Vaste monde, vaste vide [PV Minato]

Minato était clairement un drôle de petit gars et je m'étonnais encore que sa candeur ne lui ait jamais fait défaut jusque là. Un garçon qui pensait si naïvement sur certains aspects de la vie et paradoxalement si cruellement sa condition de shinobi... Je me mis à rire.

" Par "cette fois", je fais allusion que peut-être un jour, quand tu trouveras la bonne donzelle, tu fonderas ta propre famille. Rien de plus. "

Vue la manière dont il avait rougi, le petit coquin avait pensé que c'était une nouvelle invitation de ma part. Finalement, il y avait pris goût le polisson. Mais il ne fallait pas qu'il se mit ce genre d'idée saugrenue dans la tête. Je parlais pas de la partie de jambe en l'air, soyons clair, mais plutôt de toute l'histoire que son optimisme pourrait broder autour. Je n'étais pas une femme bien, je n'étais pas faite non plus pour l'ordinaire, je ne savais même pas pour quoi j'étais vraiment bien faite, hormis le fait de créer des marionnettes. Mais c'était mignon. Il était mignon. Cela me faisait sourire.

Pensive et cigarette au bec, je laissais alors mes pensées m'emporter comme d'habitude vers les méandres de ma conscience vide. Je ne savais pas trop de quoi j'avais l'air dans ces moments-là mais visiblement, c'était pas trop du goût du petit Uzujin qui s'enflamma dans un discours surprenant. Oh, je le laissais parler, le laissais vider son sac. J'eus un nouveau petite sourire en coin alors que je laissais échapper ma fumée. C'était là que l'on voyait que deux mondes nous séparaient - et pas que le village, nos propres expériences également. Si je l'écoutais, tout était simple. Je devais en avoir rien à foutre de mon passé, rien à foutre de pas savoir. En temps normal, j'aurais dit ok et qu'il avait raison. Mais il aurait fallu que cela ne concerna que moi, ma gueule, ma vie. Cependant c'était pas tout à fait le cas. Ma vie de Kaigan, mon ex-fiancé, tout ça, ouais... je pouvais en avoir rien à cirer du tout - bien que j'étais un peu curieuse sans que cela ne me rendit triste. Toutefois, j'avais du sang sur les mains.

J'étais pas de nature à culpabiliser. Quand on devient ninja, on acceptait les risques dont celle de perdre la vie. Cependant, même si c'était bien joli sur le papier, la famille aimait avoir une explication. Moi, j'avais été jonin et responsable d'une équipe. Toute l'équipe avait crevé... sauf moi. J'étais pas tellement habitée par le fameux syndrome du survivant, je considérais que j'avais du bol et puis c'était tout. Je pourrais même dire que j'avais été plus douée, la loi du plus fort, tout ça tout ça... ou bien simplement un jeu de circonstance. Si je pouvais cependant demeurer la conscience quasiment tranquille, ça me faisait sincèrement chier vis à vis de la responsabilité qui avait été la mienne. Pourquoi cela avait merdé autant? C'était peut-être la seule chose que je voulais savoir et que paradoxalement je craignais de découvrir.

Alors, vous comprenez un peu mieux pourquoi les jolies paroles de Minato me faisaient marrer puisqu'il n'avait pas toutes les cartes en main. Il était touchant comme gars mais à côté de la plaque en ce qui me concernait. Il me plaçait sur un piédestal que je méritais pas. Je me contentais alors de lui sourire à nouveau, d'acquiescer. Ouais, mon avenir était devant. Je le contredirais pas.

On changea alors vite de thème de conversation et je l'interrogeai sur sa visible passion des démons. Mais là encore, je fus surprise par son angélisme. Je rêvais où il me disait qu'il voulait faire ami-ami avec un monstre folklorique?

" T'as une drôle vision des choses. "

Je pris une bouffée de ma cigarette et je repris mes écrits.

" Je me pose pas la question de croire ou pas. Beaucoup les ont vu, à moins que ce soit un genjutsu collectif. Mais tout le monde les dépeint comme des démons. Et chez moi, les démons, on en fait pas des animaux de compagnie. "

Je soupirais et continuais à écrire.

" Je veux pas casser ton rêve, mais je crois que tu fais fausse route en imaginant qu'il t'a volontairement épargné. Généralement, les démons tuent ceux qui les emmerdent. Ils ont plus de sang sur les pattes que les shinobis. "

Même moi qui pratiquait le culte de Shukakku, j'en avais conscience. Les Kaigan tuaient pour lui, sacrifiaient pour lui. Mais est-ce qu'il l'avait demandé? Je m'étais toujours posée la question.

" Après, que tu souhaites établir un contact, c'est une quête assez noble. Peut-être que c'est qu'un problème de communication après tout. Entre les démons et les humains. Peut-être que t'arrivera à résoudre ce mystère. "

L'uzujin était déconcertant en de nombreux points de vue et j'avais finalement plus de mal à le cerner que ce que je croyais. Voilà maintenant qu'il m'affirmait que le projet de posséder sa propre famille n'était pas un souhait et que bien au contraire, l'idée lui paraissait douloureuse. C'était d'une étrange lucidité pour un gamin que je trouvais naïf... et tout à son honneur. Bizarrement, bien que généralement j'étais plutôt insensible à ce genre de chose, cela me faisait presque de la peine qu'un gosse de dix-sept ans n'était pas animé par quelques illusions de trouver sa moitié idéale. Un peu comme un gâchis. Mais il fallait dire que nous vivions dans un monde qui broyait carrément nos illusions. Je haussais les épaules lorsqu'il affirma qu'il avait trop de sang sur les mains et qu'il sous-entendait que rien que pour cela, il n'avait pas trop le droit d'en demander plus. Mouais... Moi personnellement, j'en avais rien à carrer de demander plus, et cela ne me posait aucun problème de conscience non plus. Par chance, j'étais pas habitée par des envies de pouponnages. Autant dire que ça tombait bien.

