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Le journal de Fusukenstein [ Feat : Omura Mifuyu ]

Masamune Sanada
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Masamune Sanada
Le soleil était en train de se coucher sur le village d'Uzushiogakure. Sanada rangeait les étales de livres qui étaient placées à l'extérieur de la Librairie de la Cascade quand il fut appelé par son vieil ami Sugihara qui tenait la boutique.

- Sanada, mon garçon, j'ai une faveur à te demander. Tu sais que je ne peux pas sortir avec cette chaleur. J'ai pourtant une commande qui doit être livrée en mains propres. C'est une demande d'un membre éminent du village, qui plus est, il s'agit là d'un manuscrit existant en un seul exemplaire, je ne te fais pas dire à quel point il est précieux. Il est scellé, et si tu l'ouvres, tu brises le sceau. Crois-moi, tu ne veux pas énerver ce client, alors tu livres le bouquin, et tu rentres chez toi.

- Pourquoi tant de précaution ? Je suis pas débile, je vais le livrer ne t'inquiètes pas. Je vais survivre sur les routes tortueuses du village ! Dit-il en attrapant le colis avant de sortir.

Sughiara soupira, le jeune genin était toujours insouciant, peut-être les autorités du village étaient-elles trop laxistes avec les jeunes pousses...Il toussa bruyamment en remontant dans ses appartements situés à l'étage de la boutique et s'enferma comme à son habitude jusqu'au lever du soleil.

Sanada était heureux depuis qu'il avait débarqué à Uzu. Petit à petit, il trouvait une place au sein de l'académie, nouait des liens avec des shinobis et avait enfin accompli une mission. Les cours l'intéressaient et il avait toujours l'impression de progresser. La librairie lui fournissait tous les livres qu'ils voulaient et gratuitement, tandis que sa chambre était aménagée et payée par les autorités du village qui assuraient sa subsistance. Il avait tout pour être heureux et aucun souci en tête.

Pour le moment.

Tenant le colis sous son bras, il décida de faire halte pour admirer le coucher du soleil et fumer son calumet. Il regarda le colis avec une certaine curiosité, cela semblait être une petite boite recouverte de papier.
Le genin secoua légèrement la boite et sentit un objet taper contre les parois. Le papier était simplement plié, et le vieux libraire lui avait ordonné de ne pas lire le livre, il ne lui avait rien dit sur le colis en lui-même. Sanada déplia donc délicatement le papier où un tampon indiquait la destinataire : Omura Mifuyu.

Il avait vaguement entendu parlé d'elle au travers de conversations ou au cours de ses cours à l'académie. Elle était en charge d'une unité de soin, ou quelque chose du genre. Une vieille mamie Omura, ça ne devait pas être la mer à boire.
La boite était taillée très vulgairement dans un bois massif, sans réfléchir, Sanada souleva le couvercle et découvrit une sorte de petit journal rapiécé en cuir qui semblait tellement vieux que la peau avait percé à certains endroits de la couverture. Le petit livre était gonflé, comme s'il avait été repêché en mer puis séché. Il allait prendre le journal quand il se ravisa. Il y avait un sceau, le vieux l'avait dit. L'ouvrir, c'était se confronter à mamie Omura. Sanada hésita une seconde, mais sa curiosité mêlé à son envie irrépressible de désobéir remportèrent le combat de la raison.

Après une longue latte qui marquait son appréhension, il s'empara du journal et tourna délicatement la moitié de couverture qu'il restait. Ses yeux furent accaparés par les lettres, il savait qu'il ne devait pas lire, et pourtant...Le titre fut englouti en moins d'une seconde.

"Mu sesshoku ishoku-hen.

Journal d'expériences numéro un.

Fusuke."


Sanada ne savait pas combien de temps il avait lu, à vrai dire, le langage ésotérique du journal l'avait rebuté. Il n'avait compris que les lignes de "diagnostic", un " l'hybride n'a aucun stimulus nerveux" par-ci, ou un "le chakra n'a pas maintenu la fusion de la mâchoire assez solidement" par-là. Ce Fusuke avait l'air d'être un scientifique, et Sanada, lui, aimait les romans ou les essais ! Mais lire des lignes de chiffres et de symboles bizarres, c'était d'un barbant..Le jeune homme reprit la route vers le quartier Omura dans la pénombre, en ayant bien pris soin de remballer le colis. Lorsqu'il arriva sur le pont qui menait aux quartiers du clan médecin, il demanda à un passant où se trouvait cette fameuse Mifuyu. Celui-ci regarda Sanada avec de grands yeux.

- Tu vas voir Mifuyu-sama à cette heure-ci ?

- Ben, je dois lui apporter un colis, mais moi, je peux attendre hein...Dit Sanada d'un air sarcastique.

- Demande donc à l'entrée de ce bâtiment, elle viendra te voir.

Sanada le remercia de la tête et poursuivit jusqu'à l'édifice sobre qui jouxtait le pont. Il fut accueilli par un jeune Omura.

- Bien le bonjour cher ami, puis-je vous aider ?

- Je dois livrer ce colis à Omura Mifuyu-sama.Dit Sanada soudain impressionné par le ton solennel de l'Omura et le lieu.

- Mifuyu-sama ne reçoit personne. Je suis désolé, je vais prendre le colis et je lui remettrai. L'homme s'avança vers Sanada le bras tendu, mais le jeune genin eut un pas de recul et plaça le colis derrière son dos.

- Je suis confus, mais je dois le livrer en mains propres, c'est marqué sur mon ordre de mission. Sanada bluffait bien sûr, mais il tint le regard et fit tout pour avoir l'air outré. Après un soupir d'exaspération, l'homme tourna les talons.

- Attends-moi ici, elle arrive.

Sanada prit place sur une chaise pour allumer son calumet à son aise en attendant la shinobi.
Il avait hâte d'enfin la rencontrer, les attitudes des gens envers cette vieille dame semblaient étranges et il voulait voir ce qui faisait naître tant de non-dit et d'interdictions.L'attente fut longue, assez pour que le jeune genin commence à angoisser sur la rencontre. Il aurait dû donner le colis au mec et se barrer. D'ailleurs, il allait le poser et repartir chez lui, elle arrivait, l'Omura l'avait dit, il n'y avait rien à craindre...

Une porte s'ouvrit doucement et Sanada se retourna. Il ne peut s'empêcher d'avoir un hoquet de surprise en voyant Mifuyu en chair et en os. D'une taille ridicule, elle avait l'aspect dune petite fille qu'on aurait traînée dans un marathon éternel. Les cernes qui ornaient ses yeux et son regard était ceux d'une adulte, pourtant, son corps jusqu'à ses petites mains évoquaient la frontière entre l'enfance et l'adolescence. Elle regarda Sanada droit dans les yeux et celui-ci sentit chaque poil de son échine se redresser. Malgré l'apparence enfantine, elle dégageait une assurance surnaturelle pour le jeune genin.

Tentant de reprendre ses esprits, il fit un pas vers elle et s'inclina.

- Je vous apporte un colis Omura-sama. Dit Sanada en tendant la boite des deux mains tout en regardant le sol.

C'était une marque de politesse, certes, mais c'était avant tout un stratagème pour éviter de croiser à nouveau son regard.
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Omura Mifuyu
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Le journal de Fusukenstein

Il y avait une certaine ambiguïté ces derniers temps, au sein du clan des médecins. D'un côté, cette chère Leiko délivrait des discours héroïques quant à la traque des progressistes et l'évolution positive de la famille, tandis que les recherches de ses ennemis étaient plus ou moins réappropriées du côté de la Division d'Amélioration Humaine. Plus ou moins car moins ambitieuses, mais elles n'en gardaient pas le même objectif pour autant. A croire que le simple fait de les rendre officielles suffisait à se dédouaner des conséquences morales qu'elles engendreraient. Le simple fait de placer Mifuyu à sa tête était la preuve des intentions cachées des soi-disant éthiques. Du moins, c'est ce qu'elle pensait.

