Soupe de crabes à Akageni [mission rang C, Team Nemu]

Suite à son intégration à la team Nemu, Kougen allait enfin participer à sa première mission en équipe, depuis quelques temps. Il avait retrouvé ses coéquipières aux portes du village, comme convenu, qu’il avait saluées en essayant de ne pas trop en faire, pour faciliter le reste de son intégration. Depuis qu’ils avaient confirmé leur volonté de s’occuper de ce contrat, l’Aburame avait pu sentir l’impatience et l’excitation de son essaim, qui ne cessait de grouiller ardemment sous sa peau diaphane. Ils avaient l’habitude de sortir de Konoha, depuis bien des années déjà et, en dépit des mauvaises expériences qu’ils avaient pu y trouver, l’adolescent continuait, lui aussi, d’apprécier les nouveautés et les découvertes qu’il pouvait faire, en dehors des murs de son village. C’était généralement une bonne occasion de faire de nouvelles rencontres, qu’il s’agisse d’humains ou de faune locale, ce dont il restait friand, même si ce sentiment n’était pas souvent partagé. Idéaliste, il ne baissait pas les bras, chaque échec de socialisation le rapprochant, à son sens, de nouvelles réussites, d’autres liens à tisser.

Il était resté assez discret durant le trajet, n’ayant eu que peu d’occasions de se rendre sur le littoral du Sekai, le chemin qu’ils empruntèrent lui était totalement inconnu. Sur la route, il profita de leurs pauses et ralentissements pour laisser des poignées de Kikaichuus se dégourdir les pattes et socialiser avec d’autres insectes et tester la flore exotique sur lesquels ils pouvaient mettre la main. De son côté, Kougen utilisa son temps pour repérer des arbres et buissons en fleur, qu’il collecta avec attention, presque religieusement. Tout au long de leur marche, il avait siffloté nonchalamment, un petit air dont il aurait été incapable de retrouver l’origine, le reproduisant avec sa voix rapeuse, tranchante comme une floppée des shurikens.

Enfin, lorsqu’Himiko prit la parole, une fois rapprochés de leur destination, pour leur exposer son plan de mission, le chuunin se demanda tout de même si les fonctionnaires du village, qui s’occupaient de recevoir, valider et redistribuer les contrats, n’auraient pas dû s’assurer de ce genre d’informations au préalable, avant de classifier les rouleaux. Il préféra garder ce questionnement pour lui-même, afin de ne pas embêter sa camarade, déjà bien stressée, avec des préoccupations qui ne dépendaient aucunement de sa position, cheffe d’équipe ou non.

« Hum… Plusieurs cargaisons et autres ont été volées, pas vrai ? » Interrogea-t-il rhétoriquement, en se rongeant nerveusement les ongles de la main droite, afin de les égaliser, salement, avec leurs jumeaux. « Je pourrais placer quelques femelles parmi mes bébés, pour traquer plus facilement les malfaiteurs ! Il faudra penser à lui demander ce qui a le plus de valeur pour les pillards. »

Pour que sa suggestion passe plus facilement, il choisit ce moment pour donner son cadeau, fait main, aux deux jeunes femmes. Avec ce qu’il avait ramassé plus tôt, il leur avait confectionné un bracelet pour chacune, composé de ce qu’il avait pu trouver de plus coloré et harmonieux. Camouflées entre les feuilles de ces bijoux champêtres, se trouvaient également une Kikaichuu par colifichet. Elles extirpèrent le bout de leur tête noire, pour se présenter à celles dont elles auraient la garde, avant de retourner se dissimuler sous les pétales colorées.

« Elles sont timides. » Expliqua sobrement le garçon, dont le bout des phalanges commençaient à laisser couler son sang. « Elles seront discrètes, mais si on est séparés, je pourrais toujours vous retrouver, comme ça ! »

Lui qui n’était qu’un pauvre mâle aux compétences sociales inexistantes, il estimait également qu’un peu de présence féminine, de la part de véritables kunoichis, pourrait faire le plus grand bien à ses pondeuses les plus effacées.

Habillé de son habituel ensemble, sweat à capuche et tobi, sombre et ample, il préféra rester en retrait, suite à leur arrivée dans un coin de civilisation inconnu. La Senju avait, aujourd’hui, la responsabilité de ce qui allait leur arriver et, tant que possible, il voulait éviter de lui mettre des bâtons dans les roues. Même s’il brûlait d’envie de se baigner (ce que l’eau salée risquait de prendre au mot), il attendait sagement les indications et marches à suivre, pour faciliter au maximum la gestion qui incombait à sa nakama.

