À la recherche de l'Uzujin Volant [Feat Kaneko]

Le climat des îles était parfois capricieux. Quand la tempête happait l'archipel du Tourbillon, seuls les plus gros navires pouvaient espérer braver les flots pour atteindre leurs destinations.
Ce soir-là, les vagues se fracassaient contre la digue qui protégeait les quais de la cité commerciale, créant d'immenses gerbes d'eau aussi blanches que des nuages qui s'élevaient dans le ciel, comme pour mieux toucher les cieux, avant de retomber dans le royaume aqueux. À ce bruit tonitruant, s'ajoutaient la pluie, le vent et le tonnerre.

Si la plupart des habitants se pressaient pour rejoindre leurs habitations à la recherche d'un peu de calme et d'un endroit au sec, Sanada, lui, se baladait, la capuche qu'il portait en tout temps et qui servait pour une fois à autre chose qu'un refuge artificiel, vissée sur la tête.
La tempête ne le dérangeait pas, au contraire, il se sentait dans son élément, admirant la force des dieux. Aucune technique de ranton n'auraient jamais pu produire un tel chaos sur une si grande superficie, et cela lui rappelait que lorsqu'il usait de son don, il ne faisait qu'emprunter une infime partie du pouvoir de Mère-Nature.

Le clapet de son calumet fermé pour préserver l'herbe sèche de la pluie, il se promenait donc avec une certaine nonchalance entre les marins paniqués et les civils qui couraient presque pour rentrer chez eux. Le vent se faisait de plus en plus puissant, les stands surmontés d'un haut-vent pour se protéger habituellement des rayons du soleil semblaient sur le point d'être littéralement soufflés par les bourrasques d'air et les commerçants avaient la plus grande difficulté à enlever les grandes bâches sans se faire eux-mêmes emporter.

Il allait aller vers le restaurant de Kaede pour l'aider à ranger la terrasse quand il aperçut un petit attroupement sur le bout d'un quai. Des marins semblaient discuter avec véhémence, ils paraissaient même vouloir en venir aux mains mais se retenaient pour une raison que le soldat des Cinq ignorait encore.
Sans hésitation, il s'approcha. Après tout, il était un ninja du village et s'il détestait faire le garde, une partie de sa conscience prenait ce rôle de protecteur des civils à cœur. La discussion ne fut intelligible que lorsqu'il fut au milieu de petit groupe. Entre les gouttes qui formaient un rideau gris, Sanada distingua une petite dizaine de mousses en cercle , plus loin, tout au bord du quai, une silhouette féminine semblait attendre devant un petit catamaran.

- Non les gars, même pour une bonne bourse de ryos, j'y vais pas. T'as vu la mer, elle va nous engloutir comme elle a déjà sûrement engloutis le navire de commerce.

- C'est une occasion en or bordel ! On le trouve et on le guide jusqu'au port, c'est rapide et bien payé, si la tempête dure plusieurs jours, on va s'en mordre les doigts d'avoir refusé..

- Je préfère être pauvre qu'au fond de l'océan à servir de barbaque aux requins. Pas pour moi les gars.

- Qu'est-ce qui se passe ? Demanda Sanada d'une voix forte pour couvrir le tumulte des éléments.

- Qui tu es toi ?

- Je suis un ninja du village, je peux sans doute vous aider.

- C'est pas nous qu'il faut aider gamin, c'est la dame là-bas. Dit le plus vieux en montrant la silhouette au bord du large quai de bois. Elle a besoin d'un marin pour retrouver un navire qui transporte une de ses marchandises pour le guider vers le port, je sais pas trop pourquoi, mais c'était bien payé. Ah ! Si seulement mes marins étaient moins lâches ! Dit-il alors que son équipage s'éloignait pour entrer au sec dans une taverne du port. Bon, je te laisse, tu pourras dire à la dame qu'on ne veut pas ? Je n'ai pas envie de la confronter, mais toi, enfin, je veux dire, entre kunoichi du village tu pourras la raisonner, je suis sûr.

L'on voyait parfaitement que le capitaine ne tenait pas à exprimer son refus de vive-voix à la silhouette, sans doute craignait-il le courroux du commanditaire. Sanada acquiesça d'un signe de tête pour indiquer à l'homme qu'il pouvait rejoindre ses camarades et sans tarder s'approcha de la silhouette.

