Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
Face aux jumeaux Tadake, tu ne pouvais t’empêcher de comparer ta relation avec Ao à la leur. Deux personnalités si opposées, si différentes et pourtant si indissociables, si complémentaires. Les jumeaux étaient le jour et la nuit, comme Ao et toi. Bien sûr, leur duo ne partageait pas la même essence que le vôtre. Le leur datait d’années de support mutuel, de secrets partagés, de présence, d’espoir et de dévotion, alors que le tien n’avait tout au plus que quelques mois et quelques courtes péripéties. Chose qui te laissait pensive, voir même envieuse. Peut-être Ao et toi atteindrez ce genre de relation semi-symbiotique ? Ou peut-être qu’inconsciemment vous l’aviez déjà et que tu jalousais cette relation privilégiée des jumeaux sans fondements réels.
Vos deux duos avaient bien plus en commun qu’on ne pouvait le croire aux premiers abords. Bien que chacun des individus les constituant étaient foncièrement différents, tu avais remarqué quelques similitudes générales. D’abord, Yuriko était comme toi et elle devait exceller dans le même domaine que toi, si tu te fiais à son comportement général, à ses mots, mais surtout à la grâce et l’élégance qu’elle démontrait avec chacun de ses mouvements. Une femme taciturne qui n’allait pas naturellement vers les autres. Elle était comme la nuit, plus froide et plus fermée que son frère. Kyoshiro et son sourire et ses manières te faisait vaguement penser à Ao. Charismatique, enjoué, sachant comment interagir avec les reste de l’humanité, comme le soleil, comme le jour. Ils étaient, tous deux, des êtres sociaux. Il ne t’avait pas fallu bien long pour arriver à de telles conclusions. Pourquoi ? Simplement parce que ces choses étaient aussi évidentes que le nez en plein visage.
Tu avais déposé tes choses chez Yuriko, mais les tâches qui incombaient ton partenaire exigeait qu’il demande davantage l’attention de ton amie que toi, mais n’étant pas du village, tu ne devais jamais quitter l’œil avertis des shinobis du village caché dans les feuilles, alors il te fallait un gardien.
Chose qui n’était guère compliquée à résoudre en fait. Tu demandas que ce soit le frère de ton amie. Pourquoi ? Simplement par curiosité. Tu désirais savoir quel genre d’homme était-ce frère dont tu ne connaissais que le nom et l’apparent handicap, handicap qui dans son cas n’en semblait pas un, tellement il était même privé de la vue.
Tu le retrouvas donc devant la porte de sa demeure, par un heureux hasard. Tu n’avais pas à cogner, puisqu’il semblait quitter pour une activité quelconque. Un sourire étira tes lèvres alors que tu te rapprochas, prenant soin de faire du bruit pour ne pas le surprendre – tu étais tellement habituée à être discrète que tu devais maintenant porter attention pour être remarquée lorsque tu te déplaçais – avant de prendre la parole d’une voix claire et calme :
« Désolée de t’importunée si rapidement, mais mon équipier avait des tâches administratives auxquelles ma présence n’était pas requise. Je me demandais s’il était possible de passer quelques heures en ta compagnie »
Depuis le salon de thé, tu t’étais changé. L’étiquette ne requérant plus que tu portasses un kimono particulier, tu avais opté pour quelque chose de bien plus simple. Un simple Yukata d’été au motifs floraux – tes préférés – fait de coton. Tes cheveux n’étaient plus retenus par l’imposante coiffure que tu avais portée plus tôt, n’étant que retenue dans une queue de cheval haute alors que la pointe de tes cheveux roses balayait le bas de ton dos. L’odeur de ton parfum te suivant depuis ce matin était maintenant un peu dilué, mais clairement encore présent.
Te le fixais sans vraiment bouger, n’étant pas certaine que ton approche eût été la bonne. Qu’est-ce que tu pouvais manquer de tact lorsque tu n’étais pas en mission. Après tout, tu ne cherchais pas à l’assassiner dans la nuit et tu ne l’avais donc pas espionné des jours durant pour savoir exactement le genre d’homme qu’il était. Et l’idée de représailles, car représailles il y auraient à coup sûr, te tétanisait. Cet homme était le frère de la seule amie que tu avais à l’exception d’Ao. Comment ne pas tout gâcher ?
Depuis longtemps le jeune homme avait bien compris sa place dans la famille Tadake. Il était le soleil alors qu'aucune raison ne le poussait à l'être, il étai celui qui souriait à la vie sans pour autant être rancunier vis à vis du sort qu'elle avait décidé pour lui, en clair il était le plus joyeux de la famille tout en ayant le moins de raisons de l'être. Depuis toujours il avait aimé sa sœur plus que tout au monde, c'était une chose sans doute attendue de la part de personnes qui partageaient le même sang, cette connexion s'était faite suffisamment naturellement pour qu'il ne réalise pas tout de suite à quel points tous deux étaient complémentaires. Si lui avait plus le sang chaud et laissait parler ses émotions sans grande retenue, s'il vivait sa vie aussi intensément que possible sans jamais ralentir, sa moitié avait toujours été plus calme et réfléchie que lui. Le feu et l'eau, la lune et le soleil : telle était une façon appropriée de définir leur relation que le temps n'avait su altérer. En règle générale c'était toujours le jeune homme qui devait pousser sa chère sœur à sortir car elle n'était guère sociable, chose que l'aveugle avait toujours accepté avec bienveillance, mais depuis peu ce dernier avait cru sentir que les choses prenaient un nouveau tournant. Sa sœur semblait plus...ouverte, moins renfermées sur elle-même et la rencontre d'aujourd'hui en avait été la preuve parfaite. Quelle ne fut pas la surprise du jeune homme quand, la veille, il avait reçu une invitation de sa sœur pour rencontrer une...amie ? Ce mot semblait étrange dans la bouche de sa jumelle mais, s'il n'en montra rien, son sourire intérieur fut des plus radieux. Pourquoi ? Parce que c'était là la preuve que sa sœur pouvait s'ouvrir sans lui, qu'elle pouvait se créer des relations qui furent trop peu nombreuses et que, très bientôt, elle n'aurait plus besoin de son handicapé de frère.
D'autres auraient accueilli cette nouvelle avec fatalité mais ce ne fut guère le cas de Kyoshiro car tel fut son objectif dés le départ, savoir sa sœur réellement heureuse était tout ce qu'il avait jamais désiré. Ses propres désirs avaient depuis longtemps été écrasés au profit du bien commun et du bonheur de sa sœur, tel était le genre d'homme que Kyoshiro était. Après tout elle avait mis sa vie entre parenthèses pour lui pendant si longtemps, le moins qu'il puisse faire était de faire en sorte qu'elle soit assez heureuse pour ne plus penser à lui, pour ne se concentrer que sur sa propre vie en oubliant tout le reste.
Peut-être finirait-il par être oublié, mais si c'était le cas alors ce serait forcément pour le mieux. Du moins était-ce de cela qu'il avait tenté de se convaincre pendant ces derniers mois, sans grand succès.
La rencontre fut charmante, calme et si l'homme privé de lumière serait bien resté un peu plus longtemps, les obligations appelaient les uns et les autres bien loin de cette conversation. Sans plus d'hésitation il prit congé de ses trois interlocuteurs et retourna se changer à son appartement, troquant sa tenue habillée contre un short beige et un t-shirt sans manche rouge mettant en valeur sa musculature. Il avait beau être n soleil ne ne fallait pas aussi oublier qu'il était un bourreau de travail et, à ce titre, qu'il passait chaque temps de libre à s'entraîner avec une ardeur renouvelée. La tête dans les nuages, se demandant déjà ce qu'il allait pouvoir réaliser comme session aujourd'hui, il fut si préoccupé par son programme de la journée qu'il ne sentit même pas venir cette voix désormais familière.
L'espace d'un instant le jeune homme ne put retenir un sourire réellement radieux qui illumina son visage comme jamais, tout simplement parce qu'il s'était attendu à ce que les deux invités restent avec sa sœur. Après tout elle était la raison de leur rencontre, pas lui, alors pourquoi le choisir lui ? Certes ceux qui le connaissaient appréciaient de passer du temps avec lui quand il s'agissait de faire la fête, son domaine de prédilection, mais une parfaite inconnue ? En voilà une bonne surprise.
Se tournant vers la demoiselle, Kyoshiro se pencha en avant pour singer une révérence avant de vocaliser sa réponse évidente.
« En voilà une bonne surprise. Ce serait un plaisir pour moi, évidemment. »
Cette femme était intrigante car, si elle semblait aussi calme et maîtrisée que sa propre sœur, elle semblait capable d'un maintien et d'une douceur qui piquèrent l'évidente curiosité du garçon. Se relevant, arborant toujours son éternel et énervant sourire amusé, le garçon se positionna à droite de sa camarade et tendit le bras gauche en avant, comme un gentleman pourrait le faire pour inviter une charmante femme à s'accrocher à ce bras pour avancer à l'unisson. Montrant une nouvelle fois qu'il était capable de bonnes manières quand il en faisait les efforts, quand il jugeait que cela en valait la peine, il invita donc sa nouvelle amie à se joindre à lui avant de vocaliser sa proposition.
« Puis-je vous proposer un verre, ma chère ? Quelque chose d'un peu plus fort que ce thé ? »
Si la demoiselle acceptait alors il la mènerait à travers les rues et ruelles de Konoha, lui faisait un petit tour de propriété jusqu'à l'amener à une taverne où il allait régulièrement. Bonne ambiance, bons alcools et personnel sympathique : que demander de plus ? Bien sûr, si elle n'était pas portée sur l'alcool alors il trouverait d'autres choses à lui montrer. Ici c'était chez lui, il connaissait chaque coin comme sa poche.
Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
Ses vêtements également changés, l’homme devant toi avait clairement quelque chose d’autre en tête que de passer l’après-midi avec toi, mais le sourire qu’il avait fait au son de ta voix t’indiquait que tu l’avais pas dérangé, à moins qu’il fût meilleur acteur que toi. Cette réflexion te laissa perplexe l’espace d’une seconde … Non ce ne devait pas être le cas. Il ne t’avait pas semblait être le genre d’homme à jouer ainsi. Mais tu ne le connaissais que depuis quelques heures tout au plus, alors peut-être sautais-tu déjà aux conclusions ?
Pourtant, tel l’homme galant qu’il avait su être depuis les premières secondes de votre rencontre, il n’avait guère refusé ta proposition. D’ailleurs, il avait même poussé sa galanterie à un autre niveau, t’offrant son bras.
C’est avec un petit rire clair que tu pris son bras. La journée avait bien commencé et s’annonçait de mieux en mieux. Surtout lorsqu’il te proposa un verre. Tu aurais voulu taire ton petit vice plus longtemps, mais cette offre était irrésistible.
À l’observer, tu ne pouvais aucunement nier qu’il était bel bien le frère de Yuriko. Quelque chose dans sa posture, dans ses gestes, dans son étiquette et ses mots. Il dépassait toutes tes attentes. Enfin, lorsque tu avais lu la réponse de ton amie, tu ne t’attendais pas à grand-chose. Il était certain qu’elle affectionnait son frère grandement par son choix de mots, mais tu avais rapidement réalisé qu’il était loin d’être le civil sans défense que tu avais d’abord imaginé. Mais, d’un sens, cette découverte ne t’avait aucunement surprise. Après tout, il avait su suivre une femme comme Yuriko et tu connaissais beaucoup d’hommes qui possédaient la vue qui jamais n’égaliseraient ne serait-ce qu’un centième de celui à qui tu tenais le bras.
« Je ne peux pas refuser une telle offre. Je meurs d’envie de tester les alcools de Konoha. Sont-ils aussi bon que ceux de la Côte Verdoyante ? »
Tu ne retins pas le sourire amusé qui pointa sur tes lèvres. Tu étais amatrice de saké et ce n’était un secret pour personne au domaine Yamanaka, puisque tous ou presque tous t’avaient déjà aperçue rentrer chez toi quelques bouteilles à la main. Peut-être que tu pourrais réussir à faire passer la soirée d’un à plusieurs verres et ainsi l’étirer jusqu’à bien plus tard dans la nuit. Car après tout, il fallait se l’avouer, il était un peu tôt, mais tu n’avais jamais été de celle à regarder l’heure avant d’ouvrir une bouteille, de toute façon.
Tu posas ton autre main sur son avant-bras, un geste inconscient, tu devais bien te l’admettre, car très rares étaient les occasions où tu aux bras d’un homme de ta propre volition, sans avoir pour but de le séduire pour ensuite lui arracher son dernier souffle.
Le jeune homme avait toujours eu une relation particulière avec toutes sortes de boissons alcoolisées, il était plongé dedans un peu plus de huit années plus tôt après que son frère d'armes ait rendu son dernier souffle dans ses bras, après qu'il ait ramené son corps sans vie à sa famille, après que la culpabilité ait arraché une partie de son âme pour l'emporter bien au-delà de sa portée. À cette époque il avait vidé plus de bouteilles qu'il n'avait pu en compter, écumé tous les bars de ce village en espérant pouvoir oublier sa peine mais, même quand son esprit était embrumé par l'ébriété, Kyoshiro parvenait toujours à entendre les derniers paroles de son camarade. Il s'était caché de tout et de tous pour masquer son vice, pour rester seul alors que sa peine le consumait centimètre par centimètre, ainsi était née sa relation si particulière avec l'alcool. Cette boisson l'avait corrompu, agrandi le trou dans son âme et pourtant aujourd'hui il n'hésitait pas à la consumer de nouveau. Pourquoi ? Aimait-il se faire du mal ? Non, il avait simplement fini par faire son deuil et apprécier l'aspect récréatif et désinhibant d'une telle consommation. À quand remontait la dernière fois qu'il s'était enivré juste pour oublier, pour faire taire la douleur et laisser tout le reste de côté ? Trop longtemps pour s'en souvenir, mais aujourd'hui il était bien plus en paix avec cela. Proposerait-il à cette demoiselle de s'y adonner, tous les deux, si ce n'était pas le cas ? Bien sûr que non, et fort heureusement sa charmante compagne du jour ne semblait pas réfractaire à l'idée : un très bon point pour elle !