Depuis le départ, Raion était restée passablement silencieuse. Détendue, presque trop, elle profitait d’un répit durement acquis et en savourait chaque minutes, consciente que dès son retour, ses responsabilités la rattraperaient. Pour l’heure, elle emplissait ses poumons à grande goulée de l’odeur iodée d’une mer qu’elle ne voyait pas assez à son goût. Elle regrettait, cependant, de ne pas pouvoir profiter du son des vagues, ni de l’oisiveté bienvenu qu’on pouvait avoir en posant ses fesses sur un joli rocher en bord de plage. Entourée de ses deux protégés, la Kamiko n’était pourtant pas décidée à jouer les têtes de groupes. Les yeux mangés par d’énormes cernes et une fatigue visible, elle était presque en aussi piteux état que le jeune Kougen dont elle avait la charge. Aujourd’hui dans un rôle passif d’observateur, elle profitait, indirectement, d’un court répit offert pour mieux retourner hanter la tour du Hokage à son retour mais aussi d’une occasion paisible pour effectuer un petit test grandeur nature.

Laissant Himiko les guider à l’intérieur du village, la grande brune jette un regard acéré aux quelques âmes un peu trop curieuses sur leur passage, allant parfois jusqu’à masquer légèrement l’Aburame dont elle avait la charge derrière elle pour dissuader les badauds. Bientôt, l’attention indésirable s’arrête et Raion se glisse à nouveau dans son costume cossu et confortable d’évaluatrice, dissimulant son sourire devant le stress palpable de la Senju. Elle-même se souvenait à quel point sa premier mission en tant que chef d’équipe avait été un fiasco monumental et ne pouvait que comprendre le trac de la fille aux cheveux champêtres. Pourtant, il allait bien falloir, tôt ou tard, qu’elle s’échappe de sa chrysalide, sans l’aide de son ancêtre qui veillait, sans doute, à minimiser ses erreurs. Le critère de sa réussite d’aujourd’hui était donc simple : allait-elle effectuer l’ensemble de la mission seule, ou allait-elle succomber à la facilité réconfortante de son autre moitié ? Rebondissant sur la réflexion à voix haute de Kougen, la Kamiko y apporte une touche supplémentaire, sans réellement se préoccuper qu’on l’écoute ou non. Son conseil était simplement là en tant que tel, qu’il soit saisi ou non n’importait qu’à ses deux camarades.

La commerçante elle-même ne comprenait pas l’intérêt d’endommager du matériel. Il y avait des dizaines de façon de faire, plus subtile, plus discrète, pour pouvoir vider les pièges de leur précieux contenu jusqu’à ce que Munoto pense avoir asséché la zone en crabe et décide de changer l’endroit où il pèche. Alors pourquoi en venir jusque-là ? Que pouvait avoir l’homme, de plus que ses concurrents ? D’instinct, la Kamiko aurait misé sur la chance, mais pouvait-elle vraiment dire que c’en était une, de se faire dégrader son matériel ? Définitivement, quelque chose leur échappait et Himiko marquait un point certain : ils ne le sauraient qu’en mettant la main sur le commanditaire et en discutant avec lui.

Tirée de sa réflexion par la voix de Kougen, Raion pose un regard partagé sur le bracelet de fleur que lui tend l’Aburame. Si l’attention était réellement touchante et les fleurs soigneusement choisies, elle était moins tentée par l’habitante qui y résidait. Non pas qu’elle détestait sincèrement les insectes, mais peut-être que la brune n’en était pas non plus à point où l’idée qu’une de ses drôles de bestioles puisse se promener sur son bras l’enchante tout à fait. Elle l’enfile pourtant, luttant contre son instinct pour regarder l’objet plus en détail, à la recherche de la créature. La femelle, comme l’appelait si bien l’albinos, n’était ni joli ni aussi dégoutante qu’aurait pu s’y attendre la Kamiko, un soulagement quelque part, après la frayeur qu’elle avait pu se faire sur le domaine des ninjas aux insectes. Elle était, d’ailleurs, bien plus piquée par l’arrangement de couleur vive, bleu et orange, qu’avait choisi le jeune homme mais il n’était, une fois de plus, guère le moment pour s’attarder sur une leçon de style. Elle règlerait ce menu détail plus tard, en assommant le chunin sous assez de pommade pour espérer qu’elle réussisse un jour à guérir sa peau à l’agonie.