C'est dans ce cadre que l'odieuse Mifuyu avait cherché à acquérir le dernier journal écrit par Omura Fusuke, ancien ami et collègue, mais également premier des siens que la sorcière avait livré à sa cheftaine. Cela avait été un moment compliqué pour elle et pourtant elle n'avait pas hésité une seconde à le vendre pour sauver sa peau. Elle en venait à se demander pourquoi elle avait dû faire cela, si on lui demandait finalement de reprendre ses recherches, à la condition cependant qu'elles ne contiennent pas d'enfants kidnappés ou d'hybrides mi-humains mi-reptiles. Où est-ce qu'on s'amuse dans tout ça ? Recherches qu'il aurait de toute façon bien mieux réalisées qu'elle s'il avait toujours été de ce monde. C'était le vieux derrière le comptoir du Sugihara qui avait récupéré l'ouvrage – allez savoir comment – et c'était donc à lui qu'elle s'était adressée pour se le faire livrer. Elle l'attendait dans l'après-midi.

C'était un ouvrage extrêmement précieux et délicat, dont les secrets n'auraient jamais dû sortir du domaine du clan. La sorcière l'attendait en bon état, à l'heure, et scellé, comme on le lui avait promis.

En attendant, elle travaillait. Elle gueulait sur ses internes et se plaignait du rythme pitoyable de ce laboratoire. Les jeunes ne savaient plus faire les choses correctement ! Tout traînait partout, rien n'avançait, et si elle n'était pas constamment derrière ses chirurgiens expérimentaux, ils pourraient causer une catastrophe à tout moment. Difficile d'imaginer comment ils pourraient s'en sortir sans elle.
Elle était justement en train d'humilier publiquement un jeune incapable quand un homme, celui qui tenait l'accueil de cette aile du bâtiment, vint la perturber.

- Mifuyu-sama, on vous demande à l'entrée. Un garçon avec un colis pour vous.
- Hein ? Prenez-le, je passerai le récupérer plus tard. J'ai pas le temps là.
- Je suis vraiment confus Mifuyu-sama, c'est bien ce que je lui ai dit, mais il insiste qu'il lui a été demandé de vous le livrer en mains propres.
- Bordel. Bon, j'arrive, merci.

De mauvais poil – était-elle seulement parfois de bonne humeur ? – elle glaça du regard sa précédente victime avant de se diriger péniblement vers l'arrière-salle. Ca a intérêt à être important, songea-t-elle. Elle nettoya ses outils, les rangea, feuilleta quelques pages puis rejoint finalement l'accueil pour récupérer le journal. Elle ignorait quel genre de secrets il devait contenir pour lui être distribué avec de telles cérémonies. Cela l'étonnait du bon Sugihara – il savait bien que la Sorcière n'aimait pas être dérangée à moins d'un cas d'extrême urgence.

Elle passa d'un pas décidé la porte qui la séparait de l'accueil. Devant elle se trouvait un jeune homme – bien qu'elle n'était pas totalement sûre de cette information – d'apparence chétif mais avec un petit côté sombre qui ne lui était pas inconnu. Elle le fixa quelques secondes, se demandant pourquoi le vieux Sugihara lui avait envoyé ce gosse plutôt qu'un professionnel. M'enfin, tant qu'il faisait le boulot. Le livreur s'inclina enfin face à elle. Elle inspirait souvent cet effet aux gens. Le poids des années en faisait une personne respectée, parfois crainte.
Il lui tendit le colis, qu'elle lui arracha sèchement des mains. Elle l'inspecta quelques secondes. Elle n'eût pas besoin de regarder à l'intérieur pour comprendre.

- Tu l'as ouvert, n'est-ce pas ?

Elle posa ses mains froides sur son menton pour le relever et forcer son regard dans le sien. Les yeux dans les yeux, il ne lui mentirait pas. Il n'avait certainement pas intérêt.

- C'est pourtant pas compliqué de faire le livreur, non ? Tu la boucles, tu fais ce qu'on te dit et tu délivres l'objet à son propriétaire sans faire d'histoire. Fouiner ne fait pas partie du job, à moins que ça ait changé au cours des dix dernières années ?

Elle marqua une seconde pause, ses yeux toujours braqués dans les siens. Elle sourit finalement – très faussement – s'imaginant en train de récupérer ses organes pour ses recherches. Un corps si jeune, à défaut d'être un humain de valeur, pourrait servir le village lors d'une seconde vie sur sa table d'opération. Il rendrait ainsi service à bien des gens, qui n'auraient plus à subir son impertinence.

- J'espère au moins que tu n'as rien abîmé. Je veillerai à faire savoir à ce cher Sugihara mon mécontentement.

Elle détourna enfin le regard, s'attelant à ouvrir le journal avec la plus grande délicatesse.

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Masamune Sanada
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Il n'avait jamais vu des yeux glisser aussi vite sur une page, encore en état de choc, le jeune genin fixait Mifuyu comme s'il avait devant les yeux les £egok divins. Le temps semblait s'être figé, seul le mouvement des pupilles au-dessus des cernes de l'Omura indiquait qu'il continuait son inexorable course en avant.

Sanada se sentait piégé dans son propre corps, les pensées tournant à toute allure dans son esprit. Un mélange de colère contre lui-même, de peur et de haine farouche pour cette mamie cafteuse l'envahissait de toutes parts. Elle ne comprenait pas, ils ne pouvaient pas comprendre.
Il avait besoin de Sugihara et de son infini vivier de livres pour continuer les recherches sur la quête que les divins lui avaient confiée. Il n'avait rien trouvé pour le moment, mais il comptait sur son ascension lente au sein du village pour avoir accès aux bibliothèques des clans. Et elle allait tout gâcher.

Elle ne pouvait pas comprendre.

Cette chose immonde allait tout gâcher, par fierté mal placée pour son clan et ses soi-disants secrets. Elle allait compromettre une mission divine au nom d'une naissance chanceuse au sein d'une secte qui se gargarisait de leur consanguinité comme tous les clans du Sekai.

Il inspira une latte pour se ressaisir. Il ne pouvait pas laisser transparaitre une quelconque faiblesse qui pourrait trahir le secret que les dieux avaient confié à sa mère. Il devait faire profil bas et convaincre la harpie en culotte courte de ne surtout pas compromettre sa relation avec Sughihara.

Il fallait réfléchir vite, se remémorer ce qu'il avait lu sur le clan de médecin et dans le journal, s'il pouvait se servir d'une quelconque information pour pouvoir convaincre l'alcine de son utilité, ce serait déjà un début. Une main divine vint tout à coup arracher un souvenir dans le recoin de son esprit pour l'offrir à son conscient.
Il remercia les dieux longuement, cette aide providentielle renforçant sa foi et sa détermination dans la mission qu'on lui avait confiée.

Il s'avança vers la jounin d'un pas décidé et l'invita d'un geste à s'éloigner des oreilles indiscrètes.

Prenant l'air le plus pitoyable que ses traits pouvaient dessiner et son courage à deux mains pour regarder les pupilles de l'Omura, il prit la parole en chuchotant.

- Omura Mifuyu-sama, je suis désolé de mon comportement inqualifiable et je retiendrai la leçon à l'avenir, mais je vous en prie, je vous en prie, ne dites rien à Sugihara-sama. Je vous en supplie, je ne peux pas vivre sans lire. Je retiens des choses et je m'évade. S'il sait que j'ai trahi sa confiance, je vais perdre mon seul ami au village. Je vous en conjure ! Ne dites rien. Je suis prêt à tout ! Vous savez, à la fin de ce journal, le Fusuke, il écrit que "la plupart des expériences ont évolué normalement au sein de l'organisme, cependant, il semblerait que l'absence de consentement et d'informations des sujets provoquant les crises de panique soient à l'origine de l'impossibilité d'une rémission stable. Si l'esprit rejette, le corps fait de même." Oui, je vous disais que je retiens les choses qui me marquent. Enfin bon, si vraiment vous devez avancer dans la direction de ce Fusuke, il vous faudra des cobayes consentants... Et vous en avez un devant vous ! Votre silence, contre mon obéissance et mon consentement. Je sais que je ne suis pas en position de force, mais je me devais de vous faire la proposition.


Il cessa de parler et commença aussitôt une psalmodie intérieure pour invoquer £egok-Mino et son don des manipulations.
Il ne savait pas en quoi consistait les travaux de Fusuke, il n'avait pas compris ce qu'il lisait, mais il retenait facilement les choses et les confessions à la fin du journal étaient exemptes de vocabulaire scientifique, il en avait donc retenu une partie avec l'aide des dieux.

Il regardait l'Omura, mais il n'était pas vraiment là, il priait en attendant qu'un son parvienne à ses oreilles. Il espérait qu'elle allait dire oui, il ne craignait pas ce que Jashin avait tissé pour lui, les dieux guidaient chacun de ses pas, et la vie ne pouvait pas le quitter avant qu'il ait retrouvé le prophète.

Il avait confiance. Les dieux valaient bien tous les clans, et avec leur amour, il pénétrerait dans l'antre de la sorcière avec le cœur léger.
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Omura Mifuyu
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Le journal de Fusukenstein

La sorcière feuilletait rapidement les pages pour vérifier l’authenticité du journal. Heureusement pour le jeune livreur, rien n’avait été abîmé. A première vue, les explications du feu progressiste de génie étaient floues – mais c’est bien cela qui caractérisait son talent. Un génie ne peut être compris que par un autre génie. Intriguée par les découvertes qu’il avait pu faire, elle déchiffrerait ses hiéroglyphes mathématiques dans la soirée.

Elle ne faisait déjà plus attention à celui qui se tenait devant lui, bien qu’elle était consciente qu’il n’avait pas bougé d’un pouce depuis sa menace. Sans doute était-il paralysé par la peur, s’en félicita-t-elle intérieurement. La vieille pie n’était jamais contre traumatiser un ou deux gamins de temps en temps, c’est comme ça qu’on endurcissait les gamins dans le temps. Comme ça, ou en les envoyant à la guerre.

Elle vit finalement son minois pathétique se rapprocher de sa figure grave. Il venait la supplier mais n’avait même pas la force de parler correctement. Elle fut toutefois alpaguée par ses propos : au milieu de ses excuses qui n’avaient aucune valeur à ses yeux, se trouvait dissimulée une proposition des plus intéressantes. Le garçon était prêt à tout, même à devenir un cobaye. Le pauvre, il ne se doutait pas qu’il était tombé sur la plus tarée de la bande. Il avait de la chance qu’elle se soit rangée pour le moment, mais qui pouvait savoir ce qu’elle ferait de lui dans les années à venir ? Un cobaye consentant qui n’a aucun problème de santé, c’était bien trop rare pour le laisser filer au bout d’une ou deux expériences.

Elle n’appréciait toutefois pas son arrogance. Il lui prouvait d’abord qu’il en savait beaucoup trop et que sa mémoire était exceptionnelle. Qu’avait-il lu de plus ? Parlerait-il ? Le garder sous son aile était la meilleure solution pour prévenir une éventuelle crise politique ou éthique au sein du clan. Elle l’observerait de près, et si elle s’apercevait qu’il était du genre bavard, elle n’aurait qu’à déraper au cours d’une expérience. Puisqu’il avait donné son consentement, elle partait du principe qu’elle n’aurait aucune responsabilité en cas de décès. Bien.

« Je dois avouer être étonnée. Tu as du cran petit, je ne le pensais pas. Je ferai une exception pour cette fois alors, je ne parlerai pas à ton petit patron. Par contre, si tu t’engages dans cette voie, il faudra que tu signes certains papiers, notamment une attestation de confidentialité. Rien de ce qui se passe dans ces laboratoires ne doit fuiter tant que les résultats n’ont pas été dévoilés publiquement. Si tu dis ne serait-ce qu'un mot, je le saurai. Crois moi, c'est pas ce que tu veux, compris ? »

Elle s’arrêta un peu, le temps d’analyser sa réaction. Elle croyait voir en ces yeux un clébard effrayé. Si elle le poussait un peu, il ferait ce qu’elle lui demandait. Elle voulait maintenant tester sa réaction face à une menace d'ordre physique. Il serait également intéressant de comprendre ce qui le poussait à faire tout ça, était-ce vraiment la simple perte d’un ami qui le désespérait tant ? Pauvre petit, une telle dépendance émotionnelle est terrifiante. C’est la faute de cette génération surprotectrice qui ne leur laisse plus une seule marge de liberté pour se développer correctement. Une génération d’assistés, voilà ce qu’ils allaient tous devenir.

« Si tu es prêt, on va passer à l’accueil puis je te ferai visiter mon laboratoire. On parlera ensuite des modalités de ton service auprès de nous. Ne t’inquiète pas, ce que l’on fait ici est sans danger. Il paraît. »

Elle ne mentait pas totalement. Les directives venues de Leiko étaient d’un barbant, et son petit toutou à la direction de la Division d’Amélioration n’y dérogeait pas d’un pouce. Pour l’instant, elle aurait du mal à justifier de pratiquer une opération trop lourde sur un citoyen des tourbillons. Pour l’instant, car elle sentait un vent de changement approcher lentement.

« C’est par ici. Tiens, prends ces papiers. »

Elle passa derrière le bureau de bois pour prendre quelques papiers qui se trouvaient cachés au fond d’un tiroir. L’homme en charge de l’accueil s'écarta sans faire d'histoire pour lui laisser le champ libre. « Une fois que c’est signé, enfile une tenue propre que l’on va te distribuer et rejoints-moi derrière cette porte. Surtout gamin, ne touche à rien, sans quoi je ne réponds plus de ta sécurité. » L’ancienne repartit dans ses quartiers, où elle enfila une blouse neuve. Elle le ferait d’abord entrer dans le laboratoire principal, où se trouvait une dizaine de chercheurs. On y testait les nouvelles solutions régénératrices et de renforcements, concoctées par les meilleurs chimistes Omura. On pouvait ainsi y voir des animaux en cages, allant de rats à des bestioles de la taille d’un furet. Certains étaient déchaînés, d'autres endormis.

Il fallait le mettre en confiance. Il visiterait son musée des horreurs le jour où il lui prouverait sa loyauté.
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Masamune Sanada
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Sanada n'eut pas vraiment le temps de lire la décharge, et à vrai dire, peu lui importait. Les hommes avaient toujours eu le culot et la naïveté de créer des lois par-dessus celles édictées par les dieux.
Il se savait protégé, leurs protocoles et leurs théories n'y changeraient rien.

Le jeune homme qui l'avait accueilli en premier lieu l'invita à le suivre derrière le comptoir. Tout cela allait vite, trop vite pour le genin, mais la précipitation de la sorcière scellait leur pacte. Sanada pouvait donc tranquillement continuer à faire profil bas et à ne pas attirer l'attention de tout le monde sur la quête divine tout en pouvant profiter des avantages et de l'enseignement du village.
Ils marchèrent dans un couloir dénudé de tout ornement. Quand les habitations et les bâtisses du clan Miyamoto étaient couverts de décorations mettant à l'honneur les disciplines pratiquées au sein du clan, les bâtiments des Omura frappaient par leur sobriété.
Une odeur d'alcool pur piquait le nez tandis qu'ils arrivèrent près d'une petite salle. L'accompagnateur donna à Sanada une pile de vêtements qui semblaient étrangement légers et de mauvaise qualité, ainsi qu'un savon dont l'odeur rappelait fortement celle du couloir.

- Tu te frottes entièrement avec ce savon pendant cinq minutes. Tu rinces, puis tu recommences. Ensuite, tu t'habilles et tu reviens vers moi. Oh, et ne touche pas tes habits, laisse-les ici, je viendrai les récupérer.


Sanada referma précautionneusement la porte et s'assit, le dos posé contre celle-ci. Un sentiment de panique et d'excitation l'envahissait. Il ne savait pas ce qu'il allait faire, ou plutôt, à quoi il allait servir. Le village n'aurait pas permis à Mifuyu d'exercer si elle était dangereuse. Et puis, il ne pouvait pas mourir tant que les dieux étaient satisfaits. Il n'avait pas reçu de lettre de sa mère. Les divinités n'étaient donc pas encore courroucées, alors même qu'il n'avait pas avancé d'un pouce.
Il remercia les dieux pour leur clémence dans une longue prière puis entreprit de se déshabiller.

L'eau était glaciale, et l'odeur du savon était si forte qu'elle faisait tourner la tête. Sanada exécuta pourtant les ordres que lui avait donnés le jeune homme sans sourciller. C'est lorsqu'il sentit que s'il frottait plus, il allait s'écorcher la peau qu'il arrêta sa toilette et revint dans la salle principale.


Le jeune homme se leva avec un sourire, c'était le premier qu'il voyait ce soir, et ouvrit la porte par laquelle avait disparu l'Omura.

La porte se referma et Sanada se retrouva nez à nez avec une demi-douzaine de membres du clan qui le dévisageait. Il se détourna vers ce qui l'entourait pour ne pas les confronter et attendre Mifuyu. À sa gauche, des cages étaient posées les unes sur les autres et semblaient abriter des lapins qui avaient pour particularité d'avoir des oreilles de toutes les tailles. Sanada s'approcha pour mieux observer ce spectacle insolite. Certaines de ces bestioles avaient des oreilles bien plus grandes que leur corps tandis que d'autre avait un appendice à la place de l'organe auditif. Les yeux vitreux pour la plupart, ils ne semblaient pas en état de gambader dans les plaines des îles alentours. Étaient-ils soignés ici ? Sanada se demanda s'il allait lui aussi finir avec le regard vitreux et en cage, mais chassa rapidement cette pensée de son esprit.
Un bruit avait attiré son attention.
De l'autre côté, de minuscules cages contenaient des moineaux à la teinte châtaigne. Quand il s'approcha, l'un des oiseaux se mit à piallier et écarter les ailes. Au grand étonnement de Sanada, certaines plumes semblaient translucides, mais le mouvement fut trop brusque pour qu'il puisse en être certain. Il allait gratter la cage pour convaincre l'oiseau de réitérer son mouvement quand il se rappela l'ordre de la petite vieille. Il ne fallait pas désobéir, pas tout de suite. Elle se servait de lui, il en avait conscience.

C'était un pari de sa part, l'Omura pourrait être un tremplin à sa puissance et son intégration au sein du village comme son tombeau.
Il fallait se laisser porter par le courant, tout en restant vigilant.

Il observait toujours les oisillons quand il entendit la voix rauque et fatiguée de Mifuyu. Elle criait sur un vieux monsieur qui aurait pu être le père de cette.... Chose. Sanada n'avait jamais vraiment osé l'observer lors de leur première rencontre, mais il avait maintenant tout le loisir, si on pouvait nommer cela ainsi, de pouvoir le faire. Son gabarit était réellement celui d'une petite fille, sa peau de pêche aussi, semblait juvénile. Les "morceaux de peau" à vrai dire, car, à bien l'observer, l'épiderme de la harpie semblait cousu à la manière des "patchworks" venant du nord du Sekai. Des dizaines de cicatrices, droites et régulières parsemaient son cou, ses bras, et toutes les parties visibles au-travers de son habit blanc traditionnel du clan médecin.
Son visage, bien que portant, les traits de la jeunesse, était émaciés et semblaient tomber inexorablement vers le bas, tout comme ses yeux qui semblaient porter la fatigue d'un éveil éternel et la lassitude de plusieurs siècles d'existence.

Ce terrifiant cocktail enivrait de terreur n'importe qui, et peut-être cela était-il voulu.

Sanada se demandait comment elle pouvait avoir un corps de jeune fille tout en étant considérée comme une des anciennes du clan. Peut-être l'âme de Mifuyu, propriété du divin Shinsei, avait-elle été transférée dans un cadavre inanimé.
Si imaginer le procédé le dégoûtait, il ne portait aucun jugement moral, les dieux l'avait accepté, qui était-il pour remettre en cause une existence adoubée par les cieux.

" Celui qui a pu boire à l'océan de la vie mérite de boire à ton petit ruisseau." lui répétait inlassablement sa mère. Mifuyu avait le droit, un droit divin d'être ce qu'elle était : un monstre répugnant.

Il se rendit soudain compte qu'elle l'observait aussi, sûrement depuis plusieurs secondes, perdu dans ses pensées, il n'avait même pas remarqué la fin des diatribes qu'elle lançait à son interlocuteur.
Un silence parfait régnait dans la salle, comme si, parmi tous ces chercheurs et médecin, de la jeune recrue au vétéran, aucun n'avait le droit de parole.
La poupée macabre exerçait un pouvoir sans partage au sein de son unité, raison de plus pour Sanada de se la mettre dans la poche.

Et aux £egoks le dégoût qu'il avait quand il la regardait ! Il fallait ravaler sa salive et continuer à jouer le gamin apeuré et obéissant.

Apeuré, il l'était, certes. Obéissant, il l'était aussi, pour le moment.
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Omura Mifuyu
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Le journal de Fusukenstein

Quand l'ancienne entra dans la pièce, le silence prit immanquablement le dessus. Seuls quelques moineaux génétiquement modifiés continuaient de piailler. Ses assistants n'avaient besoin que de la voir pour la craindre et lui montrer leur respect. Ils savait bien qu'en sa présence il fallait mieux se tenir à carreaux ou être prêt à encaisser les coups. Un homme qui avait à peu près la quarantaine, néanmoins, tarda à la voir arriver. Il était bien trop pris dans son expérience pour comprendre la raison de cette soudaine quiétude ambiante. D'un geste maladroit, il renversa un bocal contenant un sérum en cours d'élaboration, qui vint rouler et se répandre aux pieds de sa supérieure. Celle-ci le rattrapa doucement, puis jeta le récipient désormais vide sur le bureau de l'homme dans un déferlement de rage. Il se brisa en un fracas sourd et la cible de cette attaque ne put s'empêcher de retenir un petit cri, les éclats de verre ne le frôlant que de quelques millimètres.

- C'est quoi ce bordel ? Faites un peu attention ! Vous êtes conscient de ce que vous manipulez entre vos mains ? Nettoyez-moi ça sur le champ, ou c'est la sortie.

Cette autorité naturelle qu'elle possédait, Mifuyu la chérissait. Le scientifique s'exécuta sans rien dire de plus et elle put de nouveau se concentrer sur sa découverte de la journée. Tout le monde autour s'efforçait de reprendre une activité normale, tant qu'elle était silencieuse. Son attention se porta sur Sanada, cobaye volontaire. Il avait l'air en bonne santé physique, mais était-il sain d'esprit ? Ou était-ce un tordu comme la vile sorcière ?

- Tiens, gamin, tu es déjà là. Viens, je vais te faire une visite rapide puis on ira faire quelques tests pour évaluer ton niveau de santé. Rien de bien méchant.

Elle adopta une voix étonnamment douce, surtout comparée au ton dont elle avait fait montre lors de sa précédente réplique. C'était ce contraste entre chaud et froid qui permettait à l'ancienne à la fois d'être redoutée, bien sûr, mais également respectée. Ça et ses étonnantes capacités. Elle passa devant l'homme qu'elle venait de lyncher publiquement en daignant à peine le regarder. Elle l'évita habilement tandis qu'il frottait le sol avec son vieux chiffon.

La doyenne d'Uzushio attrapa son nouveau cobaye à l'épaule pour le guider vers la prochaine salle. Ils passèrent par un long couloir blanc, vide de toute décoration, qui conduisait à un sas dans lequel les invités devaient passer un à un. Elle y alla la première pour montrer l'exemple. Elle ouvrit la poignée de métal puis referma derrière elle. Elle resta immobile quelques secondes au centre de la pièce puis fut aspergée d'un liquide nettoyant et purifiant pour éviter la contamination des différentes zones de la Division d'Amélioration. Il était formellement interdit d'en mélanger les substances, que cela soit fait volontairement ou maladroitement.

Ils pénétrèrent tous deux dans une nouvelle salle. C'est ici qu'étaient pratiquées la plupart des expériences de la Division d'Amélioration sur des cobayes humains. C'était en quelque sorte sa vitrine, où étaient exposés toutes les expériences réussies, gratifiantes et sans atteinte à la dignité humaine. C'est celle-ci que l'on montrait aux autorités des tourbillons lorsqu'ils venaient fouiner chez les Omura. C'est aussi celle-ci qu'elle décida de montrer à son futur monstre. Pour le reste, il fallait aller chercher dans les tréfonds.

Ici, contrairement à ses anciennes pratiques, personne n'était en cage. On voyait simplement deux longues rangées de lits d'hôpital, tous reliés à des machines plus ou moins imposantes pour vérifier l'évolution des patients. Ici, on retrouvait l'essence même de l'amélioration des performances humaines. On y menait des expériences visant à renforcer la sensibilité des différents sens, notamment à base de cellules animales et on testait des stimulants pour les muscles ou des pilules liées à la manipulation du chakra.

Mifuyu attrapa le bras de son invité pour le rapprocher d'un homme, endormi. Elle leva doucement ses lèvres pour montrer au jeune garçon la paire de canines dont disposait le cobaye.

- Ici, on développe tout un tas d'améliorations en prenant exemple des animaux. C'est un peu ce que tu as lu dans le journal. Lui a développé des caractéristiques canines : il est plus sensible aux odeurs et possède de puissants crocs. Le problème, c'est qu'il est aussi plus féroce, alors pour l'instant on le maintient endormi. Fusuke, l'homme qui a écrit le journal qui t'était défendu de lire, a travaillé toute sa vie sur des hybridations et l'aboutissement de ses recherches est censé mélanger des caractéristiques canines et félines. Mais nul ne sait encore si c'est possible, c'est pourquoi on a besoin de faire ces tests.

Elle ne pouvait pas trop en dire pour le moment, pour la simple raison qu'elle ne maîtrisait pas encore les arcanes inventées par ce cher Fusuke. Elle s'était reposée trop longtemps et lui était allé bien plus loin qu'elle dans son domaine. Soudainement, une pensée troublante vint lui titiller l'esprit. Elle s'était trop concentrée sur sa quête de l'immortalité, cherchant à se réincarner dans des corps humains, alors même que la solution se trouvait peut-être dans l'hybridation. Et si elle parvenait à correctement mélanger organes humains et animaux pour augmenter sa longévité ? Cela pourrait être le maillon manquant de la chaîne.

- On peut d'ailleurs faire bien d'autres hybridations, il nous suffit juste de percer le mystère de sa technique de greffe. Mystère qui se trouve dans ces pages, lui dit-elle en tapotant le bout du carnet qui dépasse de la poche avant de sa blouse.

Elle continua la visite pendant quelques minutes, montrant au garçon les différents attributs des autres cobayes, toujours en veillant à rester vague. Elle lui fit également une démonstration d'un sérum de force, en lui présentant un homme qui, sans malaxer de chakra, parvenait à souvenir des poids phénoménaux malgré un gabarit plutôt maigrichon. Ah ! Les miracles de la science.

- Maintenant, que dirais-tu de passer un petit test d'aptitude pour évaluer ta résistance ? Il me faudra également un échantillon sanguin pour être sûr que ton corps est prêt à recevoir des substances étrangères. Tu as des allergies ?

Elle attendit sa réponse tandis qu'elle pointait la direction d'un petit laboratoire de test, où elle trouverait tout le matériel dont elle avait besoin.
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- Tiens, gamin, tu es déjà là. Viens, je vais te faire une visite rapide puis on ira faire quelques tests pour évaluer ton niveau de santé. Rien de bien méchant.


Le ton de la vieillarde changea, et, malgré sa voix rauque, qui trahissait des cordes vocales fatiguées de vibrer sous la colère de la sorcière depuis des lustres, Sanada y décela presque une once d'humanité et de douceur.

Lorsqu'elle passa devant le vieil homme qu'elle avait réprimandé, celui-ci figea son regard sur les chaussures de Mifuyu, sans doute paralysé par la terreur, tandis que ses mains continuaient de frotter frénétiquement le sol, comme par réflexe de survie.
Sanada ressentit un mélange de peine, de pitié, et de mépris. Ce pauvre bougre avait cru en la vérité dévoilée par les sens, et ils appelaient en chœur cette croyance "science". Aucun dieu n'aurait permis que ses fidèles soit traité de la sorte, aucun fidèle ne l'aurait accepté de la part d'un mortel, étant comme tous les hommes avant tout un serviteur des dieux.
Il s'était détourné des cieux et rampait maintenant comme un insecte. Tant d'années pour si peu de sagesse!
L'individu était un animal obéissant, et ceux qui ne se soumettaient pas aux dieux finissaient toujours, un jour ou l'autre, par se soumettre à l'Homme.

La harpie s'approcha du jeune genin et l'attrapa, difficilement compte tenu de sa taille, par l'épaule pour le guider, ce qui lui fit enfin détourner le regard. À la grande surprise de Sanada la peau de l'Omura était étonnamment douce, rappelant fortement le grain si fin des enfants pré-pubère. Mais loin de l'enchanter, cette pensée l'horrifia et il se fit violence pour ne pas se dégager d'un réflexe de dégoût.

Ils traversèrent ensemble un couloir d'un blanc immaculé. Mifuyu le stoppa devant une porte métallique et lui demanda de patienter. Elle entra dans la petite salle et écarta les bras comme pour accueillir les divins en son sein. Mais un liquide jaunâtre fut pulvérisé sur elle à la place. Quand elle eut disparu, Sanada comprit que c'était à son tour. L'odeur du liquide n'était pas très agréable, mais elle faisait moins tourner la tête que le savon. Il y avait toujours cette senteur alcoolisée certes, mais un parfum de citron se mêlait aux effluves.

La salle dans laquelle Mifuyu l'attendait était bien plus grande, toujours aussi épurée en matière de décorations, elle contenait une dizaine de lits occupés. Derrière les lits, des assemblages de câbles et de tuyaux semblait relier le métal à la chair humaine de toutes les façons imaginables. Des liquides de couleurs vives semblaient couler jusque dans la peau de certains patients tandis que le processus paraissait inversé pour d'autres. Les machines pompaient, distribuaient, massaient ou secouaient les patients dans des protocoles qui paraissaient plus farfelu les un que les autres pour le jeune genin.

L'Omura l'invita à s'approcher d'un patient qui dormait paisiblement comme les autres, bien que celui-ci ne semblait pas être molesté par la carcasse métallique qui le surplombait. Elle souleva les lèvres charnues de l'homme et dévoila une paire de canines digne des plus grands prédateurs. Sanada ne put s'empêcher de lâcher un cri de stupeur. Il écouta les explications de la sorcière et parcouru du regard le visage de l'homme qui avait en plus un nez étrangement sombre et humide. Sanada n'en revenait pas, les dieux avaient accordé à ce clan le privilège de créer la vie, et de la modeler.
La harpie sembla soudain plongée dans ses pensées et laissa le regard de Sanada courir sur la “gueule” de cet hybride un long moment.
Ils continuèrent leur visite du temple des chimères par une femme qui semblait doté d'antennes sur le front qui tournait à toute allure. Le jeune écouta religieusement la fonction de ces organes dans le règne animal et comment il pouvait servir l'espèce humaine. Les antennes, en tournant, captaient un langage de la nature, que les scientifiques appelait "phéromone".
La plupart des insectes semblaient communiquer ainsi et cette femme était donc, en théorie, à même de converser avec les fourmis.
Les possibilités créent par les recherches de ce Fusuke étaient donc presque infini.

L'alcine cousue de chair fit appeler un chercheur à l'aspect chétif.
Après avoir avalé une décoction fumante, celui-ci fit preuve d'une force extraordinaire. Sanada était bluffé. Jamais il n'avait cru que le village avait autant de cordes à son arc.
Il avait été impressionné par le faste des Miyamoto, mais l'apparente simplicité du clan médecin cachait une ambition bien plus orgueilleuse.

Sanada se demanda si lui aussi serait contraint à l’immobilisme pour l’avancée de la science.

- Maintenant, que dirais-tu de passer un petit test d'aptitude pour évaluer ta résistance ? Il me faudra également un échantillon sanguin pour être sûr que ton corps est prêt à recevoir des substances étrangères. Tu as des allergies ?

- Non. Répondit simplement Sanada. Je ne crois pas. Je ne mange pas de viande et je ne bois pas d'alcool. Donc je suis peut-être allergique aux deux.

L'Omura lança alors son bal sous le regard du jeune genin. Préparant des potions, glissant d'un plan de travail à un autre, elle semblait danser entre les instruments de verre et de métal. L'attitude entière de la sorcière paraissait différente aux yeux de Sanada et il crut comprendre la raison de ce changement.
Elle était un poisson au milieu du désert dans la cité, les laboratoires étaient son océan.
Ses gestes étaient nets, précis, les tremblements semblaient exclus de l'orchestre.
Après un moment, elle revint vers Sanada pour une prise de sang puis repartit, le calme régnant toujours au sein de la petite pièce.
La sorcière devenue érudite dans l'esprit du genin continua sa chorégraphie. Enfermant le sang entre deux fines plaques de verre, elle les plaça devant une énorme loupe avant d'écrire dans un langage ésotérique ce qui semblait être des résultats. Parmi tous les tests qu'il passa, Sanada n'en reconnu qu'un seul, le test de la feuille qui déterminait l'affinité au chakra.
Il continua d'admirer celle qui avait l'apparence d'une gamine et remarqua, que les petites mains juvéniles qui accomplissaient des gestes d'une infinie précision comme s'ils avaient répété ce pas de danse des milliers de fois, rajoutait à son aura hypnotique lorsqu'elle travaillait.
Toute sa personne, à ce moment, était une dichotomie qui prouvait que l'âme était l'essence, tandis que le corps demeurait une enveloppe appartenant aux £egoks.

Sa frêle stature composait la plus mélodieuse des symphonies parce que le musicien usait de l'instrument, fut-il vulgairement taillé dans le bois.

Le dégout de Sanada avait presque disparu alors qu'il l'observait revenir vers lui. Sa mère aussi n'était pas adaptée au monde, seule la quiétude des temples ou les pilules des Omura pouvait l'apaiser.
Peut-être que Mifuyu était comme elle. Une sibylle que personne, pas mêmes ses semblables idéologiques, ne pouvait comprendre.
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Le journal de Fusukenstein

Le gosse ne buvait pas et ne mangeait pas de viande. Il a l'air en bonne santé, se dit la vieille décousue. Elle allait alors l'analyser grâce à une série de tests, qui mettront un à un à l'épreuve différentes parties de son corps, susceptibles de réagir négativement à une opération ou à une quelconque potion. Ces épreuves étaient pour la plupart passives. Avec quelques ingrédients, la vilaine Sorcière pouvait concocter des solutions provoquant la montée de la température du corps – parfois à un niveau extrême – à l'engourdissement des membres ou encore à une montée de fièvre. Il fallait qu'elle se rende compte de ses limites, sans quoi elle risquerait de le tuer dès la première injection. Elle allait bien évidemment commencer par des opérations plus classiques, à savoir une analyse sanguine, une analyse d'urine et une analyse du chakra. Enfin, elle conclurait la séance par une épreuve pratique : elle observerait le frêle gamin se battre avec un cobaye certifié.

Pour que l'affaire soit plus rapide, elle préparait ses différentes potions à l'avance pendant que Sanada restait assis à l'observer. Elle remplissait une à une ses petites fioles et disposait à leur pied une étiquette sur laquelle était inscrit l'élément à tester. Sur le dos du papier, elle prendrait en note les résultats pour les ajouter à son dossier. Elle aligna les substances dans un dégradé de couleurs. Elle pouvait savoir si tout avait bien été dosé simplement par l'harmonie des couleurs. Elle avait fait cela toute sa vie que cela en était devenu un automatisme. Au moins quatre-vingts ans d'expérience et elle n'avait jamais été dégoûtée de son métier. Au contraire, elle en voulait toujours plus. Peut-être y parviendrait-elle grâce à ce nouveau sujet volontaire, qui semblait d'ailleurs guetter le moindre de ses mouvements.

Elle profita qu'il était toujours attentif pour lui tirer une prise de sang, qu'elle analysa avec soin entre deux lamelles de verre. A première vue, rien d'anormal et l'adolescent était en bonne santé. Son liquide vital ne présentait aucune carence particulière, si ce n'est un peu de fer – mais pas assez conséquente pour que cela soit grave. Elle revint vers lui une seconde fois, une fiole légèrement plus large à la main. "J'aurais besoin d'une analyse d'urine. Tu peux aller dans le coin de la pièce." lui dit-elle avec nonchalance, tandis qu'elle lui confiait le bouchon fait de liège. Elle repartit immédiatement à ses mixtures, sans faire attention au moindre état d'âme du garçon. Il urinerait dans ce récipient et dans cette salle, qu'il le veuille ou non.

Une fois l'urine déposée sur le coin de la table puis analysée par la Sorcière avec un impassibilité déconcertante, elle passa au test suivant. Très connu, il s'agissait de celui de la feuille pour déterminer la nature de chakra du jeune homme. Il lui était d'ailleurs familier et il n'eût aucun mal à l'effectuer. A première vue, son énergie semblait s'orienter d'elle-même vers l'élément eau, mais pour une étrange raison elle n'arrivait pas à en être certaine. Elle eut l'impression de distinguer dans l'humidité du papier quelque chose de plus grand, comme s'il était légèrement froissé. Cela faisait germer en elle une hypothèse qu'elle testerait avec plaisir un peu plus tard, mais dont elle s'abstenait de parler pour l'instant.

- Ok gamin, j'ai ce qu'il me faut. Comme ça, on dirait que t'es en bonne santé. On va maintenant passer à la seconde partie du test, qui, il est possible, sera un peu périlleuse.

Elle marqua une pause pour s'assurer qu'il comprenait l'importance de la situation.

- Je vais t'injecter un à un ces sérums, lui annonça-t-elle en pointant du doigt les différents flacons qui ornaient son bureau. Chacun va provoquer une réaction dans ton corps, parfois non. Le dosage, et il est parfait tu peux me croire, t'assurera que ce n'est pas mortel. Il se peut que tu souffres légèrement. Si tu es en pleine santé, tu subiras des effets, mais ils seront supportables. Au moindre problème, il faut que tu me le dises. Essaie d'endurer un peu la douleur, mais si tu sens qu'elle risque de t'emporter, préviens-moi, j'arrête l'expérience et tu rentres chez toi.

Elle s'arrêta une seconde fois pour aller récupérer le premier flacon, dont elle aspira le contenant à l'intérieur d'une seringue, qu'elle approcha de sa cuisse.

- Encore une fois, juste pour que ce soit bien clair. Tu arrêtes l'expérience, je te soigne, tu rentres chez toi et notre marché ne tient plus. J'irai parler à Sugihara.

Avec un peu de motivation, elle devrait s'assurer qu'il fera l'effort de supporter la douleur. Elle ne voulait évidemment pas le tuer, mais elle ne tenait pas non plus à passer à côté d'une telle opportunité. Alors, si son état de santé n'était pas trop mauvais bien que pas parfait, elle comptait quand même le garder et pratiquer sur son petit corps fragile.

L'ordre des tests était le suivant : il lui fallait d'abord tester, avec le liquide rouge, la réaction de son corps en cas d'une montée de fièvre ; puis, avec le liquide bleu, une situation d'hypothermie ; ensuite, avec le liquide vert, l'engourdissement des membres ; et, enfin, grâce au liquide jaune, la hausse de température extrême du corps, accompagnée généralement d'une hausse du rythme cardiaque. En cas d'urgence, la Sorcière disposait d'un antidote pour chaque qui régulerait en quelques secondes seulement la situation. Chaque test devrait durer environ deux minutes, avec comme point culminant les trente dernières secondes avant que le calme ne revienne.

Si le test s'avérait être un succès, la vieille pie pourrait mener son cobaye dans la salle suivante, où aurait lieu l'ultime test physique. Elle le ferait combattre contre un être génétiquement modifié mais ne disposant d'aucune aptitude de shinobi.
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Les tests se déroulèrent sans accroc. Sanada exécutait à la lettre tous les ordres de la sorcière sans sourciller. Celle-ci maintenait un silence de temple osmiétiste et seul le bruit de sa plume griffant le parchemin résonnait entre les murs blancs du laboratoire. La prochaine étape fut expliquée clairement, non sans quelques menaces.

Sanada pria pendant que Mifuyu remplissait une seringue d'un liquide sirupeux bordeaux. L'Omura s'approcha et planta l'aiguille dans la cuisse du jeune homme d'un geste adroit. Le jeune genin la regarda faire avec la confiance qu'elle avait réussie à gagner. Le liquide s'écoula dans le corps du genin avant de disparaître complètement. Sanada, les yeux fermés, attendait les effets de la fièvre. Il avait été piqué plusieurs fois par des bêtes aquatiques dans sa jeunesse et se rappelait la sensation d'être à bout de forces à chaque pas et de trembler au moindre changement de température.
Il sentit un mal-être grandir en lui et lui prendre la gorge, faisant gonfler les sortes de boules qui lui faisaient mal quand il prenait froid. Une goutte de sueur vint perler au sommet de son front, il se recroquevilla, ayant tout à coup très froid. Les claquements de dents involontaires du jeune homme furent stoppés après ce qui lui parut une éternité par Mifuyu qui semblait, elle, toujours aussi impassible.

Après quelques minutes de répit, la scientifique revint à la charge avec une dose de liquide bleu. Cette fois-ci, c'est un froid terrible qui le figea littéralement sur le lit. Les muscles raides comme la pierre, il fixa le regard cerné de la petite fille pour demander de l'aide, mais sa bouche ne pouvait articuler correctement. Fermant les yeux, il récita la psalmodie qui avait bercé son enfance pour ne pas ressentir les secondes comme des heures. L'antidote fut un feu intérieur qui réchauffa presque instantanément son corps. Soulagé et sous le choc, il demanda une petite pause et un verre d'eau pour gagner du temps. Sanada était partagé, il souffrait, certes, mais il découvrait aussi son corps. Pouvoir ressentir aussi précipitamment les symptômes que la nature installait au fil des jours était une expérience intense et enrichissante. Les dieux le défiaient dans sa chair sous les traits reconstitués de la poupée, et il comptait bien honorer cette épreuve.

Les assauts des fines lames recommencèrent et au grand étonnement de Sanada, il ne ressentit aucune sensation désagréable, pour être clair, il ne ressentait plus rien du tout. Il lança un regard amusé à la vieille, et tenta de bouger ses membres, sans aucun résultat. Une vague de panique se mêla à de l'admiration, Mifuyu était capable de le condamner à une prison intérieure, elle pouvait dresser le corps d'autrui comme une forteresse contre sa propre âme. Après avoir gratté quelques lignes, elle le libéra à son grand soulagement. Le dernier sérum fut de loin le plus difficile à supporter pour le corps de Sanada. Un véritable feu vint calciner ses organes et il fut pris de fortes convulsions. Il avait l'impression que son cœur allait bondir hors de sa poitrine. La force des spasmes le propulsa hors du lit et il percuta le sol dans un bruit sourd, perdant connaissance sous le choc.

Le regard encore trouble, il distingua le visage très proche de l'ancêtre qui était en train d'examiner ses pupilles.

- Ça va, ça va, merci. Dit le jeune homme en se relevant. Il mit plusieurs minutes à s'en remettre, et Mifuyu ne le pressa pas pour continuer et finaliser le test préliminaire.

Le combat l'inquiétait un peu, il était fatigué et troublé des expériences qu'il venait de vivre et la pensée d'affronter un homme modifié n'avait rien de très reluisante. Il suivit sans rien dire la harpie dans un long couloir qui descendait doucement, les fenêtres y étaient inexistante, rendant l'atmosphère encore plus étouffante.

Sanada se retrouva seul, dans une grande pièce de pierre brute au plafond voûté. Il comprit que c'était l'arène où il allait combattre et se prépara en priant les dieux, sans pouvoir, à son grand désarroi, mettre son masque qui le protégeait des malédictions .

Il n'avait pas fini ses adjurations quand une trappe située sur le plafond s'ouvrit, une grande ombre apparut et tomba lourdement au centre de la pièce. La roche fut fissurée sous l'impact du genou de l'homme-bête qui faisait dos au jeune genin.
L'homme était grand, une touffe de poils hirsutes ornait sa colonne vertébrale et les muscles saillants se contractèrent harmonieusement quand il se releva. Reniflant bruyamment, il se retourna doucement, et se jeta sur Sanada dès que son regard croisa le sien.
Avec de la chance, le jeune uzujin parvint à esquiver le premier coup. Mais il entendit les mâchoires de l'assaillant claquer à quelques centimètres de ses oreilles. Se dégageant d'un saut pour mettre de la distance, Sanada put enfin observer son adversaire et reprendre ses esprits.
Les traits de cet homme lui étaient familiers et c'est avec horreur qu'il reconnut le patient qu'il avait vu plus tôt dans la première salle, celui qui était “trop féroce” pour pouvoir être éveillé.

La bête ne lui donna pas le temps de la contemplation et revint à la charge, le bras en avant, prêt à mordre tout bout de chair qui se présenterait à portée de ses crocs acérés. Sanada esquiva le coup latéral, mais fut pris de court par le jeu de jambes de son adversaire qui envoya son pied velu déséquilibrer les jambes du genin.
La rapidité et la force de l'homme était incroyable, Sanada, totalement désorienté par tant d'agressivité qui contrastait avec les leçons de l'académie, ne faisait qu'encaisser les coups en évitant de rapprocher ses membres du visage de la bête. Après quelques minutes, il réussit enfin à reprendre ses esprits, l'homme velu, essoufflé, attaquait moins, tournant autour de sa proie dans l'espoir d'un angle mort. Sanada tenta de jeter un genjutsu à la bête, leurs yeux étant en permanente connexion. Mais après un court moment de stupeur, les pupilles dilatées de la victime indiquèrent que cela ne faisait pas beaucoup d'effet.

“ Bien sûr, c'est une bête en partie, son esprit n'est plus aussi complexe que celui d'un homme” Se dit-it.

Sa stratégie avait changé, sans kunai ni senbon, Sanada ne pouvait compter que sur son utilisation du raiton pour pouvoir s'en sortir, la bête était bornée, attaquant de front sans réfléchir. Le jeune genin tourna donc ostensiblement le dos à son adversaire en composant des mudras, il attendit une seconde et se retourna, l'hybride c'était rapproché, prêt à bondir mais fut percuter par un éclair qui illumina une seconde les murs, rendant hommage au blanc des laboratoires au-dessus.
La créature choquée, convulsa, mais se remit sur ses membres, adoptant une position de quadrupède guidée par la rage et la douleur. Elle s'élança sur le jeune homme et fut percuté par une salve de senbons de foudre qui le laissèrent, cette fois-ci, tremblante contre le sol froid de la pièce.

Sanada s'attendait à voir Mifuyu surgir, le félicitant et exigeant qu'on soigne l'hybride. Mais personne ne vint.

