(Training) Aïe, ça Kaï ! (PV Honoka)

Une nouvelle belle journée d'hiver à Suna. Cela signifiait une journée aussi chiante que la pluie si vous vouliez mon avis. Déjà que je ne menais pas forcément une existence trépidante... il me fallut reconnaître que je m'ennuyais un peu ces derniers temps. Comment j'optimisais tout ça ? Et bien par l'entrainement. C'était ça ou regarder le plafond de chez moi par manque d'oseilles. Je me faisais violence pour éviter de me griller tout mon tabac et je mettais un court petit frein sur ma consommation de saké. On pourrait presque croire que je devenais raisonnable... maaaaaaaaaaaais non. Fallait pas déconner. Je me privais pas pour le fun ou parce que j'avais eu une illumination sur la bonne façon de rester en bonne santé. La vérité vraie ? C'était toujours pour mes marionnettes. Je voulais améliorer Itori et j'avais toujours dans l'optique de me remettre à niveau bien que la tâche était plus difficile que les apparences le laissaient croire.

Je donnais l'impression de péter le feu ? Illusion. Illusion que l'on devait à ma nonchalance habituelle sans doute et parce que je n'étais pas d'une nature à me plaindre de quoique ce soit - hormis le manque de tabac ou de taverne potable. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais en ce moment mes vieilles douleurs se réveillaient. Le froid peut-être. Ma jambe me lançait, ma gorge me piquait et mes nuits étaient ponctuées de sueurs nocturnes désagréables. C'était comme si tout mon corps faisait une sorte de rejet physique à la remontée de souvenirs refoulés... ou alors était-ce simplement annonciateur que j'allais me rappeler de quelque chose ? J'y croyais moyen. Qu'importait. Je n'avais aucune emprise dessus de toute façon.

Je me rendis sur le terrain d'entrainements en trainant un peu les pieds, mon katana à la ceinture avec mon gris-gris qui cliquetait en tapant sur le fourreau. Je n'avais pas embarqué Itori. Je ne me battais avec elle que dans le domaine ou bien dans l'atelier que je partageais avec mon vieux. J'étais pas parano mais question de secret de clan. On aurait tôt fait de me reprocher d'exposer notre manière de combattre et de laisser entrevoir comment procéder. J'emmerdais les vieux bouseux qui nous dirigeaient. C'était pas comme si on pouvait apprendre d'un seul regard. On jouait pas avec une marionnette comme on lançait un couteau, hein. Enfin bref.

En débarquant, j'aperçus un type avec une drôle de dégaine. Je l'avais jamais vu celui-là. Je pensais pas le connaître non plus. Mais si je bugais sur lui, c'était pas à cause de sa frimousse de type au bout de sa vie, mais plutôt parce que c'était un sabreur. Il y avait peut-être moyen de faire un truc ensemble.... même si j'étais plus à l'aise en me gérant en solo. Pas parce que les gens me gonflaient, mais parce que je pouvais pas causer. Si le mec pratiquait pas le langage des signes comme à peu près plus de quatre-vingt-dix-huit pour cent de la population de Suna, je devais me cogner la dactylo. Encore. Mouais.

Je finis par me planter devant le gars qui se tenait assis par terre, le toisant de ma hauteur avec mes grands yeux améthystes. J'avais mon traditionnel visage peu expressif, celui qui respirait la femme avenante, vous voyez ? Mais je finis par tendre un bout de papier dans sa direction et l'agitais pour lui demander de le lire.

" Bonjour. Je m'appelle Honoka. Désolée de te déranger. Je vois que t'es un épéiste. Je vais être assez directe mais est-ce que t'as un créneau pour t'entrainer avec moi ? Je peux t'apprendre des trucs et vice versa. "

Je supposais que mon simple message lui ferait comprendre que je causais pas et s'il avait le moindre doute, je pointais du doigt ma gorge où un bandage l'entourait, dissimulant la dégueulasserie de cicatrice qui m'avait coûté la voix. J'avais juste à espérer que le type était plus commode que la tronche qu'il tirait.

