Mirror, Mirror, Who is Dead? [Solo - Training]

Le corps pansé de long et en large, Nikkou déambulait avec langueur dans son appartement. Fantôme pris entre deux mondes, retenu sur terre sans pouvoir accéder à de plus grands exploits. Âme perdue, sans outre préoccupation que sa convalescence, il arpentait les mêmes couloirs encore et encore, en quête d’une énième distraction qui le sortirait de sa léthargie.

Les plaies encore ouvertes de son combat avec le Chef du Clan l’empêchaient d’œuvrer comme à l’ordinaire, le confinant dans ses quartiers, sous les regards acerbes des guérisseurs. Quelques jours plus tôt, il avait dû affronter la fine lame du borgne et ses illusions, qui avaient meurtri son corps et son âme de telle sorte à ce que même les meilleurs guérisseurs ne puissent le libérer de sa convalescence en quelques jours. Le laissant en ce jour comme une ombre de lui-même, vêtu d’un kimono blanc faisant office de tenue de nuit et confiné à ses appartements.

Au moindre pas, ses chaperons le guettaient d’un œil trop un peu trop persistant, voire intéressé. Eisei-nin aguerris, ils veillaient au moindre fait et geste du jeune Uchiha avec une discipline et un intérêt un peu trop marqués pour un médecin envers son patient. Visiblement, les ordres qu’ils avaient reçu étaient Il n’était plus seulement un soldat à remettre sur pied. Non. Désormais, il était un bien précieux du Clan Uchiha, et la carrière de ces gardes ou médecins dépendaient du soutien qu’il apporterait à cette ressource devenue rare au sein du Clan.

Et Nikkou de maugréer contre cette attention non-sollicitée, qui l’empêchait de retourner à l’entraînement et l’obligeait à arpenter les quelques lattes de bois de ses appartements sous le regard espiègle du Clan. Le prix du pouvoir avait donc été sa liberté. S’il avait été redevable à ses maîtres pour lui avoir appris si tardivement les arts du Dojutsu, désormais il leur avait certes rendu la pareille. Et ils étaient bien prêts à réclamer leur dû, qu’importent les désirs de leur subalterne. On le gardait alors sous garde, s’assurant qu’il n’irait pas aggraver ses blessures par quelques folies éveillées de concert au pouvoir ténébreux.

Pour avoir la paix, seulement quelques secondes de répit, Nikkou se déplaça alors de peine et de misère jusqu’à la salle de bain. Laissant couler l’eau pour ne pas attirer les gardes, Nikkou se regarda un instant dans le miroir, jaugeant les nombreuses marques encore suintantes qui seyaient ses épaules. Les plaies encore douloureuses menaçaient de s’ouvrir à tout moment, souvenir cuisant de sa défaite face à Uchiha Kagami, mais marques également de ses exploits.

Le corps en lambeau et l’esprit dans un étau, Uchiha Nikkou exprimait tout de même une certaine fierté de cette condition, signe indiscutable de ses accomplissements. Le combat lui avait certes coûté cher, le confinant au lit pendant quelques jours, mais il lui avait rapporté beaucoup plus. Alors devant la glace, il éveilla d’un simple effort de volonté le fruit de son labeur. Le Sharingan. Les paupières s’ouvrirent alors sur un regard carmin, au sein duquel baignaient trois virgules noires, chacune finement taillée dans l’iris de sang. Fasciné, Nikkou admirait avec un intérêt délicat le nouveau regard que lui administrait son reflet, fleurs pourpre aux pétales pleinement développées.  

Pendant un instant, Nikkou admirait le reflet de ses yeux démoniaques, à peine conscient de la puissance dont ils étaient porteurs. Il détaillait chaque trait, usant des facultés analytiques de sa propre pupille pour l’analyser et tenter d’en percer les mystères encore inédits. Trop rarement avait-il ne serait-ce qu’aperçu ce regard auquel pourtant ses ennemis le reconnaissaient. Et pendant un instant, il eut peine à lui-même se reconnaître, à associer ce regard de tueur à la personne qu’il apercevait habituellement dans le miroir, confronté pour une première fois à sa véritable nature.

