Les vrombissements du sol résonnent dans le creux de ses os. Les mains maladroites d'un homme l'enserrent et traînent son corps en charpie. Ses plaies laissent échapper un flot continue de sang. La douleur a disparu et avec elle, la chaleur de sa chair. Un froid glaciale l'enveloppe à mesure que son cœur bat de moins en moins rapidement. Il plonge dans les ténèbres, il y fait bon, non... Il n'y fait rien. Plus de peine, plus d'espoir, plus de mal, plus de bien, le silence. Dans cette obscurité réconfortante, il n'est plus. Incapable de distinguer ses mains bouger devant lui, il est même impossible pour lui d'être sûr d'avoir des mains, il se déplace dans cet espace sans fin. Puis, au fond de ses tripes, où se qu'il en reste, des ondes. Impossible de le décrire autrement, des petites vagues qui irradient d'abord son être avant de toucher son cœur. Le vent se lève sur le vide et les vagues se renforcent à présent. Premier choc important, son cœur bat. La douleur revient subitement et il croit sombrer à nouveau. Des mains le compressent, des voix s'élèvent, il ne distingue pas les mots, il sent, par delà les reflux ferrugineux du sang, le sel qui lui brûle la peau. Il respire enfin, une grande inspiration qui lui tord les poumons. La douleur est trop vive, il sombre.
Debout sur un sol invisible, deux chemins s'offrent à lui, comme dessiné au pinceau. D'un côté la lumière, puissante et douloureuse, de l'autre les ténèbres, froides et réconfortantes. Il les regarde l'une après l'autre, incapable de choisir. Il entend le tempo régulier d'un animal qui s'approche. Une démarche féline. Il se retourne, un lynx s'approche de lui. Malgré son apparence, il a un regard familier, presque intime. Il tend son bras pour le caresser, mais le lynx se crispe, sort les crocs et crache. Tsuri, d'abord apeuré, suit le regard du félin. Ce n'est pas lui la cible, mais un immense serpent qui se faufile entre ses jambes. Le reptile ondule et l’enserre sans un bruit. Enroulé autour de son être, il lui fait face et son regard envoûtant le plonge dans un état second. La nuit s'abat sur lui alors que la pression des anneaux augmente. Soudaine la lumière l'aveugle et le rugissement du lynx l'étourdis. Un choc, une ruade, une chute. Il ouvre enfin les yeux.
Une voix de femme s'éleva dans la pièce. Il reconnut sa protectrice malgré le flou ambiant. Elle agitait ses bras au dessus de lui et déversait un flot ininterrompus de phrases vindicatives. Ses oreilles finirent par s'habituer à la réalité et l'ouïe lui revint.
… d'être aussi imprudent ! Est-ce que vous avez seulement conscience de la peur que vous nous avez causé. Masashi était effondré, partir à l'aventure avec un chunin sans ses protecteurs, inconscient, vous auriez pu mourir...
Ses cris s'étaient peu à peu transformés en sanglot et son visage passa de l'intense colère à la profonde tristesse. De l'autre côté du lit, Masashi lui tendit une paire de lunette. Il les installa sur son nez et ressentit une gène. Ce n'était pas les siennes, les branches s'enfonçaient dans son crâne douloureux. Un voile apparut devant ses yeux et il vit Akrillo, le visage ensanglanté. Son corps s'agita et la douleur se réveilla, puissante et irradiante. Il grimaça et étouffa un gémissement. Katsuo se releva et appela au dehors. Il sombra de nouveau.
Des rêves étranges, beaucoup de sang, des pertes, des complots, une trahison. C'est le cœur serré que le Shodaime s'éveilla à nouveau, plus lucide cette fois. Il faisait nuit au dehors. Les événements récents lui revinrent et il ne put retenir des larmes. Katsuo, silencieuse lui offrit un mouchoir de soie. Il l'attrapa et s'épongea les yeux. Sa protectrice garda le silence et il lui en fut reconnaissant. Il resta dans cet état quelques heures avant de s'endormir. À son réveil, il laissa ses paupières fermées un moment et se contenta d'écouter. Il savait que lorsqu'il ouvrirait les yeux, la vie reprendrait son cours et les problèmes viendraient de nouveau l'assaillir. Il avait conscience des conséquences qu'il allait devoir affronter, du potentiel dramatique de la situation de son rôle dans le dénouement de cette histoire. Il était épuisé, mais conscient. Il ressentait chaque parcelle de son corps et s'amusait à bouger ses orteils et ses doigts. D'après les conversations, dix jours s'étaient écoulés depuis sa mission. Akrillo s'en était tiré avec des blessures mineures et des menaces de morts. Katsuo et Masashi n'avaient pas appréciés le voir en pleine forme alors que Tsuri venait de voguer aux frontières de la mort. Pauvre Akrillo. Il se décida finalement à se lever lorsqu'Haruka quittait sa chambre.
Masashi lui sourit, bien au courant de son sommeil feint. Rien de plus normal pour un senseur de son niveau. Il s'approcha avec calme et s'assit à côté du lit.
- Maitre, vous nous avez fait une peur bleue. Kat' n'a pas dormis pendant trois jours. Il lui tendit les lunettes. - J'en suis désolé, les choses ont dégénéré. Lui répondit Tsuri en les ajustant sur son nez. Décidément, je ne m'y fais pas. Je vais avoir besoin de toi, il me faudrait une tasse de thé, ma pipe et que tu me racontes ce qu'il s'est passé en détail s'il te plaît. Masashi secoua la tête de dépit devant ses lamentables excuses, mais consentit à lui répondre. - Pour le thé, c'est déjà en préparation, je vais tout vous raconter, mais vous ne pourrez pas fumer pendant encore quelques jours. Il désigna le torse du Senkage.
Tsuri baissa les yeux et prit conscience de l'état de son corps pour la première fois depuis le laboratoire. Il était bandé de la tête aux pieds, une vrai momie. Un bras en écharpe l’empêchait de pivoter et des tâches verdâtres apparaissaient ça et là sur son torse et ses jambes. D'après les odeurs qu'il percevait, même son visage empestait les herbes médicinales. Il releva la tête, un peu plus pale qu'alors.
- Je suis vraiment, vraiment désolé pour le soucis que je vous ai causé. C'était irresponsable de ma part et cela ne se reproduira plus. En revanche, des événements sont en marche et leurs conséquences pourraient s’avérer désastreuses. Je vais avoir besoin de vous.
Dans les jours qui suivirent, les jumeaux se relayèrent auprès du Shodaime pour veiller à sa sécurité et au maintien du blocus. Depuis son retour, peu de personne furent autorisées à lui rendre visite. Le Shodaime Senkage à l’hôpital n'était pas vraiment un genre de nouvelle rassurante pour la population, surtout si la presse venait à s'emparer de l'histoire. Déjà que la réputation de Tsuri n'était pas des plus glorieuses, si en plus on commençait à parler de sa petite santé, les pays voisins s'en donneraient à cœur-joie. Seul Akrillo et Haruka purent s'entretenir avec lui. Le premier se confondit en excuses et la seconde reçut des consignes pour les tâches administratives.
L'état de santé du Senkage s'améliorait de jour en jour, gagnant en mobilité et surtout en prestance. Son visage avait retrouvé ses traits d'autrefois et il put se débarrasser des bandages. La douleur s'amenuisait et il retrouva le sommeil. En revanche, c'est sa frustration qui grandissait à mesure de son rétablissement. Il prenait peu à peu conscience des conséquences de leur mission, grâce aux pièces à convictions retrouvées sur place. En plus de la correspondance avec Gendo, les deux shinobis trouvèrent dans les parchemins immaculés un rapport détaillé des enlèvements en plus d'instructions codées et plus important pour Tsuri, un document attribuant la supervision directe du laboratoire par Omura Leiko.
Cette nouvelle l'avait bouleversé. Il ne pouvait pas croire que son amie d'enfance, directrice de l'hôpital, soit complice d'une infamie pareille. Malgré la confidence, elle n'était pas venue le voir depuis son retour, elle n'avait jamais parcouru les deux étages qui les séparaient. Le doute l'assaillait et il faisait tous les efforts du monde pour ne pas le montrer. Bien au fait du tiraillement intérieur de leur sensei, les jumeaux ne relevèrent pas l'évidence, par peur d’aggraver les choses.
Tsuri s'obstinait à rester occupé pour éviter de réfléchir, il choisissait consciemment d'éviter la piste Leiko et décida de convoquer Gendo en premier. Le nom du chef de la division apparaissait sur une correspondance et il était le commanditaire de la mission. Jusque là rien d'anormale, mais un paramètre venait renverser complètement les apparences : Soko. La jeune femme, bien que volontaire à sortir le Shodaime des décombres, lui octroyant même les soins de premiers secours, avait disparu à l'instant où le Mizushi avait accosté au port du village. Pire, Katsuo était revenu des archives bredouille.
Hormis le fait qu'elle soit l'assistante de Gendo, rien n'indique un talent particulier. J'ai posé la question à ses anciens camarades, on la dit sympathique, serviable et altruiste, mais ça s'arrête là.
Comment une kunoichi si expérimentée pouvait-elle être inconnue de ses pairs ? Sans trouver de réponse, il n'était pas difficile de faire le lien entre les expériences du laboratoire X-23, Soko, Gendo et le clan Omura. Tsuri plongea dans sa mémoire. Lors de son passage au sein du clan, il en avait appris l'histoire et notamment le schisme entre les deux entités durant la grande guerre.
D'un côté, des chercheurs prêts à tout pour l'avancée de la science, occultant l'humain au profit du progrès. La quête de la vie éternelle, principal moteur de ce courant, entraînait dans son sillage beaucoup de dommages collatéraux. D'après les histoires (orales uniquement), le clan vivait de l'esclavage, pratiquait des expérimentations sur des cobayes humains et revendait au plus offrant les armes biologiques fabriquées grâce à ces dernières. On les nomme Progressistes. À l'inverse, les Éthiques se levèrent contre les pratiques barbares de leurs congénères et prirent peu à peu la tête du clan, du moins officiellement. Difficile de connaître le déroulé exacte des événements, mais d'après ce que lui avait dit Leiko, certains, jugé trop dangereux, furent assassinés, d'autres menacés et mit sous surveillances et quelques uns périrent de leurs propres expériences. À l'heure d'aujourd'hui, les deux mouvements cohabitent toujours.
Lors de son intronisation, Meyo s'était longuement entretenu avec Leiko. En partant, le jeune Kage avait acquis trois certitudes. Premièrement, il était impossible d'exclure du clan les Progressistes encore en vie ; c'était se séparer de trop de progrès, d'avancées médicales et de compétences. Deuxièmement, ils vivraient sous l'égide et la surveillance des Éthiques. Troisièmement, si le rapport de force venait à changer, Tsuri serait le premier au courant. S'il avait su à l'époque ce que ces compromis impliqueraient. Il ne pourrait pas repousser indéfiniment son entretien avec Leiko.
Assis sur son lit le regard fixe, il essayait de faire le tri dans ses pensées. Dans le couloirs, des bruits de pas lui parvinrent. Il lissa la couette sur ses jambes et chassa les doutes de son esprit. Masashi se leva et s'installa contre le mur du fond. On frappa à la porte.
- Entrez. Omura Gendo s'avança dans la chambre. Une chaise installée en face du lit l'attendait. Asseyez-vous, dit-il en désignant cette dernière. Vous m'excuserez, mais j'ai interdiction de me lever pour l'instant. Vous connaissez Masashi et Katsuo ? Question rhétorique, tout le village connaissait les protecteurs, au moins de réputation. La jeune femme venait de fermer la porte derrière eux. J'aimerais m'entretenir avec vous au sujet du laboratoire X-23.