Il n’y avait pas d’ordre dans sa voix, preuve qu’elle laissait la décision aux mains de la jeune Senju qu’elle espérait former. L’idée de Kougen leur facilitait d’autant plus la tâche qu’il venait de lui éviter d’avoir elle-même à mettre en place une surveillance. Bien sûr, la Kamiko se savait parfaitement capable de retrouver ses élèves les yeux fermés dans une foule, mais ne saurait refuser un peu d’aider si ça lui permettait de rester à l’économie. Peut-être même aurait-elle le temps de dormir un peu sur la plage, puisque la mission n’avait, en définitive, rien de véritablement très complexe. Attraper les farceurs, leur faire passer l’envie de recommencer, empocher la récompense. Simple comme bonjour, rapide comme l’éclair, pour peu qu’on dispose d’un peu de patience pour tous les attraper d’un seul coup. Chassant le flot ininterrompu de ses pensées, Raion reporte son attention sur Himiko, posant ses deux prunelles grises, incisive, sur la jeune fille, dans l’attente de ses ordres.

Trop content de leur sortie, Kougen ne prêta aucune attention aux regards lourds des villageois, ni même au fait que RAion essayait désespérément de le cacher aux curieux. Au contraire, il leur adressait de larges signes de mains et des sourires terrifiants, mais qui partaient d’une bonne intention, peu habitué qu’il était de voir autant d’inconnus et encore moins en si bonne compagnie. Lorsque la Kamiko rebondit sur sa réflexion, concernant le vol de quelques cagettes, il se dit tout simplement qu’il devait y avoir eu quiproquo, sans trop oser le relever. Sur leur avis de mission, il y avait relativement peu d’information, mais il était bel et bien sûr d’y avoir vu mention du vol de certains paniers, même si la valeur de ces derniers n’étaient peut-être effectivement pas la raison derrière le méfait, il pensait tout de même pouvoir pister les coupables à l’aide de ses insectes. Malgré tout, la responsable du jour était Himiko et il ne voulait pas marcher sur ses plates-bandes, étant d’une nature plutôt arrangeante. Dans tous les cas, il doutait que leur petit groupe rencontre beaucoup de problèmes pour s’occuper de petits voleurs de bas étage et peut-être que c’était lui, dans le fond, qui faisait fausse piste.

L’Aburame fut ravi de voir que les réactions face aux bracelets qu’il avait proposés étaient relativement bonnes, lui permettant de souffler et de repousser ses appréhensions. Comme quoi, elles étaient vraiment sympathiques, toutes les deux et il avait peut-être trouvé un moyen agréable et ludique de faire accepter ses petites bêtes à ses co-équipières. La doyenne du groupe proposa de se séparer, ce qui ne semblait pas forcément être au goût de la Senju. Kougen partageait également l’avis de sa camarade aux cheveux verts, même s’il n’en pipa mot. Maintenant qu’il avait enfin l’occasion de prendre des contrats en étant accompagné, il aurait été déçu que chacun se retrouve seul dans un coin, à exécuter des tâches séparées. Il écouta attentivement le premier plan de sa comparse, qui lui semblait correspondre à leurs différentes capacités mais il leva tout de même la main comme un enfant, avant de prendre la parole.

« S’il n’y a pas de femelle à suivre, mes Kikaichuus seront moins efficaces, pour traquer les malfrats. Mais bon, ils se débrouillent quand même bien ! » Assura-t-il, avec aplomb, en hochant énergiquement la tête. « On se débrouille assez bien en capture, aussi. C’est même ma spécialité. »

Une fois sa petite pub faite, il se contenta de suivre leur meneuse temporaire, afin d’aller voir leur commanditaire et lui demander davantage d’éclaircissements. Une fois sur place, il salua le pêcheur sans se formaliser de son manque de tact et lui assura même, avec un rictus de son crû, qu’il était en parfaite santé et qu’ils étaient tous à même de mener ce genre de contrat, afin de le rassurer, avant même que sa collègue n’ait le temps de rétorquer quoi que ce soit.  