La première chose qui le frappa fut sa chevelure, d'une teinte rouge qui ne pouvait trahir l'uzujin. Ce fut ensuite sa posture, à la fois droite et décontractée malgré la pluie, ses pommettes saillantes et rosées qui accentuaient ses traits fins, ses habits qui mêlaient le blanc, le rouge et l'or, s'accordant parfaitement à la couleur de sa chevelure et de ses yeux. À première vue, Sanada aurait parié sur une Uzumaki, son jugement fortement influencé par la crinière caractéristique de ce clan qu'il retrouvait chez elle. Se rendant compte qu'il l'observait sans rien dire depuis un moment derrière sa capuche et un nuage de fumée. Il s'approcha avant de s'incliner.

- Bonsoir, Masamune Sanada, genin du village et futur grand navigateur des mers du Sekai ! Dit le soldat des Cinq pour se présenter.

Sans un autre mot, il sauta sur le bateau et entreprit de détacher l'amarre avec rapidité.

- Vous montez ? Je crois que les dieux veulent que vous retrouviez votre marchandise. Dit-il en lui tendant une main pour la faire embarquer. Regardant le royaume des cieux, il psalmodia une prière puis poursuivi. Ne vous en faites pas pour le ciel et sa mauvaise humeur, je vais tenter de le calmer une fois qu'on sera en mer.

Sanada ne se rendait pas vraiment compte de l'étrangeté de ses paroles et de l'incongruité de sa proposition, mais il ne doutait pas de la réponse.

Sous la pluie battante et avec les éclairs comme toile de fond, la jeune femme était impressionnante. Elle semblait forte, sûre d'elle et de sa puissance. Il ne la connaissait pas, et pourtant, pour une raison qu'il ignorait, il n'avait aucune appréhension à aller affronter les éléments déchaînés à ses côtés.

Lorsqu'elle se présenta, il ne put s'empêcher de sourire. Ainsi, il avait vu juste. Les Uzumaki étaient un clan cher au soldat des Cinq, son amie la plus proche, Haruka, et son idéal féminin, Otohime, venaient toutes deux de cette famille. Même s'il ne connaissait presque rien des traditions du clan, et qu'il n'avait visité leur quartier qu'une seule fois, il avait plus confiance en eux que dans n'importe quelle grande famille d'Uzushio. Il n'aimait pas la servitude crasse des Miyamoto, ou le vice retord des Omura.
Kaneko attira donc naturellement sa sympathie, sans qu'elle n'eut rien à faire. Plus décidé que jamais à retrouver ce navire à la dérive et sans doute emporté par son arrogance, le soldat des cinq déplia la voile entièrement, et comme s'il s'agissait d'un boulet de canon, le bateau fila vers le large.

Dès que le fin catamaran dépassa la digue qui servait de bulle protectrice au port, le véritable remous de la tempête se fit ressentir. À la première vague qu'ils prirent de front, ils décollèrent littéralement. Sanada, bien accroché au gouvernail à l'arrière, réussit tant bien que mal à se maintenir sur l'embarcation, non sans se blesser légèrement. Il jeta un coup d'œil sur la jeune femme pour s'assurer qu'elle n'était pas passée par-dessus bord, heureusement, ce n'était pas le cas. Lorsque la deuxième vague approcha, le serviteur de l'orage fit basculer le gouvernail à bâbord pour longer le rouleau qui se formait sur la crête de la gigantesque formation aqueuse.
Glissant sur la vague, bientôt pourchassée par la cascade mouvante, Sanada maintint le cap pour prendre de la vitesse et ainsi pouvoir contourner le rempart d'eau qui se dressait devant eux. Tout en se déplaçant, il tentait de faire grimper le bateau au sommet de la montagne bleue, et, après une lutte acharnée, il y parvint enfin.

- C'est maintenant qu'il fait réellement s'accrocher ! Dit Sanada en activant la technique de marche sur les arbres pour bien fixer ses membres à la fine couche de bois qui le séparait des tumultes sous-marin.