Accueillant le bras de la demoiselle autour du sien d'un mouvement de tête humble et discret, sans ressentir le besoin de rajouter quoi que ce soit, Kyoshiro mena sa partenaire jusqu'à l'établissement visé tout en écoutant la question qui lui fut lancée. Oh oui ces années de consommation intense n'avaient nullement altéré son sens du goût, aussi était-il parfaitement capable de se souvenir des alcools de la Côte Verdoyante : un match assez équitable tout de même.
« Oh que oui. Enfin je laisserai te faire ta propre idée, c'est juste à côté.»
Le duo traversée les rues de Konoha saturées de la vie, des sons et des odeurs qui faisaient le monde de l'aveugle jusqu'à arriver à leur destination. Un bâtiment qui ne payait pas de mine de l'extérieur, du moins était-ce ce qu'on lui avait dit par le passé, mais c'était à l'intérieur que la magie s'opérait réellement. Tout gentleman qu'il était, le jeune homme ouvrit la porte à sa camarade et, quand elle aurait fait le premier pas, ne tarderait pas à la suivre. Oh ces fragrances d'alcool, cette douceur chaleur qui embaumait l'air, ces petits rires discrets des quelques clients déjà présent : l'aveugle était un poisson dans l'eau dans ce genre d'environnement. Pas trop vide pour qu'il n'ait personne avec qui discuter mais, en même temps, pas assez de monde pour qu'il se sente oppressée et noyé dans une lourde cacophonie. Avant même qu'il ne put réagir, le jeune homme capta une voix grave et masculine sur sa gauche, une qui l'accueillit avec une chaleur semblable à celle qu'il était lui-même capable de diffuser.
«Oh, Kyoshiro ! Comment va mon plus fidèle client ? »
Plus fidèle client ? Oui, de toutes les tavernes de Konoha c'était celle-ci qu'il affectionnait le plus particulièrement, non pas en raison de sa proximité avec son propre domicile mais grâce à son ambiance douce et l'amabilité du personnel. Ici il n'était pas traité avec délicatesse et incertitude comme pouvaient l'être les autres aveugles, les gens normaux ne sachant jamais trop comment les traiter : ici il était un client à part entière. Et un bon, de surcroît. De ceux qui vous mettent l'ambiance et, grâce au bouche à oreille, ramènent involontairement un peu plus de clientèle que prévue.
« Salut, chef ! Toujours au top, et toi ? »
Les deux hommes s'accueillirent d'une poignée de mains ferme et vigoureuse comme on en faisait plus, accompagnée d'un franc sourire de chaque côté. Kyoshiro était toujours le bienvenue ici, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, cela pouvait se lire sur le visage souriant des deux serveuses présentes également à ce moment-là.
« Parfait ! Dis-moi, qu'est-ce qui te vaut d'être en aussi charmante compagnie, aujourd'hui ? »
« Mon amie est curieuse de tester la qualité de tes breuvages. Tu penses que tu peux arranger ça ? »
« Évidemment. Une préférence ? »
« Surprends-nous, je te fais confiance. »
« Ça marche. Allez vous asseoir, je vous apporte ça tout de suite. »
Sauf s'il avait rajouté un peu de choix dans ses produits le chef ne pourrait pas surprendre l'aveugle, ce dernier avait déjà goûté à tout mais la lassitude n'était pourtant pas au rendez-vous. Le duo fut donc guidé par une serveuse jusqu'à une petite table basse, dans une alcool agencée dans un renfoncement du mur, avec des coussins sur le sol en guise de siège : un agencement traditionnel comme on en faisait plus. Le jeune homme laissa sa camarade s'installer et prit place en face d'elle, ne souhaitant pas se montrer trop familier en se mettant juste à côté d'elle. Bien sûr cela pourrait changer, selon la volonté de la belle.
Quelques dizaines de secondes plus tard le chef pénétra dans l'alcôve avec un petit plateau, une bouteille et deux sakazukis, des coupes traditionnelles où verser l'alcool.
« Me voilà. On va commencer en douceur par un peu de saké. Il est assez doux, mais je me souviens que tu l'as bien aimé la dernière fois, Kyoshiro. N'hésitez pas à m'appeler quand vous aurez fini, pour la suite. »
D'une main délicate le jeune homme attrapa la bouteille et versa le froid liquide dans les deux coupelles, en faisant glisser une vers sa camarade tout en portant la sienne à son nez. Oh oui, ce saké fruité aux notes de melon et de pêche blanche, une douceur : le chef avait visé juste comme toujours.
« Oh, je me souviens de celui-là. Merci, chef. »
Une fois que les deux shinobis furent enfin seuls, sans intervention extérieure probable, le garçon leva sa coupelle devant lui, la tendant pour trinquer avec cette mystérieuse femme dont il ne connaissait presque rien. Ce genre de moment était justement fait pour le rapprochement mutuel, pour en apprendre un peu plus sur l'autre et, fort heureusement, Kyoshiro était un livre ouvert de ce côté-là. Arborant un sourire doux et avenant dont il avait le secret, il attendit que Sayuri trinque avec lui avant de conclure son intervention par un :
« J'espère qu'il sera à ton goût, en tout cas. Merci d'être venu me chercher en tout cas, entre m'entraîner et passer du temps en très charmante compagnie le choix est vite fait. »
Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
Tes pas réguliers étaient à la limite du machinal, alors que ton camarade te guidait entre les différentes rues du village caché de la feuille. Bien que tu observasses les alentours, rien ne distinguait devant tes yeux, car à cet instant-là, dans ta tête tournait un millier de scénarios. Tu avais l’habitude de faire les yeux doux aux hommes, dans l’unique espoir de les attirer dans ta toile et de les y achever. Cette fois-ci c’était différent. Sur tous les plans. Tu ne savais sur quel pied danser. Tu n’avais aucune intention de l’apporter dans ton lit ou de de le tuer. Alors tu ne savais aucunement comment tisser un lien, une relation cordiale. Les seuls liens que tu avais su établir étaient nouveaux et fragiles. La vie, le destin, ou qu’importe comment cela s’appelait réellement, te les avait lancés au visage. Tu ne savais pas comment les conserver, les entretenir et pour la première fois dans ta vie, à l’exception de ta mère, il avait des gens que tu ne désirais pas perdre.
Yuriko était entrée dans ta vie lors d’un après-midi ensoleillé et tu ne t’y en attendais pas. Votre discussion n’avait pas été longue, mais c’était une amitié instantanée. Il y avait quelque chose chez elle que tu appréciais et tu désirais devenir une amie proche. Mais quelle idée pour toi qui repoussais ardemment tout contact humain. C’était ce désir irraisonnable qui t’avait menée à cette situation, à cette rencontre et à cette incertitude. Tu te retrouvais devant le frère de ton amie et tu voulais t’assurer qu’il n’ait que de bons commentaires à ton égard. Tu voulais qu’il t’estime et qu’il encourage Yuriko à rester. Mais pour qu’une fraction de tous ces espoirs se réalise, il te fallait d’abord faire bonne impression, mais comment ? Comment pouvais-tu convaincre son frère que tu étais digne d’être l’amie de sa sœur, sans employer les tactiques habituelles ? Peut-être pensais-tu trop ? Pourquoi ne pas simplement profiter de cette soirée et te faire une opinion plus tard ?
Pour l’instant, toutes vos rencontres étaient imprégnées de code de politesse et … de mensonges, chose dont tu étais experte. Chaque mot choisi avec intention, chaque, soupir, chaque sourire, chaque mouvement calculé avec attention, comme lors des missions. Mais contrairement aux missions, cet homme allait définitivement survire la soirée et il te faudrait garder ce masque. Peut-être devrais-tu le retirer ? Non il était encore trop tôt.
Lorsque vous entrâtes dans une taverne, tu pus deviner que Kyoshiro était un habitué de l’endroit par la conversation qu’il eut avec celui que tu assumas être le gérant de l’endroit. Conversation à laquelle tu assistas sans prononcer un seul mot, restant au bras du Tadake jusqu’à ce que vous fussiez escortés à une table et que l’on vous servit l’alcool en question.
Tu t’installas face au jeune homme et observas son visage, sa posture. Tu tentais de découvrir son état d’esprit, ce à quoi il pensait, mais pour l’instant tu n’en tiras rien, ne le connaissant pas encore.
Tu goutas le saké et ton visage s’illumina aussitôt qu’il glissa sur tes papilles gustatives. Ce genre de saké était exactement dans la palette de ton équipier. Tu devrais l’y amener avant de quitter le village. Peut-être pourrais-tu demander à Yuriko de vous y amener lors de la dernière soirée ?
« Effectivement, je suis agréablement surprise. Cette saveur est excellente. »
Tu fermas les yeux pour te concentrer sur le goût du saké alors que tu prenais une autre gorgée, laissant un soupir d’aise franchir tes lèvres pour indiquer à ton compagnon aveugle que tu appréciais réellement la boisson qui t’avait été servie.
« Si jamais il s’adonne que tu passe dans par la Côte Verdoyante de Sources Chaudes, il faudra que je te présente mes propres classiques. Ils font bonne compétition à celui-ci. »
Une autre gorgée, mais qu’est-ce que c’était bon.
« Lorsque nous aurons terminé cette bouteille, qu’en dis-u que nous passions à quelque chose de plus fort ? »
Si tu appréciais savais apprécier cette saveur, tu avais une préférence marquée pour ce qui était plus fort, moins délicat, moins fruité et tu espérais que ton partenaire de crime était du même avis, car avec Ao, tu ne pouvais pas réellement partager de telles boissons et tu n’oserais jamais les proposer à Yuriko.
Croire que parce que le jeune homme ne pouvait pas voir il était dépourvu de sens de l'observation serait une grave erreur, erreur beaucoup commettaient mais fort heureusement des proches comme sa sœur ou son camarade Akira avaient rapidement évité ces travers, tout simplement parce qu'il savait le jeune aveugle capable d'écouter et ressentir son monde plus intensément que tout autre individu dans sa situation. Même si la demoiselle ne le disait pas, il savait très bien que son amitié avec sa sœur était sincère mais que, silencieusement, elle espérait que bien s'entendre avec son jumeau renforcerait davantage leur solide mais naissante amitié. Comment le savait-il ? Parce que dans une même situation il aurait l'idée d'agir de la même façon, bien que son naturel bon et généreux l'empêche de véritablement concrétiser cette idée. Alors non il n'en voulait pas à cette femme, pas le moins du monde et, dans un coin de sa tête, peut-être espérait-il qu'elle finisse par véritablement prendre du bon temps avec lui.
Il amena donc cette belle plante jusque dans son repaire – si une telle chose existait vraiment – pour lui faire goûter un breuvage qui, bien que n'était pas son préféré, avait une certaine douceur qui ne manquait jamais de plaire à la gente féminin. Tout garçon qu'il était, le jeune homme aimait les breuvages puissants et forts en bouche, ceux qui vous faisaient grimacer au moment de les avaler, mais il avait assez de connaissance dans le domaine pour savoir quoi conseiller à quelle personne. Il se contenta d'un petit sourire lorsque Sayuri admit apprécier ce breuvage, pas peu fier de sa prestation, tout en vocalisa sa réponse qui germait dans sa tête.
« Ravi d'avoir vu juste, dans ce cas. »
Il visait toujours juste, dans ce domaine-là tout du moins mais ce n'était guère un sujet dont il pouvait se vanter en société. Après tout la consommation d'alcool était assez mal perçue par les shinobis, au-delà d'un simple verre à la fin du repas pour bien terminer la soirée, mais cela faisait bien longtemps que l'aveugle était passé au niveau supérieur. Avant il buvait pour se noyer, pour s'oublier mais maintenant il le faisait pour s'amuser : ni plus, ni moins. Il hocha la tête face à la proposition de la demoiselle et, se drapant dans son sourire amusé et enjôleur dont il avait le secret, formula sa seconde réponse.
« Une invitation que j'accepte avec joie, évidemment. Bien sûr ces breuvage ne seront que la seconde raison de ma venue. »
Certains pourraient croire qu'il était volage, qu'il appréciait passer son temps à draguer et courtiser tous les membres dans la gente féminine, mais ce n'était pas tout à fait vrai. Certes il savait reconnaître la beauté quand il la sentait, quand il l'entendait, mais il était surtout un homme qui n'avait absolument aucun filtre entre sa tête et sa bouche. S'il trouvait une personne charmante il le lui disait, s'il faisait face à un con il ne manquait pas de le lui faire savoir également...bien que le premier point arrive plus souvent que le second. Voudrait-il revoir cette femme ? Évidemment, sa curiosité était piqué, le poussant à savoir ce qui avait rapprochaient cette demoiselle et sa jumelle. La suite ? Il n'y pensait jamais, préférant laissant la vie couler à travers lui plutôt que de se forcer un chemin.
Peut-être que plus tard...peut-être que quoi ? Non, ils étaient de deux mondes bien différents et jamais une femme aussi raffinée ne s'abaisserait à son idée. Il devait oublier cette idée, la ranger dans un coin de sa tête.
En quelques dizaines de minutes les verres se succédèrent et, avec l'esprit aussi clair que d'habitude, le shinobi leva la main et appela le patron à la rescousse.
« Chef ? Whisky, s'il te plaît ! »
En moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, le maître des lieux débarqua avec deux verres de taille raisonnable avec une bouteille au contenu ambré, d'un ton assez foncé qui ne laissait que peu de doutes sur sa nature. Les deux verres furent remplis à leur moitié, assez pour plusieurs gorgées raisonnables, avant que Kyoshiro ne lève son verre pour trinquer avec sa partenaire du jour.
