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Le Festival des Damnés • solo ; flashback

Myōshin Junko
Myōshin Junko
Uzushio no Jonin
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Myōshin Junko




Je l’approche de mes yeux. Il y a écrit : « Be careful. »
Mais à qui, à quoi dois-je faire attention ?


Le temps nous sera-t-il favorable cette année ?
Qui sait… Ce sera peut-être le cadet de nos soucis.
La pluie avait enfin cessé de battre sur le paisible village d’Uji-shi, laissant derrière elle une douce et apaisante odeur de pétrichor. La vie reprenait peu à peu son rythme tandis que, dans le grand hall du Byōdō-in, deux moines observaient le ciel, à l’abri des derniers filets d’eau s’écoulant du toit.
Comment ça ?
Mais le second resta silencieux, secouant doucement la tête, avant de se détourner de la scène.
Je vais voir le Grand Maitre.
On disait que Sōjun avait le don de voyance. Arrivé il avait de cela quinze ans, il avait embrassé les préceptes de l’école de la Terre Pure et n’était plus jamais reparti. Nul ne connaissait ses origines et la vie qu’il avait menée auparavant, et nul ne souhaitait véritablement le savoir. Ses talents hors du commun laissaient entrevoir un passé complexe et douloureux, dont il valait mieux ignorer les détails. Les moines avaient simplement accepté que son existence puisse être imparfaite et son dévouement avait fait le reste ; ici, il était apprécié et respecté.
En pénétrant dans le hōōdō, il manqua de se faire percuter par un jeune garçon qui, noyé sous une montagne de lampions, ne voyait pas plus loin que ses pieds. Ce dernier voulut faire un geste pour s’excuser, renversant par la même occasion une partie de son chargement. Sōjun eut un sourire en voyant l’enfant repartir en courant. Ce n’était pas seulement la fougue de la jeunesse qui le poussait de la sorte. Quelque chose se tramait, sous le regard du bouddha Amida ; il régnait une certaine effervescence, comme si la fin de la pluie avait été le signal que tous attendaient.
Quelles sont les nouvelles, Sōjun ?
Nous allons avoir de la visite, répondit l’intéressé, reconnaissant la voix de son interlocuteur avant même de le voir.
Yorimichi était un vieil homme que la vie n’avait pas épargné. Courbé sur son bâton, il avait perdu cette prestance qui avait fait l’admiration de Sōjun lors de leur première rencontre. Ce n’était plus qu’un être chétif attendant patiemment que la mort lui tende les bras. Ils avaient d’ailleurs cru que ce moment arriverait, deux ans auparavant, lorsqu’une terrible maladie s’était emparée de lui, mais il avait survécu. Il était ressorti de cette épreuve plus amoindri que jamais, la peau grêlée et le corps déformé, mais bien vivant. Il avait simplement dit : « Tant que l’esprit perdure. » Sōjun en avait fait un mantra.
De la visite, répéta le vieil homme, c’est rare, mais ce ne serait pas la première fois… Et pourtant, tu as l’air préoccupé.
Cette fois, c’est différent… Ce n’est pas un bon présage.
Il plongea son regard dans celui du Grand Maitre, avant d’ajouter avec assurance :
Laissez-moi y aller. Je serai de retour pour l’ouverture du festival.


