Sur le chemin du retour, un rassemblement cérémonieux aux allures joviales; après ma rencontre avec l’illusionniste de Shimo-Kobi et la tâche que j’ai eu à accomplir, le besoin d’occuper l’esprit se fait ressentir. Surtout qu’en plus, le chemin jusqu’à la maison est barbant (non satisfait d’être déjà long et épuisant), mon escouade n’est pas très bavarde (ou du moins, elle ne s’intéresse pas à ce que je pourrais dire) et le soleil vif rend le tout plus qu’insupportable. Pas qu’il fasse tant chaud, pourtant…
En passant dans le petit village, c’est clair que j’ai envie de rester plus qu’un petit moment à traverser l’endroit. Je laisse mon équipe en leur donnant l’ordre de se retrouver à l’entrée du village au début de la nuit pour continuer le trajet, mais je précise qu’ils peuvent aller se divertir et profiter de l’ambiance des lieux.
Car oui, j’ai vite compris qu’il s’agit d’un festival. Un festival de la moisson, si j’ai été particulièrement attentif aux paroles de la population. Un regroupement pour célébrer la générosité de la divinité de la terre où les gens viennent marchander et échanger pour stimuler un peu l’économie de la région et où certains, plus pieux, viennent visiter le temple du même nom et font offrande à la divinité. C’est l’occasion de mettre la main sur des produits plus exotiques à prix bas…
Enfin, moins astronomiques.
Pour ce que j’en sais, le nom d’Inori ressemble vaguement à celui de la forêt du vigoureux clan adepte de la zooanthropie et des fameux manipulateurs d’ombres, ce qui peut faire beaucoup de sens; la forêt porterait un nom similaire à celui d’un dieu de la Terre.
Par contre, je ne suis pas ici pour réfléchir à ce genre de choses; je me faufile dans la petite masse de monde pour faire un peu le tour et trouver des échoppes intéressantes. Rapidement, l’attention se porte sur un marchand d’herbes exotiques, parfumées ou à infuser.
Du thé et des plantes médicinales, donc.
Bien sûr, le vendeur essaie de me forcer à acheter; ça ne fonctionne même pas, vu que j’ai déjà en tête d’acheter un peu de tout le thé qu’il peut bien réussir à diviser. «Ne vous en faites pas, je peux bien passer en soirée pour venir récupérer le tout, je sais que c’est un peu long à préparer… C’est juste que je ne suis pas du coin et vous me parlez de saveurs que je n’ai jamais eu la chance d’essayer, que je ne connaissais même pas… Comme dit, je repasserai plus tard pour vous laisser le temps de me préparer une boîte.» Incertain, il me pose une question pour s’assurer d’avoir bien compris ma demande. «Oui, je veux une boîte d’assortiment; un peu de tout ce que vous avez.»
Personne ne demande ça. Personne sauf moi.
Dans le coin de mon regard, une jeune femme capte celui du vendeur encore surpris. Je finis par la regarder; une femme très jolie, d’à peu près mon âge, à l’allure plus polie et travaillée que moi. Mon apparence est assez voyante, je reconnais qu’on aurait tendance à porter les yeux sur moi, mais dans son cas c’est différent.
Je vois tout de suite qu’elle n’est pas une simple touriste ou villageoise. Même si tous ici semblent différents dans leur apparence et leur habillage, personne ne porte d’habits du genre. C’est plus un uniforme pour un moine, une toge même. Dans cette optique, j’aborde la dame chez laquelle je ressens une vitalité particulière.
Du chakra, plus qu’en dégage un simple villageois du moins.
«Pardon.. je ne veux pas vous déranger trop longtemps, mais je me demandais… Connaissez-vous le temple de la région? Je suis visiteur, le lieu m’intéresse mais je n’ose pas vraiment y aller, je ne sais pas s’il est ouvert au public...»
An 14, solstice d’automne. Les couloirs du temple étaient assez bruyants et agités, les hommes et les femmes étaient divisées en petites équipes certains chargés de la cérémonie dans le temple et d’autre devaient être envoyés à l’extérieur pour cette grande fête annuelle. À tous les ans est organisée un festival au nom d’Inori, beaucoup de marchands s’y rendaient pour y faire le commerce de leurs moissons, d’autre pour y vendre des babioles et bien sûr il y en avait pour faire la fête. Ruka tant qu’à elle, avait le devoir de s’occuper des jeunes filles avant de rejoindre son équipe en dehors des murs du temple, il fallait bien évidement sur les lieux des fidèles d’Inori. On décorait les cheveux des jeunes filles avec de magnifiques fleures colorées et on obligeait la tenue traditionnelle. Ce n’était pas quelque chose de bien différent des toges de tous les jours, cependant elles étaient plus ajustées et propre. Il fallait à Ruka une bonne partie de l’avant midi pour préparer toutes les filles afin qu’elles respectent tout le thème de cette importante journée. Était elle-même fin prête, la nonne passait ses mains sur sa longue robe violette afin de s’assurer qu’aucun pétale n’y était collé.
Coiffée de belles fleurs délicates avec une broche colorée pour emprisonner les rayons du soleil, celle-ci rejoignait enfin les gens qui se dirigeaient au village pour y commencer les festivités. Pour les fidèles du temple d’Inori, il s’agissait d’une des très rares journées où l’on accordait aux moines se mêler au peuple. Autrement, ils son contraint de rester au temple. Donc inutile de dire à quel point cette sortie était excitante pour ceux qui n’étaient pas des récupérateurs au nom du clan. Les jeunes filles étaient toutes heureuses de pouvoir enfin parler à quelques garçons si l’occasion s’y présentaient et ce plaisir était de même pour les jeunes hommes qui pourront y voir plus de belles femmes qu’ils n’en verront jamais, car ce grand festival était aussi une sorte de parade de mode invitant les individues à mettre leurs tenues les plus avantageuses. La troupe arrivait en charrette à l’entré du petit village. Étant les bienvenues, ils mettaient pied à terre et commençait à se disperser. Jujiro qui avait lui aussi été envoyé au village restait non loin de Ruka mine de rien jusqu’à ce que tous les moines soient assez loin.
« Vous êtes toute en beauté aujourd’hui sœur Ruka. »
La jeune femme souriait en secouant la tête.
« Merci frère Jujiro. »
L’homme se plaçait devant elle en ouvrant les bras se pavanant tel un paon.
« Et moi, je n’ai pas droit à un compliment de votre part ? »
Ruka baissait les yeux en rougissant.
« Je… On a des choses à faire. »
Celle-ci se préparaient à partir lorsqu’il l’attrapait par le poignet sans trop serrer, juste assez pour l’interrompre.
« À minuit lors des feux. Rejoignez-moi derrière le grand saule du temple. »
Silencieuse, Ruka ramenait sa main et partait de son côté. « Le grand saule… » Cet endroit était fantôme lors des feux, car on y voyait que très mal l’animation dans le ciel à cause de la hauteur du temple. « Si tu crois que je vais t’y rejoindre… » Cela faisait déjà quelques fois que Jujiro tentait de se rapprocher d’elle. Il était un récupérateur du clan à peine plus âgé et depuis des années il a un faible pour sa consœur. Cette attirance mettait la demoiselle mal à l’aise, elle qui n’avait aucune envie de se rapprocher de l’un des membres de son clan, bien qu’ils n’aient aucun lien de parenté. De plus, il était mal vu de fricoter avec le sexe opposé en dehors du mariage. Mais Jujiro n’étant pas un grand adepte des consignes, transgresser quelques lois ne l’effrayait pas. Seule, la demoiselle s’enfonçait dans la foule avec le sourire aux lèvres. Saluant les passant ainsi que les marchands. On lui posait des questions au passage lui parlant d’Inori ou lui demandant si elle aimait être aux services de son dieu, comme c’était la vie au temple. La femme jouait le jeu, arborant le rôle de la nonne modèle et donnant les plus belles réponses malgré ses doutes.
La journée défilait assez rapidement dans les rues du village, un peu de vie faisait un grand changement dans la vie des moines. C’est alors croisant son chemin un homme assez menu venait à sa rencontre. Sortant de ses pensées, la nonne lui arborait un joli sourire en en regardant dans les yeux. Son regard était aussi brillant que le sien, il était rare de voir une autre personne aux iris d’or. Avec ses grands cheveux bleus et son kimono de soie d’une teinte de rose, il va sans dire que son apparence était assez criarde. L’individue en question cherchait le temple d’inori et aussi voulait-il y faire une visite aujourd’hui ou dans les jours prochains.
« Je suis là pour ça, alors vous ne me dérangez pas du tout. »
En disant cela, la demoiselle pouvait voir entre les gens de la foule derrière l’inconnue Jujiro qui dévisageait son interlocuteur. Celle-ci détournait le regarde pour revenir à celui-ci.
« Le temple n’est qu’à une vingtaine de minutes de marche sur la route à l’est du village, vous ne pourrez pas le manquer. Pour ce qui est de l’accessibilité et bien nos portes ne sont jamais fermées pour les visiteurs et les pieux. »
Jujiro n’avait toujours pas disparue du champ de vision de Ruka et son regard la mettait mal à l’aise. Cependant, il ne pouvait pas avoir une telle emprise sur elle ou opter ce genre d’attitude lors de cette festivité. Un peu embêtée, la jeune femme décidait de faire en sorte que son confrère ne veule plus l’avoir dans le collimateur de la sorte, après tout, c’était un jour de fête pour tout le monde.
« Vous savez quoi ? Aller visiter le temple, tout le monde peut le faire, mais vous savez ce que le gens n’a pas la possibilité de faire ? »
La femme lui attrapait le poignet pour le tirer avec elle.
« Faire la fête avec une nonne. »
Fiche par Narja pour Never-Utopia
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