Pendant un instant, je crus que ma demande serait lettre morte. À voir la gueule du type que je venais emmerder, il était clair que j'avais pas tapé dans le mille. Mais alors que je lui montrais du doigt ma gorge abîmée, son visage se défroissa. Il avait dû croire que je me foutais de sa gueule à tous les coups. J'avais l'habitude. La plupart pensaient que je les snobais avant de se rendre compte que c'était pas tellement la raison de mon mutisme. Bon, on allait pas se mentir non plus. Parfois je répondais pas parce que j'avais pas envie. Il y avait aussi des tronches qui me revenaient pas et faire des efforts pour des crétins, ça me gonflait. C'était sans compter que parfois, les gestes ou un simple regard étaient bien plus éloquents que les mots. Et devinez mon geste préféré ? Un doigt majeur magistralement mis en valeur !

Enfin bref. C'était pas le cas à cet instant. Je découvris simplement son nom : Yukio. Cela m'arracha un sourire, c'était le même prénom que mon vieux. Je savais pas si je devais y voir une sorte d'ironie situationnelle mais c'était drôle. Je pourrais balancer à mon père qu'il était plus passé de mode. Il allait ronchonner sévère, mais ça serait comique au moins. Je récupérais mon bout de papier alors qu'il se redressa. Il était prêt à m'aider à condition que je puisse en faire de même à mon tour. C'était équitable et je répondis en agitant affirmativement la tête que c'était d'accord.

Je pris à nouveau mon calepin et je commençais à écrire un nouveau message et je lui glissais sous le nez.

" Je ne maîtrise pas le genjutsu mais je connais le Kaï. "

Maintenant que l'infos était donnée, toute la problématique serait de comment expliquer la chose. Je supposais que si on avait un manipulateur de genjutsu, cela simplifierait grandement les choses mais bon. On allait se contenter de la théorie. De toute façon, s'il parvenait à maîtriser ce que j'allais lui énoncer, le reste serait tout seul le jour où il voudrait vraiment le faire face à quelqu'un qui maîtrisait les illusions.

Je tapotais mon crayon sur le carnet alors que je cherchais mes mots. On allait procéder par étape... enfin, on allait essayer. Je commençais à écrire, mon regard concentré sur ce que j'écrivais avait de lui présenter la première feuille.

" Pour que ça marche, faut que tu es conscience que tu es victime d'un genjutsu. Ce truc, ça marche que pour les illusions basiques. Mais tu peux l'utiliser sur toi ou aider un camarade qui s'est fait piéger. "

Je plantais mes yeux améthystes dans les siens, comme si j'attendais de m'assurer qu'il comprenait ce qui était écrit. Une fois cela fait, je repris le carnet pour reprendre mon message.

" Il te faut perturber ton flux de chakra pour te dégager de là. Un peu le même principe que se pincer très fort pour vérifier que tu rêves pas. En gros, tu te concentres pour lâcher une bonne vague d'énergie et troubler l'illusion. Tu peux voir ça aussi comme balancer un caillou dans un miroir pour le briser. "

Je savais pas si les images que j'employais étaient claires, mais je faisais au plus simple. Espérons que ça lui convenait quand même.

Alors, bien que je parierais pas que tout collait au plafond, Yukio hochait la tête dans un sens qui me laissait à penser qu'il captait tout ce que je racontais. J'avais envie de dire : tant mieux. J'aimais pas trop me répéter en fait. Déjà que c'était chiant à l'oral, imaginez-vous pour moi par écrit en train d'agiter violemment mon calepin. J'étais déjà au max de la concision. Alors qu'il me regardait avec ses yeux de chien battu, je tentais d'évoquer la façon d'imaginer le fonctionnement du kaï, mais pour sûr, un manipulateur du genjutsu aurait mieux fait l'affaire pour son truc. Quoique. Il suffisait d'être à l'écoute de son flux et ça faisait l'affaire aussi. Pas besoin d'être un grand génie de toute façon pour capter le fonctionnement.

