Endurcissement du corps [PV Yamamoto Hidenori]

Endurcissement du corps

Terrain d’entraînement de Suna

Formateur des générations futures, pilier de la grande nation du Vent, enseignant vertueux ; j’étais certain de faire ce qui était juste, entraîner la relève. Je respirais lentement, d’inspirations contrôlées et d’expirations fuyantes, saccadées. Grattant le sable de mon pied gauche, je pensais au nombre conséquent de shinobis de ce village ayant profité de mes enseignements. Enorgueilli, je souriais malgré moi. L’humilité m’était une qualité importante, qui me tenait à cœur et si je pouvais tirer fierté de mon travail, je ne devais pas basculer dans l’arrogance de croire que j’étais le meilleur. Cette réflexion me fit penser à mon élève du jour : un jeune moine du Temple du Vent, très pacifiste, empreint d’une grande notion de l’humanisme, de l’humain. Le rapport, succinct, que j’avais reçu à son propos avait eu le don de titiller ma curiosité. Le dénommé Hasekawa Shinsei était aux antipodes des autres ninjas de Suna : il n’était nullement belliqueux, préférait la discussion à la violence et semblait réticent à user de la force – sauf si nécessaire. Dans une société où la force, voire la cruauté – même chez des enfants – est recherchée, il faisait tâche, mais une tâche rafraîchissante. J’avais, ainsi, préparé mon entraînement avec une approche différente, propice à son caractère : la douleur et la violence ne lui apporterait rien, l’effort et la sueur, si.

Un courant d’air enveloppait l’arène de sa fraîcheur revigorante, protégeant les corps et les âmes face au soleil paresseux du matin. J’attendais, planté comme un chêne séculaire, au milieu du terrain sablonneux, scrutant l’entrée. Une dizaine de minutes passèrent, mes pensées vagabondant au gré du temps, charriant avec celui-ci des souvenirs tant heureux que mélancolique, d’une époque révolue. Une petite tête tonsurée et tatouée apparue, comme de nulle part, dans mon champ de vision, révélant un moine, en habit traditionnel, de cinq pieds de haut, approximativement. Physiquement, il s’agissait de mon opposé mais respirait une grandeur d’esprit nettement supérieure. Impressionné par le calme du jeune homme, je n’esquissais aucun mouvement, attendant qu’il se présente, qu’il parle, curieux de l’entendre, m’attendant à une voix d’adulte. Sa politesse, nullement exagérée, reflétait une éducation solide, presque austère mais bienveillante. Ravi de ne pas être confronté à une usurpation de la description faîte, je l’instruisais sur la suite des évènements.

« Heureux de faire votre connaissance, jeune homme. Ravi de voir qu’un ninja de Suna connaît les principes de bases de la politesse, ça change. Tu es ici pour une séance particulière, un apprentissage du taijutsu, un art ninja idéal pour le combat rapproché, de corps-à-corps, si tu perds ton bâton. Aucun shinobi ne peut survivre sans notion dans ce domaine. C’est pourquoi je t’enseignerais, aujourd’hui, une technique simple visant à balayer ton adversaire. La combinant avec ton aptitude au bojutsu, tu pourras te dépêtrer d’un bon nombre de situation. » Je marquais une pause, le regardant avec intensité, cherchant dans son regard une quelconque défaillance, peur ou anxiété vis-à-vis de mon discours. « Le mouvement semble simple mais s’il n’est pas effectué avec précision, il te conduira au désastre, te laissant avec une ouverture. Ton but est le suivant : balaye les jambes de ton adversaire avec une puissance modérée – ton objectif est de lui faire perdre ses appuis, pas de le brutaliser – avec une de tes jambes, usant l’autre comme ancre sur le sol. Un conseil, vise entre les chevilles et les genoux ; s’il saute pour esquiver, tu pourras tout de même le toucher par ce biais. » Me raclant la gorge, m’étirant rapidement afin de déverrouiller mes articulations, je me mis en position et exécuta le geste trois fois de suite, sans marquer de pause. « En voici un aperçu. L’exercice consistera à répéter le geste puis à tenter de me déséquilibrer usant de cette technique, sans que je puisse l’esquiver. Exécution. »