Que faites-vous là ?
Il était difficile de distinguer correctement la silhouette dissimulée dans l’ombre, mais Sōjun voyait des choses qui étaient invisibles aux yeux des hommes. Pour lui, la créature qui se mouvait silencieusement semblait briller de mille feux.
Que faîtes-vous là ? répéta-t-il un peu plus fermement.
Il se tenait à bonne distance, par prudence, mais n’était pas réellement inquiet de se retrouver seul, à une heure aussi avancée, sur ce chemin lugubre. Bien que lointaines, l’homme se souvenait distinctement d’une époque agitée et de rencontres bien plus dangereuses. Il avait côtoyé la mort, il l’avait embrassée même, et cette dernière avait bien failli le dévorer.
J’ai… suivi… les lumières…
La réponse était timide, étouffée, comme un murmure porté par le vent. Il y eut alors un mouvement dans le bas-côté, quelqu’un ou quelque chose remonta lentement sur la route, et une silhouette se découpa finalement, à la lumière des lanternes éparses éclairant faiblement le passage. Une femme, penchée vers l’avant comme si elle tenait quelque chose, présenta son visage aux yeux de Sōjun.
Le moine ne s’était pas attendu à ce que ses craintes aient des courbes féminines. Il tâcha de ne rien laisser paraître néanmoins, et son ton se fit plus dur encore, tandis qu’il s’approchait.
Elles ne sont pas pour vous. Partez, avant qu’il ne soit trop tard.
Je veux seulement…
Les shinobis ne sont pas les bienvenus ici.
Il la vit alors ouvrir la bouche pour répliquer, et il leva une main autoritaire, intimant le silence. Elle fronça les sourcils, visiblement confuse, mais il ne daigna pas lui fournir d’explications. Il lui indiqua simplement le chemin d’où elle venait et, d’un mouvement, lui ordonna de faire demi-tour. Alors, ses épaules s’affaissèrent et elle baissa la tête. A la lumière des lanternes, il lui sembla voir quelques larmes couler sur son visage, comme elle se penchait davantage vers l’avant.
Je vous en supplie…
Elle gémissait, mais n’osait visiblement pas avancer vers lui. Sōjun songea que c’était pour le mieux. Il détestait que l’on s’accroche à ses habits pour quémander. Cela rendait les choses inutilement compliquées, et c’était bien souvent un déchirement, car il avait à cœur de toujours aider s’il le pouvait.
Cela dit, si elle resta à l’endroit où elle était, elle finit par lever une main vers lui. Alors, il comprit que quelque chose n’allait pas. La pluie avait cessé depuis plusieurs heures déjà, et pourtant quelque chose gouttait, du bout de ses doigts. Une flamme vacilla, révélant la couleur du sang, beaucoup de sang.
Pour la première fois, son regard croisa celui de la jeune femme. Il y vit une lueur qu’il ne connaissait que trop bien : la peur de mourir.
C’est trop tard pour ça, murmura-t-il.
Elle s’écroula.

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Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin.


Un sursaut, dans la nuit noire, éveilla la jeune femme allongée sur le futon. Elle faisait un rêve étrange et, comme tous ceux qui vont assister à leur mort, son esprit y avait un terme de lui-même, lui épargnant certainement une vision troublante. D’instinct, elle porta sa main à son bas-ventre. Nulle trace du sang qu’elle avait perdu là-bas. Il lui semblait pourtant sentir une espèce de douleur fantôme, comme si elle avait été poignardée à plusieurs reprises. Un rêve pouvait-il être si précis, si intense que l’on ne pouvait le distinguer de la réalité ?
Troublée, elle fit quelques pas dans l’obscurité, cherchant son chemin à tâtons. Il lui sembla finalement atteindre le fusuma de sa chambre et elle s’empressa de l’entrebâiller. Il donnait directement sur un petit jardin et les lumières de la rue par-delà le muret s’engouffrèrent timidement dans la pièce.
Elle ne reconnaissait pas l’endroit, mais cela ne parut pas l’inquiéter. Cela faisait des mois qu’elle avait quitté Hommachi, la montagne des Dieux, et tout lui semblait étranger depuis. D’est en ouest, du nord au sud, elle parcourait le Sekai sans savoir où ses pas la porteraient le lendemain. Elle cherchait une figure amicale, un endroit accueillant, espérant mettre un terme à son voyage erratique, mais quelque chose l’empêchait toujours de s’attacher.
Elle s’était arrêtée, la veille, dans une auberge à l’est du massif de Guhiko. Dernièrement, elle s’était mise en tête de s’enfuir dans le Grand Ouest, quitter le Sekai pour une autre terre. Elle avait entendu parler du désert de Kohan, un immense saï dont personne n’avait vu le bout. Peut-être était-ce là son destin… Un nouveau départ, si elle atteignait l’autre côté, ou une mort certaine, si elle échouait. Mais elle s’estimait déjà gagnante car, dans un cas comme dans l’autre, elle était certaine de mettre un terme à ses souffrances.

