J'étais assise dans la cour arrière de mon atelier, le cul posé sur une caisse vide alors que je voyais mon vieux se mettre à fouiller dans tous les recoins de mon atelier. Oh, cette fois, il ne venait pas vérifier si j'avais fauché ses outils ou un truc du genre. Je dirais qu'il faisait son boulot de père protecteur en cherchant à me reprendre toutes les saloperies que je me planquais à droite et gauche, soit tout ce qui était attrait à une bouteille.
" Bordel de merde Honoka ! Il faut arrêter ses conneries ! Hors de question que tu replonges ! "
Cela faisait presque un mois que j'avais levé le pied. Je mentirais en disant que je ne continuais pas à boire un ou deux verres en cachette. Cependant, je me faisais violence pour ne pas sombrer dans l'excès, bien que cela me démangeait. D'ailleurs, c'était à cause de ça que le vieux était partie en vrille. Il avait trouvé l'une de mes petites flasques.
" Fille ingrate !! Même pas foutue de te souvenir où tu ranges les choses, hein ? Ou bien tu te fous encore de moi ? "
Le visage rougeaud de mon père furibond se tourna vers moi, alors que je me contentais d'un soulèvement d'épaule. À vrai dire, je me souvenais même pas de la moitié des choses qu'il avait réussi à récupérer ici... et j'étais pas certaine que toutes les bouteilles sur lesquelles il avait mis les mains étaient vraiment des trucs à boire. J'étais plutôt du genre à recycler donc... il y avait forcément dans le lot des machins pas comestibles, pouvant aller de l'huile usagée à d'autres trucs graisseux que j'utilisais pour les mécanismes de mes marionnettes. Seulement, il prenait pas la peine de vérifier le contenu. Il prenait tout. Point. Je savais que lorsqu'il était aussi furieux, il était impossible pour moi de l'arrêter, alors je me contentais de le regarder gesticuler en tout sens.
" Ridicule. "
Au moment où je prononçais ce mot, Yukio lâchait ce qu'il tenait dans les mains. Il se retourna vers moi avec un regard plus sévère que jamais.
" Ridicule ? Tu me trouves ridicule à vouloir te protéger ? J'aurais dû te laisser mourir dans ce désert !!! Ingrate !! Comment tu peux dire des choses pareilles !! "
Voilà qu'il s'emportait alors qu'il y avait un quiproquo. Ce que je trouvais ridicule, ce n'était pas son inquiétude, mais sa façon de fouiller partout. Impossible pour moi de l'arrêter dans sa diatribe.
" Il y a encore quelques mois, tu es revenue complètement brisée ! J'ai cru que j'allais encore te perdre. Et après, à cause de ce type, tu t'es mis à boire comme jamais, et je suis ridicule ??? Je me refuse de te voir foutre à l'air ta vie pour des conneries ! Je t'ai toujours laissé faire n'importe quoi, mais là, c'est trop ! ABRUTIE DE FILLE ! "
Je le laissais déverser son fiel parce que je savais qu'il en avait besoin. Moi, je me contentais de le regarder avec mon attitude désinvolte, laissant échapper un soupir avant de me mettre à agiter mes mains pour répondre enfin.
" C'est toi le vieux con, papa. C'était pas ce que tu fais que je trouve ridicule, mais comment tu le fais. Sans déconner, tu crois vraiment que tout ce qui se trouve dans cette caisse c'est de l'alcool ? J'ai juste oublié de foutre des étiquettes sur la moitié de ces machins. Je bois pas au boulot... enfin j'évite. "
Y avait trop de trucs tranchants dans la zone et si j'avais un mauvais esprit, ça pouvait finir mal. Alors ouais, le peu de conscience qui me restait me poussait à un peu de raison. Yukio se mit immédiatement à grogner, regardant la caisse qu'il remplissait, et de rage s'en saisit, prêt à sortir de mon atelier, visiblement énervé.