« Je pense que ça devrait faire l'affaire. Allez, kanpai. »
L'infirme n'était pas vraiment fier de ce travers, bien sûr, mais à force de pratique il avait développé une assez bonne tolérance à l'alcool. Là où d'autres buveurs amateurs auraient vidé ce verre en cinq ou six gorgées prudentes, peu conscients de la puissance d'un tel breuvage, le jeune homme connaissait son affaire et avala le verre d'une seule traite maîtrisée, ne pouvant masquer une certaine grimacer au moment où le liquide quittait le confort de sa bouche. Oh elle était là cette sensation, cette chaleur qu'il connaissait si bien et qui avait été jadis sa perte. Comment à se servir un second verre, espérant que ce liquide serait aussi savoureux pour les papilles de la demoiselle que le précédent, Kyoshiro conclut son intervention en matérialisant sa curiosité par quelques simples mots.
« Par curiosité, tu comptes rester combien de temps dans le coin ? »
Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
À l’écouter parler ainsi, il te donnait effectivement l’impression qu’il était volage et qu’il courait les femmes ayant une certaine présence. Une pointe de déception gonflait dans ta poitrine alors que cette réalisation s’encrait en toi. Tu ne comprenais pas pourquoi un homme aussi léger était autant estimer de Yuriko. Était-ce simplement causé par les liens de sang ? Avais-tu une fausse impression de lui ? Tu l’espérais en fait, car tu n’arrivais pas à cerner ce qu’il attendait de toi. Que voulait-il ?
Tu avais l’habitude de voir les hommes chercher à t’apporter dans leur lit. Tu avais vaguement l’impression qu’il était dans cette catégorie d’homme. Tu n’avais rien contre ça, clairement, tu pourrais profiter du divertissement, mais cela pouvait provoquer quelques … problèmes avec lui et Yuriko. Les implications étaient énormes. Pourtant il y avait une partie de toi qui désirais entrer dans son jeu, lui montrer que toi aussi tu connaissais les règles de la séduction. Dans ta tête, un combat en bienséance et arrogance se livrait et tu ne savais pas lequel allait gagner.
À sa réponse à ton invitation, tu hochas la tête, même s’il ne pouvait le voir. Mais l’idée du whisky fit briller une petite lueur dans tes yeux alors que tu te disais : enfin les choses sérieuses. Entre Ao et toi, tu avais toujours été celle avec un goût plus prononcé pour l’alcool plus amer, moins sucrée, chose dont tu profitais peu souvent en sa compagnie.
« Du whisky, on dirait que tu sais comment me prendre par les sentiments. »
Lorsque les verres furent posés devant vous, tu trinquas avec lui.
« Kanpai. »
Ta voix était calme, sans entrain évident, mais sans ennuis décelable non plus, un ton soigneusement choisit et calculé. Tu ne laissais jamais rien au hasard dans une conversation, surtout lorsque tu te mettais à chasser. Ton arrogance et vanité avait triomphé sur ton envie d’éviter les troubles inutiles. Tu allais lui prouver qu’on ne te battait pas à ton propre jeu. Tu gérais les conséquences plus tard, espérant qu’elles ne seraient pas grande, car après tout, tu n’étais pas là pour causer tord à ton amitié avec la kunoichi de Konoha.
Tu pris d’abord une gorgée timide de ton verre, savourant la saveur riche de l’alcool que tu gardas quelques secondes sur ta langue avent de l’avaler. C’était de la bonne qualité et tu savais apprécier. Fermant de nouveau les yeux pour bien déguster toutes les nuances de la saveur, tu portas le verre à ton nez pour bien y saisir tous les effluves. Peut-être cela pouvait sembler étrange à certains, mais ton compagnon aveugle aurait bien du mal à te juger.
« Délicieux. »
Tu pris une plus grosse lampée, la savourant encore une fois alors que Kyoshiro te demandas combien de temps toi et ton coéquipier comptiez rester.
« Quelques jours, tout dépendra des négociations avec le Hokage. Longue histoire, mais le clan a envoyé Ao, je suis certaine que tout se passera bien. Mais les pourparlers peuvent durer quelques temps. Intéressé ? »
Ton dernier mot était dit d’un ton langoureux, alors que tu glissas une main par-dessus la table pour la poser, légèrement, sur l’avant-bras de ton compagnon. Tu fus surprise lorsque tu réalisas qu’il était bien plus solide que ce que tu avais imaginé.
« Cet endroit m’impressionne. Il n’en a pas l’air de l’extérieur, mais la qualité y est. »
Tu brisas le contact et pris une autre gorgée, espérant qu’il saisirait le sous-entendu que tu laissais flotter dans ta dernière phrase. Tu n’allais pas lui lancer ouvertement le compliment, tu allais le laisser deviner que tu parlais davantage de lui que de l’endroit.
Petit à petit tu allais tisser ta toile et tu n’aurais de cesse tant qu’il n’y tomberait pas.
Le jeune homme avait été correctement éduqué, éduqué dans le respect des autres, dans le respect de sa famille et le respect des femmes, et pendant longtemps il avait été tout simplement trop timide pour aborder qui que ce soit, paralysé par la peur du rejet des moqueries liées à son infirmité. À quel moment avait-il changé ? À quel moment était-il passé de spectateur à véritable acteur de sa vie personnel, sentimentale, amoureuse ? Quel événement de sa vie pouvait bien avoir amorcé la transition de petit maigrelet à homme charmant et charmeur ? Lui-même ne s'était jamais vraiment posé la question, peut-être avait-il simplement gagné confiance en lui au fil du temps, assez pour inviter sa première copine à un rendez-vous et, dés ce moment-là, le tour était joué. Aujourd'hui le jeune Tadake était un homme au sourire enjôleur, certes, mais contrairement à ce qu'on pourrait penser il ne se considérait pas comme volage et n'avait jamais été infidèle de toute sa jeune vie. N'était-ce qu'un jeu pour lui ? Qu'une façon d'éprouver ses talents de dragueur et faire rougir quelques charmantes demoiselle quand l'envie lui en prenait ? D'une certaine façon oui, c'était sa façon à lui d'imposer des défis afin de se remettre constamment en question, afin de mesurer la limite de ses capacités sociales et force était de constater qu'il ne se débrouillait pas si mal que cela. Ce jour-là il n'avait pas vraiment suivi la demoiselle avec l'intention évidente de la dragueur, chose assez rare pour être notée, désireux de simplement passer un bon moment en bonne compagnie avant de retourner s'entraîner jusqu'à ce que son corps ne puisse plus le supporter. Bon d'accord les choses avaient pris une tournure bien différente, sans vraiment qu'il s'en rende compte, mais maintenant que le train était lancé il n'avait clairement aucune envie d'en sauter. Il emmena la belle dans son antre, lui faisant goûter quelques breuvages de qualité et, après avoir lui-même avalé ce premier verre d'une seule traite, le jeune homme fut ravi d'en apprendre un peu plus sur les goûts de sa camarade. La prendre par les sentiments ? Oh, elle n'avait pas idée.
« C'est un de mes petits talents, effectivement. »
Se servant un second verre, le jeune shinobi porta le verre à ses narines et, cette fois-ci, laissa les fragrances venir stimuler son odorat bien davantage, avant qu'il lâche :
« Cela faisait tellement longtemps que j'en avais presque oublié le goût. Presque. »
Pour être honnêtement ces derniers temps il avait tellement tiré sur la corde que des petits moments que celui-ci s'étaient faits bien trop rares. Boire du saké était une chose mais un alcool fort comme celui-ci ? Cela faisait des semaines qu'il n'en avait pas eu et, sans aucune peur de passer pour un alcoolique, il sourit lorsqu'une seconde gorgée vint réchauffer ses entrailles. La discussion suivit son cours et, lorsque le jeune homme vint s'enquérir de la durée du séjour de Sayuri, celle-ci lui donna une réponse qui ne put évidemment que le satisfaire. Ces fameuses discussions allaient donc durer très longtemps, sans doute ? Cette douce perspective ne put arracher au jeune Tadake qu'une seule réponse logique :
« Oh oui, très. J'espère bien qu'ils traîneront en longueur. Ce serait bien dommage de te voir partir, trop tôt. Il y a encore beaucoup à voir et faire, ici. »
Le jeune homme était tout simplement immense et, le connaissant comme sa poche, l'infirme aurait été capable de montrer plusieurs endroits intéressants à sa partenaire sans jamais s'en lasser, mais était-ce vraiment là où il voulait en venir ? Probablement pas, pas entièrement du moins mais ce n'était là qu'une partie du petit jeu auquel il aimait s'adonner en bonne compagnie. Quelle ne fut pas sa surprise quand il sentit une main soudainement posée sur son bras ? Supposant que la belle voulait elle aussi jouer au même jeu que lui, il ne recula pas un seul instant et, décryptant aisément les paroles de sa partenaire, se penchant en avant tout en ajoutant :
« J'ai appris depuis longtemps à ne pas juger un livre à sa couverture. Ce monde est rempli de perles, pour peu qu'on sache où regarder. »
En était-elle une ? Cela semblait être le cas, les investigations suivaient leur cours en ce sens tout du moins. Prêt à jouer à ce petit jeu à sa partenaire, prêt à voir jusqu'où les choses pourraient aller, le shinobi tendit sa main disponible vers une place juste à côté de la demoiselle, avant de demander :
« Puis-je ? »
Pouvait-il se rapprocher ? Pouvait-il aller un peu plus loin ? La décision ne lui revenait pas, pour une fois.
Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
Devant un défi, jamais tu ne baissais le regard et les réponses encourageant de ton compagnon de la soirée t’arrachèrent un sourire, plus carnassier qu’autre chose. De toute façon, ne voyant pas il ne pourrait pas deviner ton expression. Mais il devait avoir d’autre façon de lire ses interlocuteurs, il faudrait tenter de garder l’excitation de la chasse sous contrôle … Ou peut-être que non. Peut-être que d’être entièrement honnête quant à tes intentions étaient en fait la meilleure marche à suivre ?
Tu hésitas une seconde avant de décider de repousser de cette pensée à plus tard, ne connaissant pas assez le Tadake pour te permettre un ou l’autre de ces plans d’action. Ton regard bleu détailla son visage, sa mâchoire carrée, son nez, le bandeau cachant ses yeux, ses épaules, sa posture. Il te semblait être un homme exigeant, droit, le genre qui ne sait pas s’arrêter.
Pourtant dans ta tête, la même interrogation revenait sans cesse. Comment jouer à ce jeu si tu ne pouvais pas dépendre de ton visage, de ton corps, de ton apparence soigneusement entretenue ? Un défi de taille pour toi que de séduire un aveugle.
« Des perles dis-tu ? »
Tu laissas ta question en suspens, sans vraiment t’attendre à une réponse. Posant un doigt contre ta lèvre inférieure, tu cherchas un exemple qui ne te vint pas.
« Hum … Je suppose que c’est vrai. Peut-être que je ne sais pas chercher. Il faudra que tu me montre, tu sembles doué pour en trouver. »
Tu descendis ta main pour la poser sur la table avant de changer discrètement de position. Tu pris une nouvelle gorgée de ton breuvage. L’habitude dû te prendre car tu cherchas instinctivement son regard avant de te fixer bêtement son bandeau, pinçant tes lèvres. Définitivement, il te faudrait développer de nouvelles techniques de séduction aussitôt cette rencontre terminée. Des techniques qui ne se basait pas simplement sur ton corps et ton regard …
Sa question te sorti de tes réflexions. Tu hochas la tête, mais remarquas immédiatement ton erreur.
« Bien sûr. J’apprécierais d’ailleurs.»
Aller. Il fallait se reprendre. Tu étais meilleure que ça, non ? À peine ta réponse dite, que tu te positionnas pour que vous vous frôliez lorsqu’il s’assoirait à tes côtés. Tu comptais initier le plus de contact physique possible. Tu voulais qu’il sente ton parfum, qu’il touche la peau douce de tes mains. Tu voulais qu’il puisse s’imaginer très clairement celle qui se tenait près de lui. Si ne pouvais te voir alors, tu comptais faire en sorte qu’il puisse se faire une image très précise de toi. Une impression qui resterait imprimée dans son esprit.
Tu tapotas l’espace à côté de toi, pour le guider, sans vraiment lui offrir ton aide, car malgré son manque de vision, il semblait savoir se débrouiller et de lui proposer de l’aide serait de renier tout cet aspect de sa personne. Cette partie de lui qui avait appris à vivre en … en harmonie avec son infirmité et de lui renier cette force serait de le prendre en pitié et prendre un homme en pitié n’aidait, en général, à jouer ce jeu de séduction dans lequel tu t’étais lancée si rapidement, mettant le bon sens de côté pour faire place à ta vanité et ton arrogance, pour faire place à ton besoin ardent de toujours te prouver.
« Plus tard, si tu es d'accord, tu pourrais me montrer une autre de ces perles dont tu as parlées »
Même avec ses années d'expérience et son talent pour analyser et comprendre les choses il y avait forcément des paramètres qui échappaient à la perception du jeune homme, quelques petits détails qu'il ignorait à commencer par l'importance du langage corporel. En effet s'il pouvait comprendre l'état d'esprit d'une personne par les mots utilisés et l'intonation dans sa voix, jamais il ne pourrait croiser le regard d'une personne et lire en elle comme dans un livre ouvert : c'était un exercice qui lui était interdit. Les yeux étaient les miroirs de l'âme comme le voulait l'expression et, sans l'opportunité de pouvoir jeter un coup d’œil à travers la fenêtre, comment pouvait-il se vanter de pouvoir connaître quelqu'un sur le bout des doigts ? Il ne le pouvait malheureusement pas et, fort de cet horrible constat, la seule solution était de laisser le temps et les échanges remplir ce trou béant. Ce n'était pas une science exacte mais c'était à peu près tout ce dont il était capable car, par exemple, la demoiselle à ses côtés pourrait être en train de le mener en bateau de bout en bout qu'il n'en saurait jamais rien. La confiance était un grand mot dans ce monde et, s'il était à même de donner la sienne rapidement, Kyoshiro n'était pas du genre à pardonner facilement en cas de trahison : il avait la rancune tenace. Pour l'heure il se contentait de baisser sa garde et de jouer au même jeu qu'elle, de s'amuser un peu sans réellement penser au lendemain car ce n'était pas quelque chose qui l'intéressait particulièrement : il en étape à un moment de sa vie où il voulu s'amuser et pas construire quelque chose. Pas encore, peut-être bientôt mais pas encore. Lorsque la demoiselle ramena la chasse aux perles sur le tapis, ce fut donc avec un sourire déclara que le jeune aveugle tint à rebondir sur le sujet.
« Parfois le hasard fait aussi très bien les choses. En me levant ce matin je n'avais, par exemple, pas prévu de passer la journée avec l'une d'entre elles. »
Le jeune homme se leva donc de son siège et, lentement, passer derrière la demoiselle pour aller se poser à ses côtés. Au passage son odorat capta la douce fragrance du parfum de la demoiselle et, si cela avait tendance à éveiller ses sens au-delà du raisonnable, il se laissa glisser doucement jusqu'à la place qui lui avait été attribuée. Lentement, sans gêne ou arrière pensée, il vint poser sa chaude et puissante main sur celle de la demoiselle avant de lui rendre un sourire amusé, reflet du jeu auquel ils s'adonnaient tous les deux. La conversation poursuivi son cours pendant plusieurs dizaines de minutes et, les sens éveillés par l'alcool et cette douce présence, le jeune homme se laissa aller à un peu plus de légèreté que d'habitude. Pas de question, pas de plan sur la comète : juste deux adultes qui profitaient de la présence de l'autre.
« J'ai un endroit que je voudrais te montrer. Un...havre de sérénité, d'une certaine façon. Un paradis pour les sens. Tu me suis ? »
Se leva après avoir pris une dernière lampée d'alcool, réalisant qu'il avait peut-être un peu trop abusé en sentant le monde tourner tout autour de lui, le shinobi tendit la main à sa douce compagnon et, bientôt, les deux s'engouffrèrent dans les ruelles de Konoha. Laissant ses sens et ses souvenirs le faire tourner à droite, puis à gauche et encore à droite au beau milieu de ces rues secondaires, déjà le jeune aveugle commença à renifler une odeur familière et cette seule réalisation dessina un sourire plus sincère sur son doux visage. Se tournant vers la demoiselle, prenant ses deux mains dans les siennes, il fit halte au détour d'un croisement avant de lui demander doucement :
« Ferme les yeux, c'est juste à côté. »
Partant du principe que la demoiselle l'écouterait, ne pouvant pas vraiment vérifier si ses paupières étaient closes ou non, Kyoshiro mit un pied devant l'autre et, à mesure qu'il avançait, cette odeur familière se fit de plus en plus présente. Le sol changea, passant des ruelles pavées à de l'herbe fraîchement coupée et, en réalisant qu'il était entré de ce fameux havre de paix, il se débarrassa de ses chaussures pour venir l'herbe lui chatouiller la plante des pieds. Un pas puis deux, il coupa à regret le contact avec la demoiselle avant de poursuivre son avancée jusqu'au milieu de la rotonde.
« Tu peux ouvrir les yeux. Qu'est-ce que tu vois, qu'est-ce que tu sens ? »
Lorsque Sayuri ouvrirait les yeux elle se verrait à l'entrée de ce qui semblait être un somptueux jardin, sa vue serait saturé de couleurs toutes plus vives les unes que les autres et, si ce spectacle en soi était d'une rare beauté, les senteurs qui dégageaient toutes ces fleurs parachevaient de dépeindre un tableau presque idyllique. Il n'y avaient pas beaucoup d'autres entre les murs de Konoha où le jeune homme pouvait vraiment se sentir au calme mais, ici, au milieu d'un jardin isolé que personne ou presque ne venait jamais visiter, il avait trouvé de quoi éveiller ses sens et lui procurer la sérénité dont sa vie manquait grandement. Lentement, mettant un pas devant l'autre, le jeune homme ouvrit les bras et leva le visage vers le ciel avait de prendre une profonde inspiration, laissant ces senteurs enivrantes venir chatouiller ses narines.
Il était bien ici, plus qu'il ne voulait l'admettre et désirait au moins partager cela avec cette femme dont il ne savait rien. Pourquoi ? Bonne question, il en avait eu envie et c'était tout ce qui comptait réellement. Là, au beau milieu de ce jardin d'Éden, cette longue et puissante stature faisait office de gardien, de guerrier cherchant un repos bien mérité.
Il était bien ici et, d'une certaine façon, la présence de cette déesse y était pour beaucoup.
Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
Tu écoutas son dernier commentaire avant qu'il ne s'installa près de toi. Habiles avec les mots, tu devais bien le lui donner, trouvant rapidement répartie à chacune de tes phrases. Et une répartie qui en aurait fait rougir plus d’une, cela était certain, mais toi, tu n’étais pas n’importe qui. Tu étais différente de la moyenne de femmes, habituée aux commentaires de ce genre (de d’autres bien moins élégamment formulés), tu n’étais donc pas de ces vierges rougissant au moindre commentaire. Tu étais plutôt un oiseau de proie, fondant sur son repas. Tu voulais qu’il te voie comme la chasseresse que tu étais. Si c’était un jeu de mots qu’ils souhaitaient engager, il lui faudrait être réellement imaginatif pour trouver quelque chose que tu n’as jamais entendu.
Tu souris gentiment lorsque sa main se posa sur la tienne. Tu appréciais réellement ce contact, sa main chaude et immense sur la tienne froide et petite. Si Kyoshiro portait attention à ses récepteurs tactiles, il pouvait prendre conscience de la douceur de la peau de ta main, que tes ongles étaient particulièrement bien manucurés, choses dont tu étais particulièrement fière, considérant tous les efforts que tu mettais pour garder tes mains ainsi employant lotions après lotion hydratantes. Décidément de jouer avec des poisons corrosifs ne plaisait pas à tes mains et rendait extrêmement difficile de les garder aussi féminines et délicates.
Tu bus lentement ce qui te restais de whisky, tentant de prolonger chaque contact le plus longtemps possible, donnant l’impression qu’ils étaient langoureux. Tu glissas sans aucune gêne tes doigts entre les siens resserrant l’étreinte de vos mains. Tu te laissas aller contre son épaule, une épaule forte, celle d’un homme habitué à l’entraînement et l’épuisement physique, tu le notas dans un coin de ton esprit. Peut-être accepterait-il un petit entraînement avec toi avant que ne quittasses le village caché dans les feuilles ? Ou peut-être garderais-tu cette idée pour une autre rencontre ? Après tout tu souhaitais tout de même établir quelque chose avec cet homme. Une amitié ? Peut-être, mais ce n’était pas exactement ça. La seule chose qui te venait à l’esprit était de ne pas tomber de ses bonne grâce. D’abord et avant tout, pour ne pas perdre cette amitié si spéciale avec Yuriko, mais également, car il avait piqué ta curiosité. Gallant, poli, u parfait gentlemen, mais aveugle, mais un shinobis, donc une arme. Une arme qui semblait aussi chaleureuse que la caresse du soleil. Comme Ao, comme Shika, tu voulais voir cette part de noirceur dans lui, comprendre ce qu’il cachait, car nul homme n’est exempt de secret.
« Il me tarde de découvrir cet endroit »
Était-ce réellement de la curiosité que tu ressentais à son égard ou était-ce ton arrogance qui brimait ton jugement qui bloquait ton esprit sur cet unique but de percer ses défenses d’entrer dans son espace, dans sa tête. Tu refusais d’être battue à ton propre jeu. Pourquoi tant de défenses ? Pourquoi pensais-tu qu’on pouvait te battre à ton jeu ? Tu n’avais pas la réponse, pas soirée-là du moins.
Tu retournas sa main pour que sa paume soit orientée vers le plafond. Ta main droite dans la sienne. Tu dégageas lentement tes doigts des siens les laissant glisser dans paume, l’effleurant avec plus de douceur que la caresse des ailes d’un papillon. Puis, n’appliquant guère plus de pression, tu laissas tes doigts parcourir sa paume, traçant moults motifs avec lenteur.
Était-ce trop ? Était-ce crier au désir charnel ? très certainement. Tu voulais qu’il te désir, qu’il te cherche, le temps d’une soirée au moins. Tu voulais emplir sa tête, ses pensées, sa personne. Tu ne voulais pas qu’il t’aime, mais qu’il de désir, qu’il éprouve élan de passion. Tu devais le voir ainsi. Tu avais l’habitude de pousser les hommes dans ton lit sans délicatesse et de les y retirer, alors qu’avais-tu à te prouver cette soirée-là ? Pourquoi est-ce que ton esprit semblait être obnubilé par cette pensée ? Devais-tu te prouver qu’aucun homme, même aveugle, ne pouvait te résister ? Te sentais-tu menacée par ces belles paroles ? Pourquoi tant de questions ?
Tu cachas ton trouble derrière un regard aguicheur dont tu avais le secret avant de réaliser de nouveau l’inutilité d’un tel geste. Puis le goût de la dernière goûte d’alcool vint caresser ta langue alors que ton regard se tinta de déception. Tu en reprendrais. En reposant ton verre, il fait un plus de son, comme si tu l’avais volontairement reposé sans la délicatesse et la douceur dont tu avais fait preuve tout au long de cet échange.
Et sans hésitation, tu demandas trois bouteilles. L’une pour célébrer avec Ao le résultat des rencontres, puis deux pour une consommation nocturne immédiate, lorsque vous quitteriez cet endroit. Tu n’avais pas fini de boire ce là, c’était certain, qu’importe ce qu’en disait ton compagnon. Tu devais étouffer peu importe ce que c’était que tu ressentais dans ta poitrine depuis quelques minutes.
Il était maintenant temps de quitter pour aller rejoindre cet autre endroit. Choisissant de jouer, tu fermas les yeux. Chose que tu regrettas très rapidement puisque ton pas passa de confiant à incertain. Puisque tu trébuchas à deux reprises. Tu avais l’habitude d’avoir tes deux yeux et de voir. Plongée dans la même obscurité absolue que Kyoshiro, tu n’en menais pas large. Sans aucune réserve ta main droite saisi l’une des sienne plutôt maladroitement (et après quelques tentatives). Tu t’y agrippas fermement, tirant son bras entier contre ton corps, contre l’étoffe soyeux de ton vêtement, contre ta poitrine, contre ton ventre alors que ton bras s’enroulait autour du sien. Tu dus réfléchir quelques instants pour décider si ce geste était délibéré ou non. Ton égo ne tolérant pas que ce ne le fut pas.
« Où allons-nous ? »
Évidemment, il n’allait pas vendre la surprise, donc tu attendis sa permission, avec impatience, pour les yeux. Ce que tu vis détendit tout ton corps encore plaqué contre le sien. Jardin baigné de rayon de lune, d’une caresse froide ponctué de vert et de couleur vive de fleurs qui lentement allait chercher le repos. Un millier d’odeur assaillit tes narines, te transportant à travers l’espace, te rappelant un temps depuis longtemps révolu, dans le jardin de ta mère. Sous tes pieds l’herbe crissait, à ta gauche, le vent agitait les buissons.
Tu serras inconsciemment la main de Kyoshiro que tu n’avais toujours pas relâcher. Ton regard aussi clair que ciel de midi ne quittait la silhouette des arbustes, cherchant à différencier les différentes fleurs.
« C’est … Cet endroit est sublime. Les fleurs sont magnifiques, presqu’endormies. La lune … Elle froide, si loin si seule même parmi les étoiles, mais … Elle veille sur le jardin … »
Ta voix tremblait légèrement, car dans ton esprit la lune n’était pas la lune, les fleurs n’étaient pas des plantes, lumière triste de l’astre nocturne n’était pas une lumière. Tu étais là, mais tu n’étais pas là.
Dans sa prime jeunesse le garçon répondait au doux prénom de Kyoshiro avait été un timide invétéré, écrasé par vie qu'il subissait au lieu d'en jouir et, si dans ses premières années il montra un esprit faible malgré un petit sourire généralement forcé, il ne connut de véritable résurrection qu'en passant les portes de Konoha, plus d'une décennie plus tôt. Il ne sut dire à quel moment le changement s'amorça, si ce fut en passant les portes de l'académie de Konoha ou en s'imprégnant de l'essence même de ce village que son sourire cessa d'être forcé pour enfin être teinté d'une pointure d'honnêteté, mais il savait que même encore aujourd'hui ce sourire n'était pas toujours sincère. Il se vantait de dire à qui voudrait bien l'entendre qu'il était un livre ouvert, qu'il parlait librement, sans aucune limite morale, mais la vérité était toute autre.se rendait-il compte ? Réalisait-il qu'il se trompait lui-même depuis bien trop longtemps ? Pas le moins du monde car, si son sourire était communicatif, le jeune homme eut tôt fait d'enfermer au plus profond de son esprit les sentiments qui pourraient être lui être toxiques ou handicapant. Il savait qu'il avait de la colère en lui, colère dirigée vers le monde dans son ensemble autant que vers lui-même, c'était difficile à nier, mais cela faisait si longtemps qu'il avait fait taire cette voix rageuse qu'il avait fini par oublier l'avoir jamais eu. Oui, à force de faire semblant que tout allait bien en se drapant de ce sourire enjôleur, il avait réussi le plus grand exploit de tous pour un esprit humain : se convaincre de ses propres mensonges. Il n'était pas rancunier, il n'était pas en colère, la vie n'avait jamais été un problème pour lui, jamais il ne s'était senti inférieur à quiconque : autant de phrases mensongères dont il avait essayé de se convaincre pour se rassurer mais, à force de temps et d'efforts, elles étaient finies par rentrer de son crâne pour ne plus jamais en sortir. Il s'était trompé lui-même et n'en avait pratiquement plus conscience, enfermé tout le mauvais de son existence dans une pièce scellée dans son esprit, sans se rendre compte que jour après jour les portes risquaient de sceller chaque fois un peu plus. Il finirait par craquer, il ne pouvait en être autrement et, à force de repousser l'échéance et encore et encore, le jour où cela arriverait il se transformerait en un tout autre genre d'animal.
Faire semblant jusqu'à ce qu'il n'ai plus besoin de le faire, tel avait été son mode opératoire pendant des années et, s'il portait au grand jour ses vices cachés qu'étaient les femmes et l'alcool, il n'avait plus du tout conscience d'à quel point il avait dérivé de la normalité. Croire à ses propres histoires, faire taire la voix de sa raison pour la remplacer par une nouvelle, plus aveugle, plus conciliante, plus docile : comment pouvait-il croire que cela se terminerait bien ? Il ne le savait pas, il ne le savait plus. Il n'était plus qu'une bombe à retardement et chaque nouveau mensonge, chaque nouveau jour diminuait le compteur un peu plus.
Depuis son renouveau il avait toujours été doué pour les mots, toujours été doués pour dire aux personnes devant lui ce qu'elles avaient envie ou besoin d'entendre, car il y avait une grande différence entre ces deux points. Il ne s'expliquait pas cette aisance sociale, supposant qu'à la naissance sa sœur avait hérité du calme et de la cervelle tandis que lui avait reçu le cadeau de la chaleur sociale et de la spontanéité. Il se savait être enjôleur, charmant, réconfortant ou simplement amusant lorsque la situation l'exigeait et aujourd'hui, face à cette femme mystérieuse, il hésita un instant à arrêter de se poser toutes ces questions. Ne serait-ce pas plus mal s'il le laissait simplement aller ? Il hésitait, car la plupart des soirs où une telle option était choisie se finissaient en soirées de débauche et de luxure : un choix peu enviable s'il ne souhaitait pas que sa sœur lui tombe dessus avec perte et fracas.
S'en souciait-il ? Pas vraiment, il ne faisait que se chercher une bonne excuse car au fond ils étaient tous deux des adultes consentants, ils savaient très bien à quel jeu ils étaient en train de jouer, ils le savaient train bien lorsque leurs mains dansèrent l'une contre l'autre. Ils n'avaient pas besoin de mot pour mettre en lumière l'évidence, pour souligner le fait qu'ils se tournaient autour, qu'ils se jaugeaient, qu'ils jouaient l'un avec l'autre sans trop savoir ce qu'ils attendraient du reste de la soirée. Ce pouvait simplement être un jeu, juste être un petit jeu sans prétention et qui ne ferait de mal à personne. Oui, ils pouvaient se limiter à ce petit jeu mais le feraient-ils ? La décision n'appartenait pas qu'au shinobi et, quoi que puisse vouloir sa partenaire, il était en d'assez bonnes dispositions pour s'y plier bien volontiers. Il resta là, à regarder ses doigts caresser ceux de la demoiselle, à sentir cette peau douce sous ses doigts et, à n'en pas douter, le contact de cette peau froide lui généré quelques frissons tout le long du bras. Souriant face à ce contact, Kyoshiro avait tendance à oublier que personne n'avait la peau aussi chaude que lui, qu'il était une bouillotte d'une rare qualité et intensité dans ce monde, mais cela ne lui faisait pas de mal de recevoir un rappel de temps en temps.
Le temps s'était arrêté dans cette auberge. Le jeune homme aurait voulu rester là, à sentir les doigts de la demoiselle danser dans le creux de sa main, à sentir le désir monter en lui petit à petit, comme la marée, mais le pouvait-il seulement ? Il était un homme de passion vivant sa vie à 100% et, pour celles ayant partagé sa couche, il était clair que son désir n'était jamais bien loin, juste sous la ligne de flotaison, mais soir-là l'homme avait encore autre chose à montrer. Il mena donc la belle à travers les ruelles qu'il connaissait par cœur et, en sentant ce rapprochement charnel se faire un peu malgré lui, il sentit une nouvelle pulsion de désir tout en la cachant derrière un sourire amusé. Était-ce vraiment le moment de penser à cela, alors que peut-être sa partenaire avait bien d'autres choses en tête ? Ce n'était pas à lui de le dire, mais il ne pouvait renier ce qu'il ressentait. Ainsi, lentement, il laissa finalement la demoiselle profiter du spectacle et, sentant toujours leurs mains jointes en une union presque éternelle, l'aveugle fit son sourire plus discret en buvant les paroles de la belle Yamanaka. Que dire en cet instant ? Quels mots choisir pour ne pas gâcher ce moment ? Délicatement, ne mettant pas fin à l'union de leurs mains, l'homme fit le tour et se passionna dans le dos de la demoiselle, avant de l'entourer de ses bras chauds et puissants : le meilleur des remèdes contre la brise fraîche qui semblait se lever ce soir-là. Ses deux bras nus protégeant la demoiselle, faisant réaliser à cette dernière qu'il n'y avait probablement pas meilleure bouillotte que lui, l'homme déclara finalement :
« Sublime, c'est le mot. Je ne viens pas ici autant que je le voudrais, je le reconnais, mais cet endroit a quelque chose de...d’apaisant. »
Entendre ces mots sortir de la bouche du jeune homme avait une certaine signification, car il n'était pas homme capable de rester inactif très longtemps et pourtant, ici, au milieu de ces senteurs et avec la lune pour seul témoin, il était prêt à le faire bien volontiers.
« la lune pour seul témoin... »
Il y avait des moments où le jeune maudit regrettait de ne pas pouvoir apprécier la beauté dans ce qu'elle avait de plus simple, de plus pur et cet instant était l'un d'entre eux. Oui, il savait que cet endroit était sublime mais était-ce la seule beauté qu'il aurait voulu contempler ? Non, bien sûr que non et peut-être que sa partenaire commençait à le comprendre. Au bout de quelques secondes de silence, le jeune homme détacha à regret ses mains de la demoiselle et déposa un baiser discret sur le sommet de sa tête, comme signe d'une affectation naissante ou comme une nouvelle étape de ce petit jeu auquel ils s'adonnaient. Un pas après l'autre, laissant l'herbe caresser la plante de ses pieds tout en souriant face à cette sensation familière, l'homme s'écarta de quelques mètres de la belle jusqu'à se positionner au centre du jardin. Un pas à gauche, un autre à droite comme s'il débutait une danse avec les éléments, son sourire discret n'ayant jamais vraiment quitté ses lèvres, il s'immobilisa finalement et écarta les bras tout en levant la tête vers les cieux, comme pour inviter l'astre lunaire à venir observer la scène d'un peu plus près. Lentement, délicatement, il rabaissa légèrement la tête et porta sa main droite à l'arrière de son crâne, attrapant le bout de tissu écarlate qui masquait ses yeux. Un mouvement, un seul mouvement suffit et le bandeau glissa le long de l'épaule du jeune homme avant de tomber à ses pieds. L'instant d'après ses paupières s'ouvrirent et, instinctivement, l'homme adressa à cet astre un regard immaculé, pur. Il ne pouvait pas voir, pas à proprement parler en tout cas, mais en cet instant il voulut simplement se départir de ce bandeau qui ne faisait que mettre en évidence sa différence. Arrogance ? Désir d'attention ? Peu importaient les raisons, ce soir-là il avait envie de se laisser aller. Bien entendu de là où elle était la belle ne pourrait pas vraiment voir ses prunelles inutiles, mais il suffirait qu'elle s'approche un peu pour que cela change. Il suffirait qu'elle se rapproche du gardien de ce jardin d'Éden pour que ce dernier la contemple, sans artifice, sans malice, en lui adressant ce regard immaculé qui mettait tellement de gens mal à l'aise.
Serait-ce différent pour elle ? Peut-être l'espérait-il, silencieusement.
Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
Le jardin t’emplissait les narines, les yeux, les oreilles. Paisible et silencieux, était-ce à cause de la nuit ? Aucun autre son, aucun dérangement ne venait à vous dans ce havre de paix et de beauté. Comme si le monde n’existait pas, comme si seul le silence de la nuit et le corps chaud de Kyoshiro, la fragrance des fleurs et le bruissement de la nature, le goût résiduel de l’alcool sur ta langue et la lumière blafarde de la demi-lune venait à percer dans le voile épais de surréalisme qui entourait ce jardin.
Ton regard passa des fleurs à l’homme que te retenais alors qu’il initia un mouvement. Perplexe tu tentas de deviner ce qu’il cherchait à faire, mais rapidement, tu abandonnas alors qu’il quittait sa position à tes côtés. Froid. Tu ne t’y attendais pas. Son bras avait réchauffé ton abdomen, et maintenant qu’il n’y était plus, tu avais légèrement froid, comme s’il te manquait quelque chose, une écharpe peut-être ou bine un manteau, tu ne saurais dire et ce n’était qu’à ce moment-là que tu réalisas que la brise nocturne était fraîche. Le nombre de pensées, de mots et de réalisations qui te vint en simplement deux secondes, les deux où Kyoshiro s’était éloigné de toi pour t’enlacer de derrière … tu n’y comprenais plus rien. Mais par tous les dieux que se passait-il ? T’étais-tu laissée prendre à ton propre jeu ? Avais-tu levé le drapeau blanc face au désir et à la passion ?
Comment et pourquoi n’arrivais-tu donc pas garder ta tête claire et détachée comme à ton habitude ? Et tout ce qui se passait, ta main n’avait la quitté la sienne, même lorsqu’il s’était éloigné pour t’enlacer. Était-ce l’alcool, ce doux poison dont tu aimais tant l’effet sur ton corps alors qu’il te permettait d’oublier le malheur de ce monde à petite dose ? Non, tu n’étais pas saoule, ce n’était donc pas la cause de ta confusion. L’endroit, l’attention qu’il te portait peut-être ? Le romantisme dans le geste (en général ceux que tu menais à ton lit en manquaient un peu, mais cela ne t’avait jamais mise dans l’inconfort avant) était-ce la situation en elle-même qui jouait avec ton esprit tordant et retordant tes pensés et désirs ?
Dans ses bras, tu te laissas aller contre son corps profitant de l’étreinte. Rare étaient-elles sincères dans ton univers de mensonges et de masques. La chaleur de son corps contre le tien, la beauté éthérée de ce jardin, la lumière blanche éclairant à peine vos silhouettes. À quoi jouiez-vous ? tu ne pouvais même plus le dire.
Peur. N’ayant plus le contrôle sur la situation, tu la ressentais qui te rongeait les entrailles. Toi ! Toi effrayée ! Mais quelle drôle d’histoire. Attends dont qu’Ao en entende parler !
Un soupir, presque inaudible quitte tes lèvres. Une erreur, était-ce une erreur ? Non, tu ne le ressentais pas ainsi. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Il te relâcha avant d’aller vers le centre du jardin sous ton regard incrédule. Tu serais bien restée là, entre ses bras, à admirer la lune. Ou à faire autre chose. Mais il était désormais évident, encore plus en considérant le dernier geste qu’il fit en s’éloignant que ton plan fonctionnait.
Plan.
Était-ce une mission ? t’avais-t-on dit de séduire un jeune Konohajin et d’y foutre le bordel. Non. Pourquoi pensais-tu comme si cela était le cas. Comment y arrivais-tu ? Comme une giffle au visage, tu devais l’admettre, la situation, les dernières minutes, toute cette foutue rencontre te frappait. Tu avais agis par toi-même. Tu avais agis, probablement, contre l’intérêt des tiens. Toi qui n’étais qu’arme semblait avoir désiré quelque chose qui n’était en rien lié avec les missions, le combat, l’entraînement. Toute l’été tu l’avais senti, cette bête remuer au fond de toi, ton désir de ressentir. Et cette soirée-là, su ressentir tu avais.
Tu étais dans une tempête, des hauts des bas, émotions à leur de peau qui ne s’entendaient en aucun cas avec ton égo, avec la personne que prétendais ardemment être. C’était comme être lancée en pleine mer et de ne pouvoir en aucun voir la rive ou calculer son itinéraire. De toi l’inconnu.
Et tu en redemandais.
Lorsqu’il se mit à bouger, tu ne compris pas ce qui se passait et une lueur de curiosité brilla dans tes orbes bleus. Mais alors que son bandeau, celui sur ses yeux tomba, tu ne pus retenir l’air étonné qui vient peindre ton visage en entier.
Tu ne comprenais pas pourquoi un tel geste de confiance de sa part, mais tu ne cherchas pas non plus. Préférant t’approcher de lui à petit pas, curieuse, mais surtout désireuse de faire tomber des barrières, barrières dont jusque-là tu ignorais l’existence. Lentement, mais sans hésitation, tu approchas. Lorsque tu fus à son niveau, tu posas une main sur sa joue, lui indiquant de ce geste de baisser le regard vers toi.
Bleu rencontra blanc.
Tu ne sourcillas pas. Rapprochant ton corps du sien, te plaquant silencieusement a son corps. Au diable les réflexions. Au diable les souvenirs, au diable les erreurs. Un peu de passion en une seule soirée ne te ferais pas de mal. Voilà ce que tu décidas, à cet instant-là, alors que Kyoshiro faisait preuve de tant de confiance, se révélait à toi ainsi. S’il pouvait le faire, pourquoi pas toi ?
Tu n’étais pas de celles qui gère leurs émotions ou de celles qui les écoute, mais tu n’étais pas étrangère au désir. Et en cette soirée-là, tu avais décidé de t’y abandonner entièrement. Tu demanderais pardon à Yuriko au matin si tu en ressentirais le besoin. Tu avais décidé d’abandonner le combat, pour une fois. D’écouter la bête qui exigeante au fond de ton être celle que tu étouffais depuis si longtemps. Petit à petit, tu avais senti tes défenses s’effondrer, le pouvoir t’échapper. La peur, le regret … rien n’allait t’arrêter, pas à instant du moins.
« Tes yeux … ils ne sont pas si mal, pourquoi les cacher ? ça plait bien. Non. Je les préfère ainsi. Tu es plus facile à voir. »
Tu laissas une certaine emphase sur le mot voir. Tu avais l’impression de comprendre un peu plus ce qui se passait dans son esprit, maintenant que ses orbes banches étaient posées dans les tiennes.
Le jeune homme ne tenait clairement pas en place, il était comme une véritable pile électrique qui avait besoin de toutes sortes d'activités pour drainer ce trop plein d'énergie et, d'instinct, il se dirigeait constamment vers ses entraînements quotidien pour se fatiguer et s'occuper. Était-ce la seule activité qu'il connaissait ? Pas le moins du monde car il ne connaissait rien de mieux que cette danse des corps et des sens pour joindre l'utile au très agréable. Oui, pendant longtemps il n'avait fait que voguer de conquête en conquête dans le seul but de se détendre, de se défouler tout en passant un bien agréable moment et l'alcool n'était que l'un de cs autres vices, de ceux qui embrouillaient ses pensées pour qu'il cesse de trop réfléchir le temps d'une soirée. Car oui, s'il ne semblait peut-être pas l'être, Kyoshiro était le genre d'individus à se poser tout un tas de questions et laisser le doute l'envahir sans jamais le repousser : c'était en doutant, en se remettant constamment en question qu'il pouvait continuer d'avancer. Cela faisait plusieurs mois qu'il avait trouvé cet endroit un peu par hasard, au détour d'une soirée arrosée où ses pas incertains l'avaient mené à travers les ruelles exiguës de Konoha-la-belle et, même alors que son équilibre était tombé aux oubliettes et que son foie menace de lui faire rendre tout cet alcool à chaque instant, en pénétrant dans cette antre de la beauté il avait ressenti quelque chose qui lui était étranger jusqu'à présent : de la plénitude. Si au départ il avait mis cette sensation sur le compte de l'alcool, en y retournant deux jours plus tard il s'était rendu compte que cette sensation persistait bien malgré lui. Était-ce ici qu'il devait demeurer ? Qu'il devait rester plutôt que de trouver refuge dans son jardin secret au cœur de la forêt qui bordait Konoha ? Là-bas il était Kyoshiro le guerrier, le shinobi, l'athlète mais ici...ici il n'avait pas l'impression d'avoir besoin de revêtir ces casquettes.
Il s'était donc posé là quelques semaines plus tôt et, bien que l'exercice ne soit pas aisé pour un homme aussi actif que lui, il s'était assis au milieu du jardin et, les jambes croisées, avait laissé ses sens le guider vers des terres plus lointaines, calmes et apaisantes. Le pire dans tout ça ? Cela avait fonctionné et, alors qu'il pensait que la méditation n'était pas un exercice pour lui, il avait réalisé que cette transe méditative lui était bien plus aisée et accessible dans ce lieu. Comme s'il n'y avait vraiment qu'ici qu'il pouvait être bien, calme et serein sans penser aux problèmes qui martelaient constamment son crâne. Il avait donc jalousement gardé secret ce lieu des yeux de ses conquêtes car elles n'en valaient pas la peine et, si au départ il n'avait voulu que plaire davantage à la demoiselle en brisant ce secret, il eut tôt fait de réaliser que quelque chose de différent se produisait ici. Il était là, tout contre elle, son corps collé au sien, ses bras autour d'elle à laisser la brise le caresser le visage et il se sentait étrangement bien. Inquiet ? Un peu oui car, tout passionné qu'il était, il savait que son esprit pourrait l'amener à avoir un autre genre de pensée qui ne conviendrait peut-être pas à cette femme. Après tout, que cherchait-elle ? Jouer ? Le tester ? Ou tout autre chose ? Difficile à savoir s'il ne posait pas la question. Essayant de se retenir, de ne pas laisser sa passion naturelle prendre le dessus sur son bon sens, l'homme s'était donc détaché de Sayuri en espérant que la sérénité de cet endroit puisse le calme, puisse faire mourir cette boule de chaleur qui grandissait au fond de sa cage thoracique. Il resta donc là, à appeler silencieusement l'astre lunaire par un regard immaculé et, alors que ses sens prenaient les rennes de son esprit, l'homme fut bientôt rappelé à la réalité par une froide et douce main sur son visage. D'ordinaire il n'était jamais surpris par personne, il avait appris à rester constamment sur ses gardes et sentant toujours quand quelqu'un l'approchait mais là, alors qu'il discutait silencieusement avec la lune, il baissa suffisamment sa garde pour que la belle vienne poser la main sur son visage. Quand ? Que ? Ces questions furent réduites en lambeaux lorsqu'il baissa la tête, posant ses yeux vers l'endroit où devaient se situer ceux de sa charmante camarade.
La plupart des gens fuyaient ce regard qui n'avait rien de naturel, qui ne faisaient que mettre en lumière l'infirmité du Tadake. Être conscient de ces regards était justement l'une des raisons ayant poussé le jeune homme à se forcer à garder les yeux fermés, plus pour le confort des habitants de Konoha que pour le sien mais aujourd'hui, pour la première fois depuis une éternité, une femme semblait désireuse de regarder à travers les miroirs de son âme. Il ne s'agissait pas d'un intérêt malsain ou exotique pour l'infirmité du jeune homme, il n'en avait pas la sensation en tout cas, c'était bien autre chose. Surprise du compliment ? Désemparé ? On pouvait le dire, oui et, si la demoiselle observait bien, elle réaliserait que même sans pupilles le regard du jeune homme était pourtant rempli de tout un tas d'émotion. C'était dur à expliquer mais oui, ses orbites immaculées en disaient long sur ce qui passait dans sa tête et le doux sourire sur son visage n'en était que le reflet.
« Tout le monde n'est pas aussi à l'aise que toi face à ces yeux, je dois le reconnaître. »
Bien sûr il ne parlait pas de l'autre raison pour laquelle il avait commencé à porter ce bandeau, une envie de sortir du lot et d'attirer l'attention sur lui mais, avec du recul, il savait à quel point ce geste était vain et puéril. Pourquoi continuer, dans ce cas ? Par habitude, uniquement par habitude mais, maintenant qu'il l'entendait, peut-être finirait-il par ranger ce bout de tissu au placard. Laissant la demoiselle s'approcher de lui, entourant son corps de ses bras une nouvelle fois, l'étrignant doucement et chaleureusement, l'homme laissa le temps s'arrêter tout autour de lui pendant plusieurs secondes. Oh qu'il aurait voulu que cela perdure, qu'il aurait voulu ne pas avoir besoin de continuer ce petit jeu.
Mais...en avait-il seulement besoin, ou était-ce simplement ce dont il essayait de se convaincre ? Après tout si la demoiselle s'était rapproché de lui sans invitation, peut-être était-ce à son tour de se poser trop de questions. Non ? L'idée eut du mal à percer son trou dans sa tête mais, finalement, le shinobi baissa lui aussi sa dernière barrière en posant son front sur celui de la demoiselle, comme s'il espérait que leurs deux esprits rentrent n communication. Il aurait voulu qu'elle sache ce qu'il y avait dans sa tête, qu'elle sache qu'il n'était pas homme à vivre sans passion et que, ce soir, malgré tous ses efforts, la sienne continuait de grandir au contact de sa muse. Relevant délicatement la tête, gratifiant la belle d'un sourire plus doux et sans aucune trace de malice, l'homme laissa quelques unes de ses pensées s'échapper sans trop s'en rendre compte.
« Je...vois plus de choses qu'on pourrait le croire. Je les ressens, pour être exact. La beauté est un concept plus difficile à expliquer pour moi, comme tu t'en doutes, mais... »
Il ressentais la beauté mais ne savait pas comment l'expliquer, n'avait jamais réussi à mettre de mot sur ce concept étrange mais savait qu'il la ressentais. La beauté d'âme, peut-être ? Probablement, comme si ses yeux lui permettaient une meilleure perception de ceux qui l'entouraient. Une idée à laquelle il avait du mal à croire, lui-même, mais ce soir-là il la laissa de côté en se laissant aller. Oui, s'il y avait bien un moment pour arrêter de se poser des questions c'était bien celui-là.
« Ce soir, sous le regard bienveillant de cet astre, si tu me le permets, je souhaite rendre hommage à la tienne. »
Joignant le geste à la parole, l'homme posa sa main droite sur la joue de la demoiselle, lui diffusant une nouvelle fois un peu de sa chaleur tout en caressant délicatement sa douce peau. Était-ce étrange de désirer, en cet instant, de retrouver la lumière qu'on lui avait refusé ? De vouloir observer la demoiselle pour ce qu'elle était vraiment et pas comme il la ressentais ? Parce qu'il en avait envie mais, pour l'heure, il se contentait de laisser parler son cœur, sans filtre, comme il savait si bien le faire. Le visage de l'homme se rapprocha de la belle et, sous la protection de l'astre lunaire, il s'avança jusqu'à ce que leurs deux bouches ne fassent plus qu'une.
Un baiser, un doux et chaud baiser au milieu de ce jardin d Éden.
Les mots n'étaient plus nécessaires. Leurs sens exprimaient tout ce qu'ils avaient à se dire.
Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
Sur son visage tu arrivas à y lire son étonnement. Tu n’arrivais pas è comprendre. Tu abandonnas toutes les réflexions, laissas les pourquoi, les comment, les qu’est-ce que derrière toi. Tu n’allais pas chercher à décortiquer et analyser, pas ici, pas maintenant. Cela n’arracherait-il pas, de toute façon, à cet instant-là tout ce qu’il y a de plus beau ? Toute la spontanéité du moment, toute l’authenticité. Il te fallu retenir un rire amer. Authentique. À quand remontais la dernière fois que tu l’avais été. Tu étais menteuse invétérée. Tout de tout exultait mensonges, cacheries et vilénies en tout genre.
Ces Tadake, ils avaient un drôle de pouvoir, une drôle d’emprise sur ta personne. Yuriko avec qui tu étais devenue amie en claquement de doigts et Kyoshiro … Kyoshiro dont tu ne savais rien, comprenait, avait fait l’impensable, l’impossible. Il t’avait poussé à mettre de côté ton armure et tes masques, il avait balayé du revers de la main tout ce en quoi tu croyais, sans même dire un mot, sans même faire un geste. Tu te retrouvais là, debout près de lui, vos corps collés l’un à l’autre, ses bras de nouveau autour de ta silhouette.
Définitivement, tu préférais son visage sans bandeau. Ses yeux, même aveugles, blancs comme la lune, n’étaient pas aussi froids que les tiens, bleus. Quelque chose de son regard absent venait trouver écho dans les racoins enfouis de ta personne. Des émotions que tu avais fait taire à coût de bouteilles d’alcool, d’entraînement et de mantras. L’humanité que tu ressentais, tu l’avais écrasée, oppressée, éviscérée, anéantie, mais pourtant, dans ce jardin, dans les bras de cet homme, tu la sentais rugir, comme si elle reprenait des forces et qu’elle n’avait pas dit son dernier mot.
Déstabilisant.
Toutes ces choses que tu avais pensé vaincre et repousser au loin, elles revenaient avec plus de force qu’un Lariat de Jinpachi.
De poser ton regard dans celui de l’aveugle, tu donnais l’impression d’accéder à un tout autre pan de sa personne. Une permission spéciale qu’il ne semblait pas donner à tous. Ainsi mis à nu, il offrait sur un plateau d’argent son plus grand démon à ta vue, car si ce n’était pas son absence de vision en est, il devait bien y avoir un lien quelque part.
Ta main que tu avais posée sur sa joue, tu la fis glisser contre son visage, contre son cou, jusqu’à ce qu’elle atteigne sa nuque. Ton toucher était délicat, comme si tes doigts flottaient au-dessus de sa peau. Puis, du bout des doigts tu dessinas de petits cercles sur sa nuque effleurant la pointe de ses cheveux courts, de temps à autre. Et ton regard ne quittait pas son visage.
Il prit la parole et tu écoutas avec attention ses mots. Ce qu’il disait, c’était beau, c’était bien. Mais cela sonnait faux à tes oreilles, qu’importe le niveau de sincérité dans ta voix, tu ne croyais pas ses paroles. Peut-être avais-tu un visage agréable à regarder, peut-être ton corps en faisait lorgner plus d’un, mais tu ne pouvais te résoudre à te croire belle. Pas de corps, clairement, tu savais ce qu’il valait et tu avais appris à t’en servir, non, mais plutôt d’esprit. Tu étais le genre de femme à mentir, à tuer, à jouer. Des qualités tu n’en avais pas à l’extérieur de ton application méticuleuse de ton travail. Honorer ta beauté ? Quelle beauté ? S’il y avait quelqu’un de beau, tu aurais tendance à dire que c’était Ao, Yuriko et Kyoshiro. Ces trois là semblaient avoir toutes les qualités humaines qui te faisaient défauts depuis si longtemps.
Mais quelque chose dans son commentaire interrompit le cheminement de tes pensées. La beauté. Même aveugle, cela semblait être une nécessité chez les hommes que d’avoir une femme que l’on dit belle. Mais la suite de son commentaire t’arracha simplement un petit rire.
Mais lorsque ses lèvres vinrent chercher les tiennes, tu n’hésitas pas à rendre le baiser à cet homme. Peut-être voulait-il te montrer ce que c’était d’être humain ? Non, il ne savait probablement pas que tu étais l’une de femmes les plus fourbes des tiens, qu’étais de celles qui tissent leur toile mortelle pour y faire tomber les idiots …
Pourquoi est-ce de cette personne que tu t’évertuais tant à être, il n’en restait rien ce soir ? Pourquoi n’arrivais-tu pas à être l’assassine froide et implacable que tu étais ?
Tu ne voulais pas y répondre, pas maintenant, l’urgence n’y était pas. Ses questions qui te dévoraient s’envolèrent petit à petit, alors que toute ta personne se laissait envelopper par la chaleur que tu ressentais dans ton ventre, alors que ta deuxième main vint se poser derrière la nuque de Kyohiro. Fini les petits cercles dans son cou, finis le toucher délicat. Tes mains s’étaient liées derrière lui alors que tu te plaquais contre lui, répondant avec vigueur à son baiser.
Un baiser. Ne lisant pas dans son esprit, tu n'arrivais pas à mettre le doigt sur sa signification exacte. Était-ce de l'affection ? Du désir ? Ta réponse, réponse qui t'étais venue un peu plus naturellement que tu ne l'avais imaginé, que cherchait-elle à te prouver ? Pourquoi est-ce que la sensation de ses lèvres sur les tiennes était-elle si différentes des autres ? Qu'avait-il de plus qu'un autre ?
Après tout, n'étiez-vous pas deux étrangers ? Deux visages sur le tableau du monde qui ne s'étaient jamais réellement croisé avant cette journée-là ? Une impression d'urgence, s'était emparée de toi. Tes mains dans son coup brûlaient, comme chaque parcelle de toi qui était en contact avec lui. Un telle réaction de ta part était nouveau. Tu n'avais jamais ressenti rien qui s'en approchait.
Et cet instant était éphémère, alors que ton souffle se faisait court court ses lèvres.
Tu finis par mettre fin à l’instant éloignant ta tête et cherchant un peu ton souffle.
« Ne me voyant pas, je me demande à quelle beauté tu veux faire honneur, parce qu’à l’exception de mon visage, il n’y a pas grand-chose à honorer. Je suis kunoichi. Tout ce que je suis n’est que fourberies et vilénies. S’il y a quoi se soit de beau dans ça, dis-le-moi. »
Tu marquas une pause, lui donnant le temps de digérer tes paroles. Tu n’étais pas tendre avec toi-même. Pourtant, tu te considérais réaliste. Tu étais une arme, de la pointe de tes orteils à moindre mèche de tes cheveux. Peut-être qu’ici, loin des regards, loin de tout, tu te donnais quelques libertés, mais tu savais que tu revêtirais de nouveau ton masque en mettant le pied hors de cet endroit.
« Je ne suis ne suis pas … Belle. Mais, je vis bien avec ça. Trouve autre chose. »
Le ton de ta voix était plus joueur que tu ne l’avais imaginé. Un sourire joueur était apparu sur tes lèvres. Alors que t’installais confortablement contre lui. Tu ne jouais plus. L’idée même d’en faire un jeu te paraissait grotesque. Qu’est-ce que c’était devenu ? Tu ne le savais pas. Jusqu’où irais-tu ? Tu verrais bien.
Pendant la majorité de sa vie le jeune homme ne s'était considéré que comme un poids pour la société, un fardeau, une bouche en trop à nourrir et, sans trop s'en rendre compte, il s'était donc fermé à la possibilité de connaître un jour ce que les autres appelaient le bonheur. Comment pourrait-il en être autrement ? Il n'était pas le plus brillant, pas le plus capable des hommes de son âge et, de son point de vue, jamais personne ne voudrait créer quelque chose avec un homme affligé d'une telle malédiction. Sa sœur restait avec lui parce qu'ils étaient liés par le sang, parce que leur confiance mutuelle était gravée jusque dans leur ADN et que rien au monde ne pourrait jamais briser ce lien, c'était ainsi, mais le reste ? Un jour sa sœur trouverait le bonheur dans les bras d'un autre, elle se créerait un avenir de ses propres mains et alors, à ce moment là, Kyoshiro se trouverait réellement tout seul. Puis il rencontra cette jeune femme, cette boulangère, cette douce âme qui l'ouvrit à la possibilité de partager quelque chose et, malheureusement, les démons du jeune Tadake brisèrent cette relation. Non...il ne pouvait pas blâmer ses démons pour cela, il était le seul responsable de cet échec relationnel car il avait été faible...si faible. Il lui avait fallut beaucoup de temps pour digérer cet échec, pour l'accepter et aller de l'avant mais pendant longtemps il s'était dit que le problème venait de lui, que le problème viendrait toujours de lui car il n'était pas digne de mériter une telle affection. Il s'était donc réfugié dans les bras de toutes les femmes en manque de plaisir charnel qui croisèrent sa route et, pendant un temps, il se sentit bien. Pas complet, pas heureux, mais simplement bien. Se faire plaisir et faire plaisir à l'autre le temps d'une nuit, joindre ses sens à une inconnue le temps d'une nuit avant de se séparer le lendemain était tout ce qu'il avait voulu, était tout ce qu'il avait jamais mérité et de cela il en était convaincu. Il n'avait pas su protéger sa sœur, pas su protéger son camarade et était un bien piètre shinobi : comment pouvait-il aspirer à plus que cela ? Il ne le pouvait pas mais, avec le temps, avec le temps et beaucoup de réflexion, il s'était stupidement mis à espérer qu'un ven de changement viendrait peut-être un jour souffler sur sa vie.
Pourrait-il maintenir sa situation pendant plusieurs années tout en espérant être heureux, au bout du compte ? Ou bien se contenterait-il de faire son devoir alors que tous ses pairs et collègues, autour de lui, s’attelleraient à créer quelque chose de durable avec ce qu'ils appelaient leur âme sœur ? Il n'en savait rien, il n'en savait fichtrement rien et cette ignorance finirait par le rendre fou. Alors oui, quand il sentit la belle s'approche de lui et se coller tout contre son corps, quand il voulut regarder droit dans les yeux son infirmité sans une once de crainte ou de gêne, l'esprit du Tadake le mena vers ses vieux travers. Certaines femmes agissaient ainsi par curiosité, parce qu'elles recherchaient l'exotisme d'une relation avec un homme différent tel que lui mais cela s'arrêtait là et, pendant un instant, Kyoshiro pensa que cette demoiselle n'était en rien différente de toutes les autres. Alors pourquoi s'accrocher ? Pourquoi ne pas broyer dans sa main cette boule d'espoir qui ne voulait jamais disparaître, malgré ses efforts répétés ? Il n'avait rien à offrir, rien autre que sa bonté et que son âme mais cela n'était guère suffisant, cela ne serait jamais suffisant. Il se résigna donc un instant en laissant ses doutes de côté, en acceptant de simplement profiter de ce moment de proximité avec la quasi-certitude qu'il ne durerait pas et que, demain, ils se sépareraient pour ne plus jamais se croiser. C'était douloureux, pénible et douloureux mais c'était tout ce qu'il méritait pour le moment et il devrait s'en contenter. L'homme sentit donc la main de la demoiselle glisser le long de sa nuque et ce seul contact le fit frissonner de nouveau, sentant sa passion croître de nouveau par la promesse qui se cachait derrière cette caresse. Il s'en voulait, il s'en voulait d'espérer ainsi pour rien mais il n'y pouvait rien, il n'avait jamais su tempérer sa passion et ce soir-là cela ne semblerait guère différent.
Il espérais mais savait que ce plaisir n'était que temporaire comme tous les autres, il en avait parfaitement conscience et pourtant, bien malgré lui, il lâcha la bride et laissa sa passion prendre les rennes en offrant à la demoiselle le baiser le plus doux qu'il ait pas donner depuis...bien longtemps. D'habitude il menait toujours la danse, menait les femmes là où il le désirait en les gratifiant des mots qu'elles voulaient entendre mais ce soir, dans cette antre de la zénitude, il établit un lien direct entre son cœur et sa bouche sans la moindre arrière-pensée. Si cela ne devait être temporaire alors autant qu'il soit franc et, si des mots doux sortiraient de sa bouche, ils seraient drapés de la plus pure des franchises. Laissant la demoiselle passer ses mains autour de son cou, sentant que sa peau était bien moins froide qu'auparavant comme si cet échange avait réchauffé son corps et son âme, l'homme écouta sa muse lui donner une vision bien pessimiste de ce qu'elle était. Étrangement, en écoutant la demoiselle ne se décrire que par les viles actions qui allaient avec sa voie du shinobi, l'homme eut l'impression d'entendre son élève, Akira, lors de leur première discussion en tête à tête. Même vision, même pessimisme face à la vie qui était la leur. Hochant négativement la tête comme pour signifier doucement son désaccord, le garçon laissa ses mains glisser sur le corps de la demoiselle jusqu'à s'arrêter à sa taille, avant de donner son avis sur la question.
« Nous sommes tellement plus que cela. Notre métier définit notre quotidien mais pas qui nous sommes, pas entièrement en tout cas. Nous avons une vie en dehors de notre devoir ou nous pouvons aspirer à en avoir une. »
Sa vie était ridiculement vide et douloureuse mais il en avait une, tout de même, parce qu'il en avait fait le choix. Peut-être n'était-ce pas une existence digne d'être vécue, peut-être devrait-il se donner à corps perdu à son métier pour que sa vie ait enfin un sens mais il ne l'avait pas souhaité. Il avait souhaité pouvoir sourire à la vie sans voir ou ressentir uniquement ce que ce monde avait de plus sombre...de plus laid. Laissant quelques secondes de silence s'installa, laissa ses doigts courir sur les hanches de la demoiselle avec délicatesse, l'homme poursuivit donc sa réponse.
«Dis-moi, si nous ne sommes que tromperies et vilenies, cela veut donc dire que tout ce que nous vivons ici, à cet instant, toi et moi, n'est en rien réel. Qu'il ne s'agit que de mensonges et de faux-semblants. Est-ce le cas ? »
L'esprit pouvait facilement être berné si un individu commençait à croire ses propres mensonges, Kyoshiro le savait mieux que personne mais, s'il savait autre chose, c'était que le cœur restait toujours honnête envers lui-même. Peu importaient les mensonges et faux-semblants, le cœur serait toujours le détenteur de la vérité: il suffisait juste de vouloir l'écouter. Laissant à la demoiselle le temps de digérer cette partie de l'information, de s'interroger sur l'aspect réel de la douceur et de la passion qu'ils commençaient à ressentir l'un pour l'autre, l'homme avança son visage juste avant la joue gauche de la demoiselle avant de lui lancer un défi silencieux.
« Dis-moi que tout ceci n'est qu'un jeu pour toi. »
La croirait-il si jamais elle le lui disait ? Si jamais elle avouer se jouer de lui encore maintenant, avec la lune comme témoin ? Peut-être, peut-être pas, mais il devait au moins lui donner l'opportunité d'être honnête envers elle-même...de voir les choses autrement. L'aveugle resta silencieux un moment face au refus de sa partenaire de s'appeler belle mais elle devait avoir mal compris son propos car le jeune homme ne parlait pas de la beauté extérieure. Comment le pourrait-il ? Il sourit donc doucement et se baissa légèrement, sentant toujours les mains de la belle autour de son cou, posant ses deux mains sur les cuisses de Sayuri avant de la soulever, la ramenant tout contre lui en faisant décoller ses pieds du sol afin que leurs visages sont à peu près au même niveau. L'un contre l'autre, encore plus proches qu'auparavant, le garçon gratifia finalement la demoiselle de plus simple des constat :
« Si seulement tu te voyais comme je te vois... »
Il aurait pu s'éloigner d'elle, la laisser partir ou la laisser réfléchir en sachant bien que ce moment n'était que temporaire mais il ne le souhaitait pas. Il souhaitait profiter de cet instant, de cette proximité et de cette douceur aussi longtemps qu'on le lui permettrait. Laissant le vent caresser son visage de nouveau, l'homme s'approcha de la belle pour la gratifier d'un baiser qui, cette fois, si elle le lui autorisait, serait bien plus passionné et intense que le premier.
Ils étaient là, ils étaient bien. Bien ici. Bien ensemble.
Instants fugaces entre deux êtres diamétralement opposés
***
Comment quelques mots peuvent mettre le feu aux fondations qui tu avais mis des années construire. Comment quelques phrases te faisaient douter sans équivoque de tout ce que tu ressentais, vivais et expérimentais. Tes mains étaient tâchées de sangs et de vies arrachées. Mentir était une seconde nature pour toi dont l’univers se résumait à ton devoir. Enfin, avant Ao, avant Yuriko, avant lui.
Tout semblait se liguer contre toi pour te remettre au visage les choix que tu avais fait tant d’années auparavant. Pour étaler la grandeur de ta bêtise, de ton refus, de farce qu’était la vie que tu avais menée jusque-là. La réaction que tu avais à ses paroles étaient violente, bien sûr, ses mots venaient te secouer jusqu’au plus profond de toi.
Ao avait toujours voulu ton bien … Enfin la plupart du temps, mais jamais il ne t’avait clairement exprimé que tu pouvais être à l’extérieur de tes missions, de ton devoir. Toute jeune tu avais été le témoin de ta mère qui était elle-même kunoichi n’avait jamais su vivre à l’extérieur de ses missions et la seule fois qu’elle avait tenté, tu en avais été le résultat. Et la vie que cela t’avait donnée … Tu t’étais promis de tout éteindre, de jamais vivre pour toi, mais que cela t’avait-il apporté ? Tu rêvais d’intégrer les tiens, d’y vivre comme tous les autres en harmonie, mais tu te poussais toujours un peu plus loin avec chaque mission, alors qu’assoiffée de reconnaissance tu prenais celles qui étaient connue comme les plus sombres, les plus difficiles, celles qui ne laissaient pas de cicatrices sur le corps, mais sur le cœur. Tu avais pris le temps d’ériger autour de toi des murs de fer dans l’unique espoir que tes actions ne te blessent pas. Ces murs te servaient ignorer à quel point tu étais sale et horrible. À quel point que d’arracher une vie dans la nuit étais venu à te faire plaisir … Mais ces mêmes murs qui devaient te garder saine d’esprit étaient la cause de tes malheurs. Tu t’étais refermée à un point tel où ceux que tu avais toujours espérer voir t’apprécier, tu les rejetais avec toute la force de ton âme. Tu ne cherchais pas le bonheur. Tu ne l’avais jamais fait et, pourtant, cette soirée-là, tu avais envie de faire amende à ton code éthique.
Tout ça pour les mots d’un étranger qui étaient venus mettre le feu à toutes tes croyances, avaient abattues à grand coup une partie des murs que tu avais érigés. Nue, vulnérable, voilà ce que tu ressentais. Et la dernière fois que tu t’étais senti ainsi, c’était lors de dispute avec Ao, celle où vous étiez rentré au clan en sang. Tu n’arrivais pas à saisir ou cette soirée allait de mener.
Il avait mis le feu à quelque chose, déranger la bête au fond de toi, sans que tu ne puisses le voir venir. Sans que tu ne puisses l’en empêcher étant trop prise dans ton propre jeu, tu n’avais pas élevé toutes tes barrières, tu ne t’étais pas gardé contre son attaque. Enfin peut-être que si, mais tu n’avais su prévenir cette situation. Inconfortable ? oui, entièrement. Tu évitais tes sentiments comme la peste et te voilà devoir les confronter. Un geste, un mot, c’est tout ce qu’il lui avait fallu. Sous son regard tu n’étais pas arme, pas simplement qu’un shinobi, mais une personne propre. Quelqu’un qui avait le droit de désirer un peu de tendresse, un peu d’attention. Tu n’étais pas que l’objet de désir, ou un fantasme dans la nuit, mais quelqu’un, une personne méritante de cette attention particulière qu’il te portait. Étrangement, cette pensée laissait en toi une sensation de légèreté.
«Non.»
Un souffle, un murmure tremblant. Non. Non cet instant était probablement l’un de plus vrai de ton existence. Tu avais déposé ton masque d’araignée quelques instants pour le vivre pleinement, le savourer, le garder dans ta tête, pouvoir te souvenir que toi aussi tu peux éprouver de tels sentiments honnêtement, sans te voiler, sans prétendre, sans mentir. Cette soirée-là n’était en rien ce que tu avais prévu à l’origine.
« Non. Non … ce n’en pas un pas … plus un. »
Ta voix n’avait pas l’assurance habituelle, sonnant incertaine contre la sienne aux tons douloureux. Étais-tu la cause de cette douleur ? Tu n’espérais en aucun cas l’être, mais qui d’autre aurait pu, ici, maintenant ?
« Ce n’est pas … je veux dire … Écoute. »
Tu ne savais en réalité absolument pas quoi dire. Tu avais envie de reprendre ton masque mentir avec ton aisance habituelle, mais quelque chose, appelle ça l’instinct, te criais que si tu osais faire de la sorte, peu importe ce qui se passait, ça prendrait fin à cet instant et c’était bien la dernière chose que tu que tu souhaitais.
Ses mains sur tes cuisses, il te souleva, portant vos visages à niveau égale. Ton regard planté dans le sien tu pris quelques instants à réagir. Mes après avoir lutter avec ton yukata une seconde ou deux, tu enserras tes jambes autour de sa taille pour faciliter sa prise sur ton corps. Tu étais curieuse, tu voulais savoir ce qu’il préparait.
Et ses lèvres vinrent trouver les tiennes une nouvelle fois et tu laissas porter. Finis les calculs, les réflexions, le peut-être, ou le mensonge. Tu le serras un plus fort contre toi, te planquant avec urgence contre lui, laissant la passion prendre le dessus sur tes gestes. Tu t’attaquais dans à ses lèvres avec voracité, cherchant à prouver qu’en cet instant précis tes nombreux que tes mensonges étaient tombés. Tu voulais lui prouver que cette soirée resterait dans ta mémoire que peu importe où cela te mènerait ce soir, tu ne voulais qu’il comprenne que tu étais entièrement présente dans ce moment, dans cet échange. Mais peut-être que pour un homme n’ayant pas les expertises que toi, cette démonstration de passion tomberait à plat, mais Kyoshiro était un homme perceptif, alors tu t’attendais à qu’il remarque au moins que tu ne jouais pas à chat.
Tes lèvres ne quittaient les siennes que pour te laisser respirer l’espace d’une seconde alors que tu resserrais instinctivement la prise de tes jambes sur lui, espérant d’une façon ou d’une autre de te rapprocher encore plus de lui. Tes bras encerclèrent son cou, alors que ta tête se pencha un peu de côté pour lui donner un meilleur accès.
Parler n’était pas ton fort, tu étais une femme d’action, de preuves, alors autant laisser parler tes gestes pour lui faire comprendre que, même si au départ cette rencontre était un jeu, maintenant, elle ne l’était plus, sous aucune forme ou aspect.
Ne pas juger un livre à sa couverture avait toujours été le mot d'ordre du jeune homme pour des raisons évidentes et, s'il avait montré en de nombreuses occasions qu'un individu pouvait être défini par bien d'autres choses que la malédiction dont il souffrait, il savait bien que bon nombre de ses concitoyens ne possédaient pas la même ouverture d'esprit que lui. Qu'y pouvait-il ? Il pouvait prouver action après action qu'il y avait plus à voir chez lui qu'un pouvait bien le croire, mais au final il n'était qu'un seul homme et tous ses efforts ne permettraient jamais de changer la nature-même de l'être humain. Il n'avait pas toujours été aussi, aussi libre, aussi souriant face à la vie malgré les épreuves passées et, s'il n'avait pas besoin de le dire, jadis il avait exactement été comme la belle tout contre lui. Jadis, à peine quelques années plus tôt, une décennie tout au plus, Kyoshiro Tadake avait été un instrument au service de Konoha et n'avait vécu que dans le seul but d'accomplir son devoir et de prouver sa valeur à tous ceux qui avaient, un jour douté de lui. Une revanche sur la vie ? Un pied-de-nez à la malédiction qui l'accablait ? Un peu des deux et, s'il n'avait jamais oublié son objectif premier, protéger sa jumelle, pendant un temps il n'avait vécu que pour et par son travail. Jadis il avait froid, implacable, parfois cruel et d'une inhumanité sans nom au nom de la sacro-sainte mission qui lui avait été donnée mais toues ces certitudes, tous ses principes étaient tombés en lambeaux lorsqu'il avait ramené chez lui le corps froid de son frère d'arme et ami depuis...beaucoup trop longtemps. Ce jour-là une partie de lui était morte elle aussi, réalisant ce que signifiait l'ultime sacrifice de l'existence d'un shibobi et, surtout, le vide que cette disparition laisserait dans le cœur de ses proches. Voulait-il mourir ? Non. Était-il prêt à le faire ? Plus que jamais mais cela ne voulait pas dire faciliter le travail de la Grande Faucheuse pour autant. La mort avait emporté une partie de son âme et c'était dans ce vide béant qu'étaient venues s'enfouir sa rage, sa colère, sa froideur et son inhumanité : toutes ces sources dont se servaient bon nombre de guerriers pour alimenter leur esprit combatif. Il avait comme elle jadis, acceptant le fait d'être une simple arme au service d'une cause bien plus grande que lui et avait accepté de tuer vieillards, femmes et enfants si cela pouvait aider à la réalisation de sa mission du jour. Dés la fin de la mission remontaient à la surface mais il avait toujours tôt fait de trouver un moyen de faire taire ces voix et de mettre un pied devant lui, en faisant semblant que tout allait bien comme d'habitude.
Le meilleur des acteurs ? Ou le pire ? Difficile à dire.
C'était justement parce qu'il comprenait ce qu'il se passait dans la tête de la demoiselle que le jeune homme ne se permettrait jamais de la juger mais, pour autant, il se sentit presque obligé de lui montrer qu'il y avait une autre façon d'envisager sa vie. Si lui, un boulet inutile, avait réussi à survivre à la vie alors qu'elle n'avait été qu'une sacrée garce envers lui, alors pourquoi Sayuri ne le pourrait-elle pas ? Il pouvait lui montrer la voie, lui faire entrevoir la possibilité d'un bonheur éventuel à portée de main, bonheur dont il pourrait peut-être faire partie, mais le choix de prendre cette main devrait être fait par la belle. Elle et elle seule. Pendant un instant il la sentit hésiter, chercher ses mots et, même s'il ne le montra pas, il sentit une pointe de culpabilité venir percer sa cage thoracique avec la même douleur qu'une tige de métal chauffée à blanc. Il était conscient que le changement ne se faisait jamais sans douleur, qu'il était toujours difficile de tourner le dos à un mode de pensée inscrit dans son esprit depuis plus d'une décennie mais il se sentit mal face à cette hésitation, mal d'être la source de ce conflit interne. Il aurait voulu la rassurer, il aurait voulu ravaler ses paroles et remonter le temps pour que cette lutte cesse mais se retint, attendant de voir si ses mots avaient fait mouche ou non.
Il attendit donc patiemment, sentant son cœur se compresser de plus en plus d'appréhension, de tension, de...peur. Peur de quoi ? Du rejet ? De l'échec ? Peut-être, peut-être que d'une façon qu'il ne s'expliquait pas l'avis de cette femme comptait plus pour lui que ceux de celles qui s'étaient intéressées à lui par le passé. Pourquoi ? Ils ne se connaissaient à peine, avaient fait connaissance ce matin et, ce soir-là, ils étaient en train de partager une rare intimité sous le regard bienveillant de l'astre lunaire. Elle balbutiait, elle cherchait ses mots, elle était en lutte perpétuelle avec ses propres convictions et, au milieu de cette lutte, un seul mot attira les oreilles du jeune homme : Non. Non quoi ? Non ce n'était pas un jeu pour elle ? Il ne pouvait en être sûr mais, en attendant quelques secondes, en écoutant la belle Yamanaka tenter de former une réponse qui - bien que morcelée – allait dans ce sens là, le jeune homme eut sa réponse en sentant les jambes de la demoiselle se refermer autour de lui. Elle aurait pu le repousser, mettre fin à leur étreinte et s'éloigner de lui, elle aurait pu lui en vouloir pour ce discours intrusif et moralisateur sous certains aspects mais elle ne le fit pas, elle laissa tomber le masque et cet abandon fut ce qui surpris réellement le jeune Tadake au-delà de toute espérance.
Il s'était préparé à ce rejet comme il le faisait à chaque fois, prêt à ce que ses paroles tombent dans l'oreille d'une sourde mais, en la sentant tout contre elle, en sentant son parfum et sa présence réduire au silence sa conscience et la maîtrise de ses sens, il décida lui aussi de s'abandonner. Il lâcha enfin les rennes pour la première fois depuis...bien trop longtemps.
Leurs lèvres reprirent leur danse éternelle et, l'instant d'après, sentant sa partenaire répondre à son élan de passion par la même intensité, le shinobi sentit sa conscience s'envoler très loin alors que la boule de chaleur au creux de sa poitrine prenait des proportions gargantuesque. La belle lui dévorait les lèvres avec une telle intensité que sa mâchoire lui faisait mal mais il ne pouvait...non, il ne voulait pas s'arrêter. Chaque baiser était une promesse faite au futur, un murmure, une main tendue vers ce bonheur inaccessible : tout ce dont ils avaient besoin en ce moment-même. Bientôt, alors que son souffle commençait à manquer alors que sa passion commençait à atteindre des sommets rarement égalés pour lui – et c'était beaucoup dire pour un homme de sa trempe – l'homme sentit le sol se dérober sous ses pieds alors que sa passion, elle, réveillait une autre partie de son anatomie. Le genre qu'on ne pouvait ignorer, qu'on ne pouvait pas feindre de sentir...surtout au vu de leur proximité. Bien malgré lui, comme si cet échange intense drainait un peu plus de ses forces à chaque baiser, ses jambes l'abandonnèrent et il chuta en arrière, tombant vigoureusement sur l'herbe fraîche sans jamais lâcher prise. La douleur de la chute aurait pu le stopper, aurait dû le stopper mais il n'en fit rien, tout ce qu'il pouvait sentir était une chaleur montant de plus en plus jusqu'à presque le faire suffoquer. Mettant fin à cet échange passionnel l'espace de quelques secondes, assez pour que les deux puissent reprendre leur souffle, l'homme tenta de lutter face à cette chaleur grandissante en priant pour que le fraîche brise puisse maîtriser ses ardeurs plus qu'il n'était capable de le faire. Pendant cette courte séparation il leva les bras et, attrapant son t-shirt par le col, se débarrassa de ce seul bout de tissu avant de le lancer un peu plus loin, laissant au monde et à sa muse toute l'opportunité d'admirer ce torse impeccablement dessiné. Grand, fort, finement musclé, merveilleusement équilibré : presque parfait.
Oui, presque, car la perfection n'était pas de ce monde mais ce soir-là les deux amants s'en approchaient dangereusement.
Enfin débarrassé de ce bout de tissu, le jeune homme réalisa que si cette chaleur n'avait en aucun cas diminué c'était parce que sa source était ailleurs. Qu'à cela ne tienne, s'il ne pouvait pas lutter contre cette dernière alors il la laisserait le consumer jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de lui. Toujours assis par terre, la demoiselle le chevauchant probablement au vu de leurs positions initiales avant la chute, Kyoshiro redressa son torse pour faire de nouveau face à cette déesse avant de recommencer la danse de leurs lèvres. Cette fois-ci ses mains, désormais libres, prirent racines sur les cuisses de la demoiselle avant de remonter délicatement, doucement, avec une patience infinie et d'autant plus étonnante au vu de la chaleur qui menacer de le brûler vif. Chaque fibre de corps brûlait de désir, certaines plus sensibles que d'autres au vu de son anatomie, mais pour l'heure il n'y prêta pas attention.