Aiguiser l'Amitié ! [Feat Fuma Masami]

Mifuyu était une reine du kaikenjutsu, l'art de l'assassin par excellence. Savoir user de courtes lames facilement dissimulable était un avantage incommensurable dans des missions d'infiltration, ou lorsqu'il s'agissait de combattre dans de petits espaces.
Comme tous les élèves de l'académie, le jeune homme avait obtenu un kunai après sa promotion au grade de genin du village militaire. Depuis, ce kunai ne l'avait jamais quitté, et bien qu'il se soit destiné à un art tout autre s'agissant du combat, il ne négligeait pas l'utilité d'une arme plus versatile que certains domaines de ninjutsu.

Afin de renforcer son cobaye dans la guerre qu'elle préparait contre son propre clan afin d'en prendre les rênes, elle l'entraînait depuis plusieurs jours au maniement de la petite arme. Le jeune homme avait vite progressé, certes, mais son kunai était dans un piteux état. Une douce soirée s'installait dans le quartier le plus commerçant du village, Sanada se dirigeait vers les forges Fuma, véritable institution dans la confection et la réparation d'arme et armure.

Les effluves des échoppes d'encens et d'épices firent place aux boutiques Fuma. Les flamboiements des flammes et le martèlement des artisans sur les lourdes enclumes contribuaient à l'atmosphère si particulière qui régnait dans ce domaine en plein centre-ville. La chaleur de l'air s'alliait à la chaleur des relations humaines, bon nombre de bars très fréquentés jouxtaient les échoppes, profitant de la réputation du clan pour conserver un civisme de rigueur au sein de leur établissement.

Sanada s'arrêta devant une boutique, devant, une Fuma semblait aiguiser un magnifique shiruken Fuma.
Les cheveux attachés en deux chignons, elle avait un port de tête droit, un visage ovale, mais fin, dessiné par des traits que Sanada percevait comme atypique et portant une noblesse et une beauté étrange. Son corps entourant la pierre à aiguiser qui tournait sous l'impulsion de son pied était fin mais musclé, cette shinobi était une guerrière, cela transpirait dans chacun de ses mouvements.

C'était décidé, c'est ici qu'il allait faire aiguiser son arme.

Se posant devant la Fuma, il souffla le nuage de fumée qu'il venait d'inspirer avant de sourire et de se présenter.

- Masamune Sanada, je voudrais faire aiguiser mon kunai qui a un peu souffert d'un entraînement avec Omura Mifuyu.

Il reprit aussitôt son sourire, il avait dit cela machinalement sans se souvenir que la réputation de la Sorcière n'était pas un atout pour approcher quelqu'un du village, et il ne voulait surtout pas faire mauvaise impression, encore moins auprès d'une jolie fille comme elle.

La jolie Fuma semblait mettre un tout son cœur à l'ouvrage en aiguisant l'arme signature de son clan.

Sanada observa les gestes méticuleux et précis, puis, voyant que cela n'allait pas prendre quelques secondes, alluma son calumet pour se détendre. Face à la mine interrogatrice de la dénommée Masami, Sanada confirma qu'elle avait bien entendue.

- Tout à fait, c'est une Jonin Omura qui s'avère aussi être ma chef d'équipe.

Sanada n'en rajouta pas plus, aux yeux du monde extérieur, la relation qui liait la Sorcière au soldat des Cinq n'avait rien de spécial, une shinobi expérimenté entraînant un novice de son équipe.

Il regarda avec une certaine délectation les mouvements de Masami alors qu'elle taillait sa lame.
Bien sûr, il l'avait déjà aperçu à l'académie où dans les rues du village, et il avait remarqué son dynamisme.
Elle traînait toujours avec des filles que Sanada avait aussi reluquées pendant des classes théoriques. Se remémorant ses actes honteux, il psalmodia une prière pour chasser ses images impures et ravala les questions qu'il lui taraudait l'esprit.

C'est alors qu'il se remémora la discussion qu'il avait eue il y a quelques semaines avec l'ancêtre du clan médecin. Elle lui avait annoncé qu'Hatsumomo allait être changé d'équipe, car Leiko craignait l'influence de la Sorcière sur la jeune membre du clan médecin.
La nouvelle l'avait fortement déçu. Hatsu faisait partie de ses toutes premières amies au sein du village. Son visage enfantin, ses yeux bleus clair s'illuminant à la pensée d'ouvrir la cage thoracique du jeune homme, la force incroyable emmagasiné dans son si petit corps... Il avait eu du mal à accepter le fait que son équipe ne soit pas éternelle. Mais il en était ainsi, et la hiérarchie changeait régulièrement un membre qu'elle ne jugeait pas assez complémentaire ou pas à sa place.