Omura Gendo se trouvait devant la porte qui abritait le dirigeant du village. Entrer dans la pièce où se trouvait le Senkage. Il savait que cette rencontre aurait eu lieu tôt ou tard mais jamais il n'aurait pensé que cela se produirait si tôt. D'après ce que sa chère Soko lui avait rapporté, aucun des documents n'était "compromettant" même si son nom figurait sur certains d'entre eux. Après tout, n'avait-il pas commandité lui-même la mission? Cela faisait un petit moment qu'il avait eu ces informations de première main. Il avait, entre temps, pu prendre la peine d'avancer ses pièces dans l'ombre. La perte du laboratoire X-23 était dommageable certes mais les "résultats" de la jeune cobaye l'impressionnèrent quand il entra dans la chambre. Le Senkage était alité. Preuve de résultats s'il en faut. Impassible, le vieil homme entra. Soko avait longuement insisté pour l'accompagner, d'autant plus quandf elle avait appris que le Kage était accompagné de ses protecteurs. Elle les estimait hautement, signe de valeur et de pouvoir à vrai dire.Ce qu'il s'apprêtait à faire aurait pu être perçu comme une trahison gigantesque de son village mais, dans sa tête, tout était parfaitement clair. Pour son village, pour la science, il était parfaitement prêt à sacrifier autant de vies que nécessaire. Au grand dam de quiconque, ces sentiments n'étaient que peu partagés et indéchiffrables chez l'ancien Omura.
Laissant son dirigeant parler, il le salua poliment et regarda les protecteurs d'un air distrait. Valaient-ils Kei et Kurima? Au vu de leurs regards respectifs qui le jaugeaient, Gendo les apprécia brièvement et sourit. Peut-être. Peut-être pourraient-ils les tenir en respect. Qu'importe, le sujet n'était pas là. D'une main lente, il déposa un petit panier sur le bas du lit de Tsuri.
"Une modeste offrande pour votre convalescence Senkage-sama. C'est une sélection de thés que je fais pousser. J'espère qu'elle vous plaira. On vous dit amateur de thé."
Lustrage de poils en règle. Son regard rieur devint plus sévère quand le Meyo lui parla du laboratoire X-23. Il était donc bien venu pour cela. Parfait. Faisant doucement glisser une chaise à lui, le vieillard posa le parchemin et les documents avec lesquels il était venu à ses pieds et prit une pose attentive. Tout chez lui était une façade. Cela faisait plus de vingt ans que la vie de Gendo était une posture. Il avait ourdi dans l'ombre son plan et les rouages de ce dernier commençaient à s'imbriquer lentement. Ce jour était important pour lui. Ses actions devaient être parfaites.
"Je m'en doutais à vrai dire. La "conclusion" de cette mission m'a laissé sur ma faim pour être honnête, vous aussi je suppose. J'ai donc amené quelques éléments qui pourraient peut-être vous intéresser."
D'une paume ouverte, il désigna les chemises de documents à ses pieds et le rouleau, justifiant ses dires par la même occasion. Le Senkage semblait l'évaluer mais nulle fissure dans son armure ne semblait palpable. Alité, l'homme en face de lui était certes affaibli mais Gendo éprouvait pour lui un profond respect.
"Avant d'aller plus loin, dites moi d'abord ce que vous souhaitiez me dire. Nous risquons d'avoir besoin de temps devant nous, lacha-t-il d'un air grave. Puis-je vous servir un thé?"
D'un mouvement de menton, il désigna la théière posée plus loin. Sans se départir de son ton sérieux, il attendit la réponse de son chef de village et écouta sous l'air inquisiteur des deux protecteurs, sans doute un brin paranoïaques à force de voir des menaces contre la vie de leur maître partout.
Feat.
Meyo Tsuri
Senkage
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Il ne cillait pas. Assis confortablement dans son lit d’hôpital, le Shodaime observait calmement le directeur du DAPHU faire des ronds de jambe. La conversation à venir serait d'une importance capitale, l'une des plus importantes de son mandat et du fond de son lit, il commençait avec un handicap notable. S'il avait eu le choix, il aurait privilégié son bureau, au centre du village, dans la tour du Senkage, où son pouvoir judiciaire était à son paroxysme, bien aidé par les symboles. Au lieu de ça, il recevait le potentiel instigateur d'une conspiration dans sa chambre d'hôpital, où tout autour de lui renvoyait à son état de faiblesse. En plus de cela, Gendo n'était pas venu seul. Il s'était, l'espace d'une seconde, surprit à écarquiller les yeux en voyant Soko entrait dans sa chambre. Il s'obligeait à présent à ne pas jeter un coup d’œil à la jeune femme. La kunoichi, dont le passé était aussi obscur que ses capacités, se tenait à quelques mètres de lui. Il s'efforça à ne pas en tenir compte et fut bien heureux de savoir ses kagemushas à ses côtés, seul vestige de son rang.
Tsuri salua timidement le présent avant de reprendre une position stable. Les mains jointes, le dos droit, il écouta attentivement les paroles du vieil homme. « C'est le moins que l'on puisse dire. » pensa t-il. « Des documents ? Rien que ça », difficile de contenir un rictus.
- Restez assis, dit-il un plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu. Masashi, s'il te plaît.
D'une petite impulsion, son protecteur se décolla du mur et traversa la pièce. Il jeta un regard assassin à Soko en la frôlant. Les jumeaux n'avaient pas digéré les blessures de leur maître. Akrillo s'était déjà excusé auprès d'eux à maintes reprises. Il ignora délibérément le présent du vieil homme et s'attela à faire bouillir de l'eau. Tsuri laissa le silence s'installer, ponctué par moment par des tintements de porcelaine. Dans le monde shinobi, les interrogatoires étaient monnaie courante. Il existe des paramètres biologiques et psychologiques à régler pour mener à bien la recherche de vérité. L'attente créer chez les coupables une gène palpable, souvent traduite par un excès de sudation, un regard fuyant et des gestes nerveux. Bien entendu, chez les guerriers de haut niveau, ces petites « astuces » n'étaient d'aucune utilité, mais le Shodaime tentait, sûrement inconsciemment, de prendre l'ascendant sur son subordonné.
- Montrez-moi ces éléments je vous prie. Demanda t-il, poliment cette fois.
Il ignorait délibérément les requêtes de Gendo. Difficile de faire le point sur la situation. De sa position, il existait plusieurs possibilités et il essayait frénétiquement de les réduire. S'il fut vexé par la manœuvre, le vieil homme n'en montra rien et se pencha pour attraper les documents. De nouveau, Tsuri salua l'effort sans trop de correction et commença sa lecture. Masashi versa de l'eau dans les tasses et servit les deux hommes.
Derrière le large parchemin, le séparant des regards inquisiteurs, il baissa sa garde. Sa lèvre supérieur se retroussa et ses narines se dilatèrent. Du coin de l’œil, il aperçut Katsuo froncer les sourcils en le regardant. Il inspira profondément, le plus silencieusement possible et expira en fermant les yeux. Il essaya tant bien que mal de retrouver son calme. Il sentait ses tempes se soulever au rythme effréné de ses battements de cœur. Malgré cela, lorsqu'il roula le parchemin et le déposa sur sa table de chevet, son visage ne laissa rien transparaître. Il prit une gorgée de thé et reposa la tasse.
- Vous vous doutez sûrement des questions qui vont suivre, mais je vais tout de même les énoncer. Commençons. Depuis combien de temps ces documents sont-ils en votre possession ? et qui vous les a remis ?
L'impatience du Senkage et son état de fatigue jouaient en faveur de Gendo. Il souhaitait voir les documents en premier lieu. Tant mieux, cela arrangeait grandement le directeur de la D.A.P.H.U. Malgré les regards insistants de ses protecteurs, apparemment agacés par la présence de Soko, il baissa son bras sur la chemise de documents et l'ouvrit lentement. Ses mains ridées feuilletaient les papiers quelques instants comme s'il cherchait quelque chose. Il savait exactement quoi chercher. Mais d'abord, il lui fallait apporter une réponse à son dirigeant. D'un air humble, il reprit la discussion:
"Certains de ces documents sont en ma possession depuis plusieurs années."
La lueur de curiosité et de doute qui envahit les yeux du Kage fit sourire intérieurement Gendo. Il n'avait qu'à le cueillir. Toute son attention était focalisée sur les prochains mots qu'il allait offrir. Faisant glisser quelques documents jusqu'au Meyo par le biais des protecteurs, il enchaina:
"Des rapports d'incident. Cela a commencé par ça il y a quelques années. Au début, cela semblait sans importance mais les éléments se sont accumulés et..."
Il continua de distribuer des documents les uns après les autres. Etranges disparitions, membres de la faction Ethique retrouvés curieusement blessés, empoisonnés ou morts. Demandes d'autorisations étranges de la part de sa dirigeante. Comme un vieil homme usé par les années, il semblait déballer son sac, las de porter pour lui un secret trop lourd. En réalité, son plan était parfaitement ficelé. Chaque document était amené avec intelligence pour faire basculer le Kage de son côté. Nombre de ses documents étaient authentiques et certains, bien entendu, faux, faisaient basculer l'opinion du lecteur. Cela dit, même avec un expert en authentification de documents, il serait impossible de démontrer que ces documents avaient été falsifiés. Gendo était juge et parti dans cette affaire. Les documents accablaient principalement Mifuyu, son adversaire de toujours. La présence de Leiko en filigrane était là, troublante et ténue certes, mais assez significative pour laisser penser à une collusion certaine entre les deux femmes malgré le comportement "cordial" qu'elles manifestaient l'une envers l'autre. Une fois son petit discours terminé, il but quelques gorgées de thé et se racla la gorge en soupirant longuement du nez.
"Vous savez tout Senkage-sama. A vrai dire, je m'excuse de ne pas m'être manifesté plus tôt mais je manquais d'éléments probants. Disons que je n'ai pu que vous alerter il y a peu par le biais de la mission à X-23. Je savais que le voile se lèverait lors de cette mission. Cela dit, ne sachant pas qui allait y être affecté, j'ai envoyé en support mon assistante, Soko. Sous ses dehors austères, elle reste ma plus fidèle collaboratrice et mon garde du corps attitré depuis des années."
Les mots du vieillard attirèrent un sourire poli de Soko. En son for intérieur, elle était ravie. Son Maître venait de la complimenter. Et avec quel génie pardonnez du peu. Avec ces quelques mots, il avait désamorcé les derniers doutes qui devaient rester dans l'esprit du Kage concernant les capacités "anormalement" élevées de la shinobi. Elle était sa garde du corps après tout. Pourquoi ne serait-elle pas capable de combattre à haut niveau? Sa présence lors de la mission était toute justifiée. Le vieux Gendo n'étant pas en état de se déplacer, il avait donc fait envoyer la personne en qui, après Kei et Kurima, il avait le plus confiance pour s'assurer du bon déroulement de la mission. Face à tant de révélations, il semblait avoir vu le Senkage s'affaisser, comme usé lui aussi un instant. Pourtant, le regard qui parcourait les documents était loin d'être éteint. Au fond du dirigeant du village caché, quelque chose s'était mis en mouvement. Quelque chose d'énorme. De puissant. Quelque chose d'animal. Gendo jouait avec le feu et venait d'attiser Tsuri. Les flammes allaient-elles prendre? Sans nul doute. Mais jusqu'où allaient-elles brûler? Et qui? La réponse à cette question changerait la face du clan Omura.
Feat.
Meyo Tsuri
Senkage
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Katsuo se chargeait de transmettre les parchemins à son maitre. Il en survolait le contenu rapidement; des rapports d'incidents, des disparitions, des admissions à l'hôpital, des conclusions de missions douteuses et ainsi de suite. De ci et là, on identifiait clairement des noms : celui de Mifuyu et celui de Leiko. Les tournures de phrases, les interprétations, les flous, tout cela formait un schéma obscur. Son regard se posait ça et là sur un mot, une forme grammaticale particulière, sur des événements volontairement simplifiés. Dans son esprit, il positionnait les éléments au fur et à mesure, essayant vainement de les relier pour résoudre une vaste et terrifiante équation.
Il ne leva pas les yeux une seule fois vers Gendo, mais ne manquait une miette de ses explications. À travers ses mots, il cherchait une faille, un semblant d'hésitation, une gaffe maladroite. Il ne lui faisait pas confiance. Malgré tout ses efforts, le vieil homme s'en tirait à merveille et son exposition paraissait naturelle, sans fausses notes. Tsuri essayait tant bien que mal de garder une expression neutre, mais l'accumulation d'évidences rendait la tâche difficile. Arriva la conclusion de l'Omura.
« Vous savez tout Senkage-sama. (Je ne sais rien, tu veux dire). A vrai dire, je m'excuse de ne pas m'être manifesté plus tôt mais je manquais d'éléments probants. (Et qu'est-ce que je tiens dans mes mains dans ce cas ?). Disons que je n'ai pu que vous alerter il y a peu par le biais de la mission à X-23 (De la manière la moins directe possible). Je savais que le voile se lèverait lors de cette mission. Cela dit, ne sachant pas qui allait y être affecté, j'ai envoyé en support mon assistante, Soko (Nous y voilà..) Sous ses dehors austères, elle reste ma plus fidèle collaboratrice et mon garde du corps attitré depuis des années. »
Il leva la main pour le faire taire. Il en avait assez. La lassitude le submergeait, puis un pincement au cœur. Ses pulsations s'intensifièrent, il sentait son cou ondulait sous la pression veineuse. Il ferma les yeux en voyant l'expression inquiète de sa protectrice et s'efforça de réguler son pouls. Il inspira profondément avant de relâcher. Lorsqu'il les rouvrit, le vieil homme jetait sur un lui un regard de compassion, ce qui n'arrangea pas son angoisse. « Cet espèce de vieille corneille ». Pour gagner du temps, le Shodaime se massa la nuque un moment avant de reprendre.
- Je vous remercie de votre aide Gendo, vous m'apportez plus de réponse que je n'ai de question. La pique était évidente. J'ai beaucoup d'éléments à examiner grâce à vous. Quand à Soko, il se tourna vers elle, elle est particulièrement douée. Pour avoir pu observer de prêt son talent, je dirais même que c'est une virtuose, comme si elle avait un coup d'avance sur tout le monde (Tu ferais bien de te taire). Il reporta son attention sur lui. Si vous obtenez d'autres éléments, je compte sur vous pour me les apporter. Je vous laisse retourner à vos occupations, je dois me reposer et consulter tout cela en détail. Conclut-il en désignant la porte.
Il regarda l'Omura se levait et sortir de la pièce. Alors que Soko s’apprêtait à l'imiter, Tsuri l'interpella.
- Un moment Soko. Elle se tourna vers lui. Je voudrais vous remercier en personne de m'avoir tirer des décombres. Lorsque l'on agit dans l'ombre, on peut être éblouie par la lumière. Il prit un moment avant d’enchaîner. Cette petite fille, si vous n'aviez pas été là... Il termina pour lui, nous aurions sûrement réussit à obtenir plus de réponse. J'ai le sentiment que nos chemins seront amener à se recroiser.
Elle salua poliment avant de sortir, aussi impassible que son seigneur et maître. Tsuri s’effondra sur le coussin une fois assuré que ses invités ai disparu. Son angoisse naissante le tiraillait et il eut l'impression que son cœur voulait sortir de sa poitrine. Les feuilles éparpillées sur le lit lui criaient une sombre vérité qu'il n'arrivait pas à accepter : Leiko était donc liée à toute cette histoire. Les répercussions seraient terribles. Les certitudes de naguère venaient d'être balayées en quelques secondes et il ressentit la lame terrible de la trahison lui ouvrir les entrailles. Face à ce constat cruel, il détourna la tête et se mit à pleurer.
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