Quand lui se chercha une image pour se le figurer, je me mis à mon tour à opiner de la tête pour confirmer que l'idée de "barrage" c'était plutôt une bonne image. J'aurais pu y penser aussi. On pouvait pas briller à tous les coups. En tout cas, le type se démonta pas et voulut rapidement faire un essai afin de vérifier si la théorie collait à la pratique. Il se mit en position de méditation et fit un truc bizarre avec ses doigts. Certes, cela ressemblait à des mudras mais ça faisait une drôle de dégaine à Yukio. Enfin bon. Je demeurais silencieuse et observatrice tout le long. J'étais pas une senseuse donc je pouvais même pas vérifier si son flux marchait convenablement. Ce fut que lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux et qu'il me regarda qu'il m'expliquait penser avoir compris comment faire sur un autre. Aussitôt, je retrouvais mon bon vieux crayon entre les mains.

" Si tu veux que ça fonctionne sur ta pomme, je te conseille de garder les yeux fermés. Tu te concentres que sur toi et ton flux. Mais bon, c'est comme pour le reste. Il te faut savoir être dans une illusion. "

Sinon tu l'avais grave dans le baba. Je lui agitais une nouvelle fois mon message sous le nez pour lui faire lire mais puisqu'il avait l'air pas trop stupide, je m'inquiétais pas. Tiens d'ailleurs, ça me faisait penser que je lui avais pas demandé son nom de famille. Boarf. Qu'est-ce que ça changerait de toute façon. Il se remit à l'exercice en tout cas et le temps qu'il s'y tenta, moi je pouvais continuer à essayer de l'analyser. Vu la gueule, c'était pas un Serika. Ils avaient un style beaucoup trop propre et bourgeois pour ça. Un Tomeï? Non. Ils se la pétaient grave et lui, il semblait avoir un peu de modestie. Un Akayuki? Mmm... même si ça voulait rien dire, Kalida avait les épaules plus larges que lui. Mouais. Peut-être que c'était pas un clanique après tout.

Il revint finalement une nouvelle fois vers moi et me décrivit une étrange sensation qui le parcourrait. J'arquais un sourcil parce qu'à vrai dire... j'avais jamais fait gaffe. Il fallait dire que je me focalisais rarement sur les "sensations" physiques, sauf quand c'était pour me faire plaisir. Le cas échéant, c'était tout le contraire. Je coupais mon esprit de mon corps. Je dégageais tout ce qui pouvait être désagréable et qui pourrait faire flancher ma lame ou mes coups. Je devenais l'égale de mes marionnettes, une poupée vide. C'était comme ça qu'on m'avait élevé de base, et comme ça que j'avais visiblement continué à faire mon chemin même si mon vieux avait tenté de rectifier le tir comme il pouvait. Même lui, parfois, je le surprenais à me regarder comme si j'étais toujours une Kaigan. Je savais que cela le désolait et ça me minait pour lui à vrai dire. Il était la seule personne qui comptait vraiment pour moi. Le décevoir me faisait chier, même si cela avait dû arriver plus d'une fois. Enfin bref.

On en revenait à Yukio numéro2. Voilà qu'il voulait que je servisse de cobaye maintenant. Je posais mes yeux vers lui, un peu blasé, mais je lui pris la main. Ouais la main et pas le bras, le flux circulerait plus facilement par son extrémité en fait. Je fis un signe de mon autre main pour lui donner le feu vert. Allez, fait moi vibrer mon grand.