C'est la première excuse qui avait été invoqué pour la petite blonde, deux Omura dans une équipe, c'était un soigneur en moins dans un autre.

Mifuyu avait cependant ajouté qu'une Fuma allait les rejoindre, selon les informations que la Harpie avait réussis à glaner, la jeune femme était considéré comme une des plus grandes expertes dans le maniement d'armes de son clan, ce qui n'était pas peu dire au regard de la maîtrise martiale des Fuma.

Et si, et si…

Prenant son courage à deux mains, il chassa le nuage de fumée qui dansait devant son regard avant de lui poser la question qui venait de germer dans son esprit.

- Je sais que ça va te paraitre ridicule, mais on a justement parlé d'un changement dans notre équipe, il y avait une Omura, mais elle n'est plus avec nous, je crois que c'est une membre de ton clan qui la remplace, tu ne saurais pas qui c'est par hasard. Je brûle de la voir, et puis, si elle est aussi jolie que toi…

Sanada n'aurait jamais osé parler ainsi à quelqu'un de proche ou qu'il risquait de revoir. Cette Masami ne mettait plus les pieds au cours théoriques depuis un moment, sûrement était-elle expérimentée et n'était plus élève de l'académie.
De plus, ce ne sont pas les boutiques du clan qui manquaient et si la honte lui montait au visage la prochaine fois, il n'aurait qu'à continuer son chemin vers une autre échoppe.

C'était simple d'ouvrir son cœur à une inconnue que l'on ne reverrai que de loin, plus simple qu'il ne l'aurait pensé de prime abord.

Sanada resta un moment interdit, incapable de parler.

Pour une fois qu’il avait tenté d’être aussi entreprenant que les garçons populaires de l’académie, il se plantait.

Et pas qu’un peu.

Non seulement, sa remarque n’avait fait aucunement réagir la jolie Fuma, mais en plus, c’était elle, le nouveau membre de la team Tsubaki.

Sanada la regarda pratiquer l’art d’affûter le métal, puis, rallumant son calumet, il décida que le meilleur moyen de faire oublier à Masami son approche plus qu’indélicate était de lui parler de sa nouvelle équipe.

- J’imagine que cela doit être dur pour toi, je veux dire, intégrer une nouvelle équipe, et être la seule nouvelle. Quand on m’a assigné à l’équipe Tsubaki, c’était une première rencontre pour moi comme pour les autres, c'était donc plus facile.

Sanada ignorait tout de la tragédie qui avait frappé l’équipe de la Fuma, comme aurait-il pu savoir ? Lui qui n’avait rien connu qui s’approche ne serait-ce qu’un peu de l’enfer qui régnait dans la ville à ce moment-là. Sans comprendre sa maladresse, il continua donc sur un ton léger.

- Il y a d'abord Mifuyu, la vieille, bon, il ne faut pas l'appeler comme ça, ni que tu mentionnes que je parle d'elle en ces termes. C'est une dame effrayante, mais je n'ai jamais autant progressé qu'à son contact, et ce, même dans mon domaine de prédilection qui n'est pas le sien, le ninjutsu affinitaire. Et puis, il y a Otohime. C'est une Uzumaki, aussi belle qu'explosive, et quand je dis cela, ce n'est pas au sens figuré, je préfère te prévenir. Nous sommes une équipe soudée et je pense que nous avons un bel avenir devant nous. Ah oui, j'allais oublier. Dit-il en se retournant vers elle, un brin gêné. Je sais que tu es une grande manipulatrice d'arme en tout genre, mais je préfère te prévenir, l'infiltration, l'assassinat discret, tout cela ce n'est pas tellement notre spécialité, on nous appelle en général quand il faut faire un grand ménage qui ne nécessite pas trop de négociations. Nous avons une excellente oratrice avec Mifuyu, mais Otohime n'est pas le genre de femme à se perdre dans des pourparlers interminables et les deux n'ont pas la patience comme qualité première. Ah et oui, je suis un moulin à paroles quand je m'y mets, sauf quand j'ai de la fumée dans les poumons, voilà pourquoi l'herbe sacrée n'est pas qu'un bénéfice personnel ! Dit-il en riant avant de fumer pour se contraindre au silence.

Après avoir récupéré son kunai plus étincelant qu'au premier jour, il s'inclina longuement pour remercier sa nouvelle équipière.