« C’est comme si c’était réglé ! » S’avança même l’adolescent, en allant saisir les mains du marin pour les secouer avec entrain. « Tous les problèmes de nos clients sont importants ! Avec nous, vous serez satisfait ou satisfait ! »

L’albinos resta relativement calme, afin de laisser le vieillard leur donner des détails sans en perdre une miette, se demandant tout de même à quel point ils pouvaient croire ses suspicions. Certes, il était mieux placé qu’eux pour connaître les mentalités locales et savoir qui en avait réellement après lui, car ces sabotages semblaient avoir quelque chose de très personnel, mais de par son expérience, Kougen n’était pas vraiment adepte des jugements hâtifs et sans fondement réel. Au moins, ils avaient plus d’informations pour mener leur traque à bien  et les présumés coupables allaient être bien plus faciles à trouver qu’ils n’auraient pu le penser, maintenant qu’ils avaient eu des noms. Après avoir pris congé de la pauvre victime, Himiko ne perdit guère de temps avant d’élaborer sur la première idée qu’elle avait eu auparavant. L’Aburame laissa échapper un gloussement amusé, devant les propos de sa camarade.

« Oh, je sais qu’on fait peur ! Je le vis bien, tant que ça vient pas des Konohajin. J’en joue beaucoup même, surtout en mission, tu sais ? Compte sur moi pour leur donner la frousse de leur vie, quand on leur aura mis la main dessus ! » Affirma-t-il, pas vexé pour deux sous. « Bon, par contre, avant d’aller trop loin, on s’assure que c’est bien eux les coupables, hein ? Si les Nagakawa ne sont pas les coupables, je m’en voudrais de les traumatiser… Leur vie a déjà pas l’air simple, de ce que nous a dit le client. »

Il était évident que Konoha ne dépêcherait pas la crème de la crème pour une histoire de bagarre entre pêcheur et l’ironie de la réalisation de son interlocuteur lui faisait monter une envie irrépressible de rire. Il avait, pour tout dire, une chance relativement insolente de ne pas voir la mission effectuée par trois mômes sortis de l’académie, sous supervision, et non pas trois jeunes adultes de rang plus que supérieur à la tâche. L’idée, pourtant, de trois jonin dépêché pour la survie exclusive du petite commerce littoral avait une étrange saveur de blague, qu’elle se retint bien d’expliciter. Pour toute réponse à cette entrée en matière, Raion salue l’homme par un sourire cryptique, dont l’humeur moqueuse se reflète dans ses prunelles métalliques. Gonzesse. On ne la lui avait encore jamais faite celle-là et, à vrai dire, l’envie d’en rire était grande mais elle s’abstint, consciente du malaise qui en découlerait à coup sûr.

Elle se contente d’observer, sans rien ajouter de plus, l’évolution progressive de la timorée Senju, jetant un regard, de temps à autre, au petit Aburame débordant d’enthousiasme à leur côté. L’intendante écoute l’interrogatoire d’une oreille distraite, scrutant les alentours avec nonchalance, bien plus concentrée sur son envie momentanée d’emplir ses poumons de l’air vivifiant de la mer. Elle aurait aimé peut-être même partir un peu au grand large mais n’avait, malheureusement, pas cette occasion aujourd’hui. Lorsqu’ils prennent finalement congé de Munoto, la jeune femme sort de sa torpeur contemplative. S’étirant, elle offre une moue pensive à Himiko, avant de prendre la parole.

Elle dépose une main sur l’épaule de l’Aburame, lui adressant un clin d’œil. Elle se doutait qu’il se servirait peut-être du mouvement pour faire grimper ses petites bestioles le long de son gant, aussi préféra-t-elle ne pas y penser et se focaliser sur autre chose, de peur de couiner de dégoût en sentant les centaines de petites pattes immondes fouler le tissu qui lui couvrait la peau. L’intendante avait beau s’habituer à la présence de l’étrange personne qu’était son plus jeune protégé, elle n’en était pas moins toujours difficilement à l’aise avec ses compagnons de toujours qu’elle trouvait quand même grossiers malgré leur efficacité indiscutable.

Sans rien ajouter de plus, Raion revint sur ses pas. Elle traverse le pont, jusqu’à l’embarcation du pêcheur, s’approchant de lui jusqu’à pouvoir lui poser la main sur l’épaule. Ce dernier, visiblement peu habitué à ce genre de contact, sursaute et se retourne vivement, l’œil légèrement agacé qu’on vienne le déranger, une fois de plus dans son ouvrage.

Munoto grommelle plus qu’il ne répond à la Kamiko mais cette dernière s’en fiche. Sans un mot, elle se glisse dans son ombre alors qu’il lui entrouvre la porte. Franchissant de concert la porte, le duo pêcheur-tisseuse disparait, avalé par l’obscurité ambiante de l’endroit. La shinobi, elle, dépasse bientôt son guide pour se placer en retrait, à la recherche du matériel encore en bon état. Elle ne prit aucun soin d’expliquer ses agissements à un civil plus que circonspect par sa demande, se contentant du couvert de la bâtisse pour signer les mudras dont elle avait besoin pour sa technique.