Une clameur soudaine, tranchant avec le silence de la nuit, la tira de ses pensées. Cela semblait provenir d’un peu plus haut dans la rue. Intriguée, elle s’avança sur les cailloux blancs et rejoignit le muret qui délimitait le jardin. Elle aimait la sensation de la pierre froide et pointue qui lui piquait ses pieds nus et elle se serait certainement attardée là si une nouvelle clameur ne retentissait pas encore. Escaladant sans mal l’enceinte de pierre et d’argile, elle se laissa retomber de l’autre côté.
Plus loin dans la rue, là où le chemin de terre croisait la rivière, les lampions se faisaient plus nombreux, comme si l’on avait prévu un rassemblement. Aveuglée par les lumières lointaines alors qu’elle avançait dans la pénombre, la jeune femme ne pouvait distinguer correctement ce qu’il s’y passait, mais il lui sembla finalement entendre une musique lancinante. C’était comme un râle profond, monocorde, qui s’amplifiait à mesure qu’elle avançait. Elle crut tout d’abord distinguer plusieurs voix, puis plusieurs silhouettes pour accompagner ces voix. Et finalement, alors qu’elle atteignait presque la croisée des chemins, il se découvrit sous ses yeux ébahis un cortège insolite.
Toutes sortes de yōkai prenaient possession des lieux ; oni, tengu, rokurokobi, mais également des animaux et des tsukumogami. L’un d’entre eux chantait, un autre frappait sur un tambour. Contemplant silencieusement ces êtres d’un autre monde, la femme se rendit compte qu’ils ne l’effrayaient pas. Bien au contraire, elle se sentait en confiance, si proche d’eux. Equipés de simples torches, ils traversaient le pont menant à la place éclairée. Le passage vers la Lumière… C’était une scène commune dans la tradition bouddhique. Un instant, elle se demanda si elle avait finalement atteint le nirvāna.

Après quelques secondes d’observation, elle finit par le voir. Au milieu du pont, droit parmi la foule d’êtres surnaturels… Sōjun. Comment connaissait-elle son nom ? Quelques minutes auparavant elle croyait avoir rêvé leur rencontre, et maintenant qu’elle le voyait, en chair et en os, ça lui était venu naturellement, comme s’ils s’étaient déjà côtoyés. Il la fixait de ses yeux perçants et elle lui trouva un air de corbeau. C’était lui, qui menait les âmes de l’autre côté du pont. Dans un murmure, elle prononça son nom ; Sōjun.
Attirée par son regard imperturbable et profond qui semblait sonder son âme, elle reprit sa route. Mais à mesure qu’elle avançait, il lui sembla que l’air se rafraîchissait. Sous ses pieds nus, la terre se faisait plus mordante. Bientôt, elle exhalerait un voile blanchâtre. Alors, elle ralentit le pas, avant de s’immobiliser tout à fait. Tout autour, la musique s’était arrêtée et un étrange silence avait fini par s’installer. Les yōkai ne bougeaient plus non plus ; ils avaient interrompus leur marche singulière et la regardaient comme Sōjun la fixait également. Elle qui était en confiance jusqu’à présent se sentait brutalement étrangère. Il y eut un flottement, un court instant pendant lequel elle crut le voir tendre son bras dans sa direction. Puis tout s’enchaîna. Il y eut un cri de femme. Puissant, strident. La tête d’un rokurokubi se détacha de son corps, et son cou s’étira vers elle à toute vitesse, la gueule ouverte.


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Mais que s’est-il passé, vraiment ?


