser certaines de mes limites, récemment. C’est loin d’être un plaisir, mais je sais que je peux en apprendre beaucoup. Il le faut, si je veux atteindre mon rêve...»
Il marqua une petite pause, en se remémorant des moments depuis longtemps passés, plein de nostalgie. Ses yeux étaient rivés sur sa brochette, comme si elle détenait la clef de tous les secrets inavouables, qu’il ne pouvait décemment révéler à autrui. Calculant rapidement les chances qu’il avait, d’avoir un retour positif, à la question qu’il s’apprêtait à poser. S’il y avait bien une personne dans le village dont il voulait s’assurer la loyauté, non seulement pour les ressources et l’assistance qu’il pourrait lui apporter, mais aussi en raison de l’affect qu’il lui portait. Kuma était prêt à bien des choses, pour s’assurer que son village soit entre de bonnes mains, mais se mettre le bon Ogawa à dos était quelque chose qu'il peinait à envisager.
Ils n’étaient pas d’accord sur tout, mais le fond de leur pensée restait la même. Il avait eu une grosse influence sur son développement et c’était sans doute aussi pour ça, qu’il était capable de lui accorder assez de confiance pour lui faire part de ses pensées avec honnêteté.
« Il n’y a pas que lui, d’ailleurs. C’est aussi grâce à toi, que j’arriverais à succéder à Senshi. » Lâcha le shinobi, avec une voix calme et sereine, mais tout en dégageant une aura particulièrement intense, qui ne manquait pas une seule seconde de conviction.
Finalement, il avait encore des progrès à faire, au sujet de l’objectivité, le détachement et la prudence.
Sans l’interrompre, Ogawa écouta son neveu lui répondre. Il ne se souvenait pas avoir parlé de piétiner qui que ce soit. Ne pas faire preuve de faiblesse, voilà ce qu’il avait dit. Shirokuma ne comprenait-il pas le fond de sa pensée ? Son intention réelle lui échappait-elle véritablement ? le triumvir n’aurait su le dire. Il ne comptait pas revenu sur ce point, considérant qu’il l’avait déjà exploré en détails. Suivant le mouvement, il commença lui-même à satisfaire sa faim. Comme toujours, les plats proposés étaient d’une grande qualité. Ogawa mangeait toujours très bien, c’était un fait, mais quand il recevait un invité, il savait mettre les petits plats dans les grands. Ses meilleurs chefs se donnaient corps et âme pour fournir les mets les plus raffinés dont ils étaient capables. Avec un sourire, il leva une brochette en l’air.
« Oh oui, ça tu peux le dire. Encore une fois ils se sont surpassés. Je leur transmettrai le compliment sois en sûr. »
Faisant passer le tout avec un peu de saké, soit un alcool bien plus léger et qui se mariait bien avec les encas salés proposé, le manchot continua d’écouter. Il leva légèrement un sourcil quand son le fils de Soren évoqua son rêve. Il comptait apprendre de Shiro pour y parvenir. À quoi pouvait-il bien faire allusion ? Connaissant assez bien Shirokuma, le rouquin estima qu’il y avait finalement assez peu d’hypothèses possibles. La plus vraisemblable se confirma quand l’ourson reprit la parole. Devenir Nidaime Kazekage, voilà quel était son rêve. Il fallait reconnaitre que le tout était ambitieux mais loin d’être stupide. Shirokuma était un ninja d’exception et faisait partie de la fine fleur des ninjas tant du clan Akayuki que du village. Il avait les épaules pour le poste, Ogawa n’en avait aucun doute, mais tout cela n’était-il pas un peu tôt ? L’ourson était peut-être encore un peu jeune, et surtout lui et les siens n’étaient sunajins que depuis quelques années.
« Rien que ça. »
Devenant plus sérieux, le quadragénaire laissa son sourire légendaire de côté. Il reposa lentement sa brochette et se redressa sur son fauteuil.
« Je vais être honnête avec toi mon garçon. De mon point de vue, tu ferais un excellent Nidaime, j’en suis convaincu. Laisse-moi malgré tout te donner un conseil. Le pouvoir sunajin est instable. Senshi le tient par la force depuis des années, et peut-être serait-il même d’accord pour te le confier. Sache cependant que cela ferait de nombreux envieux, particulièrement chez les Shirogane. Leur alliance est en réalité bien plus puissante que tous les autres clans, même les Serika. Nombreux sont ceux qui s‘attendent donc à voir un marionnettiste succéder à Senshi. Quant à nous, les Akayuki, nous ne sommes là que depuis sept petites années. Nous avons travaillé dur mais certains pensent que nous avons encore nos preuves à faire. Je ne pense pas que ton rêve est irréalisable, simplement, garde les pieds sur terre. Trouve toi des soutiens, des soutiens puissants et dont la loyauté sera indéfectible et en attendant, sois plus discret quant à tes ambitions. »
Perdant peu à peu son air sérieux, le manchot s’empara à nouveau de son verre de saké. Offrant un sourire resplendissant à son neveu, il approcha l’alcool de ses lèvres.
« Je crois en toi mon garçon. Ton père serait si fier… »
D’un geste théâtral, le rouquin leva le verre au ciel en fermant les yeux avant d’en prendre une grande gorgée. Trompant son deuil avec de l’alcool comme à son habitude, il ne tarderait pas à s’embrumer suffisamment l’esprit pour ne plus y penser. Malgré tout, il savait que c’était la vérité. Soren aurait été si fier de son fils. Pourquoi le monde était si cruel ? Pourquoi un homme de bien comme l’ancien triumvir avait-il connu une fin si tragique ? Même après toute ces années, Ogawa ne pouvait toujours pas répondre à cette question.
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