Endurcissement du corps

Terrain d’entraînement de Suna

J’observais le jeune apprenti faire ses exercices d’un regard attentif ; le bruit courait que cet enfant faisait partie d’une prophétie aux allures divines, le promettant à un avenir des plus glorieux. Si tel était le cas, il devait certainement receler un pouvoir immense sous ce visage aux traits juvéniles. Son calme, tout de même, était impressionnant ; il abordait l’exercice avec une certaine sérénité, acquise durant ses années de formations comme moine. Ses mouvements étaient fluides, rapide mais manquaient de force et de réelle volonté de vaincre. La précision, quant à elle, était vitale et respectée, son application presque religieuse avait de quoi me faire hausser un sourcil. Même dans le vide, son exécution du balayage semblait parfaite, ce, malgré le manque évident de puissance. Cependant, je ne me permis aucune remarque, attendant la mise en œuvre de l’exercice : tenter de me déséquilibrer. Chose, qui, était des plus difficiles au vu de la différence de taille, de poids, de puissance, de morphologie, tout simplement. Malgré cela, il fallait qu’il tente, qu’il se confronte à plus fort que soi afin de transcender ce pacifisme et développer un effort, non pas meurtrier, mais de vaincre. Il fallait que je le forme à la guerre, sans douleur puisqu’il n’y serait pas sensible, mais en brisant sa volonté.

Il se mit en place, prêt à mettre en œuvre le mouvement apprit. Il me salua, je lui rendis la pareille, un sourire amusé. Méticuleux, il décortiqua le mouvement de manière fluide, suffisamment pour rester efficace et visait soigneusement l’endroit indiqué : les tibias. Son balayage était rapide, précis mais évidemment, pas assez puissant. Je me baissais simplement, concentrant mon poids en opposition de son pied, le renvoyant sous la force de l’impact puis me redressais.

« Le mouvement est adéquat, la vitesse peut être améliorée, bon positionnement général mais manque cruel de puissance. Attaque-moi sans te concentrer sur le geste, concentre-toi sur le moment présent, sur ton adversaire. Tu combleras, ainsi, ton manque de force par la volonté d’abattre ton adversaire. Reprends. »

Je me repositionnais comme auparavant, les bras croisés, les jambes écartées d’un bon demi-mètre, mon regard posé sur le jeune moine à l’air affairé. J’attendais avec patience son prochain coup, voire, ses prochains coups. Peut-être allait-il me surprendre, qui sait ?

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Terrain d’entraînement de Suna

L’intelligence du jeune moine ne faisait aucun doute ; sa capacité d’adaptation était tout simplement impressionnante. De même, l’application dont il faisait preuve changeait des incivilités récurrentes que j’avais pu observer chez ses confrères et consœurs indisciplinés. Malheureusement, le village de Suna était un foyer où militarisme et folie se confondait que trop souvent. Il était, ainsi, une goutte de fraîcheur dans un océan de lave. Le voir développer une mentalité un peu plus agressive me faisais sourire tellement cela jurait avec le personnage – mais restait absolument nécessaire pour une pratique efficace du taijutsu. Sa concentration, aussi, dépassait celle de certains de mes compères, trop excités à l’idée de combattre ; elle lui sera bénéfique, plus tard, afin de réagir calmement aux embûches de la vie. La répétition de son geste se faisait sans erreur, très précis dans le mouvement, dangereux dans la théorie. Le premier coup ne réussit pas à me déséquilibrer mais la puissance déployée dans sa jambe était nettement supérieure, il devait l’avoir senti aussi. De fait, un léger scintillement était né dans ses yeux lors du contact : il avait compris. Le second coup était parfait, idéalement placé pour éviter une esquive simpliste. Mes jambes se délogèrent du sol, propulsées sur le côté, et je me rattrapais avec ma senestre, afin de garder ma balance ; je n’avais pas chuté mais le résultat était concluant. Souriant, je me redressais de toute ma taille, dominant le petit genin. « Eh ben, en voilà un jeune qui a du talent ! Si tu ne m’as pas mis à terre, il s’agit tout de même d’une grande victoire : un enchainement est possible – voire la fuite. Rappelle-toi de ce que je t’ai dit aujourd’hui ; le taijutsu est avant tout une question de mentalité, d’un dépassement de soi, de repousser ses barrières mentales afin d’asséner un coup précis mais dévastateur. Beaucoup se contentent d’user de force brute sans contrôler leurs efforts, toi, fais le contraire : contrôle tes gestes, sois précis et fluide puis libère ta force dans un assaut sauvage et rapide. Tu gagneras à tous les coups. J’ai confiance en toi pour la suite, tu es promis à un bel avenir. » Posant affectueusement ma dextre sur son crâne tonsuré, je lui indiquais que la séance était terminée, un sourire sincère sur mes lèvres. Il avait mérité des félicitations, j’allais avoir un bleu pendant quelques jours…