Nouveau sursaut, accompagné d’un hurlement de terreur. La jeune femme s’éveillait en sueur, le cœur prêt à jaillir de sa poitrine. Comme auparavant, il faisait nuit, et elle reconnut tout de suite la chambre. Cette fois cependant, quelqu’un avait allumé une petite flamme que l’air faisait danser furieusement, projetant tout un tas d’ombres inquiétantes sur les murs de papier. Elle voulut alors se redresser, mais une douleur fulgurante la saisit. Son ventre... Elle sentit ses entrailles se tordre et elle poussa un gémissement malgré elle.
Vous n’auriez pas dû sortir. Vous auriez pu mourir avant d’atteindre l’Eveil.
Elle sursauta brutalement. Il était là, assis silencieusement dans la pénombre, et elle le découvrait tout juste.
Sōjun ?
Il sourit pour toute réponse et le jeu d’ombre et de lumière déforma ses traits, creusant les sillons de sa peau, lui donnant un air de tengu. Un frisson parcourut son échine. Il reporta alors son attention sur le contenu du petit bol devant lui, dont il extrayait une pâte difforme, qu’il entreprit de rouler entre les paumes de ses mains. Elle l’observa un instant, avant de finalement poser la question qui lui brûlait les lèvres.
Qu’est-ce que vous faisiez dehors ? Vous étiez avec ces esprits…
Le festival des Damnés, répondit-il doucement. Sur le chemin de l’Eveil, le moine Amida s’est arrêté et, après avoir contemplé l’humanité tout entière, a conclu le pacte suivant : il ne sera pas bouddha tant que toutes les âmes ne sont pas sauvées. Chaque année, nous l’honorons en permettant à ces esprits damnés de renaître au sein de la Terre Pure.
Le Jōdo shū…
C’est ainsi que le Sekai nous nomme.
Au fond de ses yeux brillait une lueur nouvelle. En poussant toujours plus vers l’ouest, son chemin avait finalement croisé celui de l’école de la Terre Pure de l’Ouest. Faisant fi de ses blessures, elle se plaça sur les genoux, face à l’homme et le considéra en silence. Il tournait encore la boule de pâte entre ses mains, paisiblement. Etait-ce un signe de Kannon ? Son voyage arrivait-il à son terme ?
Je viens du temple du Myōshin-ji, dit-elle finalement avec douceur.
Il ne parut pas surpris, hochant doucement la tête. Il savait.
Et vous êtes shinobi.
Elle tressaillit en attendant ce nom maudit, ce nom qui lui avait causé tant de peine. Mais l’était-elle vraiment ? Elle l’avait désiré plus que tout, et maintenant elle regrettait. Il perçut son désarroi, mais cela ne sembla pas l’émouvoir. Bien au contraire, il poursuivit sur le même ton :
Vous partirez à l’aube. Personne ne vous verra.  


Vous m’avez menti !
Elle avait le regard accusateur et sauvage, le buste penché vers lui tandis que ses bras étaient retenus vers l’arrière. Pour tous les autres, elle avait l’air d’une folle furieuse. Mais lui voyait autre chose. Il voyait la blancheur de sa peau, maintenant qu’ils étaient en plein jour. Il voyait la noirceur de son âme, aussi. C’était une jeune femme profondément meurtrie. Il avait tenté de la sauver de ses blessures physiques, sans voir qu’elle était déjà condamnée. Un moment de faiblesse qui lui causait bien du souci, à présent. Mais, ne laissant rien paraître, il eut un sourire et posa une main sur son visage avec douceur.
Vous auriez dû partir quand vous le pouviez. Je vous avais prévenu.
Il fit un geste et les quelques personnes présentes firent demi-tour. Il était temps de rentrer et d’abandonner l’étrangère à son triste sort. Cette fois, il ne faiblirait pas.
Je sais ce que vous êtes, lança-t-elle abruptement, alors qu’il ne restait plus que lui à portée de voix.
Et comme il feignait de ne pas comprendre, elle ajouta, plus virulente :
Je sais ce que vous faites, ici. Je trouverai le moyen de me libérer et…
Le sourire de Sōjun sembla se figer soudainement. Il eut un rictus indéchiffrable, puis quelque chose changea tout à fait dans l’attitude de la jeune femme. Son corps s’arqua dans une position qui n’avait rien de naturel, la poitrine soulevée vers le ciel comme si son squelette cherchait à s’extirper de son corps. Elle semblait tétanisée par la peur, et il sut précisément ce qu’elle vivait. Elle avait l’impression de basculer, et de tomber, irrémédiablement attirée par un vide invisible. Il la vit qui voulait appeler à l’aide mais les mots ne passaient pas ses lèvres. Elle tira sur les liens qui la retenaient, cherchant certainement à porter la main à sa gorge, comme si quelque chose l’étranglait. De ses yeux révulsés s’écoulèrent quelques larmes, tandis qu’elle cherchait désespérément à reprendre son souffle. La lutte dura ainsi un long moment, puis son corps s’affaissa enfin. Elle gisait, suspendue à ses chaînes, inconsciente.
Si tu sais ce que je suis et ce que je fais, tu dois aussi savoir qu’il ne faut pas me contrarier.