" J'AI PAS CONFIANCE ! Je prends tout, je verrais chez moi. "
Levant les yeux au ciel, ce dernier prit mes affaires et se barra à grand coup de pas agacés. Je me redressais comme si j'avais la volonté de le rattraper, mais je me stoppais net une fois devant ma porte. Foutu pour foutu... J'avais pas envie de lui courir après de toute façon. Mais alors que lui se barrait, il y avait un autre visage familier qui vint dans ma direction, et un visage difficile à oublier, surtout quand on connaissait la taille du bonhomme. Shirogane Ningyo. Cela faisait un moment que je ne l'avais pas croisé et je l'accueillis avec un salut de la main... enfin s'il venait vraiment me voir.
Shirogane Ningyo
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Bon ! Aujourd’hui, j’allais proposer à Honoka de venir manger avec moi ! Et puis si elle le souhaitait… venir avec moi dans un magasin de pièce de marionnette ! Ma sœur m’avait aidé à trouver une tenue propre et relativement habillé pour un restaurant dont elle m’avait parlé : le Dragon du Lotus. Elle m’avait même trouvé de jolies fleurs. Un peu de bleuet, avec des camélias, un peu d’hortensia et des tulipes. Elle avait dit qu’elle saurait ce que ce bouquet voulait dire. Je ne savais pas. Je rajustais mes longs cheveux rouges et taillais même ma barbichette. Ma sœur me fit tourner sur moi-même pour vérifier que tout était en ordre. Elle m’offrit une tape sur l’épaule.
« Et n’oublie pas ce que je t’ai dit ! »
J’inclinai la tête avant de sortir de l’appartement pour me diriger chez Honoka alors que mon cœur battait avec une telle violence que je me demandais si je ne risquais pas de sortir mes côtes se briser sous la force. Non vraiment… je ne savais pas ce qu’il se passait… Je n’étais vraiment pas à l’aise. Ah… qu’est-ce que j’étais censé faire ?! Demi-tour ? Non ! Non ! Il ne fallait pas ! C’était fors de question après tout. J’inspirais à nouveau profondément avant d’arriver devant chez Honoka… Elle… J’avais les genoux tout mous. Je lui offris un grand sourire et un signe de main. Je ne pouvais pas reculer !
J’avançai droit vers elle avant de lui tendre maladroitement l’énorme bouquet de fleur que j’avais dans les bras.
« Bonjour Honoka. C’est pour toi ! »
Elle n’avait pas l’air d’aller très bien… J’espérais que je pourrais la faire sourire un peu. Et je paniquais sur ce que j’étais censé dire ou non…
J'étais... circonspecte. Cela devait peut-être se voir sur mon visage tellement je fus étonnée. La dernière chose à laquelle je pouvais penser, c'était bien que l'on m'offrit un bouquet de fleurs. D'ailleurs, je me trouvais un peu conne devant, alors que Ningyo me le tendit avec une certaine nervosité.
" Merci. "
J'arrachais ces mots de ma gorge tant bien que mal, alors que je me saisis de son offrande surprenante. Je me grattais la tête, me sentant un peu bête parce que je ne saisissais pas tous les détails de son intention. De lui, je savais que c'était un chic type. Un peu simplet, on allait pas se mentir, mais quelqu'un de plutôt sympas. Quelqu'un de bien en fait. Mais alors que je m'apprêtais à le faire entrer, il se mit à parler à grande vitesse sans prendre une respiration, ce qui me laissa encore plus perplexe.
Honnêtement, je ne comprenais pas pourquoi il se mettait dans un tel état. On se connaissait, on faisait plus de manière entre nous, non ? Fallait dire que je n'étais pas trop sortie ces derniers temps, peut-être qu'il pensait que je lui faisais la tronche ? Arquant un sourcil, je pensais tout de même avoir compris le sens de sa formule et tout en maintenant le bouquet du mieux que je pus sous le bras, je lui fis quelques signes.
" J'ai rien de prévu à midi. Je peux t'accompagner sans problème. "
Peut-être même qu'avec de la chance, il allait me payer le restaurant ? Pas que j'étais radine, mais je ne cracherais pas dessus. Mes poches étaient un peu vides. Quoiqu'il en était, je finis par lui faire un signe de tête pour me suivre à l'intérieur de l'atelier, là où je commençais à chercher un truc qui puisse me servir de vase. Je finis par mettre la main sur un pot en verre qui pourrait me servir "en attendant". J'y déposais le bouquet et partis chercher une bouteille pour y mettre de l'eau.
" Je n'ai pas ce qu'il faut ici. Je le ramènerai chez moi en partant. Par contre, en quel honneur j'ai droit à un bouquet ? C'est pas mon anniversaire ? "
Je savais pertinemment que je n'avais rien fait qui eu mérité quoique se soit, à part me faire une énième fois engueuler parce que je trainais de la patte. Mon regard améthyste se posa sur mon ami géant, apposant mes fesses sur le comptoir en guettant sa réponse. Comme c'était un bonhomme original, ses intentions n'étaient pas toujours très claires.
" Il est très joli en tout cas, mais je ne le mérite pas. "
Mes mains s'étaient à nouveau agitées pour tout de même lui montrer que j'étais reconnaissante, tout en tournant mon attention vers les fleurs offertes. Cela pouvait sembler bizarre, mais j'aimais bien les fleurs. Cela ne sauterait pas aux yeux quand on me voyait, je brillais pas par ma niaiserie ou ma féminité, mais ça, ça me rendait toujours un peu nostalgique. Ça me rappelait ma mère, cette même mère dont j'oubliais au fur et à mesure le visage.
Shirogane Ningyo
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Je restais tout surpris quand elle me parla. Oh… c’était assez rare qu’elle ne parle… J’étais… touché qu’elle parle ainsi et qu’elle prenne ainsi mon bouquet. Je sentis mon cœur battre un peu plus fort en observant son visage avec grande attention. J’aurais aimé pouvoir refaire une marionnette à son effigie… Je ne pourrais jamais atteindre la perfection et la douceur combative de son visage. Une simple pâle copie qui ne pourrait pas remplacer la jeune femme… Peut-être aurais-je dû le faire pour m’entraîner ? Mais je crois que cela n’aurait servi à rien… J’avais l’impression de ne pas… être à la hauteur d’un coup. Et j’avais envie de fuir… Mais… elle semblait si contente de ce bouquet… Je décodai ses signes avant de sourire et de répondre tout aussi en geste qu’elle :
« Je suis content qu’on mange ensemble ! »
Je la suivis dans son atelier en regardant dans tous les sens, observant l’endroit, s’il était propre, rangé, ou s’il y avait des engrenages et des rouages à examiner. Je me sentais nerveux et j’avais besoin de tripoter quelque chose ou de focaliser mon attention sur quelque chose. Mais il n’y avait aucun mécanisme pour capter assez mon attention plus que les yeux clairs de la ninja en face de moi qui avait mit mes fleurs, ses fleurs, dans de l’eau. Quel honneur ? Je… Je codais à nouveau :
« Je… J’avais envie de te faire plaisir… Et je crois que les fleurs font toujours très plaisir. »
Je… Je n’étais pas sûr de moi… Pas du tout et j’avais l’impression de passer pour un grand idiot… Encore pire que d’habitude. Pas le mériter ? Je sentis ma bouche se sécher brusquement. J’avalai ce qu’il me restait de salive avant de prendre la parole manuellement parlant :
« Je trouve que tu mérites d’avoir des jolies fleurs. Surtout si elles te font plaisir. Tu mérites d’avoir un beau sourire sur le visage. »
Même en signant… j’arrivais à être… stupide… idiot… et maladroit… Je baissai lentement mes mains en ayant envie de m’enfuir dans mon atelier et ne plus jamais en sortir. Machinalement, je me recroquevillai un peu sur moi-même, essayant de paraître plus petit que je ne l’étais.
Shirogane Honoka
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Ningyo restait une énigme pour moi, j'avais clairement du mal à comprendre ses intentions. Était-il seulement sympa ou bien avait-il des arrière-pensées ? Je ne l'imaginais pas comme étant un homme tordu en tout cas, et je n'aurais jamais cru qu'un simple repas put le rendre si joyeux. D'un autre côté, dîner avec quelqu'un qui ne faisait pas la gueule, ça pouvait pas me faire de mal et ça me changerait. Je supposais même que la simplicité de mon camarade me ferait du bien. Mais puisqu'il était content... je haussais les épaules comme pour dire "ok".
Quand je lui demandais banalement la raison de son cadeau, il me répondit que ce n'était que pour me faire plaisir, que les convenances sociales laissaient à imaginer qu'un bouquet rendait toujours le sourire à ses dames. J'aurais pu rire de cela, si j'en avais le cœur, mais j'aimais aussi les fleurs à vrai dire. Cela pouvait surprendre, je le concevais. Généralement, cela me rappelait mes rares bons souvenirs. Ma mère, surtout. Ou plutôt les très vagues souvenirs que j'avais d'elle.
" Ça me fait plaisir. "
Autant le rassurer sur la finalité. C'était pas le moment qu'il crut mal faire. Je l'aimais bien, je me devais d'être un peu rassurante… mais il se comportait vraiment bizarrement.
" Ha bon ? Tu trouves que je le mérite ? Je suis pas convaincue. "
Mes yeux se portèrent sur les fleurs. Je ne pensais rien mériter, si ce n'était peut-être mon sort. Cependant, je n'arrivais pas à comprendre ce qui m'échappait. J'avais beau me foutre dans la merde, je finissais toujours par survivre et tout mon questionnement était de me demander "pourquoi" ? Je ne voulais pas mourir pour autant, sinon, cela serait déjà arrivé depuis longtemps. Mais je tenais comme une mauvaise herbe.
" Pardon si je ne souris pas beaucoup. Même si ton cadeau me fait plaisir. Je ne suis pas quelqu'un qui... sourit. "
Je ne voulais pas qu'il perdît son temps à essayer de me faire faire risette. Par contre, je m'étonnais qu'il s'inquiétât pour moi. Je n'avais pas souvenir qu'on était si proche, mais comme je le disais, Ningyo pouvait être un peu bizarre et difficile à décrypter.
" Pourquoi tu veux autant me voir sourire ? Tu sais, même contente, je ne souris pas beaucoup. Tu devrais pas perdre ton temps avec ça. "
Ce fut alors que je me mis à regarder partout dans mon atelier. Maintenant que mon père avait emporté tout ce qui était suspect à ses yeux, j'avais plus grand-chose à offrir, à boire, hormis de l'eau.
" On a du temps à tuer avant midi, tu veux peut-être quelque chose à boire ? J'ai... de l'eau. "
Je me grattais la tête. Cette diète infernale.
Shirogane Ningyo
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Si cela lui faisait plaisir… je ne demandais rien d’autres. Je ne savais pas réellement comment mener une conversation d’habitude c’était ma sœur qui s’en occupait… Et Honoka était très calme alors… Je ne savais pas, je me sentais encore plus maladroit et mal habile avec elle. Et en même temps…Oh… par tous les dieux… j’étais bien en sa compagnie. Je n’arrivais pas à l’expliquer, cela faisait rire ma sœur et Grand-mère… mais qu’importe ! Si cela lui faisait plaisir… C’était… C’était très bien ! Je ne demandais pas plus.
« C’est parfait alors. »
Si ses doigts ressemblaient à des petits pétales de fleurs dansant, moi quand je lui répondais, j’avais l’impression d’avoir des saucisses toutes moches en train de s’agiter mollement dans les airs. Et même quand j’essayais de la complimenter… c’était nul. Peut-être avais-je fait une erreur ? Je ne savais plus où j’en étais et j’avais l’impression que ma tête tournait comme sur un bateau ivre. Respire Ningyo… Elle méritait ces fleurs. J’inclinai la tête avant que mes saucisses sans âme ne s’agitent à nouveau :
« Oui, je le pense en tout cas. »
Elle ne souriait pas beaucoup, mais c’était comme ça, j’inclinai la tête, je ne la changerais pas, pas vrai ? Je préférais qu’elle reste comme elle l’était… Je n’avais pas besoin d’autre chose qu’elle soit elle-même, c’était tout ce que je demandais d’elle : qu’elle soit elle-même.
« J’aime bien quand tu es toi-même. »
Et vient la question… auquel je n’avais pas de réponse. Je levai les mains, avant de les descendre à nouveau et de les lever… pour les baisser encore une fois. Qu’est-ce que j’étais censé répondre à ça moi ? Je finis par bredouiller, m’emmêlant les phalanges :
« Parce que tu as un beau sourire ? »
Boire ? À boire… euh… oui… oui…
« Oui de l’eau ! De l’eau c’est très bien. Je ne… enfin je ne bois pas. »
Je ne savais pas si je tenais bien l’alcool… je préférais ne pas tester à dire vrai. Je regardais son atelier :
« Tu travailles sur quoi en ce moment avec tes créations ? »
J’étais curieux aussi de son univers là, je me souvenais qu’on avait passé un bon moment à s’entraîner tous les deux après tout. Je l’avais même fait danser !
Shirogane Honoka
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Tandis que mon regard se portait sur mon jeune camarade, je me rendais bien compte qu'il n'était pas comme d'habitude. Il paraissait plutôt nerveux et je ne savais pas si je devais m'attendre au pire ou non. Est-ce qu'il avait une mauvaise nouvelle à m'annoncer, mais ne savait pas comment l'exprimer ? Ou bien avait-il un problème particulier et j'étais la seule à qui il pouvait en parler ? Notons que cette dernière option était étonnante, car de ma mémoire trouée, je me souvenais tout de même qu'il avait une frangine.
Quoiqu'il en fût, je ne me retins pas de l'interroger sur cette soudaine envie à vouloir me rendre un sourire qui n'habillait que rarement ma gueule cassée. Si dans un premier temps, il me surprit par sa franchise en prétendant bien m'aimer comme j'étais, le fait qu'il trouvait mon "sourire" beau me laissa littéralement sur le cul. J'écarquillais un sourcil, me sentant un peu con sur le moment, réfléchissant à la tête que j'avais quand je feignais la joie.
" Ah bon ? Vraiment ? T'es sans doute le premier à me dire ça. "
Même lui ne me l'avait jamais dit. Par manque de temps ou bien qu'il n'avait jamais trouvé ça nécessaire. Et puis, ce n'était pour ces raisons qu'on s'était aimé. C'était plutôt parce qu'on était deux grands paumés qui se soutenaient comme des béquilles. Cependant, c'était devenu un passé révolu, il ne me fallait pas penser à lui non plus. Le faire était me replonger direct dans mes travers parce que je connaissais à présent tout le poids de l'absence, et ça, c'était un truc qui ne me ressemblait pas.
Lorsque je lui demandais s'il voulait boire quelque chose, il finit par accepter. Je fis un hochement de tête avant de me diriger vers la partie de mon atelier où j'entreposais des trucs à grignoter et des bouteilles d'eau. Je revins avec l'une d'entre elle, ainsi qu'une tasse en métal que je lui remplis avant de la lui tendre.
" C'est moi ou tu es tendu ? Y a un truc qui te tracasse ? "
Fallait bien qu'à un moment ou à un autre, que je posasse la question. Cependant, il détourna la conversation bien vite pour me faire causer sur mon travail du moment. Mon regard se posa sur ce qui m'entourait, j'avais un bras de marionnette qui traînait sur le comptoir.
" Je bricole pour que les membres d'Itori supportent la transmission de chakra. "
Je pointais du doigt un bout détaché de ma marionnette.
" J'ai déjà eu à faire des contrôles sur des membres artificiels, mais étant donné que dans ce cas précis, il s'agit d'un être totalement inerte, je bosse pour que ce soit plus fluide. "
Dans le cas d'une prothèse, cela était directement avec soi-même. On sentait plus aisément les choses, car on faisait en sorte de le connecter au corps comme si c'était en continu. Ici, tout passait par les fils de chakra ou bien une pile de stockage pour l'autonomie. Bref, c'était pas aussi évident que cela en avait l'air.
" Tu bosses sur un truc en particulier en ce moment ? "
Shirogane Ningyo
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C’était sans doute la meilleure réponse que je pouvais lui faire. Enfin non ! Mais euh… la première qui me venait à la tête. Je me frottais un peu la nuque avant de répondre lentement.
« Je crois que c’est parce qu’ils ne t’ont pas assez regardé. »
Parce qu’elle avait véritablement un beau sourire. Du genre celui qu’on aimerait voir tous les jours et qui rendait le soleil encore plus terne. Mais j’avais l’impression d’enchaîner les bourdes les unes derrières les autres… Et que je lui faisais de la peine à chacun de mes mots… Comme d’habitude… De n’être qu’un grand colosse idiot et maladroit même lorsque je signais ! Et elle le remarqua ce qui me fit rougir jusqu’à la pointe des cheveux de bégayer… et cela même si je ne faisais que signer.
« Je… enfin… tu… Je… c’est la première fois que j’offre des fleurs à une dame ! »
Et que je l’invitais à déjeuner avec moi. Je pris la tasse d’eau qu’on me tendit pour la boire à petites gorgées avant de me pencher sur ce qu’elle faisait. Des membres d’Itori… qui supportent la transmission de chakra. Je n’étais pas bien sûre de comprendre. Totalement inerte… et fluide… Bosser ? Je détachai un de mes bras, celui qui tenait la tasse, pour lui montrer avant de le fixer à nouveau à sa place.
« Je bosse sur l’amélioration de mes prothèses, enfin, surtout celles de jambes actuellement. Je ne suis pas satisfait de bien des choses. Je n’arrive pas à trouver quelque chose pour améliorer mes jambes, elles sont bien, elles remplissent leur rôle de jambe, mais c’est pas assez. Et qu’est-ce qui bloque sur la transmission du chakra avec ça ? Tu veux bien m’expliquer ? »
Je commençais à trouver le comportement de Ningyo de plus en plus bizarre, ou en tout cas, bien plus que d'habitude. J'avais comme l'impression qu'il essayait de me dire quelque chose, sans pour autant trouver les mots... ou bien je me faisais des idées. Tout était possible. Cela n'empêcha pas qu'il ne manqua pas, une fois de plus, à me faire sourciller.
" Vue ma gueule, je peux pas leur en vouloir. Y a des femmes plus agréables à mater. "
J'avais une forte opinion de moi-même, comme on pouvait le voir. Mais en vrai, je m'en foutais un peu. De l'avis des autres, je parlais. Que l'on m'appréciait ou pas, cela n'allait pas changer ma vie et j'étais comme un oiseau qui avait les ailes cramées. Si on omettait toutes les marques qui zébraient ma peau, on pouvait clairement percevoir dans mon regard que j'étais tout aussi bouffée à l'intérieur. Cependant, ça n'en restait pas moins étonnant pour moi que mon camarade géant retenait ce genre de détail. Du sourire, j'entendais. J'avais dû le marquer tellement c'était un phénomène rare.
" Je suis la première ? J'aurais pensé que tu en aurais déjà offert à ta frangine ou ta grand-mère. "
Est-ce qu'il me fallait imaginer que cela lui importait vraiment tant que ça pour me faire ce "cadeau" ? Je ne pus m'empêcher de le regarder avec plus de curiosité, et plus je l'observais, plus je sentais qu'il y avait un truc... mais il voulait éviter le sujet. S'il croyait que je m'en étais pas aperçue... Je jouais cependant le jeu, et on se mit à parler boulot. Agitant mes mains pour ma part, tandis qu'il se dévissa le bras pour me montrer sa prothèse.
" Tes prothèses sont remarquablement bien faites. C'est du beau travail. "
Le compliment était sincère, j'étais admirative du boulot des autres Shirogane, surtout quand cela réclamait une telle technicité. Je supposais que Ningyo était un petit génie dans son genre.
" Tes prothèses ont l'avantage d'être directement relié à ton corps, il y a une connexion "courte" et "directe". Ton flux est à même passer de l'un à l'autre. Avec une marionnette, le fil conducteur... et bah c'est ton fil justement. Cela met plus de temps, c'est moins fluide, moins naturel en tout cas. "
Je tournais mon regard vers le membre en bois, je l'avais ouvert en deux pour le farfouiller. Je me tâtais encore sur les agencements internes.
" Je peux pas améliorer mes liens, mais je peux améliorer les bras de Itori. Un meilleur bois, un meilleur mécanisme, une meilleure conduction. Il faut juste que je trouve le bon assemblage. "
Ce fut alors que revint sur Ningyo, m'accroupissant pour mater ces jambes. Autant dire que je prenais mes aises et lui relevais le bas du pantalon pour voir comment c'était foutu.
" Si tu penses manquer de souplesse, tu devrais revoir les articulations, peut être trouvé un matériel plus léger, mais toujours solide. Faudrait voir un autre traitement pour le bois, afin qu'il reste souple. "
On pouvait toujours tester diverse méthode, mais c'était à cet instant que je me rendis compte que je ne savais pas jusqu'à quel point Ningyo était "refait".
" À propos... je t'ai jamais demandé... c'est volontaire ou tu as eu un accident ? "
Autant demander directement.
Shirogane Ningyo
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Elle avait quoi sa gueule ? Elle était très belle sa gueule… Il n’y avait d’autres femmes que je trouvais plus jolie à regarder. Enfin… c’était… mon opinion après tout. Je me mordis légèrement les lèvres, un peu hésitant à sa remarque avant de coder avec lenteur :
« Je… Je ne trouve pas qu’il y ait des femmes plus agréables à regarder. »
J’étais dans un bourbier ! Je ne savais pas quoi faire… ou quoi dire. D’habitude j’étais très à l’aise avec Honoka… mais là j’avais l’impression de trébucher tous les trois mots et faire bêtise sur bêtise. Je me mordis légèrement les joues en me retenant de me mordre la langue, les joues ou quoi que ce soit d’autre. Je coulais face à une relation humaine que pourtant j’aimais beaucoup. Mais c’était la première fois que j’offrais des fleurs à une femme. Je fronçais les sourcils légèrement.
« Elles ne comptent pas. C’est ma famille. Et d’ailleurs ma sœur… je crois ne vraiment lui avoir jamais offert des fleurs. »
Je crois qu’elle n’aimait pas trop les fleurs. Je me dirigeai vers Itori pour admirer le travail avec soin. Je comprenais ce qu’elle voulait dire et je lui montrais mon bras pour qu’elle puisse examiner les rouages à l’intérieur. J’en prenais grand-soin et j’essayais toujours bien des choses avec. Je m’amusais à tester beaucoup de choses pour devenir plus efficace ! Je pris bien note à sa remarque et inclinai légèrement la tête comprenant ce qu’elle voulait dire. Pour ma part, le fil de chakra était tellement naturel avec Mereus… mais j’avais rougis à sa remarque sur mes prothèses et codé un petit « merci ».
« Je comprends ce que tu veux dire… Peut-être… que ton mécanisme pourrait reprendre les fonctions des tendons et ligaments. Je pense que pour les mouvements, la simplicité est l’efficacité. Moins tu perds de chakra dans le mouvement, plus tu peux l’utiliser pour activer des techniques… »
Je ne savais pas si j’étais clair, mais la base de mes marionnettes était toujours d’une simplicité extrême. C’était ensuite que je rajoutais toutes les options autour de la structure.
« Si tu regardes Mereus, en dehors de ses options, sa base est très simple, celui lui permet également d’être plus léger et d’être plus facile à manipuler. »
Je restai tout surpris quand elle se mit à genoux devant moi pour soulever mon pantalon. Hey ! Euh… oui ! Mes jambes ! Je… Je suis censée faire quoi moi !
« Je… enfin… C’est-à-dire… Disons que je trouve qu’elles n’ont pas assez d’option à mon goût. Elles… sont… juste des bêtes jambes. »
Sa question me surprit et je tendis la main pour l’aider à se redresser avec grande douceur. Je plongeai mon regard dans le sien.
« Mon premier bras était une blessure. Ça mettait du temps à guérir, alors avec mon ancienne camarade d’équipe m’a aidé à couper mon bras et le remplacer. Puis après… au fur et à mesure, j’ai remplacé mes membres, pour être plus efficace et moins facilement blessé. Ma sœur m’en voulait un peu, jusqu’à ce que je doive remplacer son corps en partie. »
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