Changeant une nouvelle fois de direction, le petit bateau se mit à descendre le mur d'eau, prenant de la vitesse au point de ne laisser que la dérive toucher l'eau. Sanada avait déjà ressenti cette sensation lors de ses aventures avec le chef du clan Nara, cette impression de planer au-dessus du monde. Il regarda Kaneko avec un grand sourire, certaines personnes semblaient porter l'aventure en eux. Comme s'ils avaient un objectif qui dépassait leur condition humaine. Comme si personne ne pouvait se mettre en travers de leur route, pas même les dieux. L'Uzumaki semblait être de cette trempe. Après tout, elle n'avait pas hésité une seconde à braver la tempête avec lui.
Le catamaran filait à une telle vitesse qu'il dépassa l'immense vague, révélant pendant une seconde une vue plus dégagée sur l'océan.

Au loin, à leur droite, il grand navire de commerce semblait à la dérive, la majeure partie de sa voilure en lambeaux, la petite voile étant tout de même intacte. Pour ne pas arranger l'affaire, il semblait foncer vers un récif saillant qui allait sans doute le faire couler. À gauche, deux pêcheurs sur une barque aperçurent le catamaran et se mirent à les appeler à l'aide. Emportés par le courant, ils semblaient s'enfoncer de plus en plus vers l'horizon, leurs coups de rame ne pouvant concurrencer la force des dieux.

Sanada regarda les deux scènes en tournant la tête plusieurs fois. Que fallait-il faire, sauver les marins en premier puis foncer vers le navire ? Sauver le navire pour rattraper les malheureux ensuite ? Voilà que Shinsei posait un dilemme aux deux uzujins.

- Alors ? On fait quoi Kaneko-sama ? Dit-il.

Il se doutait bien que la jeune femme qui était née dans un clan ninja était forte. Haruka avait son âge et le surpassait pourtant grandement dans tous les domaines ninja. Elle, semblait un peu plus âgée encore, et sans doute, avait-elle une grande expérience dans les missions de sauvetage. Du moins, c'est ce qu'il espérait.

Technique utilisée:

- Bon. Fonce sur le bateau Masamune-kun, je te fais confiance pour éviter, ou délayer, le désastre. Priorité aux marins, puis aux marchandises. Je t'y rejoint. Pour l'instant, je m'occupe des deux autres.

L'Uzumaki semblait avoir hérité de la détermination légendaire de son clan et sans un mot de plus, elle passa par-dessus bord, titubant quelques secondes à peine sur la mer déchaînée avant de partir en courant vers la barque de pêcheur, créant une gerbe d'eau derrière elle.

Sanada n'eut malheureusement pas le temps de regarder les prouesses de la kunoichi, le navire de commerce continuait sa lente mais inexorable course vers les rochers, porté par la puissance des vagues et du courant.

Le jeune marin attrapa l'écoute fermement et tira dessus de toutes ses forces. Il attacha rapidement une corde au gouvernail qu'il saisit de l'autre bras avant de se pencher en arrière au-dessus de la mer, retenue par le cordage. Le catamaran se souleva par le côté, diminuant la friction de la coque avec l'eau. L'effet fut immédiat et le bateau prit encore plus de vitesse, fendant les vagues avant de planer un instant, survolant les immenses creux, à la manière d'un poisson volant. Lorsqu'il fut assez près pour distinguer avec précision le navire et la distance que le séparait de son trépas, il abaissa la voile pour ne pas heurter la coque du voilier marchant avec trop de force, mais une vague sournoise le fit accélérer au dernier moment, et le catamaran perdit une partie d'une de ses aiguilles.

Sans hésitation, Sanada s'élança vers le bois du bateau les pieds en avant. Son chakra toujours concentré dans ses pieds l'aida à monter sur le pont sans encombres et sans même prêter un regard aux membres d'équipages qui le regardèrent quelque peu abasourdi, il continua sa course en hauteur pour finir sur le nid-de-pie. Il prit un moment pour se calmer et se concentrer, puis, après une courte prière, il concentra son chakra ranton dans les mains. Une sphère parfaite se forma aux creux de ses paumes, Sanada la laissa grimper dans le royaume des cieux. La pression et la force du tumulte fit exploser le ranton. Aussitôt, une vague d'énergie impalpable fut projeter dans tous les sens, creusant un large trou dans le ciel noir, un précipice qui laissait passer les rayons ocres et rosés du coucher de soleil.
La vision était quelque peu surréaliste, presque autant que le calme plat qui venait de s'abattre sous ce cercle créé par le soldat des Cinq. Plus de vague, plus de vent, un calme si étrange qu'il paraissait dérangeant. Le bruit du tonnerre grondait encore au loin, mais sur plusieurs centaines de mètres autour de lui, la tempête ne semblait plus avoir d'emprise.