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Myōshin Junko


Il n’est pire eau que l’eau qui dort.


« Ne lui en voulez pas, mon enfant. »
La voix paraissait si lointaine, si étouffée. Déformée.
« Votre présence semble raviver de douloureux souvenirs. »
Presque irréelle. Comme venue d’un autre monde.
« Je lui parlerai et il m’écoutera. »
Mais que disait-elle exactement ? Pourquoi était-ce si difficile de comprendre ?
« Reposez-vous. Vous êtes l’une des nôtres, à présent. »
De nouveau, le silence, pesant.


Ah, enfin… Elle se réveille !
Lorsque la jeune femme tenta d’ouvrir les yeux, la lumière du jour l’aveugla violemment et elle eut subitement mal au crâne. Elle sentit des mains la palper çà et là, avec douceur, la faisant frissonner. Elle tenta de les chasser d’un geste, mais ses propres mains refusèrent de bouger, comme si sa force l’avait quittée. Elle renonça alors, lasse et résignée.
Puis, peu à peu, ses yeux s’habituèrent à la luminosité ambiante et elle put regarder ce que faisaient les mains sur son corps. On lui changeait les bandages de son abdomen. Alors, son regard remonta un peu plus haut, et elle reconnut le visage de celui qui pansait ses blessures. Ainsi focalisé sur ses soins, ses traits étaient encore différents des fois précédentes et elle se demanda s’il était réellement possible pour un homme d’avoir le visage si changeant. En cet instant, il avait un air doux et un sourire attendri. Etrangement, elle n’arrivait pas à lui en vouloir pour ce qu’il avait fait. Il paraissait si innocent. Elle voulut encore bouger, mais il posa le plat de sa main sur sa poitrine pour la retenir.
Tiens-toi tranquille.
Une autre voix lui répondit, de l’autre côté de son corps.
Toi aussi, Sōjun. Ne dois-tu pas des excuses à notre invitée ?
Elle tourna la tête vers l’inconnu. Yorimichi se tenait appuyé sur sa canne, à moitié penché vers elle. Il lui offrit ce qui devait être son plus beau sourire, mais elle ne vit que sa bouche édentée et sa peau trouée. Elle ne sut que répondre, détournant précipitamment le regard en direction du plafond. Mais, après un moment d’hésitation, elle se résolut à tout dévoiler au vieil homme. Il devait savoir.
Monsieur…
Grand Maitre, la coupa Sōjun. Fais preuve de respect envers celui qui t’a sauvé la vie.
Grand Maitre, cet homme vous ment. J’ai tout découvert, je…
Je sais, je sais, l’interrompit cette fois le vieux Yorimichi, avec une douceur surprenante dans la voix.
Au prix d’un grand effort, il se laissa tomber au sol, pour arriver à la hauteur de la jeune femme. Il la regarda un instant et soupira longuement. Elle sentit le poids des années qui pesaient sur son être.
Cet homme ne me ment pas, Junko.
Elle tressaillit, surprise qu’il connaisse son prénom. Comme elle, quelques jours auparavant – ou peut-être que cela faisait déjà des semaines – avec Sōjun… Etait-ce le destin ? Mais l’homme continuait son discours, imperturbable, et elle n’eut pas le temps de le lui demander.
Il me dit ce que je dois savoir et cela me suffit. Tu le comprendras un jour sûrement : la connaissance est une malédiction. Quant à ce que tu as découvert, c’est moi qui le lui ai demandé. Le festival est un événement qui revêt beaucoup d’importance, à la fois pour nos croyances, car nous honorons Amida, mais également pour notre communauté. C’est ce qui l’unit et la fait vivre.
Il marqua une pause et elle sentit son regard la transpercer. Elle y trouva une grande sagesse, derrière le blanc d’une cataracte naissante.
J’ai entendu dire que le Myōshin-ji peinait à trouver de nouveaux adeptes. Se refusant à suivre l’évolution du monde, ils sombrent lentement. Dans ce coin du Sekai, le festival assure notre pérennité. Pour vous deux, ce n’est qu’une illusion, mais pour le peuple en quête de sens, c’est une réalité.
Il posa sa main sur l’épaule dévêtue de la jeune femme, comme pour conclure son discours. Sōjun prit alors le relai, tout en finissant d’appliquer un cataplasme sur le corps de la belle.
Je t’apprendrai ce que tu as à savoir. Puisque tu es une kunoichi, le Grand Maitre a décidé que tu m’aiderais dans ma tâche lors du festival. Tu pourras ainsi rester dans notre communauté, puisque tel est ton souhait. Comprends-tu ?
Elle n’avait dit mot, abasourdie par les révélations successives, et la question du moine la surprit. Elle comprenait, bien sûr. Alors, elle hocha la tête silencieusement.