On devait avoir l'air un peu con à se tenir la main aussi distraitement, digne d'une attitude d'adolescent prépubère qui se prenait le bout des doigts. M'enfin fallait pas se fier aux apparences puisque ce contact léger n'était là que vérifier si le flux de chakra de mon camarade transitait comme il se devait. Bref. C'était un peu comme désirer me sortir d'une technique de genjutsu. Du coup, comme on gérait pas de base ces techniques, on se contentait du peu de nos connaissances. J'avais pas de souvenirs sur le sujet à vrai dire, cela faisait un petit moment que je m'étais pas faite piéger dans une illusion - et par Ichibi, j'en avais pas envie non plus. Il me fallut donc compter que sur mes sensations générales. Un peu chelou, j'en convenais mais mieux que rien.

Alors qu'il ferma les yeux pour se concentrer et qu'on se tenait la main comme des gosses, je l'observais. Comme d'habitude vous me direz. C'était l'avantage et le désavantage de mon mutisme. Puisque je perdais plus de temps en causette, j'en avais pour regarder le monde et en absorber tous les détails. Je ne savais pas trop quoi penser de ce type, j'arrivais pas à me faire une opinion sur lui. Quelque part, il me faisait un peu penser à Kalida mais dans une version plus calme et moins du style coup de poing. C'était peut-être dans l'attitude, je saurais pas dire. Enfin bref.

Il se laissa aller le gredin, à écouter mes vagues conseils dans le kaï, et il s'y appliqua comme un bon élève studieux. Je sentis au bout de quelques instants une vague d'énergie me traverser. C'était léger mais cela me vit légèrement trembler, me parcourant comme un courant électrique qui me circuitait le corps. C'était pas douloureux mais c'était pas agréable non plus. Je supposais que si j'avais été piégée dans une illusion, cela aurait suffit à me briser le voile du genjutsu. Je finis par lentement quitter sa main pour reprendre mon carnet.

" C'était pas mal. Je pense que tu voies mieux le principe. J'ai bien ressenti les effets de ton chakra qui me traversait. Si t'es dans la merde, ça devrait être suffisant. Mais je te conseille quand même de trouver une personne qui gère les illusions pour t'en assurer. "

Ouais. Simple précaution. J'avais pas tellement envie de me faire enguirlander plus tard par Yukio si cela avait pas fonctionné, genre je lui avais mal expliqué le machin. Enfin, j'étais toujours disponible pour lui étayer le truc si c'était nécessaire. En tout cas, une fois tout cela fait, je repris mon carnet pour réitérer ma demande initiale.

" Si ça te vas, tu peux m'aider à ton tour ? Je sais pas si t'as le temps aujourd'hui et au pire, on peut remettre ça à demain. "

Je le regardais de mes yeux violets inexpressifs, guettant sa réponse parce qu'après tout, je lui étais quand même un peu tomber dessus. Y avait pas nécessité à chambouler tous ces projets non plus, même si j'apprécierais le sacrifice.

Il semblait visiblement satisfait de mes petits conseils pour maîtriser le kaï mais lorsqu'il me questionna si je connaissais un illusionniste, j'agitais la tête négativement. J'avais pas ce genre de fréquentation. En y réfléchissant avec du recul, c'était pas plus mal. Je supposais que cela me mettait un peu mal à l'aise. Je savais quelques bricoles sur le domaine et ça donnait rarement envie de se faire prendre dedans. Mais en vrai, je supposais que j'avais plutôt peur de rien y trouver. Il y avait des trucs basés sur la peur ou sur des visions soi-disant paradisiaques. Personnellement, je refugiais dans les plaisirs artificiels car rien d'autre ne me touchait réellement. Je faisais juste bien ... illusion. Ironie. Il n'y avait que les excès qui me faisaient me sentir.... vivante. Sinon, je ne valais pas mieux que mes poupées. Un petit soldat vide. Une arme. Point. M'enfin, après, il y avait excès et excès. J'étais pas comme Kalida qui se galvanisait dans les combats à coups de poing. Mon masochiste était... tout autre.