- Je sais pas si tu as bientôt fini, mais on peut continuer cette conversation dans une des tavernes de ton quartier, je n'y suis jamais allé. Ça me fera une expérience, et cela nous permettra de nous connaître un peu mieux, je dois avouer que j'aimerais bien en savoir un peu plus sur toi et ton clan.

Sanada se souciait fort peu des Fuma, et malheureusement pour lui, cela se voyait.

Et pas qu'un peu.

« Prêt à y aller ? J’ai un endroit que j’aime bien où je peux t’amener ! »

Sanada acquiesça silencieusement de la tête.
Il n'avait jamais bu d'alcool. Sans doute le souvenir de son père buvant à toute heure du jour et de la nuit, vissé sur une des chaises du bar de Shiima-bizo, l'île natale du jeune genin.
L'odeur le répugnait, mais il ne voulait surtout pas passer pour unrabat-joie auprès de sa toute nouvelle partenaire et donc, il suivit la jeune femme, non sans admirer d'un coup d’œil furtif ses courbes alors qu'elle marchait légèrement devant lui.

Il n'avait pas relevé sa remarque sur la beauté de l'Uzumaki et sa tentative, plus que maladroite, de séduction. Pourtant, maintenant qu'il la regardait debout, il était persuadé de n'avoir aucune chance, lui qui n'avait pas le corps d'un guerrier de taijutsu.

Masami était sans doute ce genre de fille qui plaisait aux membres les plus respectées du village. Un visage harmonieux et atypique, un corps sculpté par une discipline martiale irréprochable, membre d'un clan et chuunin respectée, ils ne jouaient décidément pas dans la même cours.

La Fuma guida Sanada dans des ruelles plus sombres, qu'il n'avait pas l'habitude d'arpenter.
Ici, de multiples bars se disputaient la clientèle, des riches marchands de passage en passant par des boui-boui peu chère où les marins venaient oublier la rudesse de leur métier.

C'est dans un bar qui oscillait entre ces deux extrêmes que Masami choisit. Sanada pénétra dans ce nouveau monde. Ce qui le frappa le plus fut le bruit.
Entre l'orchestre qui jouait un air entraînant, guidant les pas de certains clients, visiblement là depuis longtemps, et la rumeur incessante des nombreuses conversations, il était très difficile de se faire entendre. Pour son plus grand bonheur, une des serveuses les guida jusqu'à une arrière-cours beaucoup plus calme, mais qui avait un panorama complet sur l'intérieur du bar.
La cour était remplie de plantes et de fleurs en tout genre, séparant les tables où des jeunes comme des aînées passaient du bon temps.

- Qu'est-ce qu'on boit ? Demanda la jeune serveuse.

Sanada regarda Masami gêné, il n'avait aucune idée des boissons que l'on pouvait servir ici, pourtant, il connaissait un alcool, le préféré de son père.

- Je prendrai un saké s'il vous plaît demanda le jeune genin d'un air qu'il voulait assuré.

Il laissa Masami choisir une boisson, elle qui avait l'air bien plus experte que lui dans le domaine.
Quelques minutes plus tard, alors qu'ils discutaient des différents quartiers du village, ils furent servi.

- Kampai ! S'écria Sanada qui avait mainte fois vu les buveurs commencer leur beuverie par cette étrange tradition. La première gorgée fut un choc. Le goût était fort, amer, il lui brûlait le palais, créant une sensation très peu agréable. Mais c'est lorsqu'il avala que ce fut le plus dur. Comme un traînée de poudre incandescente, le saké avait brûlé sa gorge et s'attaquait maintenant à son estomac, le réchauffant d'une manière étrange. La grimace qui traversa son visage ne put être contenue, mais malgré cela, il reprit une lapée de l'alcool de riz.
Bien plus que l'herbe sacrée, l'effet fut immédiat.

Sanada se sentait joyeux, la retenue que les dieux lui avaient imposé semblait fondre comme neige au soleil alors que son esprit s'embrumait au fur et à mesure que les minutes passaient.

- Un autre s'il vous plaît ! Dit-il à la serveuse qui passait devant lui.

La soirée s'annonçait plus drôle que prévue.

Sanada déglutit avec difficulté, puis alluma son calumet d'herbes.
Si la Fuma semblait être une adepte de la boisson vieillit en fût, lui avait grandi aux milieux des plantes odorantes qui faisaient, avec la culture de la perle, la réputation de son île natale.

Le goût suave et épicé des fleurs séchées emplit son palais, et, recrachant un nuage qui les entoura quelques secondes avant de s'envoler vers les cieux, il dévoila un grand sourire.