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Les renards font la noce.


Les êtres dansaient, dans la pénombre, agitant leurs lanternes au rythme de leurs pas. Sōjun n’eut pas besoin de lui poser la question, il sut qu’elle les voyait. Elle avait cette lueur dans le regard, indescriptible mais si caractéristique, comme si elle était à la fois absente et parfaitement lucide. Il s’approcha alors doucement, prenant ses mains dans les siennes, lui offrant son chakra pour la libérer de ses visions. Elle ne dit rien, les lèvres légèrement entrouvertes comme si elle sortait d’un joli rêve et découvrait son visage pour la première fois.
Voilà ce que tu dois faire…
Passant dans son dos, il joignit ses mains avec les siennes et, sans la brusquer, plia ses doigts pour former un mudrā ; le signe de la chèvre. Alors qu’il procédait ainsi, il ne put s’empêcher de noter la froideur de ses mains. Elle ne dit rien, se contentant de baisser le regard et d’observer. Il poursuivit, glissant ses doigts entre les siens pour former Uma, le signe du cheval, puis Tatsu, le mudrā du dragon. Ceci fait, il se pencha davantage vers elle, murmurant à son oreille.
Tu les entends ? Ils sonnent les noces de la renarde.
En contrebas, une cloche retentissait vigoureusement dans le village d’Uji-shi. Et, comme une prophétie se réalisant, les rayons du soleil fendirent subitement les nuages en deux devant leurs yeux ébahis, baignant la montagne d’une lumière surnaturelle. Sōjun eut un sourire et, relâchant son emprise, s’écarta de la jeune femme.
Cela faisait longtemps que l’homme n’avait pas partagé de tels instants avec quelqu’un – surtout une jeune femme, car le monastère en était dépourvu. La présence d’un pair, même médiocre, avait également ravivé son intérêt pour l’art shinobi, lui qui ne pratiquait plus que par nécessité, en de rares occasions, comme lors du festival. Il se voyait de nouveau accomplir de grandes choses pour sa communauté, avec l’aide de son disciple. Il avait conscience que cela prendrait du temps, car elle n’avait pas beaucoup progressé depuis son arrivée, mais il était confiant – et légèrement sous le charme d’une beauté au regard mélancolique.
Malheureusement, son affection naissante pour la jeune femme ne signifiait pas pour autant qu’il comprenait la décision du Grand Maitre. Des années durant, il avait écarté les gens de son espèce du chemin du Byōdō-in et jamais il n’était arrivé que le vieil homme consente à les accueillir ainsi. Etait-ce parce qu’elle avait su lui résister ? Ou plutôt, parce qu’elle l’avait fait céder ? Serrant la mâchoire, l’homme résista à l’envie de faire sombrer la jeune innocente dans de nouvelles illusions, dans un accès de frustration. A la place, il se contenta de la regarder. Elle s’appliquait à reproduire les mudrā qu’il lui avait montrés. Ses gestes étaient hésitants et lents, et on devinait sans mal qu’elle ne maniait que rarement son art. Cela lui rappelait ses propres débuts, à une époque où l’hésitation n’était cependant pas permise et où l’on abandonnait les faibles.
Observe.
Chèvre, cheval, dragon ; par comparaison, les gestes de Sōjun étaient précis et rapides, tant et si bien qu’il était difficile de distinguer clairement les signes utilisés.
Il faut que tu atteignes cette rapidité, expliqua-t-il, sinon un adversaire averti saura ce que tu prépares. Il faut qu’ils soient discrets, aussi, sans quoi ton public pourra déceler la supercherie.