En revenant à nos moutons, je demandais à Yukio numéro 2 - bah ouais, le number one restait mon père - s'il n’avait pas de quoi m'aider pour améliorer mon jeu d'épéiste. Il me proposa de maîtriser une technique défensive, ce à quoi je lui répondis par un haussement d'épaule qui signifiait "pourquoi pas". J'allais pas faire la fine bouche non plus. Il m'expliqua alors aussitôt qu'il s'agissait d'une technique de feinte qui laissait croire que l'on allait attaquer avec notre katana alors qu'on finissait par lui démonter la tête avec un coup de pied. Je fis une petite moue pour montrer que j'avais plus ou moins compris mais il préféra me faire une démonstration en direct. Bon plan.

De mon regard un peu éteint, je me mis à l'observer avec attention, du planter de bâton au coup de pied circulaire dans les airs. N'importe qui dirait que c'était simple à cause de l'aisance avec laquelle il s'exécutait. Moi, je savais que j'allais forcément me vautrer dès le premier essai et que c'était la galère assurée. Mais après, si je pouvais maîtriser ça, je pourrais faire de sacré petit coup de .... bref. Il continua à bavasser et à me détailler ce qu'il avait fait avec des mots, une aide supplémentaire à ma compréhension jusqu'à ce qu'il posa son regard sur moi en me demandant si cela me convenait. Je pris donc mon carnet et commença à écrire.

" Ça me va. Par contre, je suis pas douée en lever de jambe, pas dans ce domaine en tout cas. "

Je lui présentais mon papier avec un air un peu patibulaire avant de le reprendre et de continuer à écrire.

" Cela fait un an que j'ai repris du service officiellement, j'ai quelques faiblesses dans les jambes. Je suis pas certaine que je serais capable de te filer des coups de béquilles dans la tronche aussi vite. "

Je lui retendis le papier et alors que je le lui laissais le loisir d'intégrer l'information, je me mis à lentement remonter le bas de mon pantalon jusqu'à l'un de mes genoux. Là, il pouvait contempler une large cicatrice assez vilaine qui trahissait une lourde fracture qui faillit me couter la guibole. Je préférais qu'il soit au courant mais je voulais pas croire que je me défilais non plus.

" Je veux pas jouer les boulets, mais je pense qu'il faudrait décortiquer le mouvement. Cela te semble possible ? "

Je préférais avoir son aval avant de démarrer quoique ce soit. Si c'était ok, on y irait gaiement.

Moi et ma légendaire souplesse allions être mis à l'épreuve. J'écoutais les propos de mon camarade qui se creusait le ciboulot pour trouver une façon de m'expliquer les choses le plus simplement possible. Quand on était pas pédagogue, c'était toujours plus compliqué. Genre moi, je l'étais pas vraiment et en plus je parlais pas. Autant dire que la nature était contre moi. En tout cas, on pouvait pas dire que Yukio faisait pas d'effort et je dirais même qu'il se donnait du mal alors qu'il ne me connaissait pas. Un gentil gars. Il s'inquiétait même pour mes articulations alors que je lui en demandais pas tant. Certes, ma blessure était vilaine mais j'étais pas estropiée non plus. C'était juste que j'avais pas suivi les recommandations des médecins qui m'avaient préconisé plus de renforcement musculaire. C'était trop chiant.

Finalement, Yukio choisit la voie de la démonstration accompagnée du long speech descriptif pour me faire comprendre chaque étape du coup à donner. Silencieuse, je posais mon regard sur lui et je ne le quittais pas, je suivais chacun de ses mouvements comme j'écoutais chacune de ses paroles. Je l'étudiais sous toutes les coutures pour mieux saisir l'attitude à avoir pour maîtriser cette technique. Est-ce que c'était gênant pour lui d'être reluqué de la sorte ? Aucune idée et je m'en foutais un peu à vrai dire. Je pourrais toujours m'excuser si cela lui faisait plaisir plus tard mais on faisait avec les moyens du bord. Quand on causait pas, on passait son temps à observer le monde puisqu'on ne pouvait pas le commenter.