Malgré tout, la force d'inertie continuait de faire avancer le bateau.

Sanada dévala le mat en courant avant de sauter en face de la barre qu'il tourna à tribord de toutes ses maigres forces.

- Allez ! On se bouge ! Déployez les rames à bâbord, ça va aider le navire pour tourner.

Les marins eurent l'air stupéfait. Qui était donc ce gamin qui se permettait de diriger un bateau étranger ? Etait-ce lui qui avait provoqué cette soudaine accalmie ? Comment ?

- Allez les gars ! On peut encore sauver la marchandise ! Dit un marin en se précipitant vers les cales pour jeter les rames à l'eau.

- Toi là ! Dit Sanada en pointant du doigt le marin le plus massif. Tu viens ici et tu prends la barre, j'ai pas assez de force.

- Mais je suis qu'un mousse...

- Il ne peut pas, je suis le second je vais m'en occuper. Coupa une autre plus vieux avec une jambe de bois.

- Tu as des bras moins épais que les pattes d'un moustiquen on a pas besoin de précision. Allez à la barre le mousse, tu es capitaine remplaçant.

Le colosse ne se fit pas prier et attrapa le cercle de bois ouvragé. Sanada se précipita vers l'avant du pont pour vérifier s'il y avait encore un espoir, le bateau tournait, mais la roche se faisait de plus en plus pesante, dominant le grand navire avec une majesté qui n'appartenait qu'à mère Nature.

Il monta sur la figure de proue qui représentait une créature aquatique mêlant le lion et le serpent de mer et pria.
Il n'était plus qu'à quelques mètres de la roche.
Et il se rapprochait encore.

Enfin, le pivotement du bateau et le calme des flots eurent raison de la course folle du navire. Sanada put, en tendant le bras, frôler le rempart de pierre qui avait faillit enfanter une nouvelle épave dans les eaux tumultueuses des îles.

Alors que les marins se congratulaient, Sanada sortit son calumet et s'assit sur la figure de proue. Après un instant, il vit Kaneko porter les deux pêcheurs comme s'il s'agissait de vulgaires sacs de courses.

Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, Sanada expira la fumée avant de lui faire le résumé de la situation qui n'était pas aussi brillante que prévu. Ne la connaissant pas, il ne savait pas si elle allait réagir avec la fougue Uzumaki dont Otohime était le symbole le plus cru, mais il n'avait pas le choix de toutes les façons.

- Vous êtes super balèze ! Dit-il en sifflant d'un air admiratif. J'ai parlé avec l'équipage. Pas beaucoup, mais assez pour savoir que ce n'est pas le bateau qu'on recherche. C'est un bateau du pays du feu qui s'est fait surprendre dans la tempête, la moitié des hommes sont passés par dessus-bord. L'autre problème c'est qu'il n'y a plus de vent, et je sais pas encore combien de temps cela va durer mais on peut pas déplacer ce joujou à la rame avec le peu d'équipage qui reste. Je pense qu'on devrait repartir avec le catamaran. Ils n'ont plus rien à craindre, pour le moment. Dit Sanada en regardant le ciel pour ne pas croiser le regard de Kaneko.

S'il usait du pouvoir de l'orage, il ne connaissait pas encore les intimes secrets de ce domaine. Il avait dissipé la tempête, mais pour combien de temps encore ? Pourtant, si ce bateau immense et de marins chevronnés avait échoué à traverser l'océan et sa colère, il fallait absolument continuer les recherches afin de sauver les hommes et peut-être la marchandise de Kaneko.

Ou bien était-ce le contraire ?

Technique utilisée:

Cette Uzumaki avait une étrange manière de se présenter systématiquement quand elle semblait voir de nouveaux visage. Sanada, qui n'était pas versé dans l'art du commerce et de la négoce ne comprenait pas bien cette habitude pourtant considérée comme la norme dans le milieu des affaires. Les marchands avaient toujours besoin de marins et les marins ne pouvaient se retrouver sans marchandise à transporter. Dans ces deux cas, le souvenir d'un nom et d'un lieu suffisait à changer la donne pour les deux partis.

Le soldat des Cinq était bien au-dessus de ces pourparlers marchands, littéralement.

