Parce que les plus belles fleurs ont des épines [PV Kamiko Fumetsu]

Le poids des ambitions réclamait parfois de savoir faire quelques concessions, parfois quelques sacrifices. Toute la question était de connaître les limites avec lesquelles on était près à jouer, jusqu'où serions-nous près à aller et qu'est-ce que l'on était près à perdre. Yuriko s'interrogeait encore un peu à ce propos ou tout du moins... sur certain cas. Si elle désirait devenir Hokage, il lui était nécessaire d'essayer d'atteindre les gens d'influence et malheureusement pour elle, tout jouait contre elle. Elle n'était pas une clanique, elle n'était pas une aristocrate. Elle était un peu... l'outsider de l'élection à venir, elle était la femme du peuple qui avait réussi grâce à l'assiduité de son travail et qui n'avait jamais baissé l'échine malgré sa basse naissance. Elle était après tout, une femme de la terre... et ce n'était pas pour rien qu'elle se tourna en premier lieux vers le clan Kamiko. Ils possédaient ce point commun. Mais il était également un clan de poids dont l'art était un atout précieux pour le village. Entretenir de bon rapport avec ces derniers ne pouvait être qu'un avantage et sans nul doute que leur appui pouvait peser son poids dans la balance. Après tout, face à elle, il y avait son vieil ami Naoshige qui profitait de l'influence de son clan, les Senju, mais aussi celui de sa jeune épouse, les Hyuga. Sora Inuwashi, quant à lui, était une tête brûlée mais un homme bon, un chef de clan qui aurait sans nul doute un profil qui pourrait aisément plaire aux Uchiha de part le caractère guerrier prononcé qui était le sien.

Peut-être que beaucoup aurait alors baissé les bras, beaucoup aurait renoncé. Pas la jeune Tadake. Qu'importait les adversaires qui se dressaient sur son chemin, Yuriko n'était pas le genre de femme à accepter de ployer si aisément, pas sans tout donner. Ce fut donc guider par cette conviction qu'elle fut amenée à se rendre dans le domaine fleuri du clan Kamiko, un très beau domaine soit dit en passant qui la séduisit rapidement. Impressionnée par leurs immenses jardins, elle fut admirative des ouvrages végétaux et de la beauté des lieux. A ne pas s'y tromper, il s'agissait sans doute de l'un des plus beaux domaines claniques.

Pour l'occasion, la jeune femme avait désiré faire honneur aux gens qu'elle souhaitait rencontrer et s'était parée en conséquence d'un kimono confectionné dans un de leurs tissus si élégants. Elle n'était pas venue non plus les mains totalement vides, mais avec un ouvrage qu'elle destinait à l'homme qu'elle désirait voir : Kamiko Fumetsu. A son arrivée, elle croisa quelques uns des hommes du clan à qui elle se présenta et expliqua les raisons de sa visite. On lui indiqua alors qu'il y avait une grande chance de trouver le jonin intriguant dans la grande serre du domaine.

D'un pas serein, Yuriko prit note de la direction et s'en alla tout en laissant promener son regard sur les maisons bourgeoises, les jardins et tout ce qui borda son chemin. Lorsqu'elle se retrouva là où elle désirait, elle vit que la porte des lieux étaient légèrement entrouverte. Polie, elle toqua dans un premier temps.

" Y a-t-il quelqu'un? "

N'ayant aucune réponse, la kunoichi s'autorisa d'entrer dans les lieux. Là, elle s'émerveilla de la multitudes de spécimens en fleur qui s'y trouvait, donc un certain nombre de plantes médicinales : des achillées, des fleurs d'arnica, de la camomille, des hibiscus... mais aussi des fleurs d'ornements comme les roses, des lys, des bégonias et des pensées... Mais ce fut sur une plante bien particulière que s'arrêta la jeune femme, une plante bien connue et dont la beauté des petites fleurs était égale à la dangerosité de ses baies : la belladone.

" Haaa... qu'il est bien rare de pouvoir profiter de leur beauté... "

La main délicate de la jeune femme se permit alors d'effleurer les pétales sombres de ses fleurs alors qu'un petit sourire naquit sur le bord de ses lèvres. Le maître des lieux semblait avoir des goûts très éclectiques.