Le Nozomo me décortiqua le coup de pied. Il me parla d'impulsion à prendre, tout en demeurant appuyer sur son katana et de jouer par la suite avec ses jambes pour filer une mandale dans la tronche de son adversaire. Il avait une manière bien imagée de dire les choses, tout en ayant son petit côté pragmatique. Je visualisais très bien la scène en fait. Mais est-ce que j'étais capable de le reproduire ? C'était une tout autre histoire. Quand il eut fini, je me mis à soupirer parce que je savais d'avance que la tâche serait pas aisée.

Je sortis mon katana de son fourreau et je le plantais fermement dans le sol, comme me l'avait montré Yukio. Maintenant, il restait plus qu'à comme on disait. Je pris une bonne inspiration, je lui conseillais d'un geste de la main de reculer un peu afin d'éviter inutilement de l'assommer puis je me lançais. Je me saisis du manche pour appuis, forçant sur mes cuisses et mon bras pour soulever mon corps maigrelet et tenta de donner un coup de pied à l'horizontal. Ce fut totalement foireux.

Un, je n'étais pas parvenu à me soulever comme il se devait. Deux, je m'étais vautrée sur le sol avant même d'avoir pu lever la jambe comme il fallait. Je lâchais un petit gémissement douloureux mais je levais la main dans un signe "stop", indiquant à mon camarade qu'il n'avait pas besoin de m'aider, j'allais me relever de moi-même. Une fois debout, j'époussetais mes vêtements plein de poussière et je soupirais avant de me replacer derrière mon katana.

Mes échecs ? Ils furent nombreux. Quatre, cinq, six fois d'affilée où je m'écrasais sur le sol lamentablement et je ne réussis à progresser qu'à partir de là. À chaque fois, je faisais un signe à Yukio de ne pas m'aider. Ce n'était pas la peine. Il fallait que cela vînt de moi et je pouvais, de toute façon, être aussi têtue qu'une mule. La septième fois, je parvenais à tenir un peu plus longtemps et j'avais enfin acquéri la bonne position latérale. Mais je n'avais aucune force dans le pied. Je finis par me tourner vers Yukio pour avoir des informations complémentaires.

" Pour le coup de pied, je suppose qu'on le renforce avec du chakra ? "

Je me disais que si je renforçais d'avance mes membres avec, peut-être que ça me rendrait plus "légère" et plus rapide. Je galèrerais moins.... sauf si je faisais totalement fausse route. Alors que je laissais réfléchir à ma question en lui laissant mon bout de papier entre les mains, je m'attelais à reprendre l'entrainement. Toujours le même cirque. Mon katana. Un appui. Une impulsion dans les jambes et je frappais. Plus je le faisais, plus je m'améliorais.... mais je vous racontais pas le nombre de bleus que cela allait me valoir.

C'était toujours un peu étrange pour moi de recevoir des encouragements de la part de quelqu'un, parce que le soutien qu'il affichait, c'était tout comme pour moi. J'étais plutôt habituée aux remarques acerbes et bien avisées, le genre de truc qu'on vous lançait à la tronche comme des senbons qui ne vous manquaient pas. Même avec mon vieux - et pourtant on s'aimait - on faisait pas dans la délicatesse, à coup d'insultes et autres joyeusetés. Entendre Yukio me parlait de cette façon... c'était un peu bizarre - si on omettait qu'il était, en plus, plus jeune que moi. En attendant, je jouais la bonne élève. Je répétais mon exercice avec acharnement, j'imprégnais mes muscles de l'habitude du geste comme il me l'indiquait.

Le temps de prendre une petite pause de quelques secondes, je lui avais demandé si jouer avec mon chakra valait le coup sur le moment. Il semblait m'indiquer que ça pouvait faire son petit effet mais que ça n'avait d'intérêt que dans l'impact du coup de pied dans la tronche, manière de faire plus mal. Ouais donc ça n'allait pas trop m'aider dans mes exercices de gymnastique. Dommage.  

En attendant, je haussais les épaules à sa remarque et je continuais à tenter de gérer au mieux mon coup de pied à l'horizontal. Je me cassais la gueule quelques fois de plus mais au bout d'un moment, je finis par y arriver sans trop de casse. C'était suffisant pour que je tentasse maintenant l'application directe. Le temps de reprendre un peu ma respiration - parce que mine de rien ça essoufflait ces conneries - je me saisis de mon carnet pour le prévenir.

" Je pense qu'on peut tenter une mise ne pratique si t'es ok.  

Sans plus tarder, je pris mes distances, assez pour effectuer mon "planter de bâton" et le surprendre avec un coup de pied. Bon, il avait l'avantage de savoir ce qui allait lui arriver... mais peut-être que j'aurais dû lui préciser que j'allais enchainer plusieurs tentatives à la file? C'était un shinobi au bon réflexe, j'avais pas à m'en faire.

Une fois que je fus en place, je dégainais mon katana et je me tenais à quelques mètres de lui. Mes yeux mauves le regardaient avec une expression un peu blasée ou chien battu, c'était selon le ressenti de chacun. On me disait souvent que j'avais la même expression vide de mes marionnettes de toute façon. Je n'attendis pas de signal particulier que je fonçais directement sur mon "adversaire" et comme l'exigeait la technique, je plantais mon katana dans le sol pour m'en servir comme appui. L'impulsion que je pris me permis de plus aisément me soulever et je tentais de lui infliger un coup de pied comme il m'avait montré. Bon bien évidemment, il esquiva, j'étais trop lente encore, trop peu assurée mais je ne restais pas planter là. Dès que mes pieds se posèrent sur le sol, je fonçais à nouveau sur lui pour recommencer parce que croyez-le ou non, j'étais aussi souple qu'un chat. J'étais pas une femme bâtie pour la puissance mais j'étais agile.

J'enfonçais mon katana sur le sol, je sautais et je frappais. Je le harcelais de cette façon jusqu'à me rapprocher de mon but. Le toucher. Il avait dit que je pouvais, non? Il devait être solide le bonhomme alors je me retenais pas. C'était un peu comme les entrainements avec Kalida. Les gens qui géraient au corps à corps, ils aimaient toujours les sensations fortes. Je me faisais pas prier pour tester l'endurance du Nozomo. On était pas là pour trier des lentilles.

Il paraissait qu'on faisait les meilleurs confitures dans les vieux pots. Est-ce que je pouvais me considérer un peu comme ça? Je saurais pas dire mais malgré ma nonchalance et mes airs éteints, j'étais capable de faire preuve d'entêtement. Bon ou mauvais d'ailleurs, sans pour autant qu'il eut s'agit d'une question de fierté. J'étais clairement au-dessus de ça, pas avec mon bagage, pas avec ma vie. On dira simplement que lorsque je me fixais un objectif, il fallait que je l'atteignisse, même si ça devait prendre du temps. Bon là, j'estimais que j'en avais pas tant que ça. Question de feeling. Je ne saurais dire pourquoi mais j'avais comme le petit frisson qui me disait qu'un truc tarderait pas à me tomber sur la gueule et que je devais m'y préparer, et comme en matière de poisse, j'avais toujours le pompon...

Du coup, sous l'impulsion de mon cher camarade Yukio-senseï deuxième du nom, je pris le parti de le harceler à coup de pied, sans me donner trop de répit. Il fallait battre le fer tant qu'il était chaud. Bien évidemment, je ne répondis pas à la remarque de mon jeune camarade qui se surprenait de ma vivacité - le contraire aurait été miraculeux. Hey, j'avais peut-être morflée mais j'en avais assez chié pendant ma rééducation pour en arriver là et j'avais encore de beau reste tout comme je savais m'en servir. La preuve en était.

Cela ne m'empêcha pas d'écouter les remarques de mon professeur improvisé. C'était lui qui avait la maîtrise et j'avais la modestie de l'écouter. Il était vrai que j'attaquais un peu au hasard, je réfléchissais encore un peu trop sur la manière de bondir et de flanquer une rouste en oubliant un peu ma cible. Forcément, cela revenait comme de taper dans le vide et je perdais de l'énergie pour rien. J'étais complètement contreproductive pour le coup. Mais le petit malin semblait s'éclater à me malmener. Il m'évitait assez facilement ce qui en soit était assez frustrant mais chaque erreur de ma part faisait que je me corrigeais sur le prochain assaut. J'ajustais ma force, mon impulsion, le plantage de mon épée. Mais quand je corrigeais quelque part, le défaut se déplaçait ailleurs.

Une fois, il me prouva que cette attaque surprise pouvait se retourner contre moi en me déséquilibrant par mon appui. Une autre fois, c'était quand j'effectuais mon coup de pied. Je compris que pour la première, il fallait que je sois plus rapide. Pour la seconde, plus résistante. Ce fut au bout d'une énième tentative que je parvins quand même à le frapper... bien que je soupçonnais clairement qu'il m'avait laissé une ouverture pour me jauger. C'était un peu masochiste, fallait se l'avouer. Le pire étant qu'il me demandait d'y aller encore plus fort.

Pas de problème. Il en avait décidé ainsi. Je ressemblais donc mon chakra dans ma jambe alors que mes muscles étaient chauds. Je savais comment planter ma lame dans le sol, je savais comment gérer mon bond et je savais comment lui filer une torgnole. Mes échecs multiples m'avaient permis de corriger tour à tour mes défauts pour arriver à ce moment mais.... le bougre était pas dingo. Il évita bien évidemment mon assaut. Pas de répit cependant.

Dans notre danse d'attaques, il m'invectiva à retenter le coup comme dans un combat véritable. Il fallait que j'esquivasse pour mettre en pratique l'effet de surprise de ce que j'étais en train d'acquérir. Rapidement, il dégaina alors sa lame et me fonça dessus. Jouant le jeu, il me fallait offrir l'illusion que j'allais avoir une parade contre lui et je fonçais à mon tour... mais j'étais du genre à jouer avec le feu, une manie depuis toujours d'attendre tout juste la dernière seconde pour faire les choses. A vrai dire, j'étais à deux doigts de me faire empaler mais j'avais pas sourcillé une seule seconde. Je n'avais jamais été effrayée à l'idée de mourir bien que ça m'emmerderait de claquer connement. Mais quoiqu'il en soit, fallait aussi que je pimentais un peu le jeu, non? Je plantais ma lame dans le sol brusquement, pile au moment où sa lame me frôla. La preuve en fut que cela me tailla le t-shirt au moment même où je passais au-dessus grâce à mon saut. Et avec toute la violence que mes jambes me permirent, je lui fichais un putain coup de pied dans la mâchoire... jusqu'à retomber sur mes pieds.

J'étais claquée. Je vous mentirais pas. Je relâchais toutes les tensions de l'entrainement d'un seul coup et ma respiration était rapide sous le poids de l'effort. Je rangeais ma lame dans son fourreau et matais mon t-shirt avant de siffler. Ouais. C'était vraiment pas passé loin. Ça aurait été merdique comme incident diplomatique. Je fis une petite grimace avant de me tourner vers Yukio et je lui tendis la main pour la lui serrer, pour finir par lui tendre un petit mot.

" Merci pour ta patience. Et désolée pour la mâchoire. "

Ouais. Un coup restait un coup même si on était préparé à le recevoir. Il en avait vu d'autres et des bien plus puissants c'était évident. Quand bien même, je pouvais m'excuser.

" Si t'as un jour besoin d'un punchingball, je te le revaudrais. Je te le dois bien, Nozomi Yukio. "

Je lui fis un petit signe de la main, le genre qui disait "à la revoyure" avec un petit sourire en coin. J'avais pas le loisir de m'exercer avec beaucoup de sabreur et quelque part, quelque chose me disait que j'aurais rapidement de ces nouvelles. Mais en attendant, mon canapé m'appelait.... trop crevant cet entrainement...