T ki [avec Junko]

T ki [avec Junko]

« La terre doit être leur air à eux en fait. » pensait le gigantesque tatoué, étalé dans toute sa longueur sur le sol à observer passer une colonnade de fourmi, plus productives que lui pour la société. Il s’ennuyait, et il s’ennuyait ferme, renfrogné tel un enfant à l’idée d’avoir été réaffecté alors qu’il commençait à bien s’entendre – voire même s’amuser !, c’était dire… - avec le chauve à l’énormissime moustache. Grognant avec une lenteur exaspérante et plaintive, il s’étirait et se retournait, yeux face au ciel, contemplant d’un regard presque amoureux l’étendue bleuté qui se pavanait tel un dôme. Puis, expirant encore bruyamment, il se relevait à la recherche d’un nouveau passe-temps, l’observation scientifique des colonnes de fourmis l’ayant lassé. Tel un périscope, sa tête dominant la forêt humaine s’étalant dans l’immensité du village, il zieutait à droite et à gauche sans cesse, non pas mû par la curiosité mais par l’ennui, une motivation bien plus forte encore. Se choisissant une activité, il pénétrait une petite échoppe mignonette, une sculpteuse de bois. Les mains pleines de sacs remplis de statuettes, il en sortait avec un sourire béat. Mais, lentement, insidieusement, venait naître un doute, une immense gêne intense comme lorsqu’on oublie quelque chose de terriblement important. Puis, sa bouche dans un rond parfait, il se rappelait : elle l’attendait, terrain d’entraînement. Lâchant un cri étouffé, il courrait, les bras chargés de ses emplettes inutiles, slalomant entre les passants, esquivant apparitions soudaines de chats et de chiens domestiqués ou errants, la mâchoire crispée par l’effort. Arrivé en sueur, il hurlait une phrase inintelligible, s’arrêtait devant la femme à l’air autoritaire – Dieu qu’il haïssait déjà ce regard –, lâchait ses sacs par terre avec précaution et reprenait entre deux souffles sifflants. « Pardonnez-moi. Je me suis perdu en chemin. »

S’étant ressaisi, il pouvait enfin observer son sensei : une trentenaire, vêtue d’un kimono : tout dans son être transpirait l’autorité et le vice d’une vie triste. Priant silencieusement qu’il se trompait lourdement sur la psychologie du personnage, il souriait docilement, toisant sans le vouloir son nouveau chef. « Je me présente : Kudo Ōgai, et vous êtes la dénommée Junko ? J’espère que je serai à la hauteur de la réputation qu’on vous prête. » A vrai dire, il n’avait aucune idée de qui cette femme pouvait être mais Ōgai n’avait fait que cirer les chaussures des puissants d’Uzu depuis des mois, il n’avait d’armes plus que la flatterie, même aussi malavisée soit-elle.

Récapitulatif combat:

Codage par Libella sur Graphiorum