Elle s’y reprit à de nombreuses fois avant d’arriver à enchaîner les mudrā sans se tromper. Puis il lui fallut atteindre la rapidité de Sōjun – ou du moins, celle qu’il jugea acceptable. Il eut un hochement de tête qui se voulait encourageant, mais l’homme était lucide : il savait que la jeune femme avait encore bien du chemin à parcourir avant que les êtres folkloriques n’apparaissent devant ses yeux.
Est-ce que tu connais d’autres illusions ? demanda-t-il, visiblement curieux de découvrir ses capacités.
Elle sembla hésiter, penchant légèrement la tête sur le côté, une moue caractéristique sur le visage, et il put sentir son embarras. Il balaya la question d’un revers de main, avec l’air de dire que c’était sans importance. Mais alors qu’il allait passer à autre chose, elle annonça de but en blanc, comme si elle refusait de le décevoir :
L’illusion de mort.
De fait, il y eut une étincelle dans son regard. Il avait un regain d’espoir pour son élève. Elle se mordit légèrement la lèvre inférieure et il ne sut dire si c’était par nervosité ou parce qu’elle avait menti. Patient, il lui apprit que l’illusion de mort n’était pas si éloignée de ce qu’ils cherchaient à accomplir, et elle sembla comprendre ce qu’il voulait dire par là. Après tout, elle avait assisté au passage vers la Lumière, la première nuit qu’elle avait passé ici. Le souvenir qu’elle en gardait était encore net dans son esprit.
Avant de débuter ses premiers essais de la technique de Sōjun, la jeune femme s’entraîna donc à exécuter Narakumi quelques fois, comme pour se remémorer les sensations et, bien sûr, se donner confiance. Une première fois dans le vide, simplement pour sentir le chakra affluer et refluer dans son corps. Une seconde fois sur lui, ce qui le fit sourire, car elle découvrit à cette occasion qu’il ne pouvait être atteint par son illusion. D’autres fois sur de petits animaux ou dans le vent, de nouveau. Alors, une fois prête et confiante, elle considéra l’homme un instant, avant de lui demander sans raison, subitement curieuse :
Est-ce que tu vois la même chose que moi, une fois dans l’illusion ?
Je ne sais pas, répondit-il simplement, ne souhaitant visiblement pas entrer dans les détails.
Elle ne sut s’il disait la vérité ; peut-être n’avait-il jamais subi sa propre technique, peut-être estimait-il que ses visions étaient trop intimes…
Son premier essai fut un échec, comme l’on pouvait s’y attendre. Pourtant, elle y avait cru dur comme fer. Il la guida alors, avec douceur et patience ; moins de chakra, plus de chakra, moins d’explosivité, plus de réalisme. Elle progressait lentement, mais chaque nouvelle tentative apportait de nouvelles informations. Et, peu à peu, l’illusion prenait forme dans l’esprit de Sōjun. Puis il put les voir, enfin : Amida, Kannon et Jizô.

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Om Ami Dewa Hri


Le voile de la nuit était tombé sur Uji-shi. La Lune projetait sa lumière sur la scène et elle se souvint soudainement de leur toute première rencontre. Pourtant, une fois de plus, elle lui trouva un visage différent de ce soir-là. L’air sérieux et déterminé, il lui rappelait Jirō, le moine protecteur du Myōshin-ji. Et, brusquement, elle eut une pensée pour son fils. Son regard s’assombrit et elle se détourna de l’homme.
Rappelle-toi, je m’occupe de la foule, toi tu repères ceux qui semblent sur le point de s’éveiller et tu les cibles avec ton illusion.
Il avait chuchoté, pour que personne n’entende ses mots, et elle se contenta d’hocher la tête discrètement. Sous leurs pieds, les gens commençaient à s’amasser. Il n’y avait pas seulement des moines de la Terre Pure, mais également des hommes, des femmes, des enfants du village. Elle croisa le regard de Yorimichi, en première ligne, et elle eut un pincement au cœur.
Lève les yeux, Junko. Tu es leur guide, mais tu ne les vois pas.
Elle posa son regard sur une étoile dans le ciel. Dans sa poitrine, son cœur se mit à battre follement. En dépit des journées qu’elle avait passé à s’entraîner, la jeune femme ne pouvait s’empêcher de songer à l’échec. Qu’allait-il se passer, si l’un d’entre eux se réveillait complètement et se rendait compte que tout n’était qu’illusion ? Sōjun dut sentir son émotion, car il lui toucha doucement les doigts, comme pour lui faire sentir sa présence. En retour, elle serra sa main dans la sienne, pour se donner la force d’aller jusqu’au bout de la nuit. Puis, lorsqu’elle le relâcha, il porta ses deux bras au ciel. Le moment était venu. La foule se mit à réciter le mantra de la renaissance, à l’unisson : « Om Ami Dewa Hri. » Sōjun lança alors sa puissante illusion.
Elle décrocha son regard des étoiles et observa la foule qui s’était mise à marcher, traversant lentement le pont, un pas après l’autre. C’était la scène qu’elle avait pu observer, la première nuit, mais cette fois elle voyait les gens pour ce qu’ils étaient et non des démons. L’envers du décor, songea-t-elle. Mais quelqu’un releva subitement la tête et elle sentit son pouls s’accélérer de nouveau. Ses mains s’agitèrent prestement, sous couvert de son kimono, et elle lui lança un regard qui se voulait le plus captivant possible. Elle avait tenté de reproduire le regard que Sōjun lui avait lancé, à l’époque où elle était à la place de l’individu. Ce dernier sembla sombrer de nouveau, reprenant sa marche avec les autres, et elle eut subitement un sentiment étrange. Son propre pouvoir sur la volonté des autres l’effrayait.
Pourtant, elle avait toujours eu une attirance particulière pour les illusions. Seulement, jusqu’à présent, elle s’était contentée de les subir, pour s’échapper du monde. Elle sentit ses mains trembler légèrement.


Quel est ton secret ? demanda Sōjun, tandis que tout le monde avait regagné la chaleur de sa maison et qu’il ne restait plus qu’eux deux, dans la froideur de la nuit.
Cette première nuit de festival avec Junko à ses côtés avait été un franc succès, et l’homme semblait anormalement heureux, comme s’il envisageait un avenir radieux. De son côté, la jeune femme ne pouvait s’empêcher de songer à un autre temple, de l’autre côté du Sekai, et aux gens qui l’avaient abandonnée. En voyant la communauté du Jōdo shū si soudée, elle comprenait qu’avoir quitté le Myōshin-ji était une erreur. Si seulement avait su les pardonner… Etait-il vraiment trop tard ?
Ainsi perdue dans ses souvenirs, elle ne comprit pas la question de Sōjun, croyant qu’il parlait de ses sombres pensées, comme s’il avait le pouvoir de lire en elle. Elle en fut troublée, et il sourit, visiblement attendri, ce qui ne fit qu’accentuer la gêne de la jeune femme.
Le Myōshin-ji m’a pris mon enfant… finit-elle alors par dire.
Il en resta interdit un instant. Elle avait soudainement l’air bien triste, et il devina que de terribles choses lui étaient arrivées avant de s’échouer là. Il réalisa que c’était la première fois depuis son arrivée au temple qu’elle se confiait sur sa vie passée. Jusqu’alors, elle n’avait fait qu’endurer les épreuves qu’il lui avait infligées. Il réalisa aussi que, pour la première fois, elle semblait distante. Comme si tout son corps lui criait qu’elle allait partir. Comme si le souvenir d’un fils avait finalement eu raison de sa volonté. Il l’étreignit.
Reste, je t’apprendrai tout ce que je sais, murmura-t-il.

Reste. Elle caressait la page de son carnet du bout des doigts, sentant les cannelures du papier sous sa pulpe, et son index s’attarda un instant sur le mot. Reste. Aujourd’hui, ils auraient célébré la fin du Festival des Damnés de l’an 17. Mais, sept ans auparavant, elle était partie sans se retourner.

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