Retourné sur le nid-de-pie sous l'ordre de la kunoichi à la cape carmin, il scrutait l'horizon à la recherche d'une silhouette de bois. De cet endroit, il pouvait nettement voir la distance d'effet du Kirema qui avait tracé une bulle de calme au milieu du torrent qui mêlait l'océan et le ciel.
Au loin, dans l'immense zone encore sous l'emprise de l'orage, il distingua une large embarcation. Malgré le temps, il pouvait apercevoir un tissu bleu qui trônait au-dessus des voiles, dévoilant l'appartenance du navire au village caché du Tourbillon.

- Je crois que j'ai repéré le bon ! Cria Sanada à l'Uzumaki en redescendant en vitesse pour détacher le catamaran qui avait déjà bien souffert. On devrait pas tarder, au cas où vous voudriez vous présenter aux poissons qu'on croise en chemin. Continua-t-il un air de franche camaraderie éclairant son visage.

Il avait parfaitement conscience qu'il parlait à une supérieure militaire, et qui lui-même étant un soldat, cela n'était pas de très bonne éducation. Mais suivre les préceptes de la hiérarchie n'avaient jamais vraiment été son fort, et après tout, il n'était pas en mission officielle, il ne faisait qu'aider une shinobi dans une affaire privée.

Souhaitant tout de même ne pas avoir trop courroucé Kaneko, le genin s'empara des rames de l'embarcation et les plongea pour rejoindre la frontière qui séparait le calme de la tempête.

- J'espère vraiment que ce sera le bon cette fois-ci. La nuit ne va pas tarder et c'est une nouvelle lune qui va trôner dans l'empire des dieux ce soir. Si on ne retrouve pas votre bateau avant, il faudra rentrer au port. À moins que vous ayez une technique pour éclairer la nuit. Dit Sanada en allumant son calumet avant de refermer le clapet en métal qui protégeait le foyer des éclaboussures d'eau salé et du vent, quand il y en avait.

La traversée de ce désert plat fut assez longue et c'est un bras endolori qui put enfin se saisir de la barre alors que les deux uzujins retournaient dans l'enfer bleu et gris. Le contraste était tel que le jeune homme crut que ses tympans allaient exploser sous la force du tonnerre et des vagues qui venaient de chasser le calme provoqué par le Kirema.
Le jeune homme dut crier pour se faire entendre de la marchande.

- Il faut suivre le cap Nord-est. Le bateau est gros, on ne devrait pas....

Mais Sanada ne put finir sa phrase. À une centaine de mètres, un énorme bateau venait de déchirer l'horizon, éclairé par un éclair plus long et lumineux que les autres. La distance était trop grande, et leur embarcation trop petite pour qu'ils aient remarqué le catamaran. Le bateau semblait avoir un objectif, et, tristement, il se dirigeait vers l'endroit même où Sanada avait aperçu le navire battant pavillon uzujin.
Un autre éclair illumina le navire intrus. Il s'agissait d'un majestueux trois-mâts qui ne devait pas faire moins d'une trentaine de mètres. Des dizaines de canons semblaient imbriqués dans la coque rafistolée à l'aide de bois hétéroclites, les voiles étaient toutes teintes de noir. Au sommet du plus haut mât, enfin, un drapeau noir arborant une tête-de-mort signait l'identité de ce fantôme de mers apparu si promptement.

- Je crois que nous avons un autre problème. Les pirates semblent tout aussi intéressé par votre marchandise que vous l'êtes.

Sanada resserra l'écoute pour prendre de la vitesse. Il n'avait pas peur d'une bande de brigands des mers, mais il fallait arriver avant eux pour sécuriser les trésors de la jeune femme.

Pour ce qui est de repousser les pirates, Sanada ne doutait ni de sa partenaire, ni de lui-même. Elle devait être puissante comme toutes les Uzumaki et lui allait combattre au cœur même de son royaume. Les écumeurs venaient de choisir la mauvaise cible.

La Kunoichi disparut dans les creux des immenses vagues qui agitaient l'océan. Le genin n'eut pas le temps d'observer plus longuement la course de l'Uzumaki et tenta une manœuvre pour se rapprocher plus rapidement que le mastodonte des mers de l'objectif. Les courses-poursuites en bateau n'avaient pas la fougue d'une fuite à cheval, mais chaque action comptait. Une erreur, et le frêle catamaran allait être emporté par une vague jusqu'à s'écraser sur la coque d'un des colosses des mers.