Le pêcheur marmonne, encore une fois, alors que la jeune femme repart dans l’autre sens, sa technique à présent prête à être mise en place à l’extérieur. Elle réapparait dans le battant de la porte, progressant d’un ou deux pas avant de volontairement se prendre le pied dans un caillou. Raion se laisse tomber, le plus naturellement possible, sous le regard médusé et méprisant d’un Munoto qui commence sincèrement à penser qu’on lui avait envoyé des incompétents. Elle se relève presque aussi, dans une moue ennuyée, chassant la poussière de sa tenue d’une main, tandis que l’autre se pose sur le sol, le plus proche possible de leurs deux cibles de surveillance. Silencieusement, le fils de la Kamiko s’échappe de ses doigts, luisant une courte seconde au soleil avant de devenir à nouveau invisible. Cette fois-ci, la jeune femme se redresse, un sourire navré aux lèvres, avant de rejoindre ses compagnons en trottinant comme si de rien était.

Récapitulatif:

Kougen était peut-être celui qui avait le mieux réagi à leur commanditaire et ses préjugés. S’il ne les appréciait et ne les validait pas, il était toutefois suffisamment bien placé pour savoir que certaines personnes étaient trop vieilles et trop bornées pour pouvoir changer le moins du monde. Plutôt que de s’en formaliser, il avait appris qu’une attitude positive et joviale était le meilleur moyen de venir à bout de telles attitudes. Enfin… Venir à bout était un bien grand mot, car il n’avait jamais réussi à changer l’état d’esprit de ceux qui s’amusaient à le tourmenter ou qui le prenaient pour un monstre, mais il se disait qu’avec le temps, ses méthodes finiraient bien par porter leurs fruits ! Il espérait simplement que le vieil homme évite de manquer une nouvelle fois de respect à ses camarades car même s’il pouvait pardonner bien des choses, surtout à son égard, il voulait éviter tant que possible d’avoir à remonter les bretelles d’un vieux pêcheur. Il préférait ne pas s’attirer les foudres de celui qui devait normalement les payer, de peur que cela puisse retomber sur sa coéquipière, sa cheffe d’équipe ou même son village.

Une fois le trio de nouveau isolé, il écouta avec attention la proposition de Raion, en se demandant s’il n’était pas tombé sur la tête entre-temps ou s’il n’avait pas raté un épisode à un moment ou un autre, car la Kamiko lui avait ressorti l’idée qu’il avait proposée plus tôt et qui n’avait alors rencontré que le refus de ses comparses. Il devait sans doute s’agir d’un banal quiproquo ou alors d’un trait d’humour, c’est donc ainsi qu’il décida de l’interpréter. Après tout, pour une fois qu’on acceptait le rôle de ses insectes dans une mission, sans même devenir livide ou retenir des nausées, il se voyait mal faire le difficile. Le petit albinos hocha donc la tête avec énergie, les bras croisés en écoutant Raion reprendre avec un naturel désarçonnant sa place de meneuse, qui lui allait décidément comme un gant.

Si ses insectes auraient bien aimé profiter du contact avec la tisseuse pour aller lui rendre une petite visite lorsqu’elle déposa la main sur l’épaule de leur maître, celui-ci les en dissuada rapidement en comprenant où ils voulaient en venir, en secouant discrètement la tête et en malaxant son chakra comme signe de mise en garde. L’intendante avait beau être gentille et compréhensive, il savait bien qu’elle n’avait pas une affinité très prononcée avec son essaim et même si elle faisait beaucoup d’effort pour les tolérer, il préférait ne pas la forcer inutilement, de peur d’être contre-productif et de finir par la repousser encore davantage.

« J’irais déployer les Kikai le temps que tu poses tes pièges, au cas où ! » S’exclama l’adolescent avec entrain, avant de prendre congé et de laisser Himiko vaquer à ses occupations.

Comme il l’avait initialement prévu, il déposa donc une poignée de femelles dans les diverses propriétés de leur client, tout en s’informant discrètement, comme il le pouvait, à propos des fils du rival de leur commanditaire. Matériel de pêche, casier à crabes et autres, il fit rapidement le tour de la zone à risque, qui était le plus souvent la cible des sabotages et des vols, sans rien rencontrer de vraiment suspicieux. Une fois son office faite, il se dirigea comme prévu vers l’entrepôt qu’allaient sûrement cibler les malfrats, pour s’habituer aux alentours et trouver un endroit convenable pour se dissimuler. Au milieu de son inspection, il y retrouva sa capitaine qui avait déjà mis en place ce qu’elle avait à faire, mettant ainsi toutes les chances de leur côté pour une capture réussie à la moindre entourloupe.

La partie de Kougen étant également assurée, il ne restait plus qu’à attendre, désormais, que les proies ne viennent se jeter directement dans leurs pièges. Un peu à la façon des crabes dont raffolaient tant les autochtones, apparemment… Il avait beau ne pas vraiment comprendre le plaisir que l’on pouvait éprouver à se repaître de la chair d’un autre être vivant, il n’était pas du genre à juger son prochain. Sauf s’il s’agissait de voleur, car c’était un crime, ce qui était objectivement mal. Contrairement au plan qu’elle avait manigancé, la Senju refusa finalement de se transformer pour attirer l’attention, ce qui n’était peut-être pas plus mal, au fond. Il y avait fort à parier qu’une telle entreprise fasse capoter tout ce qu’ils avaient préparé et, tout comme ses collègues, elle finit par se camoufler à l’intérieur du dépôt et à prendre son mal en patience.

La nuit ne tarda pas à tomber et le trio attendit, discrètement camouflé à l’aide de tissu modifié avec leur chakra pour leur permettre de se fondre dans le décor qu’ils avaient étudié minutieusement. Les minutes se succédèrent et les heures se mirent à rouler, sans la moindre trace d’une quelconque infraction, si bien que le maître des insectes commença à penser qu’ils s'étaient soit trompés de lieu pour leur guet-apens, soit qu’ils allaient devoir supporter une nuit sans délit… Rien ne confirmait qu’il y avait littéralement une attaque chaque soir mais l’idée de se retrouver à faire le guet pour une durée indéterminée n’était pas forcément des plus plaisantes. Plus jeune, Kougen avait déjà eu son lot d’obligation de rester dans un coin sans bouger ni parler, à se faire le plus petit possible et il en avait assez soupé.

Fort heureusement, au moment où il commençait réellement à s’impatienter, des ombres commencèrent à se déplacer dans l’obscurité au-dehors, signalant par là-même le début potentiel des hostilités. Avant même qu’ils n’aient le temps de pénétrer à l’intérieur de la bâtisse, les criminels potentiels tombèrent en plein dans les filets de la Kamiko pour se retrouver face au trio. Pendus par les pieds, démunis et déjà apeurés par ce qui venait de leur tomber dessus, ils étaient bien incapables de rompre les liens parcourus de chakra ou de s’échapper, saucissonnés avec application.

Les présumés coupables attrapés, il était temps pour Kougen de rentrer en scène. Avant de sortir de sa cachette, il attrapa l’un de ses kunais pour se faire une belle entaille au niveau du front et laisser l’hémoglobine se propager sur son visage émacié, le tout ressortant bien grâce à sa peau blafarde. Pour une raison qui lui échappait relativement, le sang avait tendance à rapidement inquiéter les gens et à les mettre mal à l’aise. Pour rajouter quelque chose de dérangeant à son tableau, il s’ébouriffa encore davantage les cheveux pour se donner un aspect encore plus inquiétant qu’à l’accoutumée. Si son simple visage aurait sans doute suffit sans la moindre altération, il était ainsi sûr de faire un effet… mouche. C’était bien plus à propos que du boeuf, pour le petit bonhomme maladif. Se mettant dans le rôle de la terrible abomination que beaucoup lui reprochaient d’être, il s’approcha des jeunes truands, qui ressemblaient effectivement aux fils Nakagawa ou du moins, à la description qu’on avait pu lui en faire. Seul à se dévoiler, il s’approcha du duo avec une démarche saccadée, son corps tremblant au rythme d’un rire criard et sifflant.

« Hahahaaaaalors comme ça, on aime voler son prochain, mes petits loups ?! C’est que c’est sacrément interdit ça ! Suffisamment pour nous donner carte blanche, à moi et mes petits petits petiiiits, contre quelques piécettes ! » Hurla-t-il en penchant la tête sur le côté, se frappant le front avec force à chaque nouveau pas.

Du bout de ses mains s’extirpèrent une nuée de bestioles noires et vrombissantes, qui formèrent une arche qui pullulait d’impatience en s’approchant des deux convives attachés.