- Je suis plutôt joueur si cela ne mêle pas de l'argent. Dit-il tout tirant sur son calumet.

Masami semblait être une fille beaucoup plus terre-à-terre qu'Hatsumomo.
Si la petite blonde du clan médecin ne jurait que par des expériences morbides qui détonaient avec son air innocent, la Fuma elle semblait moins réservée, plus à l'aise au sein de la société civile qui vivait avec les ninjas dans le village caché.

- Mais on va rajouter un peu de piment, il faut boire, et fumer aussi. Ainsi, nous aurons tous les deux quelque chose de familier et d'exotique à expérimenter. Je ne connais pas l'effet des deux combinés, mais au vu de l'effet du verre de saké que je viens d'avaler, je peux te garantir que l'on ne va pas partir en mission ce soir ! Lui dit-il amusé.

Depuis qu'il était au village, il avait plusieurs fois aperçu des ninjas, en bande, s'offrir du bon temps de retour de mission ou après un examen éreintant. Lui n'aimait pas tellement les lieux bondés, beaucoup plus à l'aise allongé sur le hamac de son toit avec Haruka et quelques poissons qui grillaient pour compagnie.

Mais aujourd'hui il avait envie de s'extérioriser un peu plus, de se frotter à cette réalité qu'il ignorait depuis plus d'un an, bien trop penché sur ses entraînements, la recherche des pages de Fusuke, et l'accomplissement de sa mission divine pour se divertir avec les autres élèves de l'académie.

- Bon alors, puisque c'est toi qui propose le jeu, il est équitable que je commence par te poser une question.

Laissant quelques instants de silence s'installer, il retira une dernière fois sur sa longue pipe de bois ouvragé avant de la passer à sa nouvelle coéquipière.

- Quelle est ta plus grande peur ?

Sanada voulait frapper fort dès le début, ainsi, il pouvait jauger sa partenaire, savoir si elle était une personne qui pouvait parler de ses sentiments profonds à un étranger sans retenu.
Et si c'était l'inverse, elle allait boire, et l'alcool aidant, sa langue allait forcément se délier plus tard.

C'était un jeu dangereux cependant, Sanada ne tenant pas tout de suite à révéler ses croyances les plus intimes à une femme qu'il ne connaissait que depuis une heure, mais le jeu en valait la chandelle.

Sanada eut un sourire puis fuma de son calumet, son habitude chassant le gage qu'ils s'étaient donné.

- Mon arme favorite ? Je pense que venant de ta part ce n'est pas une question anodine alors je vais te répondre franchement. J'aurais aimé te dire que c'est une lame acérée ou encore la courbure d'un arc avant que la flèche aille transpercer la cible, mais ce n'est pas le cas. En un sens, l'arme que je chéris le plus englobe aussi celle de métal, produit de la terre mère. Mon arme préférée, c'est la nature, la foudre plus particulièrement. L'éclair qui frappe plus vite qu'une flèche, qui passe au travers de la matière solide créé par l'homme pour se protéger. Face à un samouraï, le raiton se révèle être d'une efficacité terrifiante. Le métal est conducteur. Ce qui signifie que chaque arme ne devient qu'une extension du pouvoir de la foudre une fois invoqué. C'est l'arme que les dieux m'ont confiée, et, n'étant pas si mauvais dans le domaine, je me concentre grandement là-dessus dans ma technique martiale. Pour ce qui est des armes blanches, je suis pas un grand manieur des scalpels comme Mifuyu, mais je connais quelques bases avec mon kunai. D'ailleurs, j'espère bien qu'à ton contact, je vais devenir plus fort dans ce domaine et je suis sûr que l'on peut rendre nos styles de combats complémentaires. Voilà ! Dit-il en attrapant un verre d'eau, trop content d'échapper à une gorgée de cet immonde liquide qui brûlait les parois de la cathédrale intérieure.

Le bar se remplissait petit à petit alors que la discussion se poursuivait. Sanada n'avait pas relevé la mise à l'écart de sa question. Une non-réponse apportait parfait bien plus d'informations qu'un long discours et le soldat des Cinq avait perçu le vide qui avait traversé un instant le regard de la jolie Fuma. Sa question étant quelque peu déplacé, il ne voulait pas en rajouter. Quand il jugea qu'un nouveau tour de ce jeu était nécessaire, les marins avait envahi une espèce de piste de danse, accompagnés par leurs compagnes officielles ou officieuses. L'ambiance du quartier Fuma contrastait avec le calme de l'arrondissement des Médecins où Sanada passait le plus clair de son temps, auprès de la Sorcière.