Alors que l'on continuait notre conversation, je ne pus m'empêcher de me mettre à rire lorsqu'il se qualifia de fou. J'avouais que ce n'était certainement pas l'adjectif que j'aurais utilisé pour le décrire. Atypique serait plus approprié. Fou? Non. Pas le petit Minato. Un original, ça c'était certains.

" Tu es surtout curieux. Pas fou. "

Voilà le petit message que je lui désigna en guise de réponse. C'était pas des paroles réconfortantes, mais je lui offrais en même temps un petit sourire qui lui se le valait. Je tirais une nouvelle latte sur ma cigarette quand il me remercia de l'encourager. Je devais avouer que je buguais un peu sur son interprétation de mes propos, et je le regardais en arquant un sourcil.... cependant, cela semblait lui faire plaisir alors je voulais pas le contredire. A la place, j'eus droit à un sourire de sa part et un surprenant câlin auquel je ne m'attendais pas. C'était que ce bonhomme avait un véritable besoin d'affection!

Étonnée, je me contenta alors à lui tapoter la tête dans un geste qui se voulait tendre mais un peu maladroit sans doute. Il fallait dire que je n'étais pas faite pour ça, ces excès de tendresse. Finalement, c'était peut-être moi qui en manquait après tout ou bien que quelque chose clochait chez moi parce que je n'en réclamais pas? Demeurant muette, je l'observais alors s'éloigner et le regarda se rhabiller du coin de l’œil avant d'aller chercher du petit bois.

Pendant un instant, j'avais eu la saugrenue idée de me carapater sans un mot, de me barrer dans le silence et de disparaître dans la nuit ni vue ni connue. Mais croyez-le ou pas, je fus subitement habitée par quelques scrupules à me comporter de la sorte avec le gamin. Je ne pouvais pas lui faire ça. Je trouvais ça dégueulasse. Si c'était un type lambda, sans doute mais là...  Voilà que je devenais presque sentimentale. Je repris une bonne bouffée de ma cigarette. Cela devenait vraiment n'importe quoi.

Alors qu'il revint avec le bois, je me redressais pour m'étirer les membres. Fallait dire que nos courbettes m'avaient un peu froissé les muscles. J'avais plus l'habitude de ces bêtises - ou j'en avais l'impression. Je sentis mes os craquer comme une biscotte avant de me rassoir en soupirant.

" Je regrette qu'on est pas de marshallow à griller sur le feu. Ou des saucisses. "

Oui, je pouvais passer culinairement d'une extrême à l'autre. Sucré ou salé, même combat. De la bouffe, c'était de la bouffe. Point. En tout cas, il n'y avait pas à dire, j'avais un creux et c'était soit me grailler quelque chose, soit dormir pour étouffer ma faim. Je tendis alors mon bras en direction de mes affaires pour attraper mon sac et commença à farfouiller dedans. Je devais bien avoir quelques rations de survis là dedans pour combler mon bonheur. Je finis par mettre la main sur des lamelles de bœuf séché que je sortis presque victorieuse de mon barda avant d'en proposer d'un geste à Minato.

Je pris mon calepin et commença à écrire un petit mot en le posant à côté de moi avec ce petit bout de bouffe.

" Le réconfort après l'effort. C'est pas grand chose mais c'est pas mauvais. "

Sur ces paroles écrites, je finis enfin ma cigarette dont j'écrasais le mégot dans le sable et à la place, je trouvais une nouvelle occupation à ma bouche en commençant à mastiquer mon bout de bœuf séché. Mouais... c'était pas mauvais. Mais c'était là que s'installa l'instant bizarre de "l'après". Personnellement, je vous avouerais que j'aurais pu me barrer sans rien dire. Je prenais mes affaires, un petit coucou et adieu l'artiste. Cependant j'aimais bien ce coin de plage et j'avais pas vraiment envie de voyager de nuit, du coup, j'étais bonne pour faire du campement avec la petite tête d'uzujin. J'allais pas me plaindre. Il aurait pu y avoir pire comme compagnie mais comme il aimait causer, j'étais pas certaine que je pourrais pioncer. Pas grave. Les nuits blanches, je les maîtrisais.... lui peut-être un peu moins. Il finit par s'endormir comme un bébé au bout d'un moment, ce qui me fit doucement sourire. Si seulement je pouvais une fois dans ma vie avoir un sommeil aussi apaisé, j’apprécierais.  

Du coup, je m'étais retrouvée là, les yeux grands ouverts à pas mal cogiter. J'avais vu le coucher du soleil et j'allais bientôt en mater le lever. A ceci près que je pouvais pas rester là plus longtemps. Fallait que je décampasse avant que Minato se réveillasse. J'étais pas faite pour ces drôles de matin où on se regardait dans le blanc des yeux et puis... à la vue de la façon dont il réagissait, j'allais droit à avoir une réaction du type "gros câlin". Mouais... j'avais pas l'âge pour ce genre de truc. Je m'appliquais donc à faire ce que j'avais toujours fait - ou supposé faire - et je rassemblais mes affaires pour me barrer. Comme j'étais pas vache, je lui laissais quand même un petit mot.


Moi, c'était l'heure de rentrer au pays.... et sans doute de me faire passer un savon parce que je m'étais barrée sans rien dire.