« A taaaaaaaaable ! ♫ »

Les deux jeunes poussèrent un hurlement à glacer le sang, essayant tant bien que mal de gesticuler mais ne parvenant qu’à resserrer les liens qui les maintenaient sur place. Dans leur situation, ils ne tardèrent pas à cracher le morceau et à demander pardon face à celui qu’ils prenaient pour leur bourreau. S’ils ne regrettaient peut-être pas leurs actions, en tout cas, ils ne semblaient pas ravis à l’idée de s’être faits prendre et préféraient jouer la carte de la pénitence plutôt que d’essayer de nier, face à quelqu’un qui semblait déjà décidé dans son jugement. Pour Kougen, des aveux étaient plus que suffisant pour passer à la vitesse supérieure dans sa manoeuvre d’intimidation et il se rapprocha encore davantage pour aller attraper la chevelure des hommes qui pendillaient au plafond. Tirant la langue, il la laissa effleurer leur peau pleine de chair de poule, avant de laisser ses insectes faire leur office.

La nuée de Kikaichuu s’extirpa de sa bouche pour fondre sur les proies, grouillant sur leurs corps en aspirant ce qu’ils pouvaient d’énergie vitale sans risquer de les tuer, le tout ponctué par l’hilarité sardonique de l’acteur Aburame. Il les laissa se répandre sans vergogne, ses bêbêtes bien contentes d’avoir enfin un peu d’exercice et des corps chauds à câliner, s’amusant elles mêmes de ce qui n’était, finalement, rien d’autre qu’un jeu commandité par leur hôte.

« VOILÀ CE QU’IL EN COÛTE, DE S’EN PRENDRE AUX HONNÊTES GENS ! VOS CARCASSES SAURONT RAPPELER A VOTRE PERE QUELLE PIÈTRE ÉDUCATION IL VOUS A DISPENSÉE ! »

Défiguré par sa performance, il se laissa aller encore un petit peu, attendant le signal de Raion pour s’arrêter et lui laisser la main, une fois qu’elle estimerait en avoir fait assez. Dans un coin de la pièce, à l’abri des regards, Himiko était bien cachée mais avait depuis longtemps perdu connaissance, terrassée par la panique, le dégoût et l’horreur que lui avaient inspirée la scène, une mousse épaisse lui débordant de la bouche et les yeux révulsés. Peut-être que pour la petite Senju, Kougen en avait un peu trop fait, surtout qu’elle ne le connaissait pas encore suffisamment pour savoir où s’arrêtait la comédie et commençait le vrai Konohajin.

« Glb glb glb » Baragouinait-elle de manière inintelligible, de son côté.

Du bon travail d'équipe s'il en était.

La nuit était calme. Si calme que c’est, finalement, le bruit des craquements sur le pont qui tire Raion de sa rêverie. Installée le dos contre le toit du hangar, elle avait, distraitement laissé son sixième sens la guider dans l’attente de l’apparition des petits farceurs pour lesquels on les avait fait déplacer, jusqu’à presque s’endormir. Les deux individus étaient encore loin, mais elle les sentait déjà progresser, avec prudence, pour ne pas faire chanter les planches du ponton qui les conduisait jusqu’aux entrepôts. Pour autant, ils n’étaient pas lents, avalant la distance à un rythme régulier qui trahissait l’habitude de se plier à l’exercice. Personne n’était repassé à côté d’eux depuis la tombée de la nuit et l’heure du début de la pèche ne sonnerait pas avant encore un bon moment. L’aube, elle, n’arriverait véritablement que dans deux bonnes heures à peu près, si la jeune femme en jugeait pas la position décroissante de la lune. Qui que soient les visiteurs, c’était vraisemblablement ceux que la fine équipe Nemu attendait depuis un moment déjà.

Immobile, la Kamiko attend. Elle n’avait de toute façon que peu de chose à faire et n’envisageait pas de laisser ses camarades sur la touche. Ce serait d’ailleurs, une très mauvaise façon de leur apprendre à, peut-être un jour, diriger leur propre équipe, s’ils restaient les bras ballants, à la regarder plier la mission comme un vieux kimono. Toujours à couvert, elle sourit, désolée de voir la silhouette de chakra de sa petite protégée dont l’activité ne laissait aucun doute sur son statut. Himiko, un peu plus loin, attendait son heure en jouant avec quelque chose que la ninja ne parvint pas à identifier. Kougen, lui, dont la teinte d’aura était bleue et désagréablement grouillante, était déjà en mouvement, visiblement ravi et impatient que l’action arrive enfin. Chose que Raion ne pouvait que comprendre, puisqu’elle avait bien failli s’endormir, faute de trouver de quoi s’occuper sans totalement se distraire.

Il ne restait plus maintenant à leurs cibles que quelques pas pour profiter de leur comité d’accueil. Des pas que la kunoichi égrenait en observant, les yeux clos, leur progression minutieuse et aussi silencieuse que possible. Encore un peu, les encourage-t-elle mentalement, alors qu’elle prépare discrètement l’activation de sa technique, qu’elle voyait chatoyer non loin d’elle. Encore un peu, et on vous rendra la monnaie de votre pièce. Ils progressent encore, arrivant enfin jusqu’à l’entrée du débarras de Munoto. S’ils avaient eu la présence d’esprit de regarder les alentours, l’œil suspicieux, ils n’auraient pas pu deviner que le piège n’attendait non plus leur présence, mais bel et bien leur positionnement optimal. Sans un bruit, la Kamiko active sa technique et, dans un son de coulissement feutré, les deux silhouettes se retrouvent aussitôt prisonnière de l’immense toile sur laquelle ils marchaient depuis bien deux bonnes minutes.

Jetant de côté son drap de dissimulation, Raion saute de son perchoir, atterrissant souplement à côté des cocons pour s’adosser, dans un recoin d’ombre, au mur de l’entrepôt et profiter du spectacle. Si elle fit la moue en voyant le kunaï utilisé par l’Aburame briller une courte seconde à la faveur de la lune, la jeune femme ne pouvait enlever à son petit dernier le mérite d’être terriblement dramatique. Assister à la scène, qu’elle avait pensé hilarante, ne fit pourtant que serrer le cœur endurci de la Kamiko. L’acting de Kougen était simple, mais il jouait merveilleusement bien de son apparence décharnée et inquiétante, sans compter sur ses mystérieux sourires à vous faire froid dans le dos. Le ton même, était si bon que son invitation à manger la fit frissonner comme si elle y était vraiment. Une véritable tristesse pour celui dont la gentillesse lui faisait confectionner des bracelets de fleurs. Il était certainement le plus doux de l’équipe et, à voir les voleurs le fuir comme de beau diable, la brune ne pouvait s’empêcher de se demander si c’était une scène quotidienne à laquelle il était habitué.

Le duo de malfaiteur, hurlant et se débattant, continue à essayer de s’enfuir, malgré l’essaim qui leur barre la vue. A ce splendide tableau de deux hommes terrorisés par un Aburame plein de bienveillance, Raion attend le dernier ajout du plan. Himiko n’avait pas profité de l’occasion pour les attirer avec sa drôle d’idée farfelue, mais peut-être préparait-elle autre chose ? Sortant de sa cachette, la jeune femme progresse, jusqu’à dépasser leurs deux victimes, dont l’une avait fini par s’évanouir de terreur. Elle parvient enfin jusqu’à sa petite protégée, constatant dans un soupir agacé qu’elle n’était plus en état de terminer le travail. Se tournant vers le maitre des insectes encore concentré dans son rôle d’épouvanteur, l’intendante de Konoha glisse deux doigts dans sa bouche et se met à siffler pour mettre fin à leur comique d’horreur. Si les cris se taisent enfin, signe que le deuxième voleur a lui aussi préféré sombrer dans l’inconscience, le bruit sonore de deux claques troublent le silence. Tirant brutalement la Senju de sa torpeur, la Kamiko traine derrière elle la pauvre jeune fille. Ils avaient encore du travail. La leçon n’était pas finie.


Alors que le village s’éveille, un cri d’alerte parcourt les rues, accélérant un début d’activité encore timide. Tout le monde se précipite dehors, sans réellement comprendre la raison qui les tire du lit, pas tout à fait vêtu, pour observer le spectacle. Sur la place principale, deux piliers de bois tout frais de la nuit se dresse, portant fièrement leurs deux victimes encore dans les vapes. Saucissonnés à leur poteau, les deux hommes portaient de magnifiques écriteaux, dont les dénominations ne laissaient guère place à l’imagination concernant ce qui leur étaient arrivé.

Voleur. Casseur.

Lorsque Munoto, après une bonne crise de rire, voulut remercier les ninjas, ces derniers étaient déjà partis. Ils n’avaient de toute façon pas de raison de s’attarder, puisque le paiement les attendait déjà au village et que Raion, agacée de devoir s’occuper d’une enfant incapable, n’avait en tête que le prochainement entrainement qu’elle ferait subir à la pauvre Senju.

Récapitulatif: