Dés lors qu'un homme faisait le premier pas sur la voie du sang et de l'ombre, sur la voie du shinobi telle que communément appelée, il perdait le droit à un repos réparateur pour se retrouver dans une course continuelle contre la barbarie humaine, de laquelle il ne pourrait jamais en ressortir intact. Travailler, s'entraîner et aller risquer sa vie en dehors des murs de son village natale : voilà à quoi ressemblait le quotidien de ces guerriers de l'ombre et Kyoshiro ne faisait nullement exception. Pire encore, depuis son retour à Konoha après son repos forcé en territoire Yamanaka, un séjour riche en émotions, il n'avait eu de cesse d'en demander toujours plus à son corps comme pour corriger cette faiblesse, triste résultat d'une captivité dont il se serait bien passé. Il savait que ce n'était pas sain, que son corps avait besoin de lever le pied mais le jeune Tadake n'était pas du genre à faire les choses à moitié, aussi avait-il rapidement retrouvé ses marques et repris son rythme de vie draconien qui ne laissait rien au hasard. Combien de semaines s'étaient écoulées, de mois étaient passés depuis son retour à la maison ? Depuis qu'il avait laissé derrière lui celle qui faisait battre son cœur ? Trop pour être compté mais pas un instant il ne l'avait oublié, pas un instant il n'avait oublié leurs futures retrouvailles au festival où l'aveugle se rendait justement. Certes les feux d'artifices et autres tours de prestidigitation n'avaient que peu d'intérêt pour un homme incapable d'apprécier leur beauté, rien d'étonnant là-dedans, mais c'était pourtant d'un pas pressé qu'il s'y rendait sans trop savoir ce qu'il y trouverait. Non, il savait très bien qui il avait pouvoir retrouver et cette seule perspective écrasait aisément toutes les questions qui se bousculaient dans sa tête. Ils avaient énormément de temps perdu à rattraper et, si en arrivant le shinobi laissa un léger sourire glisser sur son visage, il n'en oublia pas pour autant la raison de sa présence ici et ne s'arrêta donc pas.
Pas au début, en tout cas.
Il laissa ses pieds le porter pendant un petit moment, jusqu'à ce que de la musique vienne attirer son attention. Un shamisen ? Le son ne trompait pas l'oreille aiguisée du jeune homme qui, sans trop savoir si sa belle était déjà là, se dirigea vers le son et fut bientôt arrêté par une dizaine d'individus devant un musicien. Non, une musicienne engoncée dans son kimono aux notes pourpres et, si sa beauté échappait évidemment aux yeux du Tadake, ce dernier contourna tout de même le groupe pour se faire une petite place face à une spectacle sonore. Au bout de quelques instants, une fois cette première mélodie terminée, la musicienne se tourna vers le shinobi.
« Intéressé, étranger ? »
Il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser que c'était à lui qu'on s'adressait, avant de se répéter la question dans sa tête. Intéressé par quoi ? Par cette femme ? Certainement pas. Par la musique ? Déjà un peu plus, mais cela faisait de nombreux mois qu'il n'avait pas touché à un shamisen, pas depuis la dernière musicienne qui avait fini dans son lit en fait. Oui, à force de voler à droite et à gauche le Tadake avait fait de belles rencontres, avait appris de belles choses et la maîtrise des instruments musicaux en était un.
« En effet. Jolie mélodie. »
« Merci. Vous voulez essayer ? »
Vraiment ? Demandait-elle à tous les passsants de prendre son instrument entre les mains, ou avait-elle repéré le bandeau frontal qui pendait à sa ceinture ? Certes Dans son pantalon noir et sa chemise bordeaux le shinobi ne payait pas forcément de mine, surtout sans son bandeau rouge autour de ses yeux, mais sa grande taille ainsi que la couleur de sa crinière et son aura chaleureuse finissaient toujours par attirer l'attention sur lui. Il ne pouvait y échapper, c'était ainsi.
« Moi ? Oh, non, non, non. Je n'ai pas touché à un instrument depuis une éternité. Je vais faire fuir votre auditoire. »
La femme n'en démordit pas, se levant du banc sur lequel elle était encore assise un peu plus tôt, s'approchant du shinobi avant de poser l'instrument tout contre son torse.
« J'insiste. Allez-y, essayez. Vous pourriez vous surprendre, vous-même. La musique est l'une des formes d'expression les plus libres qui soient. »
Une forme d'expression, hein ? Certes la musique parvenait parfois à apaiser le jeune homme, plus que toutes les méditations du monde, mais devait-il vraiment le faire ? Sa voie était celle du sang et non de l'art, il laissait cela bien volontiers à d'autre, mais devant les encouragements des badauds présents le shinobi fut contraint de se saisir de l'instrument. À peine arrivé et il allait déjà attirer l'attention ? Lui qui voulait passer inaperçu, le temps de croiser sa belle, c’était bel et bien raté. Soupirant, il vint donc s'asseoir sur le banc avant de baisser la tête, vidant son esprit de toute pensée inutile pour se concentrer sur ses souvenirs et sa maîtrise de l'instrument. L'instant d'après il laissa donc ses doigts danser sur ses cordes, l'une après l'autre, produisant une douce mélodie qui tranchait nettement avec l'activité et le bruit tout autour, un beau parallèle qui ne changea pas pour autant son avis sur sa propre prestation. Au bout de cinq bonnes minutes, une fois que sa douce et enivrante mélodie fut terminé, il laissa ses droits se reposer sur les cordes, avant que la musicienne n'intervienne.
« C'était... »
« Nul, je vous l'avais dit. »
Sur ces belles paroles il se leva et tendit l’instrument à cette femme dont il ne savait rien, avant de tourner les talons en direction de la foule en liesse qui s'étendait devant lui.
« Pas du tout. C'était très...doux. »
Il aurait fait un ou deux pas de plus s'il n'avait pas senti une frêle main se poser sur son bras, comme pour tenter vainement de le retenir.
« Je ne fais pas ça d'habitude mais... »
Kyoshiro avait été un homme à femmes pendant assez longtemps pour savoir où cette situation allait le mener, pour savoir ce que cette musicienne attendait de lui et voyait en lui : un mystère à résoudre. Il ne tourna pourtant pas la tête vers elle, ne serait-ce qu'un instant, tout en tentant de finir la phrase de cette musicienne.
« Mais ? »
« Un verre. L'idée vous tente ? »
Au moins elle ne perdait pas de temps, c'était certain, mais la réponse de Kyoshiro ne lui plairait certainement pas. Pourquoi ? Parce qu'il avait changé ? Bien sûr, c'était une des deux raisons, la seconde étant le souvenir vivace de la dernière inconnue ayant tenté de lui offrir un verre. Il se rappelait de la suite, de la douleur et de...tout le reste, plus qu'il ne le souhaiterait, aussi la réponse fut-elle évidente dans la tête du shinobi
« Pour tout vous dire... »
Quand allait-elle arriver ? Quand pourrait-il enfin échapper à cette foule d'inconnus pour se retrouver, juste avec elle ? Il n'attendait que cela, car sans elle cette fête perdait de sa saveur.
Tout craquait, s’effondrait dans un vacarme ahurissant. Ton esprit tournait en rond, encore et encore. Comment ? Simplement … Comment ? Tu ne comprenais pas. Comment une telle situation pouvait-elle te tomber ainsi dessus ? Pourquoi toi ? Après tout ce qui venait d’arriver, l’univers en entier semblait juger pertinent d’en ajouter une couche à tes souffrances et tes questionnements. N’avais-tu donc pas assez à gérer ainsi ?
Lorsque que le résultat t’avait été communiqué, tu l’avais reçu sans grande réaction. Du choc, certes, mais au médecin, tu n’avais exprimé ni joie, ni colère, ni tristesse. Tu n’avais même pas évoqué tes possibilités. Tu étais partie, tout bonnement, alors que le choc traversait encore chaque fibre de ton corps, hantait chaque recoin de ton esprit. Étais-tu réellement vouée à répéter les erreurs de ta mère ? Allais-tu toi aussi disparaître disgracieusement en mission ? Oui, tu étais kunoichi, c’était la seule fin qui pouvait t’attendre, mais … mais fallait-il réellement que tu marches dans les traces de ta mère ?
Une main tremblante caressa ton ventre. Non. Non, rien de tout ça ne faisait de sens. Elle devait s’être trompée … Et pourtant … Pourtant, cela expliquerait bien des choses. Mais … C’était impossible, tu prenais tes précautions, tu savais comment éviter ce genre d’erreur, non ? Comment est-ce que tu avais pu te permettre un tel relâchement ? Non … Non ce n’était clairement pas arrivé en mission. Il n’y avait qu’une autre option …
Tu fermas les yeux alors que son visage se dessinait déjà dans ton esprit. Tu n’y croyais pas, non pire, tu ne voulais pas l’accepter … Mais le verdict était tombé, tu n’avais plus le choix. Il était logique et convenait plus que parfaitement aux symptômes que tu avais. Pinçant les lèvres, tu tentas de de faire le vide, ne pas y penser, pas maintenant, tu avais déjà pris du retard sur votre rendez-vous et tu ne désirais en aucun cas que cette nouvelle ne vienne entacher ta journée, journée que tu attendais secrètement avec impatience depuis que votre rencontre avait été décidée.
Ta main tomba mollement le long de ton corps et tes pas reprirent leur direction, celle du lieu de votre rendez-vous. En arrivant sur place, le spectacle qui te fut offert ne calma en rien la tempête qui faisait rage dans ton esprit. Cette femme au somptueux kimono et au joli visage, la main posée sur son bras, et tout son corps exprimant assez ouvertement ses intentions … Tu sentis un vague te traverser, balayant ton corps de la tête au pied, te faisant tourner la tête l’espace d’une seconde. De la rage à l’état pur.
Plusieurs questions se bousculèrent dans ton esprit d’un coup. Tu n’arrivais pas à croire le culot qu’avait cette fille de le toucher ainsi. Pour qui se prenait-elle ? Il fallait bien plus qu’un beau kimono pour venir jouer sur ton terrain. Il fallait bien plus qu’un Shamisen pour séduire ton homme.
Ton pas s’accéléra jusqu’à ce que tu sois enfin à ses côtés. Sans hésitation, ni délicatesse, tu enroulas tes bras autour du sien, l’apportant contre ta poitrine. Ton regard clair comme le ciel semblait maintenant aussi glacial et féroce qu’un éclair. Tu allais faire goûter à cette garce (pour être gentille, car un millier d’insulte plus vulgaire te traversait l’esprit à cet instant-là) le contenu de toute tes fioles si elle ne reculait pas.
« Il est avec moi et il n’en a rien à faire de prendre un verre avec toi. »
Ton ton était sans équivoque, vaguement menaçant même. Ton amant devait bien l'avoir perçu. Il faudrait qu'il s'y fasse, car tu ne partageais pas. Pas lui, du moins. Égoïste ? Oui, entièrement et tu ne te le cachais même. Tu fronçais encore les sourcils en fixant la jeune musicienne. Puis, tu reportas ton attention Kyoshiro, qui bien malgré lui n’avait jamais demandé de se retrouver entre toi et une autre femme. Tu ne portas aucune attention supplémentaire à la femme, décidant d’ignorer ses paroles si elle osait rétorquer.
« Kyo, si c’est de la musique que tu veux entendre, je peux jouer pour toi. Allons-y. Je n’aime pas cet endroit. »
Il fallait comprendre à cette phrase que tu n’aimais pas les gens fréquentant cet endroit. Bien que tu n’aimasses pas les gens en général, tu détestais particulièrement ceux qui fréquentaient cet endroit précisément, cette femme tout spécialement. Elle n’avait aucun droit de le toucher comme ça ou même de lui proposer un verre. Tu étais particulièrement protectrice … non, possessive. Tu étais possessive et tu t’en foutais. Il était à toi et seulement à toi. Le voir ainsi accepter de se retrouver aussi près d’une autre t’avait irritée plus que tu ne l’aurais cru, et cette effrontée en payerait le plein prix si elle tentait quoi que se soit, ça tu te le promettais. Ta journée avait été assez turbulente ainsi.
Kyoshiro ne fut toujours pas aussi doux et chaleureux qu'il pouvait l'être, aussi pétillant et vif, jadis la lumière fut totalement absente de son âme. Ce fut lorsqu'il débuta sa vie à Konoha et qu'il accepta de se forcer à sourire que le changement fut notable, car qui diffusait de la lumière finissait toujours par attirer cette dernière à lui et, comme de bien entendu, au fil des ans la personnalité du jeune homme se fit toujours plus chaleureuse et bienveillante, jusqu'à ce que l'aveugle devienne le tombeur qu'il était aujourd'hui. À combien de femmes avaient-il fait son petit numéro pour les attirer à boire un verre, avant que leur rencontre se fasse plus intense et...personnelle ? Et à combien de femmes n'avait-il même pas besoin de faire son petit numéro, simplement parce que le concept d'un shinobi aveugle et qui souriait à la vie leur semblait sorti d'un autre monde ? Un petit peu moins, peut-être en même quantité, mais cet écart faisait s'interroger le jeune homme sur un point en particulier. Et si tout n'était lié qu'à son handicap, et pas son charisme naturel ? Et si sa personnalité n'avait rien à voir là-dedans ? Mais par un miracle bien étrange l’inquiétude du jeune homme s'envola en un claquement de doigts, alors qu'il sentait deux fins bras s'enrouler autour du sien, sentant le contact de peau contre peau en essayant de chasser la surprise de son esprit. Qui ? Non, il n'avait même pas besoin de se poser cette question car le parfum et la douce peau de cette femme révélèrent son identité à l'aveugle sans une once de difficulté. Il en avait connu des femmes et chacune avait une senteur particulière, mélange de parfum et d'odeur naturelle sans doute, mais Kyoshiro n'avait jamais oublié la senteur de chaque personne qui avait déjà fait partie de sa vie, ne serait-ce que pendant un instant. Et si la senteur de la personne accrochée à l'aveugle était plus fraîche, plus jeune, plus récente que beaucoup d'autres, son intensité balaya en un instant toutes les réponses possibles pour n'en garder qu'une seule.
Il n'y avait qu'une femme au monde qui pouvait être jalouse à ce point de le voir avec une autre, il n'y avait qu'une seule femme au monde qui avait le droit de l'être. Oui, c'était mieux ainsi et, fort heureusement, le Tadake avait déjà en tête de rejeter la proposition de la musicienne avant que l'élue de son cœur ne lui coupe l'herbe sous le pied. Amoureuse ou non elle n'en restait pas moins piquante quand elle le souhaitait, c'était sans doute ce morceau de caractère qui avait intrigué le jeune shinobi. Une femme forte et fragile à la fois, voilà ce qu'elle était.
Sans protester un seul instant, sans prononcer le moindre mot, Kyoshiro laissa un sourire amusé éclairer son visage étiré alors que son amante l'emmenait un peu plus loin, s'éloignant de la musicienne sans que celle-ci ne trouve mot dire. Il sourit à la réplique de sa chère demoiselle, acceptant silencieusement qu'ils s'éloignent de la foule car cela ne semblait pas être au goût de la belle Yamanaka. Qui était-il pour juger ? Personne, il ne le fit donc pas, se contentant de rapprocher sa main droite de la gauche de sa la belle, faisant en sortant que leurs doigts s'entremêlent silencieusement. Oh qu'il était bon de la savoir là, de la sentir là, tout contre lui, même si ce moment n'était que temporaire comme tous les autres jusqu'à présent. Leur relation n'était pas parfaite mais elle était sincère, même si deux mondes différents les opposaient ils avaient tout de même réussi à se trouver, à se retrouver au milieu de cette foule compacte. Ils n'étaient pas juste des amants, pas un plan d'un soir, ils connaissaient la saveur sucrée de l'amour.
Caressant la main de la belle de son pouce, l'homme décida de mener la danse et d'emprunter quelques ruelles adjacentes, afin de s'éloigner de la foule pour rejoindre des rues de moins en moins peuplées. Ici ils pourraient se retrouver, ici ils auraient le calme nécessaire pour rattraper le temps perdu. Fort de ce constat, le jeune homme pivota face à sa demoiselle et laissa son doux sourire illuminée son visage, alors que ses orbites immaculées se posaient sur Sayuri, cherchant une beauté qu'elles pourraient sentir sans jamais voir.
« Salut, toi. »
Dans un souffle, dans un murmure, l'homme accueillit celle qui faisait battre son corps en se rapprochant d'elle, pas à pas. Si la main gauche – grande et chaude – du jeune homme vint se poser sur la joue de son aimée, si elle le lui autorisait, l'homme s'avança pour poser son front contre celui de son aimée. Une forme de retrouvailles qu'il affectionnait depuis tout jeune, forme née de sa relation avec sa sœur où, sans trop pouvoir l'expliquer, ils avaient l'impression que la proximité de leurs crânes rapprochaient et connectaient leurs esprits. Puiser dans la joie ou le calme de l'autre, tel était l'un des buts de cet exercice auquel il s'adonnait maintenant avec la Yamanaka.
Le pouce de l'homme caressa doucement la joue de son aimée tandis qu'un silence bienvenu s'imposait, alors que le jeune shinobi puisant – ou s'enivrait – de la présence de cette femme qui n'avait jamais quitté son esprit. Silencieusement, il rouvrit le dialogue par une proposition qui pourrait sembler étrange.
« Tu as faim ? »
N'avaient-ils pas le droit à un peu de confort pour ces retrouvailles ? Ne devaient-ils pas célébrer leur réunion avec nourriture, boissons et tout ce qui leur passerait par la tête ? Cela faisait longtemps beaucoup trop longtemps et, s'ils pouvaient trouver une auberge, ils auraient ensuite tout le temps du monde pour rattraper le temps perdu.
Ils avaient le temps. Le temps de prendre le temps.
Tu n’avais pas réellement porté attention aux réactions de Kyoshiro alors que tu menaçais du regard la femme, luis faisant ressentir ton animosité. Ainsi, son sourire amusé t’avait échappé, tant mieux pour lui, car, tu ne lui aurais pas la donner la chance de s’expliquer avant de lui donner un, à lui aussi, quelques commentaires acerbes.
Sans un mot, il te laissa le guider à l’écart. À chacun de te pas, la pression que tu exerçais sur son bras diminuait. De farouchement possessive, elle devint de plus en plus douce, plus en plus chaleureuse. Tu retins un soupire d’aise lorsqu’il entremêla ses doigts entre les tiens. Tes doigts se refermèrent contre les siens alors qu’il se laissait entraîner à l’écart. Un soulagement ? oui, tu devais bien l’admettre. Tu préférais ne pas faire de scène devant un publique de cette envergure. Mais ce n’était pas que cette idée qui te réconfortait et tu le savais. Il était là, juste à côté de toi. Tu savais que tu avais toute son attention.
Sa peau chaude contre la tienne, plus froide … Un frisson parcouru ton bras jusqu’à ton échine. Cette sensation, tu ne t’en lassais pas. Ton te rapprochas de lui un peu, sans gêner ses mouvements. Il t’avait manqué et c’était à cet instant que tu réalisais à quel point. Ce qu’il provoquait chez toi t’était étranger et cet élan de colère et de possessivité … Elle t’était venue si naturellement, si abruptement. Le voir ainsi près d’une femme dont l’intention était clairement de le séduire … Tu ne comprenais que maintenant les réactions que tu avais suscitées chez les épouse et compagnes des hommes que tu avais assassinés ou que tu avais mené dans ton lit pour leur soutirer quelques informations. Tu comprenais leur regard haineux et les crises. Toi qui auparavant te disait : ce n’est qu’un homme, pourquoi se mettre dans cet état ?
Instinctivement quand cette pensée effleura ton esprit, tes doigts se resserrent sur les siens. Qu’un homme … Ce n’est qu’un homme, mais un homme que tu souhaite garder à tes côtés. Un homme qui te manque lorsqu’il est loin. Un homme qui apporte de la chaleur dans ton univers. Oui. Qu’un homme. Mais pas n’importe lequel.
Tes yeux se posèrent sur son visage lorsque son pouce caressa ta main et la tension qui s’était bâtie entre tes épaules retomba doucement alors que tu retrouvais lentement ton calme. Il prit sur lui de vous guider dans le dédale de bâtiments que tu ne connaissais pas encore assez bien. Qu’importe l’ironie de la situation … Si c’était lui, tu le suivrais qu’importe l’endroit où il te mènerait.
Vous arrivâtes sur une rue beaucoup moins achalandée que celle où vous aviez croiser cette musicienne. Tu te sentais toujours plus à ton aise lorsqu’il y avait moins de gens aux alentours et tu accueillis ce changement avec soulagement. Et il finit par pivoter vers toi, posant son regard sur ta silhouette qu’il ne voyait pas avant de prendre la parole.
« Bonjour … »
Tu n’étais pas douée à ce genre de chose lorsque tu ne jouais pas le jeu, alors tu te contentas de répondre sans fioritures, sans superflu, d’une voix douce qui mourrait au creux de ta gorge alors qu’il se penchait vers toi, appuyant son front sur le tien. Tes paupières se fermèrent alors que tu savourais ce contact. Sa main contre ta joue, tu ne répondis pas à sa question dans la l’immédiat. À la place, tes bras ses glissèrent derrière son cou alors que tu l’attirais vers toi pour l’embrasser, doucement, presque délicatement. Tes lèvres dansantes contre les siennes, quelques instants, et à la vue de tous.
Ce ne fut que lorsque tu le laissas aller que tu lui répondis enfin. Quelques mots à peine prononcés.
« Plus que je n’aimerais l’admettre. »
Faim, oui tu avais faim, cette … Chose qui grandissait depuis quelques temps en toi te demandait bien plus d’énergie que tu n’aimais te le permettre. Il faudra d’ailleurs lui en glisser un mot … ou pas. Tu n’avais sincèrement aucune idée de ce que tu allais faire avec ça. Tu ne voulais pas qu’il se responsable, tu étais une kunoichi, parmi l’élite de ton clan et il était de ta responsabilité d’éviter les incidents du genre …
Tu t’étais immobilisée dans ta réflexion et regard s’était égaré. Tes bras étaient toujours posés sur ses épaules, mais sans force, ne l’attirant pas vers toi, mais ne le repoussant pas non plus. Tu étais absente pour tout dire. Ton esprit était encore accaparé par cette nouvelle. Tu ne t’y en attendais tout simplement pas. Voilà ce qui arrivait. Tu avais été prise au dépourvue et cela juste avant ta rencontre avec Kyoshiro.
D'autres auraient vu cette existence de luxure et de débauche qu'était celle de Kyoshiro avec un certain dégoût mêlé de pitié pour ce pauvre malheureux, cet égaré, cet homme qui s'était perdu en chemin pour tomber dans le piège des femmes et de leur monde, mais le principal concerné ne voyait pas cela du même...oeil. Pourquoi le ferait-il ? D'un choix de sa part il avait embrassé la voie du shinobi et la voie de la vie sans aucune hésitation ou arrière-pensée, guidé par une volonté de vivre pleinement tout en redonnant la pareille à un village à qui il devait tout. Oui il avait été volage, un coureur de jupons et ne s'en était jamais caché, celle qui partageait sa vie devait être pleinement conscient de cet aspect peu reluisant de sa vie, mais il n'avait pas l'ombre d'un regret. Pourquoi en aurait-il ? Il avait vécu, bu, mangé et forniqué plus que n'importe quel homme de son âge et en était ressorti avec bon nombre d'expériences, bonnes comme mauvaises, qui lui en avaient fait apprendre plus sur lui-même. Résultat ? Il était un amant hors pair doublé d'un homme connaissant sur le bout des doigts ce qui faisait battre le cœur des femmes, parce qu'il avait pris le temps de les écouter, de les rassurer et de réchauffer leurs âmes jusqu'au bout de la nuit.
Pendant un moment il s'était demandé si cela serait sa vie, s'il continuerait à voguer d'une femme à l'autre sans prendre le temps de s'arrêter, sans prendre le temps de s'attacher et puis elle...elle était rentrée dans sa vie et y avait mis un bazar sans nom, lui avait retourné le cerveau qu'il avait mis plusieurs jours à remettre en place. Mais comment pouvait-il en être autrement ? Elle aussi avait souffert de cette vie, avait été contrainte aux pires actions pour le bien d'une cause plus grande simple et, abîmée par la vie, n'avait eu comme seul moyen de protection que de se refermer sur elle-même. Se couper des émotions. Se couper du bonheur.
Jusqu'à ce que le jeune Tadake croise son chemin, grâce à son incroyable jumelle à qui il devait cette bienheureuse rencontre. Comment pourrait-il faire pour la remercier ? Se rendait-elle compte que de n'était plus seulement le devoir mais également l'amour qui faisait battre son cœur, à présent ? Le sens de la famille avait toujours été primordial pour lui mais, aujourd'hui, force était de constater que la famille s'était agrandie. Elle était là, front contre front, peau contre peau et ce seul contact fit ralentir le cœur du jeune homme, instantanément apaisé par cette femme qui occupait ses pensées depuis de nombreuses semaines.
« Dans ce cas, je sais exactement comment régler ça. Laisse l'aveugle te guider. »
Et cette femme avait faim, ce qui était tout à fait compréhensible et au goût du jeune homme qui, à l'odeur, avait repéré un restaurant juste à côté d'ici. Il avait reconnu de la viande et des ramens, ce qui était un bon début, mais assurément cet établissement aurait de quoi ravir le palais de ce couple enfin réuni après une trop longue séparation. Mais il y avait autre chose qui occupait les pensées du jeune homme, une autre question s'était glissée dans sa tête jusqu'à ce que ses lèvres aient quittées celles de sa belle, car cette dernière semblait avoir la tête ailleurs.
« Tout va bien ? Quelque chose te tracasse ? »
Certes le jeune homme ne pouvait le lire sur son visage mais cela se sentait dans le ton de sa voix, dans sa posture mais aussi dans son silence. Certes du temps était passé et ils avaient sans doute eu quelques expériences à partager, mais de toute évidence elle n'était pas totalement concentrée sur le moment présent et cela suffisait au jeune shinobi pour se montrer curieux. Elle savait qu'elle pouvait tout lui dire, qu'il ne la jugerait pas sur quoi que ce soit et, si elle acceptait de s'ouvrir à lui, il l’emmènerait ensuite remplir sa panser.
Sinon ? Il attendrait, il serait présent car c'était encore ce qu'il savait faire de mieux.
Tu n’avais pas réellement entendu ses paroles alors que tu débattais avec toi-même, alors que ton esprit cherchait encore à décider si tu lui révélerais ce secret ou non. La seule chose que tu savais, c’est que tu n’allais pas le garder. Tu ne lui offrirais pas la vie que tu avais eu. Tu n’étais pas une femme d’une grande chaleur, tu ne montrais rarement tes émotions et tu banalisais la mort, surtout celle de tes victimes, mais cela ne voulait pas dire que tu ne ressentais rien. Loin de là. Tu avais simplement pris l’habitude d’ignorer le pincement que de tuer provoquait dans ta poitrine. Tu avais appris que ce que tu ressentais n’étais rien comparer au bien commun, comparé au bien être des tiens. Après tout, il était impossible de faire une omelette sans casser d’œuf … Mais dans ce cas-ci, tu étais l’œuf. Et tu le savais. Tu connaissais ton rôle et rien au monde ne te faire changer d’idée. Tu étais une arme. L’Arme de ton clan et tu ne vivais que pour une chose : servir.
Et pourtant, cet homme qui se tenait, là, devant toi, avait réussi ce que tu pensais impossible. Il avait su venir te toucher là où tu croyais qu’aucun être humain n’y arriverais. Il avait sur toi une emprise que tu ne savais expliquer. Il était entré dans ta vie y avait tout détruit, tout reconstruit. Si rapidement, si aisément qu’il était encore difficile, même pour toi de comprendre te réactions, tes actions et tes paroles. Même tes pensées t’échappaient. Comme à cet instant, où tu te permettais d’imaginer une vie ou tu ne ferais pas les mêmes erreurs que ta mère, où il serait à tes côtés et que … cette chose … tu refusais encore catégoriquement d’employer son nom réel de peur de t’y attacher … cette chose qui grandissait lentement y était également …
Tu fermas les yeux et expiras. Ce fut à se moment que la voix de Kyoshiro te sortit de tes pensées. Réaction violente, comme si l’on t’avait piqué d’une aiguille. Ta tête se releva d’un coup et ton regard se planta par automatisme dans le sien qui ne voyait rien. Tu humectas tes lèvres anxieusement alors que tu avais l’impression qu’un poids venais d’être déposé dans ton estomac. Tu ne voulais pas lui mentir, tu espérais pouvoir cacher ton trouble, mais la nouvelle, bien trop récente ne te permettait pas d’en apte, bien que tu étais connue comme étant une bonne actrice – au fil de tes mission tu avais su perfectionner l’art du mensonge – lorsqu’il était question de lui, tu n’arrivais à bien garder tes émotions sous contrôle, à garder ton esprit de son égarement.
« hum. Allons manger d’abord, je … Plus tard. Ce n’est pas important. »
Tu laissas tes bras tomber de ses épaules alors que tu pris un peu tes distances. Fronçant les sourcils tu chassas de ton esprit les restes des images rebelles qui continuaient de s’Accrocher dans un coin de ta tête. Une idylle et tu ne t’y laisserais pas prendre une troisième fois. La première t’avais anéantie, la seconde t’avais reconstruite … Tu ne voulais prendre le risque de découvrir la troisième. Que resterait-il de toi, si à chaque fois que tu posais ton regard sur lui, tu perdais un peu plus tes moyens, que tu perdais un peu plus la tête. Tu ne méritais pas, ni ne pouvais te permettre ce genre de rêve. La vie que tu menais jusqu’à présent … avec chaque jour qui passait depuis votre rencontre, tu la trouvais de plus en plus dégoûtante, de plus en plus horrible. Il t’était toujours difficile de faire la paix avec toi-même. Et il en était la raison. Si seulement il savait tout ce qu’il causait sans même le vouloir …
« Allons-y, je te suis. »
Tu ne savais qu’ajouter. Il te fallait encore décider si tu allais lui dire ou non. C’était le plus difficile. Tu le savais plus près de ses sentiments que toi. Tu savais qu’il réagirait à la nouvelle. Et encore, tu ne savais même s’il en serait heureux ou en colère, après tout, bien qu’il était là, avec toi, bien que tu savais qu’il t’aimait et que tu l’aimais en retour, ni l’un ni l’autre n’aviez réellement décider de vous pencher sur l’avenir. Combien de temps feriez-vous cela ? Combien de temps pourriez-vous vous permettre de vous fréquenter sans vous attirer les foudres de vos deux nations ? Bien sûr, le festival vous offrait un moment privilégier, sans que rien ni personne ne puisse y dire quoi que se soit … tu savais qu’une telle opportunité était exceptionnelle qu’elle ne serait pas toujours là pour épancher ton désir de le retrouver.
Et lorsque le festival serait fini … où iriez-vous ? Que feriez-vous ? Pouvais-tu réellement te permettre de faire disparaître cet … cet enfant avant même qu’il voit le jour ? Est-ce que ta conscience te le permettrait ?
Ton regard se levas vers lui une autre fois.
« Écoute. Je sais que rien de tout ça n’est optimal, mais. »
Oui, il t’arrivait, même à toi, d’hésiter sur les mots que tu choisissais. Surtout lorsque ça le concernait, surtout lorsque la nouvelle était aussi importante que celle que tu venais de décider de partager.
« Ce n’est pas … Ce n’est pas facile à dire et je ne sais pas comment j’en suis arrivée à ça. »
Ta main se posa de nouveau sur ton ventre alors que tu détournas le regard. Ce n’était que des mots, pourquoi hésiter ?
« Je suis … J’ai … Tu te souviens quand tu étais au domaine Yamanaka, je … j’étais malade de temps à autre … Je sais maintenant pourquoi. »
Avec chaque mot prononcé ta voix était de plus en plus douce. Tu le savais, tu avais franchi un cap. Tu ne pouvais plus retourner en arrière. Cette image dans ta tête brûlait ton esprit, te servait un rêve que tu avais abandonner avant même de l’envisager réellement.
« Asseyons-nous d’abord, commandons notre repas et ensuite … je te dirai ensuite. »
Tentais-tu vainement de gagner ne serait-ce qu’un peu de temps ? Tu ne le savais pas toi-même, mais cette révélation te demandait beaucoup plus que tu ne le désirais et tu avais vraiment faim, alors tu préférais affronter cette épreuve avec au moins quelque chose dans ton estomac.
Ils s'étaient trouvés à un moment où ils avaient désespérément besoin l'un de l'autre même s'ils n'en avaient pas conscience, même s'ils ne pouvaient le dire à qui que ce soit dans ce bas monde mais ils s'étaient trouvés. Au milieu d'un monde fait de sang et de ténèbres ils avaient trouvé ce que certains appelaient joie, bonheur et amour mais la vie n'avait rien d'une ligne droite, la vie cherchait constamment à les mettre à l'épreuve afin de tester la puissance de leur détermination. Le but ? Probablement voir si leur romance pourrait tenir la distance, ce sur quoi le jeune aveugle se sentait assez confiant pour une fois, mais peut-être que le but était aussi de leur en faire baver afin d'apprécier davantage ce qu'ils étaient en train de construire. La plus éprouvante épreuve traversée par le jeune Tadake s'était déroulée dans une grotte sombre et humide, là où il avait été déposé de tout, là où il avait été dépossédé de son humanité et pourtant il se trouvait bien là aujourd'hui. Était-ce de la chance, ou de l'acharnement lié aux raisons qu'il avait de vivre et aux personnes qui faisaient partie de sa vie, mais qu'en était-il de la belle Yamanaka ? Quels démons pouvaient bien la hanter, pouvaient bien amener sa concentration vers des terres plus sombres ? Kyoshiro connaissait certaine de ces réponses, il savait ce que la belle avait été contrainte de faire pour le bien de son clan, mais était-ce tout ? N'avait-elle pas totalement tourné la page le jour où ils s'étaient ouverts l'un à l'autre ? Là était la question qui demeurait un mystère pour le jeune aveugle, un mystère qu'il ferait tout pour résoudre pour son bien-être comme celui de sa belle.
Il avait trop longtemps vécu dans les ténèbres, il avait goûté au désespoir sous sa forme la plus pure, il avait tout perdu dans cette grotte et désormais, après deux décennies de solitude et de désespoir il ne souhaitait qu'une seule et unique chose : goûter à la lumière. N'en avait-il pas gagné le droit ? N'avait-il suffisamment sacrifié pour pouvoir enfin se considérer comme heureux ? Il savait que la vie de shinobi n'était pas jolie, elle finissait toujours d'une seule façon mais, aussi longtemps qu'il resterait en vie, ne pourrait-il pas aspirer à plus que du sang coulant le long de ses doigts ?
Il mena donc sa belle à travers les ruelles de cette ville, laissant ses oreilles traîner à droite et à gauche tout en laissant à sa belle l'opportunité d'essayer de le rassurer. Rien d'important ? Cela n'en avait pas l'air, pas au vu du ton dans sa voix et du silence installé quelques secondes plus tôt, mais c'était la façon qu'avait son aimée de masquer ses pensées. Comment le savait-il ? Parce qu'il avait été comme cela jadis, peut-être l'était-il encore en partie mais il ne souhaitait plus vivre dans le secret, pas quand il connaissait déjà le prix à payer. Lorsque Sayuri évoqua son état de santé lorsqu'il était encore chez elle, l'homme arqua un sourcil avait de simplement demander :
« Rien de grave, j'espère ? »
Avec les shinobis rien n'était simple, leur vie n'était pas un long fleuve tranquille mais elle était pourtant bien là, à ses côtés, non ? Si elle était en état de voyager alors cela ne semblait pas trop grave, du moins était-ce ce que son amant espérait au plus profond d'elle. Le concerné pénétra donc dans un restaurant excentré, restaurant traditionnelle apparemment, dont la clientèle semblait bien maigre au vu des réjouissances en cours ici. Rien d'étonnant à cela finalement, tout le monde était au centre ville en ce moment, personne n'aurait l'idée de traîner ici quand l'action se trouvait ailleurs.
« Patron ! À manger et à boire pour deux voyageurs affamés ! »
Une entrée remarquée ? Toujours pour le jeune Kyoshiro qui se présenta avec un franc sourire, avant d'amener sa belle dans une alcôve reculée où ils ne seraient pas dérangés. La serveuse vint leur présenter sommairement le menu tout en leur servant deux tasses de thé, en attendant que leur choix soit fait, avant de repartir s'occuper d'autres clients. C'était sans doute mieux ainsi, mieux ici, ils avaient bel et bien besoin d'intimité et de tranquillité après des semaines éloignés l'un de l'autre. Ainsi, s'asseyant au côté de sa belle, l'homme posa une main chaude et rassurant sur la première main libre de sa compagne avant de se tourner vers elle, levant ses orbites immaculées vers elle même s'il savait ce geste purement inutile.
« Tu sais que tu n'es pas obligée de me le dire, si tu ne le souhaites pas ? »
Question stupide. Évidemment qu'elle le savait, non ? Elle pouvait tout lui dire mais Kyoshiro n'était pas du genre à forcer les choses, pas du genre à forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit. Il se montrerait patient, comme toujours, car il connaissait le passif de son aimée et les difficultés qu'elle avait à s'habituer à cette nouvelle vie.
Lorsqu’il te demanda si c’était grave, il te fut impossible de retenir un petit rire sec, comme ceux de mauvais augure, mais tu ne dis rien. Si l’on t’avait dit qu’un jour, toi, tu te retrouverais dans une telle situation, tu n’y aurais pas cru, simplement parce que la vie que tu menais jusqu’à présent ne te le permettait pas. Mais … Mais les choses changeaient. Tu changeais. Et cette perspective n’avait rien de rassurante et pourtant, il faudrait bien que tu t’y fasses.
Il te guida jusqu’à un restaurant où il fit un entré remarquée. Tu restas surprise quelques secondes avant qu’il ne t’emmenât dans une alcôve. Tu n’avais pas l’habitude de ces situations où toute l’attention se dirigeais sur toi … ou plutôt ton compagnon, lorsque ce n’était pas ton but.
Posés l’un à côté de l’autre ainsi, tu pouvais presque oublier ce qui accablait ton esprit. Tu voulais pouvoir concentrer toute ton énergie à savourer cet instant fugace. À partager cette intimité de laquelle vous aviez dû vous priver des semaines durant. Et la sensation de sa main, chaude, contre la tienne, son regard vide sur toi où tu pouvais y lire à quel point tu comptais à ses yeux. Aveugles, ils n’étaient pas inexpressifs.
Tu ne jetas pas de regard au menu, tu te trouvais bien incapable de détourner ton regard du lui, ne serait-ce qu’une seconde. Il reprit la parole, à nouveau, ses mots étaient emprunt de sollicitude et tu sentais ta volonté défaillir un peu plus.
« Merci, mais … Je crois que c’est … C’est quelque chose dont je dois te parler. »
Tu appuyas très fortement sur le devoir. Ce n’était pas quelque chose que tu voulais garder lui, car avec chaque minute qui passait tu devenais toujours un peu plus confuse et … Tu avais besoin de son support, de son opinion, de son … de lui. Tu avais tout simplement besoin de lui, qu’il sache quel mal t’habitait, quelles peurs te rongeaient, quelle angoisse tu ressentais. Le lui cacher ne ferai qu’envenimer la situation et tu le savais, qu’importait la décision que tu prendrais au final, tu savais que tu y brûlerais quelques plumes et qu’il finirait, tôt ou tard, par le découvrir. Et tu ne pouvais qu’imaginer si tu lui avais caché une information aussi capitale, comment il réagirait en l’apprenant à retardement …
La serveuse repassa demandant si le choix était fait. Sans hésitation tu pris le menu et pointa le premier repas que tu vis, demandant le thé le plus amer qu’ils servaient. Cette saveur, tu l’aimais car tu avais dû apprendre à la tolérée. Elle était, d’une certaine façon, la preuve de ta résilience … Mais qu’importe, tu avais besoin de courage et tu ne pouvais le puiser dans le saké, plus maintenant du moins.
« Dis … Comment tu vois l’avenir ? »
Un souffle tremblant t’échappa et tu secouas doucement la tête. Ce n’était pas ce que tu voulais savoir. La question qui venait se poser dans ton esprit était plus précise que cela : comment vois-tu notre avenir ? Mais tu n’osais pas le formuler ainsi. Pire encore, tu ne lui laissas pas le temps de répondre avant d’enchaîner, d’une voix anormalement anxieuse.
« Non. Pas besoin de répondre. Ce n’est pas … Ce n’est pas ça le problème. »
Tu cherchais une entrée de jeu, tâter le terrain, deviner sa réaction avant de le lui dire, minimiser les dégâts du mieux que tu le pouvais. Tes doigts sous sa main s’agitaient nerveusement alors que tu pinçais à répétition tes lèvres.
« Je … Tu sais, je n’ai eu que ma mère, quand j’étais petite et elle est morte alors que j’étais encore qu’une enfant. Il … Il m’arrive demander si je fais les mêmes erreurs qu’elle. Si … Si je peux je peux faire mieux, ou si au contraire, je fais pire. Est-ce que je vais finir morte et oubliée de tous ? Est-ce que … Est-ce que je laisserai quelqu’un derrière pour me pleurer, comme elle, elle l’a fait ? »
Un soupir franchit tes lèvres à nouveau, ta main cessa de s’agiter et ton regard exigeait une réponse. Laquelle ? Tu ne savais pas à quoi t’attendre de lui. Tu espérais, tu espérais avec tout ton être qu’il te répondrait quelque chose de bien, quelque chose qui te ferait rêver un peu plus longtemps, qui te donnerait la force d’ouvrir la bouche et de lui dire ce qui te mettait dans cet état.
Le jeune homme avait toujours été bon pour faire la conversation mais jamais pour s'ouvrir et parler de lui-même, c'était un constat que tous s'accordaient à approuver, mais ce pan de sa personnalité avait-il vraiment totalement changé depuis sa résurrection ? Certes il avait fait le choix de laisser tomber les secrets mais certaines pensées, certains morceaux de doutes étaient aussitôt rejetés dans un coin de sa tête sans y faire plus attention que cela. Il n'avait pas fait le choix d'enterrer ces pensées mais tout simplement de les ignorer, de ne pas en tenir compte, de les repousser comme signe de la lutte née de ce changement interne. Il était prêt ) essayer, à faire un test, à mettre de nouveau un pied devant l'autre en espérant que tout soit différent, en espérant qu'il ne retombe pas dans ses travers passés, qu'il ne recommence pas à s'enfermer pour se protéger et protéger les autres. Il ne pouvait bien sûr pas savoir à l'avance si cela allait fonctionner, mais que pouvait-il faire à part essayer ?
Il ne voulait surtout plus redevenir celui qu'il fut jadis, celui qui perdit la vie dans cette grotte, avant d'en créer une nouvelle.
Si au début il crut que le silence allait s'installer, que les deux amants finiraient par se regarder dans le blanc des yeux, le Tadake fut agréablement surpris de voir la belle s'ouvrir à elle avec une question vague mais qui avait un certain sens. Certes la Yamanaka se ravisa juste après, poussant son amant à ignorer la question précédente mais, intrigué, le concerné ne put s'empêcher de réfléchir à une réponse. Comment voyait-il l'avenir ? Hum, s'inquiétait-elle du sien ou du leur ? Les deux réponses seraient compréhensible mais, en l'absence d'élement pour une réponse concrète, la réaction la plus appropriée devrait être :
« Je te le dis quand même, dans ce cas. Long, ardu mais radieux au bout du compte. »
Il n'avait jamais été naïf de toute sa vie et savait que le chemin était toujours semé d’embûches, à plus forte raison pour des guerriers de l'ombre, aussi sa réponse reflétait-elle son expérience du terrain. L'homme fit une pause en commandant un bol de donburi au poulet, repoussant sa volonté de boire pour ces retrouvailles si spéciales. Puis, alors que le silence s'installait de nouveau, Sayuri le brisa de nouveau en révélant enfin ce qui la trottait dans la tête, sans doute depuis un petit moment. S'inquiétait-elle de ne laisser que malheur derrière-elle à cause de ce qu'elle avait fait, de ses choix de vie ? Avis compréhensible sur le sujet, surtout venant d'une femme n'ayant que trop récemment accepté à l'éventualité d'être heureuse, mais c'était justement là que l'aveugle intervenait avec une douce honnêteté qui faisait écho à ses croyances profondes.
« On laisse tous quelqu'un derrière soit au bout du compte. Mais c'est justement ce qu'on lègue qui fait toute la différence, la différence entre la joie et le désespoir. »
Il tourna la tête sur le côté un moment alors que certaines pensées remontaient à la surface. Des pensées qui, pour une fois, n'étaient plus teintées de tristesse et de culpabilité comme elles le furent jadis. Oui, il avait tourné la page depuis un moment et il était à présent capable d'en parler, surtout si cet exemple pouvait aider sa belle à y voir plus clair. Il écarta donc ses mains de sa belle, un instant, avant de les croiser devant lui comme simple manie qu'il avait à chaque fois qu'il plongeait dans certains coins de sa tête. Une inspiration, une expiration et ses pensées s'extirpèrent de sa gorge avec calme.
« Je vais te faire une confidence, pour illustrer mon propos. Mon meilleur ami, Tetsuo, est mort en mission par ma faute. Il n'y a pas d'autre façon de décrire les choses, que celle-ci. Je me suis laissé happer par le désespoir et la bouteille pendant des mois, voire des années, avant que je parvienne enfin à faire mon deuil et tourner la page. »
Comment oublier la période la moins glorieuse de sa vie, celle où la bouteille était ta meilleure amie, celle où plus rien n'avait d'importance ? Impossible, mais cette folle expérience avait été forte en enseignement depuis que Kyoshiro s'était autorisé à faire le deuil de son ami. Au bout de quelques secondes le frottement des deux mains l'une contre l'autre cessa, amenant avec lui la seconde partie de la réponse.
« Avant quand je pensais à lui je me rappelais de cet événement, aujourd'hui son souvenir me réchauffe le cœur car je me souviens de tout le bon qu'il a apporté dans ma vie. C'est ce que j'ai choisi de me souvenir de lui, c'est ce qu'il m'a légué. Tu vois où je veux en venir ? »
La réponse était évidente mais elle devait être posée pour ponctuer son propos, pour montrer que tout n'était question que de choix et d'actions au final, mais que rien n'était gravé dans la roche. Kyoshiro leva la tête, posant ses yeux sur le plafond comme s'il essayait de percer les cieux, d'aller voir plus haut et plus loin pour trouver les réponses aux questions qui le hantaient. Il tourna ensuite sa tête vers son aimée, une expression calme et paisible sur le visage, alors qu'il terminait enfin de donner son avis sur la question.
« Nous faisons tous des erreurs, mais c'est notre capacité à réparer et apprendre de ces erreurs qui fait la différence. Tu es une femme formidable qui ne sera pas oubliée, qui ne laissera que ce qu'elle souhaitera derrière elle quand son heure sera venue, douceur et bonheur si tel est ton souhait. Je le sais et, quelque part, je pense que c'est de cette façon que tu veux qu'on se souvienne de toi. Je me trompe ? »
Elle n'avait pas honte de sa voie et c'était tant mieux, mais ne voulait-elle pas laisser autre chose derrière elle ? Quelque chose de différence qu'avec sa propre génitrice ? Si elle évoquait le sujet c'était qu'elle y pensait, mais le Tadake savait que ce question n'était qu'une partie du problème, une question qui n'était probablement pas apparue toute seule. Aussi, le jeune homme tendit sa main droite vers la belle, l'invitant à joindre leurs mains tout en l'incitant à continuer de s'ouvrir à lui.
« Alors, tu veux me dire de quoi il s'agit vraiment ? »
Idiot ? Long à la détente ? Stupide ? Non, aveugle. Nuance !
Alors que tu croyais avoir éviter sa réponse à ta question, il te répondit tout de même. De l’optimisme, chose que tu n’arrivais pas à avoir. Aussi agréable à entendre que ce l’était, c’était vague, trop vague. Et long ? Quel shinobi avait un long avenir ? Mais tu ne répondis pas, ne cherchant pas à attiser un argumentaire ou quoi que se soit d’autre … et tu devais t’avouer, que tu aimais bien cette facette de sa personnalité. Il voyait du bien, là où tu n’y arrivais pas, il était un peu comme un gardien veillant à te faire voir, à te faire croire en quelque chose de lumineux, de claire et de chaleureux. Pour un guerrier de l’ombre, il t’apparaissait plutôt comme un gardien du soleil … Chose ironique, tu devais bien te l’admettre.
Tu n’étais pas non plus au bout de tes surprises lorsqu’il reprit la parole, en réponses à tes interrogations précédentes. Dès les premières paroles, ton regard ne le quittait plus, tu étais suspendue à ses lèvres. Quoi qu’il arrive, tu laisserais quelqu’un derrière toi … ton esprit s’envola une seconde vers Ao, Kirika et même Jinpachi. Mais évidemment, tu ne pus t’empêcher de visualiser … d’imaginer cet enfant dans ton ventre. Que lui arriverait-il si tu décidas de lui donner naissance et que, comme ta mère, tu mourrais et disparaissais à jamais ?
Mais aussitôt cette pensée entrée dans tête, tu la chassas du revers de la main pour concentrer ton attention sur l’homme qui depuis quelques mois te captivait. Il ne te semblait plus à son meilleur et aussitôt qu’il s’ouvrit à toi, tu compris pourquoi. Tu n’avais pas encore perdu d’ami … Ils n’étaient qu’occurrences récentes dans ta vie, alors tu ne pouvais entièrement comprendre, mais tu te dis que tu n’en mènerais pas large si tu devais perdre Ao.
Tu l’observas incertaine de ton prochain mouvement, de tes prochaines paroles, mais avant que tu ne te décidasses, il poursuivit, l’air calme, serein. Rassurée, tu te contentas d’écouter. Ce qu’il disait … ce n’était pas entièrement faux … mais pas entièrement vrai non plus.
« Bonheur … Penses-tu réellement que mon souvenir pourra évoquer le bonheur de quelqu’un ? Est-ce que mon souvenir t’évoquerait le bonheur ? De ce que j’en sais il n’évoque pas grand-chose d’autre que de la haine. En réalité tant que le travail est fait … c’est tout ce qui importe … les résultats, mais … Mais j’en viens à me demander … est-ce que la fin en vaut vraiment les moyens ? Je … encore une fois, ça n’a rien à voir. Ce n’est pas ça le problème.»
Prenant tes mains de nouveau, il te demanda ce qu’il y avait. Ce qu’il y avait … C’était simple, très simple. Tu marchais dans les pas de ta mère. Tu marchais tellement dans ses pas que tu commettais toutes ses erreurs et le pire dans tout ça, c’était que … que tu n’en avais pas honte. Angoissée ? oui, bien sûr. Tu ne voulais pas que cet enfant devienne toi et que ce nouveau toi commette les erreurs de ses prédécesseurs. Tu ne voulais pas le lui dire, juste au cas où tu le perdrais, car … car tu ne pensais pas y survivre. La bouteille que tu avais plus ou moins mise de côté depuis son passage chez toi redeviendrai ta compagne et tu savais que trop l’état dans lequel tu te retrouverais si jamais cette nouvelle le faisait partir. Mais … Mais il était trop tard pour faire marche arrière …
« Je … »
Ton souffle mourut dans ta gorge. Tu dégageas une de tes mains pour la remettre sur ton ventre. Reprenant ton souffle, tu te lanças de nouveau.
« Et si je te disais que j’attendais un enfant, que ferais-tu ? Et si je te disais que tout ça n’est qu’une mauvaise farce, que je fais les mêmes erreurs qu’elle, qu’est-ce que tu ferais ? Et si … »
Non. Pas maintenant. Plus tard cette question, cette pensée. Une étape à la fois. Ne pas les brûler … surtout ne pas les brûler.
Ton regard azur se posa sur lui guettant son visage, sa position, chaque changement qu’il y apportait, comptant les secondes. Tu t’étais refermée tirant sur ta seconde main pour l’éloigner lui alors que ton esprit analytique prenait le dessus. Tu te préparais pour une tempête. Un orage sans précédent, car jamais, jamais dans toute ton existence avais-tu été préparée à un tel moment, même pas tes rêves les plus doux.
Le jeune aveugle était un beau parleur et ce fait était de notoriété commune, il ne cherchait même pas à s'en cacher car il était conscient que cela faisait partie de son charme, mais il savait aussi qu'il y avait un temps pour tout. Un temps pour les blagues et les retrouvailles, pour l'humour et le sérieux, pour le flirt et...des discussions plus profondes et sombres comme c'était le cas de celle-ci aussi mais, une fois encore, Kyoshiro allait prouver aisément qu'il n'était pas juste doué pour mettre les femmes dans son lit en quelques mots. Oh que non, l'aspect solaire et rassurant de sa personnalité ne s'arrêtait nullement là et, si sa belle s'en était sans doute rendu compte au fil des dernières semaines, elle allait de nouveau en être témoin alors qu'elle s’ouvrait au Tadake. Comme toutes les personnes avec un peu de bouteille elle commençait à s'interroger sur son héritage, sur ce qu'elle allait laisser derrière elle et, au vu des bassesses exigées par sa fonction de kunoichi, Kyoshiro comprenait bien pourquoi cette question la hantait de la sorte.
S'il s'interrogeait sur cette question le jeune homme n'avait pas un passé plus glorieux non plus, il était un guerrier de l'ombre formé pour s'infiltrer, se mêler à la foule et surtout pour faire couler le sang, la seule différence était qu'il avait aussi connu le bonheur. Sa jumelle fut la première à lui faire goûter à ce fruit désiré pendant si longtemps, puis d'autres vinrent s'ajouter à la liste à mesure que les années s'écoulaient, à mesure qu'hommes et femmes rentraient à portée de sa présence solaire. Il n'était plus seul, il ne l'avait été contrairement à ce dont il avait essayé de se convaincre mais maintenant qu'il le comprenait, maintenant qu'il l'acceptait, les choses allaient nettement mieux pour lui et il en serait bientôt. de même pour son aimée.
« Ton souvenir évoquera ce que tu souhaites. Ce sont tes actions qui définissent qui tu es et l'héritage que tu laisses. Mais tu le sais cela, non ? Je ne peux pas décider pour toi quel genre de personne tu veux être, le choix t'appartient, mais tu as déjà accepté l'éventualité d'être heureuse en t'ouvrant à moi. Tu as fait le premier pas, il suffit de continuer dans la même direction si c'est ce que tu souhaites. »
Bien sûr ses paroles n'avaient de sens que si on leur en donnait, l'aveugle le savait bien et, pour ce qu'il en savait, ses paroles pourraient rentrer et ressortir aussitôt du crâne de celle qui faisait battre son cœur. Peut-être n'avait-elle pas la tête à écouter ses précieuses leçons de vie, à écouter ses pathétiques tentatives de lui remonter le moral mais pourtant le shinobi devait essayé, comme on avait essayé de lui rendre le sourire quand il avait tout perdu. Prenant une petite pause dans son discours, il poursuivit son explication par un point qu'il souhaitait tout de même aborder.
« Je ne te demande pas de renier ta part d'ombre, j'ai accepté la mienne depuis bien longtemps. Je suis la preuve vivante que lumière et ténèbres peuvent cohabiter. »
S'il en était capable, pourquoi pas elle ? Il n'avait rien de plus qu'elle, vraiment rien de plus, il avait juste eu la chance d'avoir du soutien quand elle était restée seule. Mais c'était différent maintenant, elle n'était plus seule et devait le comprendre puis l'accepter. En parlant de comprendre, justement, le jeune homme écouta d'une oreille attentive les questions qui lui furent posées, quant à sa réaction si jamais un jour la belle finissait par porter la vie en elle. Aveugle et stupide, croyant toujours qu'il s'agissait d'une discussion théorique sur un futur hypothétique, l'aveugle laissa Sayuri s'écarter de lui tout en levant les yeux au ciel, entourant son menton de sa main en une posture pensive. Comment réagir ? En vérité il n'avait même pas besoin de réfléchir, la réponse s'imposait d'elle-même et ne tarda pas à se faire connaître.
« Je te prendrai dans mes bras en te disant que tu ferais une mère formidable, ce qui est le cas. Tu connais les erreurs à ne pas répéter, tu as aussi tout juste commencé à goûter au bonheur et, quelque part, je pense que tu voudrais que ton enfant y goûte également. Je me trompe ? Tu voudrais qu'il connaisse ce dont tu as été privée, non ? »
Il n'y avait pas de doute ou de panique dans sa voie, juste du calme et de la sérénité car c'était ce qu'il ressentait en ce moment. Elle doutait ? Il la rassurerait. Elle avait peur ? Il l'accompagnerait tout le long du chemin, comme il l'avait fait jusqu'à présent. Ainsi, au bout de quelques secondes, il baissa la tête, laissa glisser un doux sourire le long de ses lèvres, alors que son visage se tournait vers cette femme si spéciale.
« Quoi que le futur te réserve, quoi qu'il puisse se passer, quoi que tu puisses décider, tu auras toujours mon soutien. »
En doutait-elle encore ? De ce soutien indéfectible ? De cette épaule qui serait toujours là pour elle ? Pourtant c'était clair dans la tête du Tadake qui, joignant le geste à la parole, posa sa main droite sur la joue de la demoiselle, avant d'appuyer son propos.
Bien que ses mots étaient rassurants en soi, bien que tu désirasses y croire, t’y abandonner, il y avait quelque chose d’irréaliste, de rêveur, d’impossible. Ce n’était pas toi qui décidais de tes actions, ce ne l’avait jamais été et si tes actions déterminaient ce que tu laisserais derrière toi … Tu n’avais pas l’impression que se serait glorieux ou même, simplement bien. Tu avais toujours exécuté ton devoir sans faiblir … sauf bien sûr cette unique fois, à Tetsu où tu ne pouvais plus le supporter … Et de cette fois, tu te souvenais encore des conséquences. Tu n’étais aucunement maîtresse de toi-même et tu ne le savais que trop bien. Tu appartenais à ton clan, corps et esprit, bien que ton cœur se faisait rebelle trouvant chaleur et tendresse auprès de ce konohajin. Et cette pensée te rongeait. Avant, tu n’avais de désir que de faire ton devoir, maintenant, il était tout ce que tu désirais.
Tu l’écoutas donc te faire la morale, sans un mot. Ses paroles étaient emplies de sens … Pour quelqu’un jouissant de sa liberté. Contrairement à lui, tu n’avais pas choisi tes ténèbres, tu n’avais pas choisi les démons qui allaient te hanter. Ils t’avaient été imposés. Et peut-être était-ce là toute la différence entre toi et lui ?
Mais tu n’ajoutas rien, préférant opiner lentement de la tête. Tu changeas le cours de la conversation posant tes questions, abordant ce sujet qui te rongeait. Et sa réaction … Sa réaction te laissa sans voix. Ce que tu venais de lui révéler … il prenait une minute pour penser … penser à une hypothétique réaction face à cette nouvelle.
Que se ne fut guère angoisse et colère, cela te rassurait. Et les paroles qu’il prononça eurent l’effet escompté, elles t’apaisèrent … un peu. Comment faisait-il pour ne pas prendre cette nouvelle plus sérieusement ? Comment pouvait-on être aveugle à … tu pinças tes lèvres. Tu ne pouvais pas réellement lui en vouloir pour ce qui n’était pas de son contrôle …
« Tu … Tu veux rire ? Dis-moi que tu veux rire. »
Ta voix était imbibée de ton incrédulité et de ton découragement. Tu venais de le lui dire et il ne semblait pas réagir outre façon. Il ne semblait même pas comprendre ce que tu venais de lui dire.
« Je te dis que je suis enceinte … Et tu … »
Tu inspiras un souffle tremblant. Tu ne savais pas si tu étais en colère ou simplement sur le choc, sur le choc de t’être monter la tête pour simplement entendre ces quelques mots. Sur le choc de voir qu’il ne s’arrêtait pas sur la question plus longtemps, sur le choc que … Il n’était pas en colère ou autrement déçu (probablement, car il ne comprenait pas réellement l’étendu de la situation) et te promettait de rester là pour toi, toujours.
D’un geste sec, rapide, tu repoussas sa main avant de reprendre, mais cette fois-ci, ton timbre était plus sec, plus agressif.
« Je suis enceinte, Kyo. Ton enfant. Et il est hors de question que je fasse la même erreur qu’elle, c’est hors de question. Non, tu ne te trompes pas. Cet enfant ne connaîtra pas ce que j’ai connu, car si … »
Tu t’interrompis d’un coup. Tes paroles étaient plus rapides que ton esprit cette fois-ci, mais … cette pensée qui venait de surgir … Tu ne pouvais pas l’ignorer. Tu n’allais pas donner naissance à cet enfant si c’était pour lui offrir la même vie que tu avais eu, il en était hors de question. Tellement de si et de peut-être se bousculaient dans ton esprit. Et une phrase qu’il avait dite un peu plus tôt également : toi une bonne mère ? Et quoi encore, la dernière fois que tu avais eu à gérer des enfants, tu leur avais lancé des kunais dessus et insulter. Tu n’avais rien de doux ou de maternel, voilà bien quelque chose que tu avais de différent que ta mère …
Tu le fixais, mâchoire serrée, les mains sur tes cuisses. Tu bondis d’un coup, prête à partir. Instinct ou simplement peur d’affronter la réalité, tu ne saurais le dire toi-même.
La famille avait toujours été le centre de la vie du jeune homme qui, depuis toujours, avait été contraint de se reposer sur les autres afin d'avancer, de mettre un pied devant l'autre et, plus généralement, afin qu'on lui dise quelle direction il prenait car il était proprement incapable de s'en rendre compte. Il avait toujours été un homme privé de lumière, privé de lumière et, de ce qu'il en savait, il aurait pu prendre toutes les mauvaises décisions qu'il ne s'en serait même pas rendu compte. Comment le pourrait-il ? Il se contentait d'avancer sans savoir ce qui se trouvait au bout du chemin, sans savoir si le bout de la route se finirait autrement que dans le sang et les larmes mais, jusqu'à présent, il ne s'était pas plus inquiété que cela de son futur. Pourquoi ? Parce qu'il était déjà assez content d'avoir pu vivre et survivre jusqu'à présent, d'avoir été aimé et chéri par plusieurs personnes alors qu'il ne pensait pas plus le mériter que cela, ne se voyant qu'à travers son affliction et rien d'autre durant les deux dernières décennies. Mais pour l'heure il avait laissé ses pensées profondes de côté parce que c'était la belle qui avait le plus besoin de lui, c'était la belle qui était dans une phase profond de redécouverte et, toute perdue qu'elle semblait être, Kyoshiro savait qu'elle avait plus que jamais besoin de paroles réconfortantes.
Les accepterait-elle ? C'était une toute autre paire de manches, bien entendu, mais il fallait essayer pour obtenir la réponse. Non ? C'était ce qu'il fit en laissant son ego de côté, en laissant toute réflexion pour se concentrer sur ce qu'il pensait être une discussion purement théorique. Il se posa donc, laissant son esprit errer vers les contrées mentionnées par son aimée et, pendant quelques instants, il sentit leur connexion se renforcer après des semaines et des semaines de séparation. Ou tout du moins était-ce ce qu'il croyait, jusqu'à ce que sa belle pense que son amant était en train de plaisanter.
« Pardon ? »
L'idée de fonder une famille ne l'avait pratiquement jamais traversé l'esprit jusqu'à présent, pour une raison extrêmement simple. Il s'était toujours trouvé indigne. Sa sœur, elle, pourrait faire un parent aimant et compétent, son jumeau le savait pertinemment, mais lui ? Il n'était qu'un demi-homme, qu'un maudit incapable de reconnaître la vraie beauté. Pourrait-il mettre au monde un enfant en étant incapable de l'admirer sous toutes les coutures, de reconnaître sa beauté, son sourire, son regard ? Il ne le savait pas et, plutôt que de refuser cette éventualité, il l'avait tout bonnement ignorée jusqu'à l'intervention de son aimée. Avait-il compris les choses de travers ? Avait-il omis un détail important ? Il se repassa le dialogue précédent en boucle jusqu'à ce que la belle le coupe, le coupe par une once qui viendrait figer son visage en une expression de surprise absolue. Les traits tirés, la bouche entre-ouverte et les yeux ronds comme des queues de pelle, l'homme s'immobilisa un instant lorsque la réalité le frappa en plein visage, jusqu'à ce qu'il ait l'impression que le temps s'arrête tout autour de lui.
Il aurait voulu se poser un millier de questions en même temps, s'interroger sur le futur de deux parents dans deux camps opposés, de sa capacité à être père mais aucune question ne lui vint, son esprit fut entièrement vide. Enfin non, presque entièrement vide, à l'exception d'une petite lueur qui se mit à croître au fil des secondes passées. L'étincelle se transforma en une balle de la taille d'une tomate, puis continua de grandir jusqu'à atteindre des proportions solaires, jusqu'à ce que ce trop plein d'émotion ne remonte à la surface, noyant le jeune homme sous une tonne d'émotions encore nouvelles pour lui. Instinctivement, en sentant son aimée se dérobée à lui, l'homme se redressa et attrapa la main de la Yamanaka, pour la contraindre à l'immobilisation le temps que son amant ne remette ses idées en place.
« A...attends ! »
Il aurait se relever mais ses jambes se dérobèrent sous lui, comme si elles étaient vidées de toute énergie, parvenant à peine à maintenir un genou à terre sans se sentir faillir. Puis il releva la tête et leva ses orbites immaculées vers sa belle, comme si la voir pourrait faire la moindre différence, pourrait parvenir à le calmer mais c'était peine perdue.
« Mer...ci. »
Si la belle pourrait voir le doux sourire éclairer le visage de celui qui faisait partie de sa vie, si elle ne pouvait rater cette expression de joie sous sa forme la plus pure, elle ne pouvait pas non plus ignorer les larmes qui coulaient désormais sur les joues du jeune homme. Pour tout dire il ne s'était même pas rendu compte de la présence de ces larmes, notant à peine le picotement dans ses yeux alors que ses lèvres se mirent à trembler pendant qu'il cherchait à regagner son calme. Il avait été heureux jadis, avait ressenti cette émotion de nouveau en s'ouvrant sa belle mais ceci ? L'idée qu'il puisse apporter la vie dans ce monde ? Cela avait été tellement impensable pour lui que, frappé par la réalité, il en perdait désormais toute capacité à formuler une phrase complète. Il tenta bien de serrer la mâchoire pour endiguer le flot, pour retrouver la nonchalance qui était sa marque du fabrique, en vain bien entendu. Trop, c'était beaucoup trop même pour lui. Surtout pour lui. Il n'était pas....si, si il l'était, il était prêt et ces larmes en était l'écho sous sa forme la plus simple. Il tenta bien de se relever une nouvelle fois alors que les larmes continuaient de couler, sans grand succès, avant d'avancer le genou pour se rapprocher un peu plus de la belle, posant ses deux mains tremblotantes autour de sa fine taille.
« Merci. Merci. Merci... »
Tels étaient les seuls mots que son esprit l'autorisait à dire pour le moment, les seuls mots qui filtraient entre ses dents, alors que le shinobi serrait les dents de nouveau pour retrouver sa composition et son calme habituel. Instinctivement il s'avança, avança sa tête pour poser son front contre le ventre de la belle, là où la graine de la vie avait été plantée. Si la main gauche se serra fermement autour des vêtements qui entouraient la taille de son aimée, sa main droite tremblotante se leva pour aller se poser sur son visage, comme s'il cherchait à épargner sa belle de ce spectacle inhabituel.
Il craquait, il craquait littéralement sous l'émotion mais, contrairement à la fois précédente, ce n'était nullement du désespoir mais de la joie qui l'animait entièrement. Il ne pouvait plus se contrôler, plus contrôler le flot et, si jusqu'à présent la belle avait cru que son amant s'était joué de lui, le voir genoux à terre devant lui lui prouverait le contraire.
Incapable de se contrôler, incapable de cesser de sourire alors que les larmes redoublaient d'intensité.
L’atmosphère, bien que déjà sérieux, changea du tout au tout alors que son esprit décodait les mots que tu lui avais lancés. Son visage se métamorphosa d’un air pensif à celui de la réalisation. Son regard agrandit par la surprise. Tu ne pouvais le prendre. D’un geste presque théâtral tu te retrouvas sur tes pieds, prête à quitter, mais sa main, grande et chaude attrapa la tienne. Toute colère, toute peur, tout émotion glissèrent de toi. Tu restas ainsi figée attendant l’ultime jugement. Le dégoût, le regret peut-être … Aucune idée. Mais tu te préparais pour une tempête. Une tempête inouïe qui te laisserait très probablement en morceaux.
Et elle ne vint jamais. Cette tempête que tu redoutais … elle fut remplacée par un choc si grand qu’il en perdit l’équilibre, se retrouvant un genou à terre, pupilles couleur de lune posées sur toi. La tension dans tes épaules retomba, le temps se remit en marche, malgré que ton esprit ne fît aucun sens de la situation. Sa voix résonna de nouveau. Un mot difficilement partagé.
Tu n’étais pas stupide. Tu comprenais ce qui se passait, mais tu ne voulais y croire, juste au cas où tu te retrouverais seule une autre fois, avec tes soupires et tes larmes. Mais ce sourire sur son visage. Les larmes sur ses joues. Il se rapprocha un peu plus de toi alors que ses mains trouvèrent ta taille. Que vous soyez en public, que vous ne deviez pas partager ce genre de connexion, que le monde se liguerait contre vous … plus d’importance. Ça n’avait plus d’importance. Il était là et c’était bien la seule chose qui comptait.
Avec un peu d’hésitation, tu glissas une main légèrement tremblante dans ses cheveux alors que de sa bouche coulait encore le même mot en boucle, comme si de l’avoir déjà ne suffit pas. Comme si à l’exception de cette vague rassurante de chaleur qui traversait ton âme, rien d’autre n’avait d’importance, qu’importe les regards curieux et inquisiteurs des quelques autres clients et du personnel surpris de votre scène de ménage.
Rassurée, tu l’étais. Non, c’était bien plus que cela. Tu étais … heureuse. Réellement heureuse. Était-ce donc cette sensation qui avait poussé ton prédécesseur à commettre ses erreurs ? Tu laissas tes jambes se dérober sous toi, approchant ton visage de celui de cet homme qui avec quelques mots chamboulé l’entièreté de ta vie, de cet homme qui avait fait de toi ce que tu devenais, celui qui t’avais fait goûter l’amour, le désir, le bonheur.
Et tu posas une main sur sa joue, essuyant de ton pouce une de ses larmes. Cette force, tu n’avais aucune idée où tu la puisais … En était-ce simplement ou était-ce le surréalisme de cette scène qui étouffait la vague d’angoisse qui cherchait à monter en toi ? Tu ne saurais le dire et tu ne désirais en aucun cas te pencher sur la question.
« Ne dis pas merci. Il n’y a rien à remercier. Aller, viens t’asseoir. Nous ... nous devons parler, je crois. »
Tes paroles te surprirent toi-même, mais tu n’avais aucune idée de ce que tu pouvais bien dire. Qu’il sache ou non pour cet enfant ne changeait pas le cœur du problème : il grandissait tout de même en toi, avec chaque seconde qui passait et tu n’étais aucunement prête pour ça. Tu n’allais lui donner ta vie, tu n’allais le faire naître sans père et sans mère – car, tu le savais, tu ne serais pas là pour lui : tu étais Kunoichi – et sans avenir clair, sans chance au bonheur ?
Tu humectas tes lèvres lentement alors que tes yeux étaient plantés dans les siens. Non, non ça ne changeait rien. Qu’il soit ravi, qu’il soit déçu, qu’il désira cet enfant ou non … Tu te retrouvais toujours dans cet entre-deux imprécis ou tu ne savais que faire, que penser.
Mais il n’allait pas partir. Il n’allait pas t’abandonner ou renier toute relation avec toi. Il était là contre toi engourdissant la peur et la douleur qui te serrait de nouveau la poitrine …
Il n'avait jamais trouvé sa propre voie, son propre but, sa propre raison d'avancer un pas devant l'autre et n'avait vraiment vécu que pour et par les autres, parce qu'il ne pensait tout simplement pas mériter de vivre ou de connaître le goût sucré du bonheur, mais les choses avaient bien changé depuis cette époque-là. Il avait décidé de faire tomber le masque et de ne plus se mentir, de ne plus s'entourer de secrets et de faux-semblants, d'être plus honnête envers lui-même et, à partir de ce moment-là, la vie prit une tournure plus douce pour lui. Il connut l'amour sous sa forme la plus pure, le bonheur, la sérénité et aujourd'hui, alors qu'il pensait avoir tout connu et ressenti, il réalisait qu'il s'était trompé lorsque sa belle lui fit l'annonce qui allait changer la vie, le forçant à courber l'échine et poser genou à terre. Que dire ? Que faire ? Que penser ? Le sourire aux lèvres, ses jambes se dérobant sous lui, proprement incapable de se relever, il posant sa tête tout contre le ventre de celle qui avait bouleversé tout son univers sans être capable de faire autre chose que la remercier pour ce qu'elle venait d'amener dans sa vie, sans être capable de stopper ces larmes qui vinrent s'écraser sur le sol à ses pieds, sous le regard curieux des rares clients qui s'étaient tous murés dans le silence le plus absolu. Ces regards n'avaient pas d'importance, tout ce qui comptait c'était que ces deux âmes soient de nouveau réunies, tout ce qui comptait était qu'ils soient ensemble : tous les deux le savaient bien.
Le monde entier était contre eux, ils n'étaient pas dans le même camp et pourtant...pourtant...pourtant Kyoshiro s'en fichait éperdument. Il resta là prostré pendant une bonne minute, sentant son cœur battre la chamade jusqu'à sentir la belle de son aimée se mêler à ses cheveux, jusqu'à ce cette dernière s'abaisse à son niveau. Ce contact de la main contre sa peau, cette fraîcheur sur sa peau de feu : il en avait besoin autant que la lumière avait besoin des ténèbres et inversement. Ainsi, il tenta vainement de frotter ses yeux pour chasser les larmes alors que la belle Yamanaka énonçait l'évidence.
« Ah bordel, désolé pour le spectacle. Ce n'est pas classe...du tout ! »
Si d'un côté il s'en voulait de se montrer aussi faible et vulnérable, lui qui avait toujours été le pilier sur lequel son amante avait su compter, celui qui lui avait dit ce qu'elle avait besoin d'entendre pour permettre d'avancer et d'évoluer, lui qui s'était efforcé de se montrer fort donnait aujourd'hui un spectacle des plus pathétiques. Mais, une fois encore, cela n'avait guère d'importance car c'était ce qu'il avait accepté de ressentir lorsqu'il avait décidé de casser les secrets de sa vie et, s'il s'en voulait pour le moment, il savait que c'était pour le mieux. C'était cela qu'on appelait vivre et non survivre.
« Laisse moi juste...vingt secondes. »
Serrant les dents tout en essuyant son visage de nouveau, l'homme puisa dans cette nouvelle énergie pour ordonner à ses jambes de fonctionner, de l'aider à se relever en s'aidant du mur le plus proche comme simple appui. Il finit par y parvenir et, alors qu'il se dirigeait vers sa place initiale, le shinobi ferma les yeux un instant. Trois profondes respirations, trois. Voilà tout ce que le jeune homme eut besoin pour regagner son calme habituel et sortir la tête de l'eau, gardant cette émotion merveilleuse sous le coude sans que celle-ci ne le submerge pour autant. Pourquoi ce contrôle ? Parce qu'ils avaient besoin d'en discuter, de mettre les choses à plat et de réfléchir de façon rationnelle à leur future parce qu'ils n'étaient plus des enfants. Mais...
« Avant toute chose, il me reste une chose à faire. »
Joignant le geste à la parole, il s'approcha de sa belle et l'accueillit d'un doux baiser teinté de bonheur et d'amour, symbole de leur union, reflet de ce qu'il ressentait pour elle depuis cette nuit dans ce jardin d'Eden. Combien de temps resta t-il ainsi, tout contre elle ? Il ne le sut mais, une fois qu'il s'écarta pour retrouver son souffle, il s'approcha de nouveau d'elle et la prit dans ses bras avec une douce et une chaleur infinie. Certes cette nouvelle était merveilleuse et irradiait leurs vies d'une lumière nouvelle, à n'en pas douter, mais il était par-dessus tout plus heureux que jamais de pouvoir enlacer celle qui avait fait battre son cœur.
Sa guerrière. Son ange. Son univers. Sa déesse.
Bientôt il s'écarta de nouveau, attrapant doucement la main de son aimée avant que les deux shinobis ne viennent s'asseoir, retrouvant leurs calmes respectifs alors que Kyoshiro évoquait la première chose qui lui passait par la tête.
« Tu connais déjà la première question que je vais te poser, je me trompe ? »
Souhaitait-elle le garder ? La question était si évidente qu'elle n'avait même pas besoin d'être posée, mais qu'en était-il du Tadake ? Sa réaction était suffisamment parlante pour que Sayuri n'ait pas besoin de le lui demander, ses larmes avaient retranscrit bien trop fidèlement le souhait tapi au fond du cœur de l'aveugle. Mais elle ? Elle devait avoir conscience de la difficulté de leurs situations et pourtant...pourtant...pourtant une partie de cette formidable femme devait vouloir se donner une chance, une chance de faire les choses biens, une chose de donner ce qu'elle n'avait su connaître et, à n'en pas douter, elle savait que son amant serait toujours là pour la soutenir.
Aussi étrange que cela puisse lui sembler il se sentait...prêt.
Tant d’émotions, aucune chaine. Simplement vécues et éprouvées. Un cœur à vif sous des déclarations qui t’avaient également frappées avec la force d’un Tsunami. Contrairement à toi, il ne s’était pas détaché, il n’avait pas cherché à garder son sang-froid de la même façon que toi, s’y abandonnant entièrement. Malgré que certains dans votre métier aurait qualifier cet élan émotif d’irresponsabilité d’un manque de professionnalisme, tu y voyais là une marque d’humanité. Celle que tu essayais d’étouffer et d’ignorer jours après jours.
Tu l’admirais de rester lui-même et, ce, qu’importe ce que la vie lui lançait au visage. Il se redressait, vivait, ressentait. Il était tout ce que tu n’étais pas. Lumière ou tu étais ombre, chaud où tu étais froide, émotif où tu te refermais. Tu ne le pressas donc pas outre mesure, le laissant vivre l’intensité du moment avec une certaine fascination.
Ta main contre ses cheveux s’immobilisa une seconde, lorsqu’il parla et pour la première fois de ta vie, tu te dis : et alors ? On s’en fiche. Il se releva et tu luttas contre l’envie de caler ta main dans la sienne, d’ignorer le problème et simplement de passer quelques instants en sa compagnie, mais … Mais tu savais que pour l’instant, tu ne pouvais pas.
Il reprit son calme, à l’aide de quelques profondes respirations et tu n’avais toujours pas bouger. Une phrase de sa part et ses lèvres vinrent trouver les tienne à nouveau. Tu t’abandonnas à ce contact. À cette chaleur, à l’ivresse du moment. Sa présence était définitivement à tes angoisses. Vos lèvres dansèrent l’une contre l’autre un petit moment avant de vous séparer et il te prit dans ses bras. Ta tête se posa contre son torse et tes yeux se fermèrent quelques secondes.
Une autre tempête se profilait à l’horizon, cette discussion qui allait suivre … Tu la redoutais, car à voir sa réaction la nouvelle l’avait chamboulé …
Main dans la main il t’entraîna vers l’alcôve où il prononça une question. Bien sûr que tu le savais, que tu comprenais. Tu déglutis et tes doigts se mirent à trembler légèrement. Paupière closes, tu inspiras, tentant de calmer ton cœur qui s’emballais.
« Cet enfant, cet enfant ne connaîtra pas ce que j’ai connu. Je ne le permettrai pas. Quelqu’un comme moi … N’est pas fait pour être parent et encore moins seule. »
Cet enfant, tu aurais aimé l’apporter dans ce monde, le regarder grandir, mais … mais pouvais-tu te le permettre ? Tu étais une guerrière de l’ombre entièrement dévouée à ton clan et si on t’ordonnait de choisir entre devoir et bonheur … ton choix … ton choix était fait il y avait de cela bien longtemps, bien que ces derniers mois, ce n’était plus si évident, plus simple. Comment avait-il réussi à briser cette image que tu avais mis tant d’années à perfectionner ?
« Ce que je veux dire, Kyo, c’est que je ne suis pas dans une position où de mettre cet enfant au monde et de m’en occuper est possible. Si tu es là-bas, à Konoha, je … Je me vois mal chez moi, à répéter ce que ma mère a fait. Laisser un orphelin derrière moi, après une mission, les laisser leur faire ce qu’ils m’ont fait … Je ne le souhaite même pas à mes pires ennemis, Kyo. »
Si tes paroles avaient un sens ou non, tu n’en avais aucune idée, mais il fallait qu’il comprenne que toi seule, tu ne serais jamais capable d’offrir à cet enfant la moitié de ce qu’il mériterait. S’il naissait, tu n’arrivais pas à imaginer sa vie, toi qui avais l’habitude de ne jamais rester longtemps au même endroit. Toi qui ne passais chez toi que pour prendre le strict minimum de repos.
« Et … ma position, ma position me force à toujours être en mouvement. Je ne reste jamais bien longtemps chez moi. Lorsque tu es venu … c’était le plus long moment que j’ai passé sans prendre de mission depuis … depuis si longtemps que je ne m’en souviens pas … Alors, dis-moi, comment est-ce possible pour moi, cet enfant ? »
Ta voix brisait. Comment harmoniser ce que tu désirais et ton devoir ? Ta question, c’est là qu’elle se trouvait en réalité. L’enfant n’en était qu’une partie …
Lorsque la plupart des gens posaient les yeux sur cet aveugle à la crinière blanche, cet idiot au sourire en permanence collé sur son fin visage, beaucoup prenaient cette joie apparente comme de l’ignorance ou de la naïveté. Pourquoi ? Sans doute parce que tous assumaient qu’un aveugle ne pouvait se rendre compte de l’état de corruption et de malheur dont était frappé ce monde, comme si cette laideur ne pouvait être que vue et pas ressentie, et bien évidemment le jeune aveugle se gardait bien de leur prouver qu’ils avaient tort. Quel était son intérêt dans cette histoire ? Le Tadake n’avait de compte à rendre à personne, d’explication à donner sur sa façon de « voir » le monde, il décida donc de réduire cette petite voix au silence. Oh il avait pleinement conscience de la laideur de ce monde et, pourtant, c’était justement parce qu’il en avait pleinement conscience qu’il avait décidé de s’accrocher à tout le positif qui lui passait sous la main. Pourquoi repensait-il à cela, aussi subitement ? Sans doute parce que la discussion à venir allait amener son lot de questionnements et de stress, car le sujet n’était pas facile à aborder pour l’un comme pour l’autre, mais il fallait tout de même mettre les choses à plat avant de prendre une réelle décision quant à leur avenir commun. Il garda la main de sa belle au creux de la sienne tout en écoutant le début de sa réponse, tâchant de garder son calme malgré le ton de la réponse qui ne lui plaisait guère. Dans la tête du jeune homme cela avait toujours été limpidement clair, concernant l’importance de se sentir prêt et pas forcé à mettre au monde une nouvelle âme dans ce monde et, si Kyoshiro se sentait étonnamment prêt à sauter le pas, sa partenaire n’était pas du tout de cet avis. Quelqu’un comme elle ne pouvait être parent ? Oubliait-elle que son amant était de la même trempe ? Si cette seule remarque fit serrer la mâchoire du Tadake, le forçant à respirer pour ne pas s’emporter, il écouta le reste de l’explication sans prononcer le moindre mot.
Elle n’était pas prête, tellement pas et pourtant Kyoshiro résista à l’envie de lui prouver le contraire. Il ne voulait pas changer sa façon de penser mais lui exposer des faits, des chose dont lui-même était sur. Pour commencer, il lui posa une question honteusement simple.
« Tu t’inquiètes du comment, alors que c’est le pourquoi qui est important. Dans le cas présent cela se résume à une seule question : Veux-tu avoir un enfant ? »
S’interroger sur la façon de s’en sortir n’était pas le premier chemin à prendre dans ce genre de réflexion, le plus important étant évidemment de se demander si les deux parties souhaitaient réellement avoir un enfant. Imposer la décision à l’autre était le meilleur moyen de créer des tensions inutiles, aussi poursuivit-il son explication sans lâcher la main de sa belle.
« Notre vie est loin d’être stable. Nous bougeons tout le temps et sommes condamnés à rester attachés à nos familles et villages respectifs, mais cela n’a pas d’importance. »
Elle était trop attachée à sa famille pour la quitter et il avait une trop grande dette envers sa sœur et le village pour les quitter, de cela au moins en avait-il pris conscience, mais cela ne voulait pas dire que d’autres solutions alternatives étaient inexistantes. Il avait déjà l’idée de demander à l’intendante de devenir l’agent de liaison avec ce clan, en vue d’une quelconque alliance, mais ce n’était qu’une idée sur laquelle il aurait très peu de poids. Il savait que cela serait compliqué, au vu de leurs affiliations respectives, mais cela ne voulait pas dire que c’était impossible.
« Toutes les familles de shinobi sont confrontées à ces questions, et finissent par bien s’en sortir, au bout du compte. Les moyens de s’en sortir existent, mais ce n’est pas ce qui importe ici. »
Il laissa un petit silence s’installer en quelques secondes puis, lentement, il libéra sa main du contact avec celle de son aimée, pour mettre un peu de distance alors qu’il arrivait à la fin de son explication. Il ne pouvait pas décider pour la demoiselle, il pouvait simplement lui montrer que cela était possible et lui demander ce qu’elle en pensait, avec toutes les informations en tête.
« Ce qui compte c’est ce que toi tu veux réellement. Je sais que tu fera une mère formidable, mais si tu ne te sens pas prête alors rien ne t’oblige à sauter le pas. Rien n’est pire pour un enfant de sentir qu’il n’a pas été désiré. »
Si elle ne souhaitait pas d’enfant alors elle pouvait s’en débarrasser dés le lendemain, il était sans doute encore assez tôt pour un avortement, mais évidemment le Tadake souhaitait ne pas arriver à une telle extrémité. Pourquoi ? Parce que l’idée de créer une famille, un futur semblait douce à l’oreille et, peut-être, ferait-il un père compétent. Peut-être.
« Ne t’occupes pas du comment, tu n’es pas seule dans cette histoire. Demande-toi surtout si tu le veux. Si tu veux te créer un futur, te créer un futur rayonnant. »
Pensait-elle vraiment que Kyoshiro allait la laisser seule dans cette histoire ? Pensait-elle qu’il était ce genre d’individu ? Pensée assez triste, oui, que le shinobi chassa d’un mouvement de la tête. En guise de conclusion il tendit sa main vers la belle, paume vers le plafond, façon silencieuse de lui demander quelle était sa décision.
Et sa question te frappa avec puissance, te laissant désorientée. T’étais-tu même poser cette question ? non pas encore. Tu ne l’avais appris que trop récemment. Tu étais enceinte et c’est tout ce que tu savais. Tu l’avais appris dans la journée. Tu n’avais pas encore réussi à penser à quoi que se soi sauf la détresse, la peur qui s’emparait de toi lorsque tu fermais les yeux et pensais à cet avenir plus incertain qu’une mission.
Tu pris quelques instants pour réfléchir, pour te le demander, mais … tu n’en avais aucune idée. Désirais-tu être mère ? Peut-être l’avais-tu à huit ans alors que ta mère t’enlaçait et te chuchotait de beaux mensonges … Mais aujourd’hui ? Avoir ta maison moins vide, pleurs ou les rire d’un enfant … Tu ne les aimais pas en général, mais celui qui grandissait jour après jour dans ton ventre, en moins de quelques heures, il était devenu quelque chose, quelqu’un pour qui tu avais plus d’affection que tu ne le croyais possible. Voulais-tu UN enfant ? Non. Voulais-tu CET enfant ?
La réponse te tétanisa.
Oui. Celui-là, pas un autre. Celui de Kyoshiro, celui qui t’avait accompagné sans le savoir dans le plus difficile période de ta vie, celui qui était là maintenant, imprévu et pourtant … Même à toi il arracha un sourire alors qu’une de tes mains caressait ton ventre lentement.
« Pas un enfant. »
Soulignant le mot un très fortement, tu répondis alors que ta voix peinait à sortir de ta gorge. Avais-tu le droit de faire un choix si égoïste ? Ton devoir, ta carrière ? Pouvais-tu te le permettre ? Peut-être. Mais tu ne le pensais et formuler en mot ce qui te semblait inconcevable te demandait plus que tu ne l’aurais cru.
« Lui. Seulement lui. »
Pourquoi celui-là et pas n’importe quel autre ? Pourquoi n’aurais-tu pas peur de te débarrasser de n’importe quel autre enfant qui prendre racine en toi ?
« C’est le tien. Parce que c’est le tien. »
Il semblait confiant là où toi tu ne l’étais pas. Il semblait être capable de faire n’importe quoi et à chaque cet optimisme te dévorait. Tu voulais y croire avec toute ton âme, mais … Mais certains obstacles que devriez franchir te semblaient simplement insurmontables, comment faisait-il pour les comparer à ceux de tous les autre shinobis ? Il se recula, reprenant sa main. Tu tu voulus la retenir, mais à la place tu laissas la tienne ouverte sur la table tes doigts pointant vers le plafond, l’air bête, comme si on t’avait dérobé ce contact trop tôt. Et son discours n’en finissait plus d’être beau, optimiste et te faisait y croire, y croire tellement que lorsqu’il eu enfin fini son monologue, tu inspiras, puis, tu répondis, sans réfléchir, sans te sentir égoïste, simplement de cœur à cœur :
« Je veux y croire. Quand c’est toi, je veux y croire … Mais je n’ai pas les qualités d’une bonne mère. Kunoichi, oui. C’est-ce que je fais mieux. Mais tu ne m’as pas cet été. Je … Si c’est moi qui blesse cet enfant, je ne saurai me le pardonner. Je … Je l’aime déjà. Et je n’aime pas les enfants, pas d’habitude. Ça geint, ça pleure, ça crie. Ça me met hors de moi toujours, ce n’est pas capable de faire des missions et il faut les protéger … Mais … lui, le tien … malgré ça … malgré que je sache qu’il faire absolument tout ce que je viens de dire, je sens qu’il … je vais l’aimer, je l’aime déjà … »
Ta voix perdait en force avec chaque mot jusqu’à ce que ce ne soit qu’un murmure étouffer, un aveu inattendu même de ta part. et lorsque ses doigts revinrent vers toi, tu n’hésitas pas, prenant sa main, t’y accrochant.
« Je ne sais pas quoi faire. Je … je ne veux pas le perdre, lui ou toi. Alors dis-moi. Toi. Qu’est-ce que tu veux ? »
Le but de tout individu n'était-il pas de laisser une trace derrière lui, de créer de ses propres mains ce qu'on appelait parfois héritage ? Les avis divergeaient sur la question mais une chose était sûr, l'héritage le plus vivant et fidèle à la réalité ne pouvait être transmis qu'au fil des générations, qu'à sa chair et son sang : un constat que le jeune aveugle ne réalisait seulement que maintenant. Pourquoi maintenant ? Parce que jusqu'à présent il n'avait eu pour seule préoccupation que de rembourser sa dette morale envers ce village du pays du feu, mais aussi de devenir toujours plus fort afin de pouvoir protéger sa sœur car perdre cette partie de lui était tout bonnement intolérable. Mais ce n'était que depuis que la belle Yamanaka était rentrée dans sa vie que le jeune combattant de l'ombre avait commencé à voir les choses sous un jour nouveau, pour ainsi dire, notamment en laissant enfin le concept d'amour rentrer dans sa vie après des années d'isolement volontaire. Avait-il fait le bon choix ? Si la question avait pu se poser au début, car tout cela était encore bien trop nouveau pour lui, avec un peu de temps et une expérience mortellement douloureuse dans une grotte dont il ne souhaitait plus se souvenir, le Tadake avait enfin réalisé ce qui était véritablement important dans sa vie. Souhaitait-il qu'une foule d'inconnus se souviennent de lui comme un shinobi qui avait donné sa vie pour une nation, sans voir le fruit de ses efforts, ou souhaitait-il que seules les personnes qui le connaissaient vraiment se remémorent quel genre d'homme il avait été ? Quel genre de frère, de mari, de père il avait été ? Alors qu'il se posait cette simple question la réponse lui parut limpide, évidente, absolue et c'était avec cette certitude qu'il s'adressait désormais à la femme de sa vie.
Il connaissait les incertitudes qui meurtrissaient son cœur brisé, car il avait fait face aux mêmes dilemmes, aux mêmes questions, mais c'était justement parce qu'il avait trouvé sa propre réponse qu'il pouvait se permettre de poser cette question à Sayuri. Voulait-elle un enfant ? Voulait-elle se créer un héritage, et voir l'amour et l'émerveillement briller dans les yeux de sa chair et de son sang ? Tous ne le souhaitaient pas et la décision lui appartenait, à elle et elle seule. Puis vint la réponse et, si le jeune homme fut intrigué de prime abord, il laissa bien vite couler un doux sourire sur son visage lorsqu'une partie de sa pression disparut, allégeant ses épaules alors qu'il ne perdait pas une miette des paroles de sa belle. Lui et seulement lui ? Kyoshiro n'avait pas pour ambition de former une famille nombreuse, ce premier enfant serait le symbole de leur amour, de leur union et c'était bien tout ce qui comptait. Ferait-il un père compétent ? Il était trop modeste pour le dire, mais il savait qu'il avait de l'amour à revendre. Il l'avait déjà prouvé et continuerait à le faire, encore, et encore, et encore.
« C'est en doutant de soi-même qu'on peut se remettre en question, qu'on peut continuer à avancer. Je pense l'avoir déjà dis, non ? »
Elle ne se sentait pas confiante et peut-être était-ce mieux comme cela, ainsi elle redoublerait sans doute d'efforts pour faire bien les choses et puis, de toute façon, Kyoshiro n'était pas inquiet un seul instant quant à la capacité de sa belle à être à la hauteur. Elle le serait, il ne pouvait en être autrement.
« Il nous vous arrivera rien à tous les deux, je suis là. Tu seras formidable, j'en ai la certitude. »
Le garçon privé de lumière releva ensuite la tête et, son sourire toujours sur son visage, tourna ses prunelles immaculées en direction de sa belle avant de lui demander simplement :
« Regarde-moi. Tout ira bien. Tu me crois quand je te dis ça, non ? »
Elle l'avait suivi jusqu'ici sans réfléchir, il avait bouleversé son monde au cours des derniers mois. Pourquoi s'arrêter maintenant ? Le doute était compréhensible, mais il ne devait pas s'installer définitivement. Un jour, tôt ou tard, elle n'aurait plus la moindre trace de ce doute dans son esprit. Ainsi, il serra la main de sa femme de ses nuits dans sa main, doucement, chaudement, avant de plonger dans son propre cœur pour trouver la réponse à cette question. Que voulait-il ? Il le savait déjà, le tout était de savoir le formuler.
« Tu sais déjà ce que je veux, non ? Je vous veux à mes côtés, tous les deux, aussi longtemps que mon cœur continuera de battre. »
Il ne comptait pas sa sœur dans le lot car elle ferait toujours partie de sa vie, rien ne saurait jamais changer cela mais, pour l'heure, afin de mettre un peu de calme dans l'esprit de son aimée, le Tadake posa sa main libre tout contre cette douce joue, avant de conclure par un :
À sa question, tu ne pus qu’hocher la tête, accepter ses mots, les croire alors qu’ils entraient encore dans tes oreilles. Les paroles qu’il prononçait semblaient toujours si vraies, si inspirantes que tu ne pouvais faire autrement que d’y croire ou de les accepter. Elles étaient ton ancre dans la tempête que ton univers était devenu depuis qu’il y était entré. Alors lorsqu’il te promit que tout irait bien, tu hochas la tête, lentement avant de te rappeler qu’il ne voyait pas ce genre de mouvement, il faudrait que tu apprennes à t’y faire.
« hm-hm. »
Et il poursuivit. Tu étais curieuse de sa réponse, de savoir que lui, désirait. S’il le demandait, cet enfant ne verrai jamais le jour et tu prétendrais que tout ça n’était jamais arrivé, mais … Mais de par son discours, tu te doutais déjà des mots qu’il prononcerait et tu sentais déjà une chaleur rassurante grandir dans ton ventre à cette idée. Et lorsque ses mots tombèrent enfin, tu pus permettre de respirer, toi qui n’avais même remarquer que tu avais arrêté dans l’attente de sa réponse.
« Je … je suppose que oui … »
Tu ne savais que dire de plus à ses paroles, n’étant pas vraiment une femme de mot, du moins, lorsqu’ils venaient du cœur. Tu pouvais bien servir une idylle ou mensonge, mais jamais à cet homme devant. Bien sûr, la raison exacte ne t’échappait plus et tu avais fini par l’accepter, bien qu’elle te déstabilisât toujours, toi qui n’avais jamais espéré devenir la victime de ton propre piège. Et pourtant, te voilà bien embourbée dans cette histoire, dont tu ne souhaitais même pas sortir.
Tu te rapprochas de lui jusqu’à ce que tu puisses appuyer ta tête sur son épaule, et les yeux fermés, l’air serein, tu lui murmuras :
« J’espère que tu sais que tu fais et que tu ne le regretteras pas, car je ne te laisserai pas partir. »
Ce fut après toute cette agitation que votre repas vous fut finalement servis. Tu n’étais pas de nature bavarde et n’ayant pas fait grand-chose d’autre que des missions, tu te retrouvas rapidement dans une impasse, ne sachant pas comment meubler la conversation avec, tu optas donc pour l’option, la plus simple et tu choisis plutôt de profiter de sa présence, de l’observer entre deux bouchées ou de tendre la main pour effleurer la sienne de temps à autre.
***
L’après-midi avait filé à toute vitesse, et bientôt la lune s’élevait dans le ciel. La lune … Depuis cette nuit, tu l’aimais particulièrement, te rappelant à chaque fois que tu posais ton regard sur sa brillance opaline les yeux de l’homme te tenant compagnie à cet instant précis. La foule ne s’était pas réellement dissipée, comme si le fait que c’était la dernière soirée du festival n’avait fait que gonfler le nombre de touristes, mais ça n’avait plus d’importante, pas à ce moment-là.
Et pourtant, la soirée qui s’annonçait être belle se transforma en orage, d’un coup, sans que tu ne puisses te mettre à l’abris. D’être trempée ne te dérangeait habituellement pas, mais là à ce moment précis, tu trouvais que ça ruinait bien le moment.
« Mettons-nous à l’abris. »
Tu l’entraînas alors vers la première échoppe que tu vis, où l’eau ne pourrais continuer d’imbiber ton kimono l’alourdissant de plus en plus. Ta coiffure habituellement si soignée se lourde et défaite alors que de loques de cheveux roses se défaisaient de leur chignon pour venir se plaquer contre ton visage, ton cou et tes épaules.
« Ici, ici on devrait être à l’abris, le temps que la pluie se calme un peu. Si tu veux, après, nous pourrions aller à l’auberge où je loge. »
Tu tordis le bas de ton vêtement, grognant de frustration. Les kimonos et la pluie ne faisaient jamais bon ménage. Pourquoi fallait-il que ce soit cette soirée-là et pas une autre ?