Sa nouvelle coéquipière du clan elle aussi jurait avec Hatsumomo. Si l'Omura était un mélange de douceur et de folie douce inhérente aux progressistes, la Fuma semblait plus dure, mais plus ouverte au monde aussi. Dans cette ambiance si étrangère au jeune homme, elle semblait s'épanouir comme un poisson dans l'eau.

- Bon, c'est mon tour maintenant, et j'ai répondu ! Donc c'est double-dose si tu ne réponds pas. Oui, je viens d'inventer cette règle, mais si tu as peur, tu peux toujours refuser la surenchère.

Il laissa quelques instants de flottements, observait la danse de plus en plus frénétique des marins alors que le groupe de musiciens semblait en transe.

- Quel est ton objectif le plus grand dans l'art du combat. Quel est ton but ultime ?

Le soldat des Cinq faillit s'étouffer avec la fumée qu'il venait d'inspirer. La Fuma était directe, et avec son sourire malicieux, elle n'avait pas hésité à lui parler ouvertement d'un sujet qu'il n'évoquait presque jamais.

Quant à sa réponse, il la trouvait à la fois originale et motivante. Cette jeune femme avait choisi sa route, et elle ne semblait même pas regarder celle des voisins. Pour sûr, son nom allait être célèbre parmi les artistes usant des lames à la place des pinceaux.

- Euh ben... Tout d'abord, ça doit rester entre nous. Je sais qu'elle se doute de quelques choses, c'est pas comme si la moitié des gars de l'académie ne la regardait pas comme une déesse, mais je veux pas que cela soit mis sur la table. Mifuyu n'est pas tellement une sensei très portée sur des amourettes d'ados, et cela peut nuir à la cohésion du groupe. De ce que j'ai pu voir, l'amour, c'est un peu de bonheur, et beaucoup de dispute. Pas chez mes parents, mais je ne suis pas sûre qu'ils ne se soient jamais aimés. Enfin, voilà quoi, on enterre ce secret avec cette bouteille.

Il prit quelques secondes pour réfléchir. Il y avait un tas de raisons, mais, désirant partir sur de bonnes bases avec sa nouvelle coéquipière, il décida de rester totalement sincère.

- D'abord, et je peux pas le nier, elle est belle et désirable. L'enveloppe charnelle est un leur de l'esprit, mais j'avoue que j'aime bien ce genre d'illusions. S'esclaffa-t-il. Ensuite, elle a un esprit libre, bien loin des jolies filles de l'académie qui passent leur temps à vérifier si leur kimono est bien mis ou sur leur chignon est impeccable. Elle est une tornade. Naturelle et sanguine, elle ne cache rien. Ni son goût pour les explosions, ni son dégoût pour les mateurs intempestifs de poitrine. Elle est assez unique. Je l'aime beaucoup, mais pour être honnête, je fréquente une Miyamoto depuis peu. Tu vois, je ne suis pas un obsédé de mon équipière, je la trouve juste parfaite ! Dit-il en riant.

Alors qu'il allait retirer une taffe de son calumet, il fut bousculé par une des serveuses qui s'excusa platement. Devant elle, une bande de soûlards semblait chercher des ennuis avec les clients et les voyant faire, Sanada comprit que c'était eux qui avait poussé la serveuse sur lui. Les marins apparemment très éméchés avaient un accent du continent, cela devait être la première fois qu'ils débarquaient au village caché du Tourbillon.

- C'est bien ici le village des shinobis ? Quel peureux à besoin de magie pour se battre. Moi et mon sabre, on est prêt à parier une carte au trésor que sans l'aide de boules de feu ou de rafales surnaturelles, aucun ninja ne peut me battre. Un volontaire ? Toi ? Dit-il en rapprochant son visage sale d'un pauvre homme en lui tirant les cheveux avant de passer à son voisin. Toi alors ? Bordel ! Que des trouillards dans ce village. Personne vraiment ? Pourquoi tu souris toi ? Tu as un problème ?

Sanada ne répondit pas tandis que le corsaire l'attrapait par le menton d'un air menaçant, il craignait les dieux, pas les poivrots. Il allait donc rester en retrait pour voir la réaction de Masami.

Mifuyu lui aurait tranché la gorge sur place, laissant ses acolytes baigner dans une mare de sang. Otohime, elle, aurait surement trainé le bougre jusqu'à son navire avant de l'exploser, avec lui enfermé dans les cales, bien entendu.

La réplique face à une agression était une lumière éclairante sur la personnalité profonde d'une personne.
Sanada n'avait pas besoin de poser de question, bientôt il aurait une réponse à ses interrogations.

Tous les clients du bar avaient cessé la fête. Tous regardaient la scène dans un mélange d'appréhension et d'excitation.
Sanada regardait sa nouvelle équipière se défendre, et le moins que l'on puisse dire, c'est que la Fuma méritait sa réputation.

Lorsque la serveuse se tourna vers lui, il comprit que cela avait déjà été trop loin. Lentement, il se leva, enfila son masque et psalmodia une prière sonore. Les malfrats comme les clients le regardaient, tiraillés entre la moquerie et l'interrogation. Puis, soudain, le soldat des Cinq laissa une aura prédatrice exploser dans la salle. La serveuse, figée, le regarda avec un air d'effroi tandis qu'il s'approchait du leader de la bande paralysé lui aussi par la technique shinobi. Masami, elle, ne semblait pas le moins du monde affectée par le kanashibari, signe qu'elle était une ninja puissante, ce qui ne fit que confirmer les croyances du jeune homme en la matière.

- Vous allez nous suivre maintenant. On va faire ce duel, et si vous perdez, on ira tous vers la prison du village, où vous allez décuver, demain vous reprendrez votre rafiot pour le large.

Les iris du leader bougèrent verticalement dans une tentative désespérée de dire qu'il acceptait. Sanada leva le jutsu tout en retenant le leader d'une clé pour l'escorter, lui et sa bande hors de l'enceinte, Masami fermant la marche.

Le soldat des Cinq rassembla la bande qui semblait beaucoup moins agité mais d'un coup, un des hommes ivres commença à courir vers le port.

Sanada soupira, puis, après des mudras qu'il ne prit pas la peine de cacher, invoqua une anguille de l'orage. L'animal éthéré qui semblait composé de nuages noirs parsemés d'éclairs vola une seconde autour de son créateur avant de diriger sa tête menaçante en direction de la bande, dévoilant une dentition électrique. Enfin, elle se tourna vers le fugitif, voguant dans l'air à une vitesse qui dépassait grandement l'entendement de civil. En quelques secondes, le pauvre homme fut rattrapé et mordu. La douleur était supportable pour un shinobi, l'anguille était une entrave, mais pour un simple corsaire, elle était assez forte pour le faire tomber.
En marchant, le fils de la Pythie alla chercher la victime de l'animal de chakra et le ramena en le traînant par le pied.

- Pour les autres, je vous promets que vous ne voulez pas voir la grande sœur, alors on marche calmement et on suit le pas.

Il se dirigea vers Masami et s'approcha pour lui parler à l'oreille.

- Fais-moi confiance pour cette fois, et je te promets de te rendre la pareille.

Il prit la tête de la dizaine de soûlards et se dirigea vers la plage.

- Vous vous êtes enregistrés à votre entrée au bureau du port.

- Non msieur, on livre juste un peu d'alcool, et on a décidé de s'arrêter pour boire un coup, et on a trop bu, on est désolé msieur. On recommencera plus. Dit celui qui semblait le plus jeune.

- Pourquoi tu traînes avec eux. Tu as l'air aussi jeune que moi.

- C'est que je suis sans-le-sous msieur, je n'avais pas vraiment le choix, j'étais dans la marine marchande et ils nous ont attaqués, alors je n'ai eu que le choix de rentrer dans le groupe ou mourir.

- Hm. Répondit Sanada en fumant son calumet alors qu'il s'approchait d'un gros rocher.

- Ex... Excusez-moi. Monsieur le Ninja.... Et le duel ? Demanda l'un des hommes alors qu'ils comprenaient qu'ils n'allaient pas du tout vers la prison du village.

- Nous ne sommes pas des samuraïs. Répondit simplement Sanada les yeux vers le ciel, la fumée enrobant le groupe derrière lui.

Après avoir fait le tour du rocher, Sanada écarta des plantes qui cachaient une petite porte de bois simplement retenu par un petit cadenas.

- Allez, on rentre et en rang, par deux. Dit-il en poussant la bande devenue un peu réticente, mais trop effrayée pour agir.

Il retenu le jeune homme avec qui il avait parlé et laissa la porte se refermer à moitié.

- Tu prends votre bateau et tu pars. Dit-il en s'éloignant avec lui. Tu pars, et tu ne reviens jamais. Tu as compris ?

- Ou.... Oui... Dit le jeune sans vraiment trop comprendre ce qu'il se passait.

- Dégage ! Dit Sanada d'un air beaucoup plus menaçant.

Le garçon prit les jambes à son coup en direction du port. Encore inconscient de la chance inouïe qu'il avait, il parvint au bateau qui allait faire de lui, des années plus tard, un des pirates les plus redouté des mers de l'est.

Sanada referma la petite porte défraîchie après Masami. Lui réitérant un clin d'œil complice pour la convaincre de lui faire confiance.

- Par ici messieurs ! Dit Sanada alors qu'ils empruntaient un escalier qui descendait dans la roche sous la seule lumière d'une torche en tête et queue de groupe.

Lorsqu'ils arrivèrent dans un couloir de terre battue, très étroit, composé de portes en bois massif, Sanada s'arrêta pour ouvrir la première qui était vide.

- Tous là-dedans, et plus vite que ça ! Dit-il d'un ton glaçant qu'il déroba à la Sorcière pour un instant.

Le groupe pénétra doucement dans la pierre taillée à même la pierre. Deux énormes blocs de calcaire semblaient faire office de bancs.

- Quelqu'un viendra vous chercher au petit matin.

- Un garde ? Demanda naïvement un des captifs.

- Non, une petite fille toute mignonne. Dit Sanada froidement. Ah, une dernière chose, ne faites pas trop de bruit, ça les énerve.

- Ca énerve qui ? Demanda le leader du groupe.

Pour seule réponse, le ninja tapa avec son calumet sur le loquet en fer de la porte, une seconde plus tard, des cris déchirants, presque inhumains vinrent résonner entre les murs.

- Eux. Conclut-il alors qu'il actionnait le loquet qui condamnait ces âmes à rejoindre les cieux.

Sur le chemin du retour, il posa son coude sur les épaules de sa nouvelle partenaire.

- Merci beaucoup ! Nous venons de satisfaire grandement Omura Mifuyu. C'est une de ses cachettes, mais ne lui dit pas que je te l'ai montré, elle me tuerait. Et je ne dis pas cela au second degré. Dit-il avec un sourire nerveux. Bienvenue dans la Team Tsubaki !

Techniques utilisées:

Le soldat des Cinq eut un sourire mais ne releva pas la remarque sur la tornade Uzumaki et pour seule réponse, prit la main de sa nouvelle coéquipière pour l'entraîner vers le cœur du village.
À cette heure-ci, seul quelques gardes et marins éméchés couraient les rues pavées du village du Tourbillon. Ils s'arrêtèrent devant une petite échoppe, à l'entrée du port. Géré par un vieux monsieur, elle servait de point de ravitaillement pour les équipages qui désiraient repartir de nuit vers le large. Le commerce n'attendait jamais et certaines livraisons devaient être expédiées en vitesse, le fameux poisson des îles par exemple.

L'escapade vers l'une des cachettes de la Sorcière avait quelque peu réveillées l'esprit du jeune homme qui sentait les effets de l'alcool s'atténuer, la désinhibition en premier lieu, et ce n'était pas ce qu'il voulait. Il acheta donc une bonne bouteille de saké avant de reprendre la route.

- Je vais te montrer mon endroit préféré dans le village. Dit-il à Masami avec un grand sourire partiellement caché par la fumée qu'il expirait.

Avec une petite boule au ventre qu'il n'expliquait pas, il guida la jolie Fuma jusqu'à l'entrée de son habitation, mais il ne poussa pas la porte, l'invitant à exécuter la technique d'escalade pour grimper sur le mur jusqu'à son petit espace personnel situé sur le toit. Ils auraient bien sûr pu passer par le petit studio que les autorités lui avaient octroyés à son arrivée. Mais le véritable capharnaüm composé des autels dédiés aux victimes du Soldat des cinq n'avait rien de très charmant.

Arrivé sur le jardin suspendu, il alluma les quelques torches qu'il avait fixées et laissa la lumière orangé éclairer sa plus grande fierté. Les plantes multicolores qui composaient la végétation luxuriante du toit-terrasse révélaient une beauté bien différentes la nuit, elles semblaient filtrer les flammes, laissant danser des faisceaux lumineux multicolores sur les hamacs et les visages des uzujins.

- Installe-toi, je t'en prie, je n'ai que des hamacs, je n'ai jamais vraiment dormi dans un "lit" et sur mon île natale, les maisons sont ouvertes sur l'océan. Je me sens oppressé entre quatre murs, alors c'est ici que je vis. Je suis à toi dans deux minutes, je vais nous préparer un petit en-cas. Dit-il alors qu'il était déjà en train de cueillir les friandises naturelles qui poussaient entre les fleurs et les arbustes qui remplissaient le calumet de jeune homme.

Il sélectionna avec précaution les fraises, les mûres, les framboises, et les fruits de la passion en faisant bien attention de ne pas abîmer les plantes gardiennes de ces sucreries divines et revint avec un plat aussi coloré que l'ambiance qui régnait.

Masami était là, installée sur un des hamacs, sa peau de pêche reflétant les lueurs des flammes. Ses yeux en amande de couleur noisette tournés vers la vue qui se jetait vers l'horizon, voile noir contrastant d'autant plus avec les lueurs de son chez-lui. S'approchant de la demoiselle, il servit deux verres de saké et tendit le plat de fruits frais découpés à la jeune femme.

Plusieurs fois, il avait passé des soirées ainsi, plaisantant avec son amie Haruka, seule personne qui connaissait parfaitement le lieu de vie de Sanada, chacun se balançant dans son hamac respectif, discutant des affaires du village comme des derniers potins. C'était d'ailleurs dû à sa présence récurrente qu'il avait installé un deuxième hamac.

Pourtant, ce soir-là, il s'installa dans la même couchette que la Fuma. Collant son corps à celui de Masami, il ressentit un frisson électrique que même le plus gros orage qu'il pouvait invoquer n'avait jamais provoqué en lui. Il ne savait pas tellement pourquoi, mais il aimait la sensation de sa peau contre la sienne.

Masami blottit contre lui, Sanada pouvait ressentir les courbes de son corps sculpté par l'exercice physique. La situation était extraordinaire pour celui, qui, quelques mois plus tôt n'avait jamais touché une fille.
Mahina l'avait, en ce sens, guidé dans la découverte du sexe opposée. Et, dès lors qu'elle avait émis le souhait de s'éloigner sentimentalement du jeune homme, tout en le fréquentant encore de temps en temps par attrait pour la luxure, il s'était senti quelque peu trahis.

Avec Masami, tout était différent, ils ne s'étaient rien promis, et avait simplement passé une excellente soirée ensemble. Petit à petit, Sanada comprenait que les plaisirs de la chair n'engageaient pas forcément l'âme. Il avait longtemps fantasmé sur l'amour et son incarnation charnelle comme une prolongation de l'union des âmes. Mais il n'en était rien. Il en tenait pour preuve qu'il se sentait parfaitement bien alors que la peau de la fuma caressait la sienne. Pourtant, il ne la connaissait pas, il n'avait pas pu développer des sentiments amoureux pour elle en quelques heures, mais, malgré tout, cela lui paraissait parfaitement naturel.
Fumant son calumet, il se perdit dans ses pensées silencieusement, profitant d'une échappée de l'esprit tandis que son corps lui, semblait ancré sur la terre ferme, comblé par une promiscuité qu'il n'aurait jamais pu anticiper. C'est quand une goutte vint partiellement éteindre le foyer incandescent de sa pipe ouvragée qu'il put enfin reprendre le gouvernail de la cage où était emprisonné son âme depuis la naissance.

Une autre goutte tomba, puis une autre, comme autant de tambours ramenant les deux uzujins à la réalité. Pendant une seconde, il se rendit compte de la situation, il s’agissait de sa nouvelle partenaire, celle qui allait partager les missions. Ses victoires et ses échecs donc, ses blessures et ses rémissions.

Tout cela n'était pas raisonnable, et pourtant, la raison ne lui avait jamais paru plus éloigné de la vérité que ce soir-là.

Regardant son crâne posé sur son épaule, son petit nez qui dépassait, il n’avait pas envie de s’interroger, de saisir les raisons de son comportement.

Sans doute, l’alcool qui coulait pour la première fois dans ses veines altérait son comportement, mais il n’avait pas envie de savoir. Il resta silencieux alors qu’il attrapa un bout du hamac pour le replier sur eux, formant un toit de tissu imperméable.
Habitué à dormir à la belle étoile, son lit suspendu était doté d’une protection contre les intempéries, sans omettre son affinité qui, au début, lui avait joué des tours. Il se demanda une seconde si ce n’était pas lui qui avait inconsciemment provoqué cette fine pluie pour transformer le hamac en cocon.

Mais maintenant que c’était fait, il se sentait encore mieux, en phase avec son être et ses envies. Loin des interrogations métaphysiques qui hantaient d’habitude sa cathédrale intérieure.

Se retournant vers la jeune femme pour se placer au-dessus d’elle, il plongea son regard dans les yeux noisette de la belle Fuma et l’embrassa tendrement.