Et cette constatation le peinait. Le reflet que lui jetait à la figure ce miroir n’était pas celui qu’il aurait cru un jour être confronté. Les pupilles carmines, encadrées de ses cheveux de jais ébouriffés et soulignés par la carrure sévère de sa machoire, le qualifiait comme ce qu’il avait pendant tant d’années tenté de fuir. Un Uchiha. Dans toute leur splendeur létale, leur ténébreuse arrogance et leur sourde puissance. Après tant de temps à tenter d’échapper à ce destin, le miroir lui renvoyait exactement l’image qu’il s’était promis d’éviter.

Un bref moment, il pu voir dans le miroir le reflet de ses anciens coéquipiers le fixer de leur inquiétude et de leur désapprobation. Danzo, Sai et Shin. Les seuls qu’il n’avait jamais considéré comme une véritable famille. Et la source même du pouvoir qu’ils désapprouveraient aujourd’hui. Mais ils n’étaient plus là. Plus là pour le ramener sur un chemin moins escarpée. Plus là pour éviter que la lumière qui brillait encore dans son regard soit une fois pour toute engloutie par la noirceur qui couvrait. Plus là pour lui dire d’arrêter cette quête absurde de vengeance et de retrouver enfin la vie qu’il avait chérie pendant si longtemps.

Il ne restait plus que lui. Seul, lui et son reflet. L’un et l’autre s’admirant, obnubilé par ces pupilles pourpres qui avaient marqué jusqu’à l’histoire du Sekai, mais qui pour Nikkou ne symbolisaient que la perte de ses êtres les plus chers.

« Si seulement ils étaient encore là… »

Le commentaire marmonné quitta à peine ses lèvres pour se faire emporter dans les clapotis de l’eau qui continuait de couler. Mi-confession, mi-prière lancée à l’univers dans une ultime tentative de réparer ses erreurs passées. Mais formulé avec une telle douleur, un manque tellement poignant, qu’elle éveilla en lui l'instinct primal de survie. Le réflexe premier du corps humain, se braquant contre la douleur et la crainte et pomper dans une réserve d’énergie inconnue pour atténuer les malheurs.

Au bord du gouffre, continuant d’admirer son propre reflet jusqu’à ce que peu à peu il sombre dans la folie grandissante qu’annonçait le déploiement de la dernière virgule du Sharingan, Nikkou fut dérangé, ou sauvé, par la porte qui s’ouvrit dans un fracas monstre. Shinobi jusqu’au bout des ongles, Nikkou fit un bond et se retourna, prêt au combat, la douleur lui arrachant uniquement un petit gémissement alors que ses blessures s’agrandissaient sous l’effort.

La porte ouverte avec fracas, le jeune Uchiha n’eut pas le temps d’enregistrer les visages des personnes qui lui bondirent dessus, le prenant dans leurs bras avec une fermeté qu’il connaissait trop bien. Et avant même qu’il ne reconnaisse les personnes qui avaient envahi le petit espace dans lequel il s’était isolé, il reconnu l’exclamation des trois voix discordantes.

« Nik!! »

Kurohime-sensei. Daiya. Et Saika. Les trois membres de son équipe étaient revenus à la charge dans son monde, le coupant de toute contemplation du pouvoir Uchiha pour retrouver la chaleur des jours heureux.

La chaleur de leur corps. La fermeté de leur bras. La douceur de leur étreinte. Uchiha Nikkou ne peut résister aux promesses d’un tel bonheur et il enserre avec une passion renouvelée ses alliées et amies de toujours qu’il a enfin retrouvées. Les yeux pleins d’eau, il se retient de verser la moindre larme et sert au contraire plus fort les trois jeunes jeune femmes, les ramenant se reposer contre son corps qui depuis trop longtemps dépérit de solitude. Alors, Nikkou peut enfin respirer une odeur familière, mélange printanier de fleurs et de quelques agrumes dont les notes lui parviennent des trois têtes reposées contre son torse.

Plus grand que les trois Kunoichi, Nikkou laisse glisser un sourire alors qu’il reconnaît la coupe garçonne des cheveux noirs de Dayia comparé aux longs cheveux bouclés de Saika, jolie blonde plantureuse qui a toujours su lui faire de l’œil. Et en retrait, un peu plus grande que les deux autres, la longue chevelure soyeuse d’un blanc fantomatique de sa Sensaï. Les trois femmes de sa vie, enfin retrouvée, en chair et en os.

Elles sont bien là, avec lui, dans ce monde de cauchemars et de douleur. Enfin présentes pour lui apporter quelques douceurs dans ce monde de peines et de misères. Elles sont de retour, et plus jamais il ne les laissera partir. Il les protègerait quitte que coute. Pas comme la dernière fois. Non, il ne ferait pas la même erreur. Il saurait les protéger cette fois-ci.

Et alors que les souvenirs affluent et qu’il se promet de les protéger une nouvelle fois, la réalisation de son échec et de la défaite lui survient. Il les avait déjà failli et sa faiblesse les avait déjà trahi. Et rien ne pouvait y remédier. Alors, peu à peu, l’illusion se brise. Les odeurs se fanent, le touché se délétère et les voix s’effacent alors qu’il comprend qu’il est toujours seul. Le mal est fait depuis longtemps.

Alors il se retrouve de nouveau devant la glace, son regard plongé dans le sang reflété dans les iris de ses pupilles démoniaques. L’illusion lancée entrain de se déliée dans son esprit qui refuse désormais de se laisser berner, qui refuse de se laisser aller à des jeux aussi simplets. Et Nikkou de conjurer ainsi les forces obscures de la lignée maudite des Uchiha, de piocher dans la folie et la puissance brute qui couvraient lors de l’éveil du troisième tomoe.

Une nouvelle fois alors encore, il entend la porte s’ouvrir avec fracas et la même exclamation joviale.

« Nik!! »

Encore ces trois mêmes voix, qu’il chasse d’un effort réfléchi, se refusant de tomber une nouvelle fois dans le panneau de ses propres désirs…mais ce, contre sa propre volonté, espérant encore qu’un jour il pourrait vivre dans le déni. Insufflant de ce fait une quantité de chakra d'autant plus dangereuse, et ajoutant à chaque désir une nouvelle vision, un nouveau besoin, dans une confusion qui s'enchevêtre dans une peinture complexe dont même lui a du mal à voir le sens.

Le jeune Uchiha lutte encore une fois contre cette conjuration forcée, expression de ses désirs refoulés et de la nouvelle puissance de ce Dojutsu qu’il a osé confronter de son regard impétueux. Il sait pertinemment que ces trois jeunes femmes sont fausses, quelques chimères invoquées par son esprit tourmenté et son don maudit.

« Kurohime-sensei. Dayia. Saika…je vous aime. »

Laisse alors échappé le jeune Uchiha avant de fermes les yeux pour les laisser partir, alors que déjà, sans même qu’il n’ait besoin de se retourner pour affronter ces fantômes, l’illusion commence à se dissiper et qu’il ne réalise qu’il est toujours seul, dans cette salle de bain, à contempler son propre reflet. Mais son esprit confus se perd entre désir et réalité, entre lâcher-prise et contrôle. Dans la foulée de ses émotions, il se perd de croyance à croyance, alors qu'elles se superposent dans une pyramide bancale qui menace de tomber à tout instant, avec toute sa sanité.

« Nikkou…enfin tu nous reconnais. Tu peux enfin nous voir. »

La voix suppliante et ébranlée de sa senseï, la belle et plantureuse Kurohime, lui parvient comme une claque en plein visage. Nikkou ouvre alors les yeux sous le choc, pour contempler la même salle de bain, mais la Sorcière de Konoha penchée à ses côtés, une main sur sa joue et l’autre tenant un rasoir.

Surpris, Nikkou regarde de droite à gauche et aperçoit les roues seyant le fauteuil dans lequel il repose, retenu par des sangles pour ne pas basculer. Incrédule, il reporte son regard sur le miroir devant lequel est accroupie sa mentor et admirer la scène. Derrière lui, Daiya et Saika le fixe d’un regard ému, les larmes coulant déjà doucement entre quelques sanglots qui ressemblent étrangement à son nom.

« Nikkou…oui, c’est nous. Tu te réveilles enfin. Tu es enfin sortie de ta léthargie. »

« Nikkou…nous pensions t’avoir perdu à jamais. Après l’explosion dans la forêt, tu ne t’es jamais réveillé. Nous pensions… »

« Mais tu es là maintenant…tu nous es revenu. Nous sommes enfin de retour comme avant. »

Abasourdi, incapable de dire un mot, les larmes perlent aux yeux du jeune Uchiha alors que son regard se porte tour à tour sur les trois femmes de sa vie qui le couvre de leur amour et qui ont été avec lui pendant cette triste période de sa vie. Une nouvelle fois, son regard se porte sur le large miroir qui les observe de sa clarté cristalline et il sent son cœur se réchauffer d’une telle scène.