Chaque fois qu'il gravissait une montagne mouvante, il apercevait le vaisseau pirate et jaugeait ainsi de la distance qui les séparaient. Malgré sa taille plus qu'imposante, l'équipage semblait expérimenté car le navire grapillait quelques mètres d'avance à chacune de ses apparitions fugaces.
Plus il s'approchait du navire de commerce, moins la fenêtre pour l'atteindre avant les pirates semblait grande.

Saisissant un kunai sur lequel il attachait une bombe lumineuse, il attendit le moment opportun pour planter le projectile dans les planches de l'épave pirate.

- Katsu ! S’écria-t-il.

Aussitôt, un flash lumineux vint éclairer la scène et déchirer le voile noir qui étendait son ombre sur les eaux déchaînées. Avec une lumière aussi vive, le signal avait été sans nul doute capté par l'Uzumaki. Détournant le regard du bateau ennemi, le soldat des Cinq se concentra pleinement sur la trajectoire à prendre pour tenter de combler son retard.

Il était à quelques dizaines de mètres du navire marchand quand il entendit un bruit étrange, comme une course sur l'eau qui fendait les vagues. Il pensa d'abord à l'uzujin bien sûr, sans doute avait-elle réussi son sabotage et revenait pour contrer l'abordage. Pourtant, lorsqu'il distingua enfin la silhouette qui s'approchait, sa chevelure n'était pas rouge, ses habits aussi avaient changé. En dessous de la silhouette qui courait toujours à une vitesse ahurissante vers le genin, une ombre semblait la suivre, nageant aussi vite qu'elle se déplaçait. Enfin, l'ombre et la silhouette fusionnèrent et prirent encore plus de vitesse avant de sauter, révélant la nature effroyable de l'animal qui "transportait" le ninja.

Un requin d'eau, les dents en avant, venait de se jeter sur le catamaran, blessant Sanada qui fut expulsé par le choc gigantesque qu'il venait de subir.

Le bruit fut étouffé, la sensation de l'eau tropicale presque tiède fut presque un réconfort pour son corps endolori. Il restait une seconde immobile, tentant de comprendre ce qui venait de lui arriver puis remonta à la surface. Le visage encore à moitié immergé, il reçut un violent coup qui le déstabilisa encore un peu plus, l'empêchant d'utiliser la technique de marche sur l'eau pour se sortir de ce pétrin.
Enfin, il sentit soudain l'eau s'agiter autour de lui. L'élément aqueux semblait créer des courants circulaires autour de son corps, l'empêchant de se mouvoir à son aise. Lentement, il se sentit remonter, mais l'eau ne partit pas pour autant. L'air se faisait déjà désirer dans ses poumons, n'ayant pas eu le temps de prendre une grande inspiration.
Totalement, hors de l'eau, il put observer qu'il était prisonnier d'une sphère aqueuse, sphère qui semblait maintenue par la main d'une femme.

Sanada ne l'avait jamais vu, et pourtant, au premier coup d'œil, il sut à qui il avait à faire.
Lui qui traînait sans cesse au port et rêvait d'être un marin craint connaissait les principales figures qui composaient le paysage de la guerre qui opposait les pirates, bandits avides de richesses et de navire pour augmenter leurs flottes, et les corsaires, marins engagés par le Daimyo pour protéger les denrées qui transitaient par voie maritime.

Parmi ces légendes vivantes, il y avait "Siyahh de la brume", une capitaine pirate aussi redoutée pour sa cruauté que pour son œil vide, qu'on disait habité par un démon des eaux. Si Sanada n'avait jamais vraiment compris le titre que ses congénères lui avaient donné, maintenant qu'elle était à quelques centimètres de lui, il devenait évident. Sa chevelure blanche se mariait parfaitement avec son oeil légendaire, mais aussi avec l'autre qui n'était pas beaucoup plus sombre. Elle semblait presque éthérée tant elle paraissait provenir d'un monde sans couleur, un monde froid qui brillait dans son iris gris clair.



Tentant vainement de s'échapper, il se rendit compte avec horreur qu'il avait laissé son équipement sur le bateau au moment où il avait lancé la bombe lumineuse.

Siyahh de la brume avait un air satisfait, elle ne quittait pas les yeux du jeune homme de son regard pâle, se délectant de la panique qui emplissait son corps en même temps que l'eau salé. Enfin, elle se tourna et ouvrit la bouche. Une voix plus forte que le tonnerre retentit aux alentours, apparemment la sienne.

- Ninja ! Je suis le capitaine de ces deux navires dorénavant. Je ne sais pas ce que tu comptes faire, mais sache que j'ai ton équipier avec moi et qui si tu ne laisses pas mon équipage prendre le navire, il mourra étouffé. Je garde l'équipage et je te rends la fille... Ou le garçon. En tout cas, dépêche-toi, il commence à gigoter comme un poulpe coincé dans un rouleau sous-marin, prochaine étape, il va gonfler comme un ballon !
Dit-elle avant de transpercer le ciel d'un rire si puissant qu'il aurait pu être entendu jusque dans la tour du Senkage.

Sanada s'en serait voulu de devenir un poids pour Kaneko s'il ne sentait pas son âme quitter lentement son enveloppe charnelle. Il allait mourir par l'océan, avec la tempête pour témoin, au fond, cela faisait sens.

Techniques utilisées par Sanada:

Techniques utilisées par Siyahh de la brume:

Au travers de la bulle, des couleurs vives jaillirent, dans ce torrent orange, une ombre se dessina. Sanada reconnut Kaneko, et remercia intérieurement les dieux pour sa survie. Presque aussitôt, il sentit la prison aqueuse se liquéfier sur son corps, le laissant retomber dans l'immensité des profondeurs avant qu'une immense vague ne le mène plus loin.

Le soldat des Cinq avait honte, il avait été négligent, bien trop en confiance sur un domaine qu'il croyait sien. La doctrine de la Pythie enseignait pourtant que tout n'était qu'emprunt quand il s'agissait du chakra et que si les ninjas pouvaient manipuler la foudre ou l'eau, ils ne pouvaient pas faire tomber l'orage pendant des jours sur une partie du continent ou créer les vagues qui ballottaient les grands navires. Il avait proposé son aide, et voilà qu'il devenait un poids pour celle qui ne cherchait que sa marchandise.

Profitant d'un creux entre deux gigantesques vagues, il composa les mudras de "la marche sur l'eau" et gravit le mont aqueux en direction de Kaneko.

La pirate avait vraisemblablement esquivé le coup de l'Uzumaki, contrainte de relâcher l'étreinte étanche qu'elle avait placé autour du genin. Voilà que la beauté pâle de l'écume faisait face à la splendeur rougeoyante du feu ardent.

Le jeune homme continua sa course jusqu'à parvenir à quelques mètres de la pirate qui composait déjà de nouveaux mudras.

Elle invoqua une spirale d'eau qui se fonça droit sur le genin. Celui-ci sentit son masque vibrer comme lorsque les cieux l'avertissaient d'un danger. Par réflexes, il plongea sous l'eau un instant et évita d'être propulsé au loin par la force de frappe de la technique.
À peine remonté à la surface, il invoqua une majestueuse murène d'orage qui ondula à grande vitesse en direction de Syiahh. Celle-ci, trop occupée à surveiller l'Uzumaki, croyant que son "suigon suima" avait touché, ne vit pas l'animal chakratique qui s'enroula autour de son corps svelte pour l'enserrer avec violence.

- Kaneko-sama ! Elle est entravée !

En toile de fond, le bateau pirate de la brume continuait de flamber, attiré fatalement par les abysses. Les quelques pirates qui avaient survécu nageant tant bien que mal en direction du navire marchand, seule bouée viable à l'horizon.

La capitaine du bateau perdu n'était pas en bonne posture, peut-être allait-elle fuir pour sauver sa peau. L'Uzumaki semblait une femme puissante, elle venait de détruire un mastodonte des mers sans trop de difficultés tout en sauvant le subordonné qui l'accompagnait. Sanada lui, était plus déterminé que jamais à arrêter la femme.
S'ils pouvaient ramener la marchandise et une criminelle notoire au village, ce n'était que du bénéfice pour la marchande. Sanada qui rêvait de devenir le protecteur des mers d'Uzushio lui, pouvait ouvrir à cette occasion son tableau de chasse.

La première pierre à son édifice du marin le plus craint du Sekai.

Techniques utilisées par Sanada:

Techniques utilisées par Siyahh de la brume: