Pour une aube nouvelle

À chaque jour suffisait sa peine et comme une éternelle répétition, le quotidien de la Nidaime avait la fâcheuse tendance à commencer de la même manière lorsqu'elle rejoignait le fauteuil de son bureau de Hokage. Ses administrés pointaient le bout de leurs nez, parfois timidement, parfois avec inquiétude de peur de la déranger, notamment quand leurs bras arrivaient fournis de diverses paperasses : les réclamations des villageois, les demandes d'interventions de certains seigneurs, des rapports de missions, et tout autre genre de courriers ou de documents. Mais parmi la pile qu'on lui apporta ce jour-là et qu'elle tria à la volée, une lettre portant le sceau du clan Nara troubla son intérêt.

Fronçant les sourcils, elle se demanda dans un premier temps si cela pouvait venir de son vieil ami Shika dont elle n'avait plus de nouvelles depuis un long moment. Mais cela lui parut peu probable, car il n'était pas un homme à écrire des lettres aussi cérémonieusement présentées. Alors, lorsqu'elle découvrit qu'il s'agissait d'une missive écrite de la main de la nouvelle matriarche des manipulateurs des ombres, elle fut un peu surprise, et bien plus encore quand elle lut le contenu. Son thé dans la main, ses prunelles sombres parcoururent les nombreuses lignes réitérant l'amitié préexistante entre le village du feu et le clan des forêts. En ce point, elle fut ravie, mais à l'instant où elle prit une gorgée de sa tasse, son élégance lui fit défaut et recracha brutalement son eau parfumée sous l'effet de surprise.

" Un mariage ? "

Yuriko dût reprendre sa lecture par deux fois pour être certaine de ne pas s'être trompée, mais ses yeux ne l'avaient pas abusé. La jeune femme ne connaissait pas encore la nouvelle tête pensante du clan Nara, toutefois, la proposition directe qui lui était faite semblait dénoter le fort tempérament qui habitait la matriarche, soucieuse de visiblement rattraper ce qu'elle pensait être une faute de ses pairs en frappant d'un grand coup. Elle lui offrait son fils aîné en mariage, fils à qui elle prédestinait pourtant les rênes du pouvoir Nara.

En d'autres temps, la kunoichi aurait sincèrement réfléchi à ce marché politique, car il aurait permis de grandement facilité le rapprochement du clan Nara avec Konoha. Cependant, elle convenait aussi qu'il n'était pas nécessaire d'en venir à de telles extrémités puisque la réciprocité de leurs amitiés existaient toujours. Pourquoi sacrifier le bonheur marital de deux êtres quand cela n'était pas une obligation ? Oh, bien entendu, il serait gage d'une confiance plus établie, mais Yuriko ne pouvait nier que cela ne lui inspirait que beaucoup d'amertume depuis ses fiançailles avortées avec Jinpachi Yamanka. Et puis, comment pourrait-elle faire preuve d'enthousiasme ou d'honnêteté quand elle savait que son cœur appartenait à un sunajin ? Même si la politique n'était pas un art où le sentiment était de mise, elle se refusait à appartenir à ce camp de politiciens qui étaient prêt à sacrifier une vie toute entière, car si un shinobi concédait déjà à donner sa vie pour défendre son seigneur, il lui apparaissait injuste de devoir abandonner le peu de liberté qu'il possédait encore, celui de pouvoir être libre d'aimer. Un romantisme malvenu ? Peut-être. Mais la Nidaime considérait qu'elle avait autant d'obligation auprès de son peuple que de ses shinobis, et puisque ici les enjeux n'étaient pas sombres, alors elle pouvait se permettre de temporiser le désir de sa consœur en ne la poussant pas à sacrifier son aîné. Néanmoins, il fut difficile pour la Tadake de ne pas penser à la réaction d'Hayato si elle venait à lui faire témoignage de cette proposition.

Mais en attendant l'épreuve des sentiments de son amant, elle n'oubliait pas son devoir et ses responsabilités. Munie de sa plume, la jeune femme ne manqua pas à offrir une réponse à cette missive surprenante.



À l’attention de Dame Nara Shikayori, treizième cheffe et matriarche de l’imminent clan Nara du domaine sacré d’Inari ;



Dame Nara Shikayori,

En mes mains reposent la missive que vous m'avez envoyée, à laquelle je me fais aujourd'hui un point d'honneur de vous répondre.

Sachez qu'il m'est particulièrement plaisant de noter dans votre lettre le renouvellement de l'amitié du clan Nara à l'égard de Konoha, tout en sachant que la réciprocité de ce sentiment est identique. Le village de la Feuille ne peut oublier les camarades d'antan avec qui nous avons pu faire front dans les pires moments de notre Histoire.

C'est dans cet esprit d'attachement et de respect pour votre clan que j'ai l'honneur de vous ouvrir les portes de notre village afin de corriger les erreurs de nos pairs et de pouvoir bâtir dans un futur, que j'espère radieux, une alliance solide pour assurer la prospérité de tous. Néanmoins, me permettrez-vous de considérer votre proposition de mariage comme précipitée et me concèderez-vous le soin de décliner cette offre O combien généreuse. Toutefois, n'y voyez-la aucunement l'objet d'un rejet de projet commun. Nous aurons aisément le loisir de trouver d'autres recours tout aussi profitable pour l'avenir.

Ainsi, afin de pouvoir réitérer nos vœux d'amitié, j'attendrais de connaître vos dispositions pour préparer notre rencontre. Le village de Konoha sera heureux de pouvoir compter sur la présence des prestigieux manipulateurs des ombres entre ses murs.

En attendant ce jour, veuillez recevoir mes salutations les plus respectueuses.

Signée : Nidaime Hokage, Tadake Yuriko

Après l'écriture de sa lettre et une relecture sommaire afin de vérifier que tout était clair, Yuriko cacheta le tout avec le sceau de Konoha et usa d'un oiseau messager pour envoyer la précieuse missive en direction d'Inari.