Elles sont toutes les trois à son chevet, depuis nombre d’années à attendre qu’il se réveille et enfin pose les yeux sur elles. Et enfin, ce jour est arrivé et il peut admirer la scène dans le miroir, lui entouré des personnes les plus importantes dans sa vie. Les larmes s’échappant tranquillement de ses yeux marrons, qui plus jamais ne prendraient une teinte sanguinaire.

Le choc est brutal, invasif. Il sent une force inconnue le remplir, couler dans ses veines et forcer son chemin dans tout son corps, perturbant jusqu’au noyau de son être. L’énergie étrangère envahi son corps et son esprit, alors que le monde qui l’entoure éclate dans un bruit sourd, tonnerre silencieux qui gronde fait trembler les murs de la réalité.

Alors, Nikkou ouvre les yeux sur la même salle de bain, mais sur une scène différente. L’eau continue de s’écouler dans la baignoire, désormais pleine, se déversant en larges cascades sur le sol et ce jusque dans le couloir dont la porte a été défoncée. Le jeune ténébreux sent la main étrangère posée sur son épaule le relâcher, alors que son système de chakra a repris son cour normal. Le Eisei-Nin Uchiha à ses côtés s’écarte alors un peu et le fixe avec un mélange d’intérêt et de désapprobation.

« Nikkou-san. Nous avons bien failli vous perdre. Quelle idée avez-vous eu de vous lancer pareil Genjutsu avec toute la puissance du Sharingan à trois tomoe? Même une intervention forcée de la part de deux Shinobi n’a permis que de justesse de vous sortir de l’illusion. »

Confus, Nikkou baragouine quelques inepties en refusant de comprendre. Comment? Pourquoi? Jamais il n’a lancé pareille technique. Il se souvient clairement avoir éveillé son Sharingan et l’avoir fixé dans le miroir, analysant le changement survenu dans ses pupilles, mais sans plus.

« Le Conseil nous avait informé qu’il vous avait enseigné le Magen : Utaka récemment. Et heureusement, il savait que l’éveil du troisième tomoe pouvait survenir avec quelques pics de puissance, le temps que votre chakra s’habitue à une telle puissance. »

L’illusion démoniaque éphémère. La technique de Genjutsu phare des Uchiha, capable de berner le plus dangereux guerrier en défiant l’existence même de la réalité et en offrant à celui qui le détenait, le contrôle complet des évènements qui survenaient dans la tête de l’intimé. Mais comment avait-il pu se le lancer lui-même?

« Ne vous inquiétez pas Nikkou-san, encore quelques jours et vous serez rétabli. Il est normal que vous soyez dans un état second. Depuis plusieurs jours, vous êtes dans un état de semi-conscience, vous déambulez dans l’appartement sans rien dire et sans rien faire. Le Conseil inquiet de votre disparition malgré les nombreuses convocations nous a dépêché pour veiller à votre rétablissement. Et depuis, tout ce que vous avez réussi à articuler est que vous étiez sous garde forcée. Les nombreuses blessures et l’éveil du Sharingan semblent vous avoir affecté, vous laissant dans un état de demi-conscience doublée de paranoia. Mais tout devrait bientôt être rétabli. »

Peu à peu, il se souvient avoir vu son reflet former des mudras et ses lèvres former les paroles de l’incantation démoniaque. Le souvenir de la conjuration de son chakra et de l’invocation des images des personnes qu’il avait perdu. Tout c’était bousculé dans le capharnaüm qu’était devenu son esprit, les illusions s’enchevêtrant l’une par dessus l’autre sous sa confusion et formant différentes couches d’illusions, jusqu’à s’empiler pour former un scénario dont il ne pourrait plus s’échapper. Un mélange d’instinct et de folie qui lui avait permis un bref instant de la réalité qu’il fuyait déjà. La puissance du Sharingan à trois tomoe n’avait donc d’égale que la folie à laquelle il menait.

Technique acquise: