Attraper le Voleur Pervers - Mission rang D, Solo

Comme la quasi-intégralité des habitants de Konoha, Shishio était parfaitement au courant de la création récente des bains publics au bord du village. Presque cachées à l’orée de la forêt, invisibles depuis l’intérieur de Konoha, les sources chaudes avaient beaucoup fait parler d’elles pendant les quelques semaines qui avaient précédé leur ouverture. Beaucoup se réjouissaient de pouvoir s’y rendre, et surtout s’y détendre ; d’autres, moins bien intentionnés, envisageaient déjà de s’y glisser discrètement pour observer les belles jeunes femmes qui ne manqueraient pas de s’y baigner. Bien trop peu sûr de lui pour se rendre nu dans un endroit comme celui-ci, et surtout trop peu confiant en sa capacité à rester imperturbable devant la clientèle féminine, Shishio avait mis un point d’honneur à éviter l’établissement ; aussi alléchantes la détente était-elle à ses oreilles, rien de bon n’en sortirait, pensait-il.

Sa sempiternelle malchance, cependant, semblait en avoir décidé autrement. Alors que, pris d’un élan de motivation, il s’était rendu au bureau des missions de Konoha pour aider le village à son échelle, on lui avait confié une tâche pour le moins loufoque : il devait se rendre aux bains publics et trouver l’identité du pervers qui dérobait les sous-vêtements de la clientèle féminine de l’établissement. En sortant de la pièce, son petit rouleau de mission entre les mains, il poussa un très, très long soupir. Non seulement il allait devoir se rendre dans cet endroit qu’il lui paraissait plus sage d’éviter, il allait en plus devoir le faire en toute discrétion pour surprendre un pervers - autrement dit, il allait lui falloir penser et se comporter comme un pervers.

“Disons que… C’est pour la bonne cause, au moins…”

Plaçant le rouleau dans l’une des deux poches accrochées au creux de son dos, il se dirigea vers la fenêtre de la large tour du Hokage. S’il voulait surprendre le voleur, autant commencer par être discret dès le départ ; enjambant rapidement une fenêtre ouverte, il sauta prestement de toit en toit. En passant par les hauteurs du village, il limitait le nombre de personnes qui le verraient marcher en direction des bains publics. Ce n’était pas grand chose mais, ne serait-ce qu’un petit peu, il augmentait ainsi ses chances de passer inaperçu jusqu’au moment de frapper.

Et qu’est-ce que je fais si le voleur est un ninja et qu’il veut se battre ? Je serais pas sorti du sable si ça tourne au vinaigre…

Il secoua la tête, se forçant à extraire cette pensée de son esprit. Chaque chose en son temps, Shishio. D’abord, il se devait de découvrir le voleur ; après tout, la mission ne stipulait pas qu’il devait le vaincre en combat singulier. Un piège pour le capturer suffirait ; et, dans le pire des cas, tant qu’il l’identifiait avec certitude, il pourrait le dénoncer auprès du bureau de Hokage et laisser des ninjas plus doués que lui pour le combat l’appréhender en deux temps trois mouvements. Il se mordit la lèvre inférieure, en réfléchissant à quel genre de plans il pouvait bien mettre en place.

“Je n’ai aucune information pour l’instant. Je devrais commencer par interroger les tenanciers de l’établissement, puis j’aviserai. Je ne peux pas juste foncer à l’aveugle, après tout.”

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“Alors le Hokage se décide enfin à nous envoyer un ninja ? T’es pas un peu jeune pour faire ce genre de travail tout seul, petit ?
- Si la mission s’avère trop difficile pour un simple Genin, j’appellerai du renfort rapidement.” Shishio s’inclina respectueusement, malgré l’accueil peu chaleureux que le gérant des bains lui offrait. “Que pouvez-vous me dire sur les vols, monsieur ?
- Ma femme tient une liste. Assied-toi dans mon bureau, je vais te l’amener avec une tasse de thé. Si tu peux nous débarrasser de cette épine dans le pied, ça vaut bien un peu de confort.”

Penché au-dessus du bureau en bois épais qui servait usuellement au patron des bains publics à faire sa comptabilité après une dure journée de labeur, Shishio s’usait les yeux. Son thé avait depuis longtemps refroidi quand il arriva en bas de la liste ; le nombre de méfaits commis par ce voleur était tout simplement impressionnant. Depuis qu’il avait commencé à frapper, c’était plusieurs fois par jour que des larcins de sous-vêtements étaient déclarés par les clientes en colère de l’endroit. Clairement, le coupable de ces crimes répétés était à la fois furtif, rapide et organisé… Shishio voyait de plus en plus de raisons de penser qu’il s’agissait d’un ninja. Le modus operandi ne collait pas avec les capacités d’un civil ordinaire ; un animal doté d’un goût étrange pour les sous-vêtements serait, lui, bien plus désorganisé. Distraitement, Shishio prenait des notes sur la liste, tentant d’y déceler une quelconque régularité ; en vain.

“Si le voleur n’agit pas selon un cycle régulier ou répétitif, je vais devoir supposer qu’il se contente de rentrer et de se servir chaque fois qu’il voit une faille… Donc il a forcément un moyen de surveiller le bâtiment et il frappe à la première ouverture… Mais si personne ne l’a repéré avant, comment est-ce que moi, je vais faire pour le prendre la main dans le sac ?”

Un brutal déclic se fit dans sa tête alors qu’il prononçait ces mots. Une idée qui pourrait marcher.

Parfois, Uchiha Shishio détestait vraiment son cerveau.

Je ne suis… Définitivement pas à ma place.

Les joues colorées d’un rouge écarlate par la gêne et l’embarras, Shishio se forçait à garder les yeux fixés sur la surface poussiéreuse qui se trouvait à quelques centimètres au-dessus de son visage à travers un effort conscient de chaque instant. Il aurait mille fois préféré trouver une autre solution, mais le plan qui lui était venu à l’esprit pendant qu’il lisait et relisait sans cesse la liste des méfaits du voleur de sous-vêtements restait le meilleur qu’il avait pu trouver. C’est pourquoi, dès le lendemain de son arrivée aux bains publics de Konoha, il s’était glissé en toute discrétion dans le conduit d’aération du bâtiment. Rampant sur le dos, il se tenait désormais juste au-dessus du vestiaire féminin. Une position idéale s’il était venu pour se rincer l’oeil, il fallait le dire ; les belles femmes dévêtues étaient légion, à seulement deux mètres sous lui, et il n’avait qu’à se redresser légèrement pour les épier à travers la grille qui donnait sur le vestiaire. Aussi innocent fut-il, Shishio restait un garçon de quinze ans : ce combat entre sa volonté et son instinct le mettait au supplice et le perturbait grandement. Chaque éclat de voix, chaque gloussement semblait amenuiser un peu plus sa détermination à ne pas regarder le spectacle interdit. Piqué par la culpabilité, il se dit que d’un seul coup, il comprenait le voleur.

Le plan, sur le papier, était simple : puisque le voleur semblait frapper chaque fois que les vestiaires féminins se vidaient et qu’un groupe entrait dans les sources chaudes, il fallait se débrouiller pour passer inaperçu dans les vestiaires en question. Le conduit d’aération lui permettait d’observer tranquillement le vestiaire, bien sûr, mais s’en extraire serait long et fastidieux. Pour appréhender le criminel, il devait donc trouver un moyen d’être dans la pièce quand il y entrerait… Et il ne voyait qu’un seul moyen de faire ça.

Sitôt qu’il entendit le volume des voix baisser, il se reconcentra sur les bruits venant du vestiaire. Bien évidemment, il n’avait pas prévenu les clientes des sources chaudes… Ni les tenanciers, au cas où l’un d’eux serait dans le coup. Bien que la position de voyeur lui déplaise grandement, cela lui évitait une discussion gênante et augmentait ses chances de remplir sa mission. Aussitôt certain que le vestiaire était vide, il poussa la grille d’aération et se glissa dans le vestiaire. Il n’avait pas beaucoup de temps devant lui ; s’il avait raison, le coupable pouvait entrer à n’importe quel moment. Il se mordit la lèvre inférieure pour éviter d’être perturbé par la vue de tous les affriolants sous-vêtements féminins qui l’entouraient et, choisissant rapidement un soutien-gorge rose pâle, il joignit ses mains.

Dai Henge. La métamorphose supérieure ; une technique très simple et toujours pratique pour les infiltrations, bien qu’il n’ait jamais envisagé qu’il s’en servirait pour se changer en sous-vêtement féminin. Sous cette forme pour le moins humiliante, il reposait sur un des bancs du vestiaire, perdu dans la masse d’autres atours. La technique ne modifiait pas son poids ; il devait donc attendre que sa cible soit entrée et l’attaquer par surprise avant qu’il ne soit “volé”. Terrifié à l’idée de ce qu’il pourrait bien faire si les clientes des sources chaudes revenaient avant que le voleur ne pointe le bout de son nez, il comptait les secondes dans sa tête.

Une minute passa, puis deux, puis trois.

Au début de la cinquième minute, un visiteur qu’il n’attendait pas s’avança dans l’entrebâillement de la porte : un tout petit cochon rose, pas plus haut que dix centimètres, venait d’entrer dans le vestiaire et observait ses alentours d’un air inquisiteur. Un animal ? Impossible… Shishio faillit rompre sa couverture pour l’attaquer quand le cochon tourna sur ses talons, disparaissant à toute allure. Il est diablement rapide, pour une bestiole aussi petite… Il pourrait me distancer sans problème !

Pas plus d’une minute de plus ne passa avant l’arrivée du nouveau perturbateur. Et sa dégaine était pour le moins… Originale.

Un jeune homme, pas beaucoup plus grand que Shishio, venait de passer la porte. Il était torse nu, ne portant qu’un pagne de fourrure et un pantalon autour des jambes, avec de modestes sandales tressées autour des pieds. Il portait deux longs objets bandés dans le dos et, plus étrange encore, il portait une gigantesque tête de sanglier aux yeux exorbités comme masque. Émettant un immonde bruit porcin, il s’avança rapidement dans le vestiaire, commençant à fouiller rapidement parmi les sous-vêtements abandonnés.

Le temps d’un nuage de fumée plus tard, un kunai se tenait sous sa gorge. Shishio s’était déplacé aussi vite que possible et, si ses genoux tremblaient, effrayé à l’idée de devoir se battre contre sa cible, il parvint à maintenir sa voix ferme et intimidante.

“On ne bouge plus. Les vols sont terminés pour toi, pervers.”

Tout aurait pu très bien se passer et s’arrêter là… Mais la chance de Shishio en avait décidé autrement. Levant haut les bras en l’air, le jeune homme poussa un cri sauvage et abruti, faisant sursauter le Genin. Il profita de cet instant d’hésitation pour sortir de l’espace réduit entre le corps du jeune Uchiha et son kunai et se saisit des deux objets bandés dans son dos, révélant deux katanas abîmés. Les yeux de Shishio s’écarquillèrent en découvrant les deux armes.

“Mais t’es complètement taré, tu vas pas essayer de me tuer pour des culottes ?!
- GWAAAAAAAAAA !”

Encore sous le choc, Shishio n’esquiva que de justesse le premier coup de taille du pervers décérébré. Reculant d’un pas, cependant, il eut moins de mal à voir venir le second. Son adversaire était fort et vif, sans doute un peu plus que lui, mais il attaquait en ligne droite et sans réfléchir ; même à son niveau, le Genin était capable de voir les attaques arriver. Bien évidemment, il ne pouvait pas esquiver éternellement. Le moulin meurtrier qu’était devenu son adversaire rendait toute approche difficile. Le jeune garçon se mordit l’intérieur de la joue, cherchant une ouverture quelconque.

Alors que son dos approchait dangereusement du mur du vestiaire, il referma sa poigne sur son kunai et l’envoya vers le sol - plus précisément, vers le pied de Tête de Porc. La lame s’enfonça dans la chair, arrêtant son adversaire dans son mouvement et lui arrachant un nouveau cri bestial. Shishio se jeta en avant, tentant de lui asséner un puissant coup de pied en pleine tête. À sa grande surprise, Tête de Porc se baissa avec une vitesse déconcertante, laissant tomber ses sabres au sol pour arracher la lame qu’il avait au travers du pied. Déséquilibré, Shishio atterrit maladroitement derrière lui, trop lent pour esquiver la contre-attaque du voleur ; la tête de sanglier le frappa au beau milieu du dos, le propulsant à travers la porte du vestiaire - droit en direction des sources chaudes. Brisant le bois de la porte au passage, le Genin roula à de nombreuses reprises sur le sol, avant de s’arrêter dans l’eau.

Il ne réalisa où il se trouvait qu’en étant accueilli par les nombreux cris indignés des clientes et des clients ; s’il avait été nu, personne n’aurait battu un cil, mais un jeune garçon habillé qui venait de la porte du vestiaire féminin ne pouvait être là que pour une seule raison, n’est-ce pas ? Se relevant difficilement, le corps endolori, Shishio leva les mains en essayant d’apaiser la clientèle indignée.

“C-ce n’est pas ce que vous croyez ! Je suis un ninja en miss…
- GWAAAAAAAAAAAAAAAA !!”

Sursautant, le jeune Uchiha se retourna vers la porte qu’il avait servi à détruire. Tête de Porc se trouvait dans l’encadrement, le pied couvert de sang et les bras écartés, brandissant de nouveau ses armes. La tête de sanglier empêchait Shishio de lire son expression faciale, mais il semblait étrangement immobile. Est-ce qu’il me défie, ou… Jetant un oeil autour de lui, le Genin vit que la plupart des clientes s’étaient rapprochées des bords du bassin, s’armant de savonnettes, de brosses dures et de toutes autres munitions sur lesquelles elles pouvaient mettre la main. Je vais pas tarder à me faire lapider, moi ! Son propre émoi en réalisant le nombre de femmes nues ou presque qui l’entouraient lui fit comprendre l’immobilisme du pervers - un dégénéré qui trouvait son plaisir en volant les sous-vêtements des femmes… Il n’était que naturel qu’un tel spectacle soit pour lui une overdose.

Joignant ses mains, il réalisa les signes aussi vite que possible, malaxant son chakra en panique. Il avait tout juste formé le signe du dragon quand les munitions jaillirent, se dirigeant rapidement vers sa tête - une réaction instinctive pour chasser le pervers le plus proche, à n’en point douter.

“Fuuton - Reppûsho !”

Claquant ses paumes l’une contre l’autre, il créa une bourrasque autour de lui, se dirigeant droit vers le vestiaire, aussi fort qu’il le put. Les objets que lui avaient lancés les clients et clientes y furent pris et redirigés à grande vitesse vers Tête de Porc - tout autant de savonnettes, de brosses lourdes en bois, de seau d’eau fraîche et même des serviettes se fracassèrent contre lui avec une violence surprenante. Martelé de toute part, il tomba en arrière. Tout en se confondant en excuses auprès des clients dérangés par cette parodie de combat, Shishio se précipita vers lui, bloquant les épaules du voleur avec ses genoux et collant complètement un kunai contre sa gorge cette fois-ci.

“Je te jure que si tu bouges encore, je t’ouvre la gorge en deux.” lui promit Shishio tout en saisissant le haut de la tête de sanglier, lui arrachant ce masque de force.

Il n’avait jamais vu le jeune homme aux traits étonnamment fins qui lui apparut ; en revanche, l’expression faciale de celui-ci en disait long. Il louchait, et son nez était couvert de sang et sa bouche remplie de bave. Même pour un adolescent en pleine puberté, il en faisait beaucoup trop ; il était sans doute déjà presque inconscient avant même que Shishio ne lui envoie les projectiles des clients des sources chaudes. Retournant le garçon inerte sur le ventre, Shishio lui arracha sa ceinture de fourrure et lui attacha les poignets avec aussi fort qu’il le pouvait, peu désireux de recommencer cette joute stupide.

Avant qu’une nouvelle salve venue des baigneurs ne l’atteigne, il se hâta de traîner le voleur inconscient à travers la réception pour retourner à l’accueil. Le tenancier se trouvait là, l’air surpris de voir Shishio débarquer de nulle part avec ce qui ressemblait à un cadavre sous le bras.

“Shishio-kun ? Mais qu’est-ce que tu fiches ?
- J’ai eu le voleur ! Et euh… Désolé pour l’agitation, je viendrai réparer la porte plus tard !”

Continuant sa course sans s’arrêter plus longtemps, effrayé par le bruit des clientes mécontentes qui s’étaient enroulées de serviettes pour le poursuivre dans le couloir, il détala à travers la porte des sources chaudes.

Pour son plus grand bonheur, le petit cochon qui avait servi de guetteur au voleur était juste devant la porte. En voyant le mauvais état de son maître, il voulut détaler, mais le kunai qui se ficha juste devant son nez lui fit changer de plan. L’air penaud, il laissa donc la main de Shishio se refermer autour de son tout petit corps ; s’il était rapide, c’était bien là sa seule qualité.

“Bon, j’ai plus qu’à espérer que les tenanciers des sources chaudes pourront expliquer que je ne suis pas un pervers à leurs clients… Et livrer ces deux dépravés au bureau du Hokage.”

Un détail que le garçon avait complètement oublié ?

Il portait, sur le dos, les armoiries du clan Uchiha. Un bel éventail Uchiha, bien large, bien coloré, bien visible et très facile à mémoriser.

Voilà qui plairait sans doute à son clan, la nouvelle qu’un petit pervers d’Uchiha s’était glissé dans les bains publics pour reluquer des jeunes femmes.