La bête se releva et fonça sur le genin comme s'il n'avait pas compris que cela était inutile, la réserve de chakra de Sanada fondait à mesure que la peau de son adversaire se bardait de cicatrices rougeâtres et empestait le brûlé.
La chorégraphie morbide dura un temps interminable, l'homme-bête ne voulait pas abandonner et claudiquait vers Sanada en pointant ses canines en avant, puis il chutait sous la force du chakra et de son émanation électrique. Après une dernière bordée de senbons qui était aussi pathétique que dramatique, la respiration de l'hirsute se fit plus douce, il s'allongea en boule dans un coin puis ne bougea plus du tout.

Sanada ne voulait pas aller voir si la déesse avait emporté l'âme de ce pauvre homme.
Il était épuisé, physiquement et moralement.
Le colis et les conseils de Sugihara, la lecture du journal au soleil en fumant son calumet, tout cela lui paraissait si loin.

Il avait tué, pour la première fois.
Il avait invoqué £egok-Mino, et celle-ci avait répondu à l'appel.

Il entreprit une prière de remerciement, attendant celle qui semblait être un lien avec les cieux, tant les signes occultes naissaient sous les pas légers de cette petite fille porteuse d'une âme ancestrale.
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Le journal de Fusukenstein

Le gamin avait fait preuve d'une résistance à toute épreuve La Sorcière l'avait observé souffrir sans sourciller, y prenant même une étrange et malsaine satisfaction. Fallait pas toucher au journal ! Elle avait tout de même espéré qu'il s'accroche et voir qu'il pouvait endurer mille souffrances pour elle l'emplissait de joie. Il avait beau être motivé par un intérêt personnel, elle sentait qu'il n'était pas comme les autres, qu'il y avait dans son esprit une faille que la doyenne pourrait exploiter pour en faire un bon petit soldat.

Sanada avait tremblé, sué, rougi, gonflé, chauffé, mais n'avait pas mouché. Les quatre liquides empoisonnés avaient pénétré son être, avaient ravagé ses entrailles avant de le laisser pour mort. Ce fut l'ultime sérum qui eut raison de lui, comme Mifuyu s'en était douté. Son corps semblait avoir particulièrement réagi à la hausse de température, à tel point qu'on aurait dit que son âme cherchait à fuir ce corps pris de convulsions mortelles. Mortelles, elles le furent presque. Le spasme final projeta le pauvre petit contre le carrelage froid et l'éteint pour une bonne minute.

L'adolescent aurait été ordinaire, il serait mort sur le coup. Il semblait heureusement solide, il l'avait déjà prouvé jusqu'ici. En tout cas, il l'était suffisamment pour passer à l'étape suivante, le combat. La vieillarde vint le réveiller doucement sans ne lui attribuer ne serait-ce qu'un sourire, aucune parole réconfortante. Elle inspecta au travers de son regard vitreux et passa sa main sur sa tête. Une légère bosse s'était formée sur le sommet de son crâne, un peu de sang séché retenait ses cheveux en quelques mèches solidaires, mais rien d'alarmant. Elle retourna s'asseoir, simple spectatrice sur son tabouret de fer, attendant que son cobaye revienne à la réalité.

- C'est bon, tu t'es assez reposé ? La suite, c'est par là. Tu peux toujours arrêter si tu ne te sens pas capable de te mesurer à un homme modifié, lui dit-elle la voix emplie d'une fausseté très nette. Cet homme n'est pas un shinobi, ne t'en fais pas. Il n'en est cependant pas moins habile.

Elle ricana légèrement tandis qu'elle le guidait le long de ce couloir, descendant droit vers les profondeurs. L'atmosphère était électrique, personne ne parlait, même si elle se doutait depuis le départ de l'issu du combat. Ce garçon était prometteur, il s'en sortirait, pas besoin d'être une scientifique de génie pour le voir. Elle n'interviendrait qu'en dernier secours, le laissant entièrement seul face à cette bête, qui n'était autre que l'homme qu'elle lui avait présenté antérieurement. Il connaissait ainsi une brève partie de ses capacités et la surprise n'était pas totale.

Pour être tout à fait honnête, la Sorcière ne savait pas vraiment comment s'y prendre. Elle lâcha l'homme canin dans l'arène sans plus de cérémonie, ce n'est qu'après qu'elle se mit à vraiment réfléchir. Ce cobaye était devenu un problème. La rage aux dents, il était devenu trop féroce pour être réintégré en société, mais elle ne pouvait pas simplement le garder éternellement sur un lit d'hôpital. Déjà, parce qu'elle n'en avait pas la place, ensuite parce qu'on commencerait à fouiner. Elle n'avait tout de même pas été stupide dans sa sélection : elle savait qu'il ne manquerait à personne. C'était un invisible, un de ses hommes venus se réfugier au village en quête d'une vie meilleure, d'un salaire et d'une famille. Malheureusement pour lui, il avait croisé la route de ce laboratoire et n'aurait plus jamais cette chance.

La meilleure solution était probablement de le relâcher dans la nature. Dans une forêt, au sein d'un village paumé. On bâtirait une légende sur lui, l'homme-bête, celui-là qui ravagea les plaines de l'archipel nord, qui terrorisa la populace impuissante. Il pourrait y causer des ravages, mais personne ne l'en tiendrait pour responsable, alors la doyenne aurait la conscience tranquille. Elle ne pouvait pas le tuer, sans quoi quelqu'un l'apprendrait et elle perdrait le peu de confiance acquis auprès de Leiko. Avec la première option, au moins, elle remarquerait qu'un effort avait été fait.

Merde ! Elle en avait oublié le petit ! A peine tourna-t-elle la tête qu'elle le vit à nouveau s'écraser au sol, happé par les bras couverts de bestialité de celui qui n'était plus réellement un homme. L'assaillant tournait maintenant autour de lui, les crocs ouverts, se livrant à une parade funeste. Le charognard n'attendait qu'un signe de faiblesse pour se jeter sur sa proie et la dévorer, mais par Asclépios, celle-ci parvint à se dégager du piège qui lui avait été tendu. Mifuyu, prête à intervenir en urgence, se ravisa et fit retomber ses épaules. Le dos au fond de sa chaise, elle jubilait. Le petit était à la hauteur ! Il est le bon.

Enfin relevé, elle le voyait désormais enchaîner des attaques auxquelles il mêlait la puissance de la foudre. Il y mettait peut-être un peu trop de lui-même, en réalité. Mais elle ne comptait pas l'arrêter, peu importe les conséquences. Il vivait une véritable épiphanie. A son âge, avait-il déjà tué ? Elle pensait savoir la réponse. Les retombées d'un tel acte les lieraient à jamais. Il serait sa chose, son petit soldat, peut-être même y prendrait-il goût. Elle se sentait maintenant capable de l'utiliser, de le manipuler, de le faire chanter. Elle sourit. Elle sourit mais n'intervint pas, elle préférait attendre. C'était un spectacle formidable. C'était beau. La proie était devenue prédatrice, l'assaillant la victime.

Quand enfin il soupira, Mifuyu sortit de sa cachette. Elle enjamba le corps sans vie du chien. Le garçon priait, elle profiterait de lui. Elle planterait la graine de la manipulation dans son esprit fragile.

- Sanada. Je te félicite, tu devrais aller te reposer un peu. Tu n'avais pas besoin de tuer ce pauvre bougre, mais ôter la vie n'est jamais une chose aisée.

Elle tapota légèrement son épaule, de manière réconfortante.

- Rentre chez toi, je te recontacterai. Tout ira bien, je te le promets. Je vais m'occuper de ça. Je vais prendre soin de toi.

Et c'est ce qu'elle fit. Elle irait dépêcher quelqu'un pour jeter le corps dès demain. Elle ordonna au jeune homme de rentrer chez lui et le raccompagna jusqu'à la sortie, sans plus lui adresser la parole. Ce n'était pas une crise. C'était une opportunité.  
ASHLING POUR EPICODE

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