Lorsque la voix mielleuse de Fumetsu lui parvint, Yuriko se redressa légèrement, quittant de vue la fleur qu'elle admirait pour s'en retourner vers le propriétaire de ces lieux. Là, poliment, la jeune femme le salua comme le voulait les convenances.

" Veuillez me pardonner. Je n'avais pas le désir de venir vous troubler en ces lieux. Je me suis permise d'entrer car la porte était ouverte et personne ne sembla me répondre. J'espère que vous ne tiendrez pas rigueur de mon attitude cavalière. "

Lorsqu'elle se reprit, un sourire s'afficha sur ses traits.

" Mais sachez qu'en réalité, l'honneur est le mien. Votre clan possède l'un des domaines les plus agréables qui soit et votre nom sonne comme une fierté de ce village de part les arts qui sont les vôtres. "

Le clan Kamiko était bien connu, personne n'ignorait leur nom. Ils avaient réussi à se forger une solide réputation et étaient respectés. Paradoxalement, il n'en était pas moins plutôt discret et l'on ne connaissait pas réellement leur position politique. Mais Yuriko n'était pas uniquement sensible à leur sens aigu des beaux tissus, elle savait également que parmi eux, beaucoup pratiquait l'art de l'iroujutsu et pour cette raison, il lui était impossible de les ignorer.

" Si je me permet de venir vers vous aujourd'hui, c'est dans le but de pouvoir m'entretenir avec vous. Je reconnais que ma démarche peut paraître étrange et sans nul doute aurait-il fallu que je vous écrivisse en premier lieu, mais nous vivons d'une manière où chaque minute est précieuse, aussi préférais-je venir directement vous rendre visite. "

Ce fut à cet instant que la jeune femme se saisit du rouleur qu'elle avait emmené avec elle, et tendit ce dernier en direction de son hôte.

" Néanmoins, pour me faire pardonner de ce manque de convenance, je me suis permise de venir avec un présent. "

Le regard aux prunelles noires de la kunoichi se posa sur son camarade, en espérant que cela réparerait l'offense de son intrusion.

" J'ai entendu dire, Fumetsu-sama, que vous étiez intéressé par les arts médicaux. Voici un parchemin qui regroupe quelques notions essentielles de cet art pour certaines techniques complexes mais aussi quelques annotations par moi-même qui pourraient vous aider dans vos apprentissages futurs. Ils m'ont été personnellement d'une grande aide. "

Le sourire aux lèvres, elle finit néanmoins par lever le mystère sur les raisons de sa visite.

" Quant aux raisons de ma présence, je suppose qu'elles n'ont pas échappé à l'homme important que vous êtes. Vous devez déjà savoir que je me présente avec quelques autres camarades, à l'élection du poste de Hokage. J'aurais aimé connaître la position de votre clan à ce sujet mais surtout les attentes qui pourraient être les vôtres pour l'avenir du village. "

Chaque clan avait sa vision des choses, chaque clan avait des attentes qui leur étaient propres. Pour atteindre un poste aussi élevé, il lui fallait nécessairement connaître les opinions de tous et leurs aspirations. Le clan des tisseurs ne manquait pas à la règle, et peu-être pourrait-elle aller jusqu'à espérer un appui de leur part.

Un drôle de sentiment parcouru la jeune femme au moment même où elle tendit son présent à son camarade, une légère petite tension qu'elle crut voir passer à la vitesse d'un éclair dans le regard rieur de son hôte. Venait-elle de mettre involontairement le doigt sur quelque chose qu'elle n'était pas censée... connaître? La plus grande erreur que pouvait commettre ses pairs était de croire qu'elle se coupait totalement du monde. Bien qu'elle eut toujours été une jonin relativement discrète, son intérêt pour les arts médicaux était particulièrement poussé. Ses oreilles étaient toujours tendues, à l'affût de toutes informations qui pourraient lui servir, que cela soit des innovations dans le domaine ou bien des connaissances ancestrales qui pourraient révéler quelques secrets. Pour cette raison, elle prêtait de la même façon beaucoup d'attention à tout ce qui commençait à se pencher sur sa discipline de prédilection. Oh! Ce n'était pas par peur de la concurrence, bien au contraire. Un savoir commun pourrait éventuellement se révéler plus prolifique. Et si on se demandait comment la jeune femme avait eu vent de cette information, et bien, cela demeurerait un secret de shinobi...

Aussitôt, Fumetsu finit par inviter la jeune femme à le suivre, lui concédant ainsi quelques secondes précieuses de son temps afin d'entamer une discussion sérieuse sur les évènements à venir. Toujours souriant, il lui présenta une place sur un banc au sein même de sa vaste serre dont les parfums multiples embaumaient l'air agréablement. Prenant place aux côtés de l’intriguant membre du clan Kamiko, la kunoichi sourit à écoutant ses remarques.

" Oh? Surpris? Vraiment? Mais quelle étrange vision aurais-je de la position de Hokage si je venais à vouloir mener une campagne par la division? Je ne nie pas espérer compter sur l'appui de beaucoup de gens de ma condition, mais je suis également une shinobi. La plupart de mes compagnons, de mes élèves, sont des claniques. La plupart de nos vaillants combattants le sont également, sans compter que les clans sont les pères fondateurs de ce village. Il serait un grand tort pour moi de leur tourner le dos et de ne pas profiter de la sagesse de chacun. "

Le regard de la jeune femme quitta la pâle figure de son compagnon pour observer les plantes environnantes. La serre s'avérait immense et lumineuse, il y avait même quelques insectes dont d'agréables petites papillons qui devaient profiter de la chaude température des lieux.

" Si comme vous le dites, les visées de votre clan vous sont inconnues, il m'est difficile de croire que vous n'en êtes pas moins un homme écouté et respecté des vôtres. Vous possédez une réputation, Fumetsu-sama. Une bonne réputation. "

La doctoresse se tourna vers lui en souriant.

" Quant à ceux que je peux vous apporter, il me serait facile de vous faire des promesses. Je pourrais vous appuyer en retour pour quelques uns de vos projets, être plus aisément à l'écoute des besoins de vos clans, vous offrir un poste plus élevé...  Mais cela serait peut-être vide de sens sans connaître vos aspirations. Peut-être que tout cela ne vous intéresse pas après tout. "

Yuriko, toujours tournée vers le jonin, désigna du doigt le parchemin offert et dissimulé dans sa manche.

" Je pourrais aussi prendre le temps et le soin de vous enseigner quelques rudiments des arts qui se trouvent dans ce parchemin si cela vous sied.  "

Le sourire de la jeune femme s'étira de plus belle.

" Je suis certaine d'être capable de pouvoir vous apportez quelqu'un chose... en supposant que vous pourriez en faire de même pour moi. "

Ce fut avec beaucoup d'attention que la jeune femme écoutait son hôte. Ce dernier semblait toujours faire preuve d'une grande humilité ou bien Yuriko concédait peut-être en faire un peu trop dans la flatterie. Toutefois, si elle avait choisi un homme comme lui, avant même de faire le choix de s'entretenir avec le chef de clan, ce n'était pas un hasard total. Le clan Kamiko était un clan sur la réserve, il paraissait assez aisé de s'en approcher et pourtant, il donnait l'impression de toujours maintenir une sorte de distance. Peut-être étais-ce aussi ce qui expliquait que leur domaine se trouvait à la lisière du village, contrairement au clan fondateur. Elle avait entendu parler de Fumetsu, en tant que jonin mais aussi en tant qu'homme raffiné et intelligent. Ayant actuellement le même grade, il lui avait apparu plus accessible mais pas que...

" Mmmmm... vous savez... je vais peut-être vous étonner. Mais je pense que même si vous ne possédez pas un haut grade au sein même de votre clan, vous êtes tout à fait à même de m'y aider. Vous semblez être un homme intelligent et vous savez que parfois, pour atteindre son but, il n'est pas toujours nécessaire de se confronter frontalement. Il suffit... de faire germer une idée, de la laisser grandir dans l'esprit... Quant aux penseurs les plus rudes, on peut les amener à croire qu'ils en sont la source d'inspiration, les initiateurs. Vous qui êtes le maître de cette serre, j'aimerais que vous deveniez celui qui sème la graine qui grandira au cœur de votre clan, une graine qui chuchotera peut-être mon nom comme étant une alternative possible à l'avenir qui nous attend. "

Un petit sourire malicieux se dessina sur les traits de la kunoichi. Bien que peu de personnes connaissait cette partie de la personnalité de la jeune femme, cela ne signifiait pas qu'elle n'était pas capable de se montrer plus joueuse et plus manipulatrice que ce qu'on lui concédait. On ne devenait pas jonin en demeurant naïf, à moins d'être une force brute de la nature. Lorsque l'on manquait d'atout, il fallait trouver d'autres manières de compenser le manque et apprendre à développer de nouvelles stratégies. Et si une femme sans nom et sans fortune comme elle avait réussi à attendre sa position, il ne fallait pas croire que cela était uniquement dû au hasard.

Alors que Fumetsu lui déclara que de son point de vue personnel, il était pour que les choses évoluent dans la même ligne directrice que Akimichi Chô, le sourire de Yuriko s'étira avant de laiser échapper un petit rire cristallin à l'évocation de sa dernière prose.

" Votre vie? Vous seriez donc près à l'engager si je parvenais à vous atteindre? Voilà donc mes ambitions encore grandies d'un nouveau défi. Mais pourquoi pas? Je suis certaine que vous pourriez devenir un atout précieux. "

A ces mots, la jeune femme se releva gracieusement et s'approcha des plantes qui se trouvaient devant elle pour les admirer de plus près. Elle finit néanmoins par se retourner pour faire face à Fumetsu et planter ses petits yeux noirs dans ceux de son hôte.

" Même si actuellement cela ne peut vous paraître n'être que des mots, sachez que je comptais poursuivre l’œuvre de mon prédécesseur. Akimichi Chô était un homme d'une incroyable tempérance et avait à cœur l'évolution de ce village. Je souhaite en faire de même. J'espère pouvoir développer notre économie, notre défense mais aussi nos sciences et développer un large réseau d'informateurs, car je pense que l'information et la connaissance sont des clefs qui nous permettront d'avoir toujours un coup d'avance. Une meilleure communication pour être capable de faire face plus efficacement à un évènement comme la tragédie de Baransu. "

Un nouveau sourire s'étira sur le visage de la kunoichi.

" Je désire également développer un centre recherche et renforcer notre centre médical actuel. J'avais dans l'idée également de créer une serre médicale à une assez grande échelle pour pouvoir développer des remèdes plus efficaces à nos shinobis et que nous évitions par conséquent d'être dépendant d'autres nations en matières premières. Vos compétences seraient précieuses pour épauler ce projet, tout comme vos conseils. "

Difficile à dire si ces idées-là pouvaient être du goût de son interlocuteur, mais ce n'était qu'un avant-goût de ses propositions.

Fumetsu était un homme difficilement discernable, que cela soit au travers de ses sourires ou du regard qu'il portait à son interlocuteur. L'ironie, le cynisme ou des paroles sincères sur ses intentions, il était définitivement une personne troublante, même pour Yuriko. Alors qu'elle se tenait toujours en face de lui, elle se laissait à l'observer, de ses gestes à ses mimiques bien qu'elle n'avait pas l'impolitesse de paraître insistante. Non, elle cherchait... à peut-être comprendre l'homme.

Dans tous les cas, la konohajin pouvait au moins se féliciter d'avoir réussi à éveiller un peu son intérêt, ou en tout cas, celui de l'homme de sciences et de recherches lorsqu'elle évoqua son projet. Il enchaîna d'ailleurs de nombreuses questions, étirant un large sourire sur le visage de la jeune femme.

" Et bien, je ne pensais pas que ce projet puisse autant titiller votre intérêt mais j'en suis heureuse que cela puisse vous inspirer. "

Laissant son sourire briller malicieusement, elle reprit le dialogue en tentant de répondre point par point à son camarade afin de satisfaire sa curiosité.

" Je n'ai pas encore décidé de qui serait à la tête de cette infrastructure. J'espère pouvoir étudier plusieurs candidatures car il me serait nécessaire d'avoir une personne sérieuse et appliquée. Comme vous l'avez bien dit, je ne peux me permettre de mettre une personne incompétente dans ce rôle, mais quelqu'un d'organisé et capable d'avoir une vision d'ensemble claire. Je voudrais une personne capable de créativité et apte à mener des études utiles pour notre société, auxquels bien entendu je compte bien fournir quelques suggestions. D'ailleurs, si je ne suis pas élue, j'espère pouvoir tout de même apporter ce projet devant le prochain Kage et en prendre moi même la direction si nécessaire. "

Demeurant toujours en face de son interlocuteur, la konohajin continua ses explications.

" Je désire coupler ce projet par la création d'une grande serre botanique rassemblant principalement des plantes à vertus thérapeutiques et médicales. Cela nous permettrait de baisser les coûts des remèdes et autres objets de soin pour nos shinobis, nos concitoyens mais aussi nos propres recherches en ayant de la matière première à disposition. Avec un centre de recherche en plus, nous pourrons améliorer nos services. "

Finalement, la jeune femme revint s'asseoir aux côtés de son hôte, posant ses mains sur le banc, se penchant légèrement en avant et tournant sa figure dans sa direction. Ses cheveux d'ébène glissèrent dans un étrange ballet le long de son épaule alors que son esquisse ne s'était pas éteinte.

" Est-ce que cela serait susceptible de vous intéresser? "

L'insondable Fumetsu lui paraissait toujours difficile à saisir, pourtant, elle espérait sincèrement que l'innovation dans les sciences qu'elle voulait insuffler pourrait lui être favorable. Jusque là, elle n'avait pas entendu de candidats faire de telles propositions, cela faisait partie de son unicité.

Yuriko ne quitta que peu du regard le jeune Kamiko. Ce ne serait pas au détour de cette modeste visite qu'elle pourrait apprendre à le connaître, mais elle s'interrogeait beaucoup à son sujet maintenant qu'il se tenait devant elle. Son étrange sourire qui ne parut quitter son visage semblait un bel artifice pour dissimuler ses pensées. Après tout, comment rendre sa figure indéchiffrable en n’arborant qu'une unique expression? Une manière de se protéger... soi-même ou bien ses ambitions. Alors qu'il jouait toujours avec les pans de tissus de son kimono et avec ces doigts, ce dernier semblait soutenir le projet évoqué.

Elle était venue pour obtenir son vote. Voilà qui paraissait en bonne voie. Il suffisait de trouver le point d'intérêt de chacun. Les sciences étaient visiblement celui de Fumetsu. Toutefois, bien que cela fut sous-entendu, ce dernier souleva la question que toute personne qui s'engageait dans la voie scientifique se posait à un moment donné ou à un autre : quelles étaient les limites du savoir? Jusqu'où était prêt à aller dans l'expérimentation? Quelles risques allait-on considérer comme acceptable? Elle ne nierait pas qu'elle fut obligée d'y penser, depuis longtemps d'ailleurs.

Les raisons qui l'avaient poussé à faire médecine étaient assez personnelles, puisque cela relevait du fait que son frère était aveugle. Elle avait accédé à ces connaissances et chercher à les étendre uniquement dans le but de trouver un moyen de lui rendre la vue. Toutefois, depuis le temps qu'elle pratiquait, il lui était apparu qu'il n'était pas possible de réparer quelque chose qui était déjà "mal conçu". Si elle voulait un nouveau regard pour Kyoshiro, il lui faudrait de nouveaux yeux. Une terrible vérité qui l'obligea à se demander : accepterait-elle de sacrifier quelqu'un pour cela?

" Mmmm... il est vrai qu'une science sans limite pourrait amener à franchir des barrières inimaginables et paradoxalement, nous en mettre pourrait être la porte fermée qui nous empêche d'atteindre notre but. Il est bien difficile de trouver un juste milieu, notamment lorsqu'il est évident que tout le monde ne porte pas le même regard sur une même chose. Après tout, il a bien fallu que des pionniers concèdent à effectuer des recherches de manières peu orthodoxes pour faire avancer les choses. Aujourd'hui, on s'en étonnerait moins. "

Yuriko demeura volontairement floue sur le sujet, cherchant à penser ses mots et à bien les choisir.

" Comme vous l'avez si bien tourné, la médecine jongle entre l'immonde et le sacré. Je suis personnellement pour l'avancée qui profite au plus grand nombre, mais cela ne signifie pas pour tant que je désire que l'on y perdit son âme. Je n'aime pas les sacrifices inutiles mais je souhaite toutefois que notre Village devienne bien plus puissants. Notre science doit être un outil qui sert son prochain, de la même façon, que nous, shinobi, nous servons aussi les desseins des plus grands. "

Un sourire un peu triste se dessina sur son visage. Les shinobis commettaient des horreurs au nom de plus grand dessein. Croire que la science pouvait en échapper était une utopie. Les premiers savants avaient dû mettre leur nez dans des cadavres pour apprendre à connaître l'anatomie et cela avait été jugé immoral à leur époque. Les ninjas tuaient pour sauver d'autres vies. Cela pouvait aussi être jugé tout aussi sévèrement. Est-ce que la fin justifiait les moyens? Toute la question était là.

Trouver en Fumetsu un confrère aimant la science était une chance inespérée. Cela pouvait jouer clairement en sa faveur vis à vis des autres candidats dont les atouts se trouvaient ailleurs et il se révélait qu'il était même plaisant de pouvoir discuter avec un homme aussi mystérieux, même si leur dialogue se parsemait parfois de silence bien pensif. Mais cela n'était pas grave pour Yuriko, car elle profitait pour l'occasion des milles parfums qu'offraient la serre entretenue du Kamiko, un lieu où la discrétion s'en appréciait d'autant plus que le paysage fleurie demeurait agréable à regarder.

Néanmoins, son hôte finit par reprendre le fil de leur conversation qu'elle accueillit par un nouveau sourire lorsqu'il lui indiqua qu'elle était conforme à ses attentes. Voilà des paroles qui présageaient que du bon à ses yeux et elle ne pouvait pas ne pas faire preuve de gratitude.

" Et bien dans ce cas, je suis honorée de combler en partie vos attentes. "

Puis en vint la question concernant sa position militaire. Cette dernière était toujours mis sur la table en ce qui la concernait car l'on pensait avec une étrange facilité qu'une femme de paix et qui attachait beaucoup d'importance à sauver des vies ne pourrait en contradiction avec cette volonté se montrer assez forte pour affronter les potentiels ennemis à venir. Une erreur car elle n'en était pas moins une kunoichi.

" Mmmm... Je ne suis pas une femme de guerre mais je ne suis pas effrayée à l'idée de devoir la mener. Je serais toujours partisane pour prendre un chemin diplomatique si cela nous est possible sans pour autant devoir ployer le genou trop bas. Si la tempérance et l'équilibre sont impossibles, nous réveillerons la volonté du feu qui sommeille en chacun d'entre nous. D'ailleurs, j'ai pour espoir de pouvoir renforcer nos défenses et de développer plus lourdement les instructions de l'académie pour nos shinobis. Même si nous sommes en paix, la lame ne doit pas rouiller dans son fourreau. "

Yuriko n'était pas une femme crédule ni utopique, ni naïve. Si tel avait été le cas, elle n'aurait jamais pu se permettre d'atteindre le grade qui était le sien, d'effectuer des missions qui feraient pâlir bien des hommes à la lecture de ses rapports et de la manière dont elle était capable de les mener. Derrière la douceur de ce visage de poupée se trouvait une force moins tranquille que les apparences. Toutefois, si elle pouvait éviter la violence, elle trouvait cela préférable.

Souriant à nouveau, elle porta son regard en direction de Fumetsu et se redressa. Cela faisait déjà un petit moment qu'elle s'était permise de l'interrompre inopinément et il était peut-être temps pour elle de se retirer, et d'éventuellement lui proposer une entrevue un autre jour qui serait cette fois, moins spontanée.

" Et bien... j'ai peur que les minutes défilent bien vites et je vous ai ôté du temps précieux que vous aurez sans doute préféré être accaparé par autre chose que ma venue impromptue. Je voudrais néanmoins vous remercier de m'avoir accordé votre attention et je suis particulièrement satisfaite d'avoir pu enfin avoir l'occasion de converser avec une personne du prestigieux clan Kamiko. "

A ces paroles, la jeune femme lui adressa un salut polie.

" Sachez que si vous m'accordez votre appui, je n'oublierais pas votre geste et je saurais faire preuve de gratitude. "

Yuriko était une femme de parole, même si pour le moment il ne s'agissait que des mots. Toutefois, une fois qu'elle parviendrait à la tête du village, si sa persévérance était de son côté, elle lui en ferait la preuve. En attendant, elle se contenta de sourire et de lui adresser cette promesse. Le temps viendrait à dire si cela avait jouer en sa faveur... ou pas.